L’actualité vidéoludique n’est pas toujours joyeuse, n’en déplaise à ceux qui la suivent de loin. Ainsi, récemment nous apprenions que malgré une abnégation sans borne de la part de American McGee, un créateur de renom, son dernier projet en date, version très noire de Alice au Pays des Merveilles, ne verrait pas le jour. Une déception pour beaucoup, et une incompréhension vis-à-vis de Electronic Arts, qui a refusé de financer le soft sans donner d’explication véritablement satisfaisante. Qu’à cela ne tienne, l’ancien développeur de id Software n’est pas le seul à s’inspirer de Lewis Carroll.
Studio indépendant basé à Toronto, Cococucomber est loin d’en être à son coup d’essai, puisque Ravenlok est son cinquième jeu. Malheureusement, je serais bien incapable de vous parler des précédents, dont je n’ai jamais entendu parler, à l’exception de Echo Generation, dernier en date, dont le visuel avait quelque chose de fort intéressant. Et cela tombe bien, puisque Ravenlok reprend le même moteur, et un univers très similaire, pour un résultat qui, il faut le dire, en jette beaucoup dans la vidéo de gameplay disponible avant la sortie.
Vous l’aurez compris, le soft s’inspire énormément de l’œuvre de Lewis Carroll, bien que le développeur cite aussi Tolkien, prenant de très vastes libertés sur le matériel d’origine pour trouver son identité propre. Et rien qu’en cela, avec l’actualité citée précédemment, on serait tenté de plonger sans réfléchir dans l’aventure, histoire d’y chercher un brin de réconfort. Reste à savoir si Ravenlok a les épaules pour cela, et de manière plus générale, s’il s’agit d’un bon jeu vidéo, pas seulement d’un visuel réussi. C’est ce que nous allons tâcher de décortiquer dans ces quelques lignes.
Conditions de test : Nous avons passé environ six heures sur la version Xbox Series X du jeu. Ce fut suffisant pour faire un tour quasi-exhaustif de son aventure. Ce test est garanti sans spoiler majeur.
Un miroir de lapin
Dans Ravenlok, vous incarnez une jeune fille emménageant avec ses parents dans une petite fermette, et que vous pourrez nommer comme bon vous semble. Cela n’aura que peu d’incidence sur l’aventure qui se profile, débutant alors que vous découvrez un miroir sale dans le fond d’une pièce sombre, puisque pour le restant du jeu les petits animaux de la forêt et autres créatures difformes vous appelleront Ravenlok. Un nom qui ne signifie peut-être rien pour vous, mais qui veut dire beaucoup dans ce monde où on vous prend, à juste titre, pour l’élue d’une prophétie libératrice.
Avec ses airs assumés de Alice au Pays des Merveilles moderne, le titre de Cococucomber n’a pas de grandes aspirations scénaristiques, mais jouit malgré tout d’une galerie de personnages hauts en couleur et attachants. Mais ce qui frappe en premier lorsqu’on tombe à travers le miroir cité précédemment, pour arriver dans un monde étrange peuplé d’animaux parlants et autres créatures mystiques, c’est l’ambiance toute particulière dont il bénéficie. Ce qu’il doit à son visuel, certes, mais aussi à sa bande sonore, très réussie, parvenant ensemble à lui conférer une identité très forte.
En toute franchise, si j’ai choisi de me pencher sur le jeu en premier lieu, c’est parce que son aspect graphique m’a profondément tapé dans l’œil. Et je ressors conquis, à ce niveau, de l’aventure qui, bien que plutôt courte (comptez six petites heures pour voir les crédits) et ne proposant qu’un contenu annexe relativement superficiel, a pour elle quantité de bonnes idées visuelles qui fonctionnent à merveille mises bout à bout. Difficile de ne pas l’être, d’ailleurs, et ce dès les premières minutes. Malheureusement, tout n’est pas du même niveau, et Ravenlok souffre de pas mal de petits problèmes.
En premier lieu, son histoire donc, qui se suit bien, mais se révèle bien trop prévisible pour son propre bien. Puisque nous sommes dans une presque-adaptation assumée du roman sus-cité de Lewis Carroll, quiconque connaît l’histoire, même de loin, aura une vague idée d’où on se dirige. Mais entendons-nous bien, un jeu vidéo n’a pas besoin de raconter grand-chose pour être bon. Et sur ce point, il faut reconnaître que Ravenlok, bien qu’un peu décevant à ce niveau, parvient malgré tout à accrocher le joueur, à créer de l’engagement, et ce pour toute la durée de sa courte aventure.
Les raisins de la colère
La première chose qui posera vraiment problème dans cette aventure, c’est sa construction, ou plutôt celle de ses quêtes. Parce que lorsqu’on ne vous demandera pas de venir à bout d’une créature malfaisante, il s’agira d’aller mettre la main sur un objet précis pour le compte d’un habitant de la forêt. Ravenlok revêt ainsi un aspect Fedex un peu redondant, rappelant de très loin le concept d’un Death Stranding. Est-ce que cela fonctionne malgré tout ? Étrangement, oui, on se prend au jeu. Mais il est certain que si l’aventure avait été plus longue, cela aurait pu rebuter.
Un peu comme dans un The Legend of Zelda, il faudra mettre la main sur une épée et un bouclier avant de pouvoir se lancer dans l’histoire. Malheureusement, en dépit d’intentions très louables, les combats manquent de quelque chose. S’ils sont très dynamiques et font le café, il faut reconnaître qu’avec son unique coup répété en boucle, autrement dit avec son absence de combo, le titre fait pâle figure. Les plus exigeants ne sauront probablement pas passer outre ce défaut qui, malgré l’obtention de nouvelles capacités au fil du jeu, empêche les combats de se révéler vraiment intéressants. Alors même qu’ils revêtent une importance capitale.
Toujours au rayon des défauts, le titre n’est pas pourvu d’une caméra pleinement libre, et celle qu’a imaginé Cococucomber fonctionne relativement mal dans les environnements colorés de Ravenlok. Ce n’est un problème qu’en combat, entendons-nous bien, surtout contre les nombreux boss. Mais il est irritant de prendre bêtement des dégâts par la faute d’un angle de vue pas évident, ou de voir la caméra plonger sous la map à certaines reprises. Enfin, nous avons aussi rencontré plusieurs bugs, du dialogue qu’il semble impossible de lancer sans sortir puis re-rentrer dans la pièce, au boss qui freeze complètement. On espère que cela sera réglé au lancement.
Ravenlok est donc très loin de la perfection, vous l’aurez compris. Pourtant, on serait bien incapable de qualifier le jeu de Cococucomber de mauvais. Son aventure souffre de nombreux défauts, certains plus ennuyeux que d’autres, mais dans l’ensemble on se laisse facilement happer, et on passe volontiers sur sa structure éculée. L’ambiance y participe beaucoup, il est vrai. Quoi qu’il en soit, du haut de sa petite vingtaine d’euros, le titre se révèle finalement assez honnête dans sa proposition, mais surtout dépaysant. Et c’est tout ce qu’on lui demande ! Rappelons par ailleurs qu’il est disponible sur le Game Pass au lancement, une bonne raison pour s’y essayer si vous êtes abonnés.
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