En 2022, le développeur a le vent en poupe, avec son DOOM Eternal qui cartonne, mais il fut un temps où id Software connaissait une petite traversée du désert. Et ce n’est pas faute de projets, puisque, entre 2004 et 2009, l’entreprise américaine sort quatre jeux. Mais DOOM 3, qui s’annonçait comme le renouveau du FPS, ne connaît pas le succès escompté, la faute à une dimension horrifique malvenue et à tout l’aspect Fast FPS qui saute. Quant à Quake 4, la presse ne donne pas cher de sa peau, ce qui ne jouera pas en la faveur de Quake Wars et Quake Live… Pourtant, en 2011 se produit un petit miracle : id Software revient sur le devant de la scène avec une nouvelle licence, Rage !
Un titre qui s’annonce dynamique, énervé, gore et jouissif, le tout en n’oubliant pas d’être beau et moderne. Le studio texan tenait-il enfin le jeu qui le sortirait de l’oubli ? Mais, plus important encore, celui-ci réussirait-il à faire oublier DOOM ? Rien n’était moins sûr, et pourtant, avec onze ans de recul, on peut le dire, Rage a changé beaucoup de choses. S’agissait-il pour autant d’un succès sur tous les fronts ? C’est ce que nous allons tâcher de voir dans ces quelques lignes, au risque de laisser la passion s’exprimer…
Conditions du test : Nous avons (re)fait le jeu sur Xbox Series X via le Game Pass. Il nous a fallu une douzaine d’heures pour boucler cette run, en ayant avalé une très grosse partie du contenu annexe.
Sommaire
ToggleAdieu DOOM, bonjour Rage ?
Si aujourd’hui on sait que id Software n’a pas abandonné DOOM, puisque le reboot de 2016 lui a fait connaître une nouvelle heure de gloire, en 2011 cependant, rien ne semblait moins sûr. Il faut dire que DOOM 3 n’a pas convaincu grand monde. Certes, le jeu n’est pas mauvais. Il est même plutôt bon dans son genre, avec son ambiance oppressante réussie et ses bonnes sensations de shoot. Mais ce n’était pas DOOM. Du moins pas tel qu’on le connaissait, tel que les joueurs l’attendaient. Et si certains irréductibles s’accrochent à cet opus et à sa suite qui ne vit jamais le jour, la grande majorité s’accorde sur le fait que le jeu de 2016 est la meilleure chose qui soit arrivée à la série.
Mais en attendant de trouver ce concept et de le développer, id Software devait bien remplir les caisses. Et puisque Quake s’essoufflait à son tour, le choix de la nouvelle licence semblait s’imposer de lui-même. C’est ainsi qu’est né Rage. Un titre qui ne renie pas l’identité visuelle de DOOM et de Quake, tout en s’émancipant de ses grands frères à grands coups de post-apo à la Mad Max, de grain de folie à la Borderlands, et de gunfights sérieusement bourrins, sur lesquels ne cracheraient pas Black et Painkiller. Une recette qui, sur le papier tout du moins, a de quoi faire saliver les amateurs de jeux de tir en vue subjective.
Mais les choses partent mal avec l’histoire de Rage, qui semble se prendre beaucoup au sérieux, et ne pas raconter grand chose pour autant. La planète Terre a essuyé une guerre dont on ne sait pas grand chose, mais qui a des chances d’avoir été nucléaire puisque des races mutantes ont émergé. Avant cela, l’humanité avec un grand H a envoyé de nombreuses arches dans l’espace, avec à leur bord des hommes et des femmes dont le but serait de reconstruire après l’apocalypse. Manque de chance, vous étiez sur l’une de ces arches visiblement défaillante, qui s’écrase au milieu du désert. En sortant, vous constatez bien vite que vous semblez seul dans votre situation…
Il serait réducteur de dire que le propos de Rage n’a aucune ambition, c’est vrai, notamment parce que ses inspirations et son point de départ lui confèrent une ambiance efficace. Cela étant, ce n’est pas son histoire que l’on retient une fois devant les crédits. Celle-ci est malheureusement trop convenue, trop prévisible, et trop inintéressante sur la longueur. Par ailleurs, on peut clairement dire que ses enjeux sont oubliables. Autrement dit, on a vite fait de ne plus écouter ce que nous racontent les PNJ qui nous tendent les nouvelles quêtes, trop pressé de retourner au front, charcuter du bandit et des mutants par paquets de douze, voire profiter de son univers accrocheur. Ce qui, en soit, est peut-être bien une petite réussite…
Au gameplay les grands remèdes
Au moment où tout le monde commence à faire du monde ouvert, notamment sous l’impulsion d’un Assassin’s Creed II adulé (Far Cry 3 n’arrivant pas avant un an), id Software prend la tendance à contre-pied avec Rage. Celui-ci dispose de deux zones, certes assez vastes, mais qui ne serviront concrètement que de HUB pour se rendre d’une mission à une autre. Rien de plus, rien de moins. Le petit twist qui donne toute sa saveur à cet espace qui, sans ça, aurait semblé cruellement vide et inutile, c’est la conduite de véhicules. Non content d’être jouissif dans ses gunfights, Rage l’est aussi dans le pilotage de ses bolides, et dans ses joutes mécaniques.
