Tout portait à croire que c’en était fini de Project Zero, qui signait en 2015 un retour clivant sur la Wii U, console déjà morte depuis un petit moment. Pourtant, ce cinquième volet récidive cette année dans une version améliorée à destination de tous les supports du marché, ancienne comme nouvelle génération. Une sortie désespérée, qui sonne comme le chant du cygne d’une série ayant pourtant fait les beaux jours de l’ère PlayStation 2.
Difficile de deviner ce qu’espérait Koei Tecmo en faisant revenir d’entre les morts Project Zero : La Prêtresse des Eaux Noires, surtout au cours d’une année ayant vu se succéder Resident Evil Village et Alan Wake Remastered. Pourtant, on peut toujours espérer que le développeur ait repensé son jeu pour lui offrir une version définitive, faisant véritablement honneur à la licence mythique dont il est le dernier représentant.
Conditions du test : Nous avons joué une quinzaine d’heures sur une PlayStation 4 Pro. Ce fut suffisant pour boucler l’histoire dans le mode de difficulté normal.
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ToggleLa trinité du Survival Horror
Si aujourd’hui on se rappelle très clairement de Resident Evil 4, qui a complètement bousculé le genre du Survival Horror, mais aussi le Third Person Shooter, il ne faut pas oublier que la PlayStation 2 a pourtant eu droit à d’excellents jeux d’horreur qui n’ont rien à envier au blockbuster de Capcom. Et à ce sujet, il faut reconnaître que les japonais ont complètement monopolisé le marché, malgré quelques projets intéressants en Occident, notamment The Suffering ou Cold Fear. Silent Hill, Forbidden Siren et Project Zero formaient une véritable trinité du Survival Horror sur PlayStation 2, avec des atmosphères parfaitement glaçantes et des idées de gameplay innovantes.
Et on pourrait presque croire que Resident Evil a tué ces trois licences. Parce que d’un coté, Silent Hill, qui jouissait pourtant d’une renommée planétaire, n’a jamais réussi à se relever en terme de qualité lorsqu’il a fallu passer sur consoles HD. De l’autre, Forbidden Siren s’est tristement éteint après un troisième volet plutôt réussi, exclusif à la PS3. Quant à Project Zero, que nos amis anglophones connaissent sous le nom Fatal Frame, l’histoire est un peu plus longue et moins tragique, mais se termine malgré tout par une déception.
Après deux épisodes sur Nintendo Wii, que l’on peut aisément placer dans le top des jeux d’horreur du catalogue de la console, Project Zero revient sur Wii U en 2015 avec La Prêtresse des Eaux Noires. Un titre qui reçoit un accueil critique assez froid, et dont on peut imaginer les ventes catastrophiques, au même titre que le support mort-né sur lequel il sort. C’est pourtant bien ce cinquième jeu qui revient ce mois-ci, dans une version que Koei Tecmo nous présente comme améliorée, à destination de consoles toutes nettement plus puissantes que la Wii U.
Au rayon des nouveautés, on notera que cette version de 2021, est plutôt avare. Elle a certes connu un petit lifting, mais nous y reviendrons plus tard, toutefois on ne peut pas vraiment parler de valeur ajoutée. Seuls quelques costumes guère intéressants sont à débloquer in-game, avec les points que l’on obtient en terminant les niveaux. Un mode photo est aussi de la partie, plutôt complet de surcroît, mais son intérêt ne saute pas aux yeux. Notez tout de même que, sans ajouts majeurs, la durée de vie de ce Project Zero : La Prêtresse des Eaux Noires est tout à fait convenable, puisqu’elle tourne entre treize et seize heures en mode normal.
Question d’ambiance
S’il ne fallait retenir qu’une seule chose de Project Zero : La Prêtresse des Eaux Noires sur Nintendo Wii U, ce serait son ambiance. La série était déjà connue pour cela sur PlayStation 2, et rivalisait avec les excellents Forbidden Siren et Haunting Ground dans la catégorie malaise morbide. Ce cinquième volet reste dans la droite lignée de ce que proposaient les précédents, avec un postulat qui vous glace le sang d’office, ainsi qu’une manière originale d’aborder l’horreur. Il faut dire que c’est le cinéma japonais qui inspire les développeurs, et cela se ressent très clairement !
Tout débute par une histoire de montagne hantée, réputée pour être un véritable mouroir. Une zone dans laquelle se rendent tous les suicidaires de la région, depuis un temps indéfini, afin de mettre fin à leurs jours. Mais c’est aussi une énigme, puisque nombreux sont les gens à y avoir tout bonnement disparu, alors qu’ils ne présentaient aucun signe de démence ou de déprime. La légende veut même que quiconque grimpera ses sentiers à la tombée de la nuit ne sera jamais retrouvé. Ce qui ne semble pourtant pas faire peur le moins du monde à nos trois protagonistes.
On peut dire que l’ambiance n’a pas pris une ride dans cette version remasterisée. Le titre est toujours déconseillé aux moins de 18 ans, et il n’est pas difficile de comprendre pourquoi. Que ce soit au niveau de la peur en elle-même, des choses atroces qu’il évoque, ou bien du coté des effets sanglants, ce Project Zero frappe fort et parvient très souvent à viser juste. Les nombreux jumpscares ne fonctionnent pas toujours, mais certains sont à vous faire bondir de votre canapé. Bref, comme chacun des opus précédents, il n’est pas question de mettre La Prêtresse des Eaux Noires entre les mains de n’importe qui. Certains n’en dormiraient plus la nuit.
Quelques bonnes idées sont aussi à noter du coté du gameplay. Le fait que l’on puisse se faire attraper par un ectoplasme lorsque l’on se penche pour ramasser un objet fonctionne plutôt bien. On se prend même à délaisser certains items de peur de se faire encore avoir. Quant à l’utilisation de la Camera Obscura, un appareil photo permettant de voir les morts et de leur infliger des dégâts, elle est plutôt intelligente. Sur Wii U, c’est le Gamepad qui nous permettait une vue à la première personne, et désormais on se sert simplement de notre manette. Ce qui est nettement plus intuitif, mais aussi plus facile et rapide à utiliser. D’autant que les pads actuels ont toujours droit à une fonction gyroscopique !
Là où le bât blesse
Malheureusement, tout ce que l’atmosphère exceptionnelle apporte de bon, les autres éléments de Project Zero : La Prêtresse des Eaux Noires les sucrent purement et simplement. On adore ce sentiment d’être observé dans la nuit, perdu au milieu d’une forêt où le sound design glaçant n’a d’égal que la peur de tomber à nouveau sur un ectoplasme contrarié. Mais l’on est trop souvent sorti de force de ce cauchemar sanglant par des problèmes catastrophiques qui gangrenaient pourtant déjà la version Wii U.
La réalisation était déjà datée en 2015, et ce ne sont pas les quelques améliorations sommaires apportées par cette version de 2021 qui corrigent le tir. Le jeu est tout simplement laid de bout en bout, malgré une direction artistique somme toute réussie. On ne va pas s’amuser à vous lister tout ce qui ne va pas à ce niveau, mais on pourrait au moins citer les expressions faciales inexistantes, les animations incroyablement lourdes ou encore la distance d’affichage ridicule. Idem, les balades en forêt sont effrayantes, mais c’est trop souvent le level design dirigiste, les décors atrocement vides et les problèmes de caméra qui nous glacent le sang.
Quant à l’aspect scénaristique du titre, on peut clairement parler de désastre, là encore. La faute à une mise en scène qui fait, la grande majorité du temps, le strict minimum, alors qu’elle parvient à être véritablement poignante quant elle cherche à nous faire peur. Enfin c’est surtout la narration qui fait peine à voir, avec une profusion de textes favorisant rarement l’angoisse, ou encore des personnages mous et complètement inexpressifs, tant dans leurs animations que dans leurs doublages. On n’attend évidemment pas le titre sur son histoire, mais on aurait aimé que le développeur fasse un minimum d’efforts sur ce qui l’enrobe.
Le pire reste encore à venir, puisque c’est le gameplay le véritable antagoniste de ce Project Zero. Les déplacements sont d’une lourdeur affligeante et devoir tourner sur soi-même est un challenge à la limite du supportable. Ce qui tombe plutôt mal, puisqu’il va falloir faire de nombreux et agaçants allers-retours dans cet environnement que l’on finit par connaître comme notre poche. Le mapping des touches est aussi à revoir, d’une part puisqu’il fourmille d’idées contre-intuitives (comme courir en appuyant sur L2 ou ouvrir une porte avec Rond), d’autre part puisque les développeurs ont assigné R2 au ramassage des objets et à l’indication du chemin à suivre. Vous imaginez bien que l’on a vite fait de s’emmêler les pinceaux…
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