Cela dit, le cœur du jeu demeure malgré tout le shoot, et le développeur ne l’a pas oublié une seule seconde. Ainsi, les sensations manette en main sont grisantes, surtout parce que le feeling des armes, dont le nombre est satisfaisant par ailleurs, est tout bonnement excellent. Ce que les animations des adversaires viennent alimenter, puisqu’on ressent clairement la puissance de nos pétoires dans les cascades que leurs corps désarticulés effectuent avant de s’écraser au sol. Idem pour les explosions de chair. On est sur un mélange étonnant entre le gameplay d’un Call of Duty 4 : Modern Warfare, et celui d’un Quake, or le résultat fonctionne étrangement bien.
Rage marque le retour de id Software sur du Fast FPS, après que le studio ait délaissé le genre avec DOOM 3 et Quake 4. Le titre est donc, en plus de bourrin et jouissif, très dynamique. Ce qui vaut autant pour ses phases d’action que son rythme en général. Les missions ne sont pas très longues, mais sont intenses et vont crescendo dans le challenge et l’aspect explosif. Même le début de jeu, que l’on peut apparenter à un tutoriel comme chez beaucoup d’autres, se bâcle asse rapidement, nous laissant finalement entrevoir le vrai potentiel du gameplay en moins d’une heure. C’est le temps qu’il faudra pour se rendre à Wellspring, première grosse ville de l’univers.
En dépit de son HUB qui sort un peu de l’ordinaire, du moins sur sa génération, Rage est construit d’une manière assez académique, avec une montée en puissance et en difficulté palpable. Il est par ailleurs découpé en deux parties distinctes, se déroulant concrètement sur deux maps différentes. La première est de loin la plus réussie, avec son désert ensoleillé et ses vieilles bâtisses démolies. La seconde est un brin redondante, avec ses décors ternes et ses ennemis inutilement résistants. Mais elle a la riche idée de nous doter de nouveaux outils, notamment de petits robots à crafter qui changent radicalement notre manière d’aborder les gunfights. Ceci étant dit, on attend encore un boss final digne de ce nom…
En avoir pour son argent
En ligne droite, Rage n’est pas exceptionnellement long, puisqu’il se boucle en dix à douze heures sans se presser. Il a tout de même un certain contenu annexe à proposer, avec quelques quêtes qui s’intègrent pas trop mal dans l’aventure principale, ou encore un jeu de cartes à collectionner et des courses brutales de bolides à la Mad Max (qu’il réussit étrangement mieux que le jeu éponyme de 2015). Le tout est pourvu d’un enrobage très réussi, plus détaillé que la majeure partie de ses congénères de l’époque, ce qui explique que le titre tienne sur trois CD sur Xbox 360. Installez le sur votre disque dur et vous aurez droit à des textures globalement fines, des temps de chargement courts, et une fluidité certaine. Ne le faites pas, et vous aurez tout l’inverse. Avec en sus des textures qui mettent plusieurs secondes à s’afficher. Le choix est vite fait.
À coté de cela, quelques choix de game design demeurent discutables. Par exemple, Rage embarque un système de craft très simple d’utilisation, qu’il n’est par ailleurs nullement obligatoire d’utiliser. Mais qui sera très utile dans les modes de difficulté les plus élevés. Pourtant, le développeur a disséminé des babioles partout dans les décors. De quoi nous faire perdre un temps fou à tout récupérer, ce qui a de quoi être frustrant dans un jeu qui se veut aussi dynamique. On peut le dire sans gêne, cette mécanique tue le rythme sur la durée, pour peu qu’on lui accorde de l’attention. Ce qu’on aurait tendance à vous déconseiller si vous ne jouez pas en difficile.
Ne pas faire du monde ouvert était culotté, c’est vrai. Mais partir sur des environnements incroyablement linéaires n’était peut-être pas la meilleure des idées pour autant. On a rapidement le sentiment d’évoluer dans des décors trop fermés, malgré quelques panoramas à couper le souffle, mention spéciale à la direction artistique sublime, et le level design général laisse un peu à désirer. Notamment parce qu’il est souvent conçu comme dans un cover-shooter… alors que Rage ne propose pas de système de couverture. Par ailleurs, la faible mobilité de notre personnage est assez frustrante, surtout couplée à celle des ennemis, qui sautent dans tous les sens et s’accrochent à différents éléments du décor.
Toujours question de mobilité, notre personnage s’essouffle bien trop vite, comme s’il souffrait d’asthme, ce qui fait sourire en début de partie, mais agace dans les niveaux les plus avancés. Surtout en ville, en fait, puisque l’on aimerait se rendre rapidement à nos objectifs. Nul besoin de réalisme dans un jeu comme Rage, cela va sans dire. Mais le plus gros défaut, et il sort un peu de nulle part, c’est l’absence quasi totale de checkpoints. Le titre ne sauvegarde pas tout seul, ou du moins vraiment pas souvent, vous poussant à le faire manuellement si vous ne souhaitez pas recommencer loin en arrière au moindre décès. C’est à se demander à quoi pensait id Software au moment de coder cet aspect du jeu…
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