Il était une fois Passtech Games, un studio français, a eu une idée résolument alléchante : s’approprier les personnages de contes et fables de diverses origines pour les propulser dans un univers sombre en proie à une menace maléfique. Le tout sous la forme d’un roguelike jouable en coopération appelé Ravenswatch, nom donné à cette escouade de héros et héroïnes légendaires. Et avec notamment un Curse of the Dead Gods sorti en 2020, l’équipe lyonnaise a donc mis son savoir et son expérience en œuvre pour essayer de faire de leur nouveau projet une réussite plus aboutie encore.
Tout a commencé par un early access démarré le 6 avril 2023 sur PC, pour finalement sortir en version 1.0 le 26 septembre de cette année. Entre temps garni d’éléments de gameplay, de contenu et de personnages, le titre édité par Nacon a franchi une nouvelle étape en s’apprêtant à débarquer sur PS5, PS4, Xbox One et Xbox Series. L’heure de faire un point sur cette création aussi plaisante qu’exigeante.
Conditions de test : Nous avons joué à Ravenswatch sur PS5 durant plus de 20 heures avant sa mise à jour 1.003.000. Ce temps nous a permis de tester tous les personnages, de se concentrer sur l’un d’entre eux et de mesurer au maximum ce que peut proposer une run.
Sommaire
ToggleReverie, un univers fantastique en péril
Le monde de Reverie est menacé. Des Maîtres-Cauchemars ont envahi les pages de ce conte ayant pris vie. La mission de nos personnages issus de l’imaginaire interculturel est de progresser à travers les trois chapitres qui composent le livre de Reverie puis de vaincre ces créatures malveillantes et particulièrement redoutables. Comme nous l’avons évoqué en introduction, les héros et héroïnes affichent une version plus ou moins remaniée de leur histoire de base. La plus évidente reste Scarlet, le petit chaperon rouge plus si petit ni innocent que ça, puisqu’elle ne fait qu’un avec le loup dont il est question dans le conte.
Trois autres personnages de base l’accompagnent, en la présence de Beowulf, la Reine des Neiges et le Joueur de flûte. Eux-aussi héritent donc d’un « remix » de la part de Passtech Games, leur donnant alors une identité propre. D’emblée, on peut donc déjà dire que l’atmosphère de Ravenswatch nous plonge directement dans cette idée de conte interactif. En témoigne le menu, qui se feuillette comme un livre, ou la direction artistique façon Dark Fantasy animée en cel-shading. De concert avec une musique de qualité, ce look fait mouche dès la première partie.
Le jeu en lui-même, justement, parlons-en. En tant que roguelike, Ravenswatch nous invite à choisir un des personnages disponibles puis à commencer « tout nu ». Puis, sur une map d’une taille assez vaste, on va donc devoir battre tout un tas d’ennemis et se rendre à différents points d’intérêt pour gagner en puissance. Tout ça dans le but d’affronter le Maître-Cauchemar dans les meilleures dispositions. En cas de succès, on passe au chapitre suivant, avec une nouvelle map, de nouveaux ennemis, et ainsi de suite.
Chaque combattant dispose dès le départ d’une palette de mouvements composée d’un trait, d’une attaque, d’un pouvoir, d’un spécial, d’une défense et, enfin, d’une compétence ultime. Ça fait beaucoup à intégrer d’entrée mais croyez bien que ça ne sera pas de trop face à ce qui nous attend. Car au-delà les dangers peuplant le territoire de Reverie, un ennemi moins effrayant de prime abord mais peut-être le plus redoutable nous guette : le temps.
La gueule de bois des débuts
À la croisée d’un Diablo et d’un Hades, Ravenswatch n’est pas un roguelike comme les autres. S’il n’est pas le seul à se servir du temps comme contrainte, la manière dont il conditionne le gameplay tout entier, quasiment à lui seul, est ici particulièrement frappante. Dix-huit minutes, c’est le temps dont on dispose au début de chaque partie pour clôturer un chapitre. Passé ce délai, on se retrouve téléporté auprès du Maître-Cauchemar, ce qui lance donc le combat de boss. L’autre fonctionnalité temporelle importante consiste en la mise en place d’un cycle jour/nuit. La nature des ennemis et leur comportement varie en fonction de la période de la journée, tout comme les compétences de certains personnages. Scarlet passe même carrément en forme loup-garou à la tombée de la nuit, transformant nettement son moveset.
Notre but étant d’améliorer notre personnage, et la carte se révélant truffée d’une belle quantité de points d’intérêt, on comprend alors que des choix devront être faits. Et oui, vu le délai imparti, il n’est pas possible de tout récupérer. Le problème, c’est qu’en débutant l’aventure Ravenswatch, pas mal d’informations et de subtilités nous manquent. Par exemple, beaucoup d’ennemis se trouvent sur notre chemin entre deux objectifs. Le réflexe humain serait de se frotter à ces ennemis, d’autant plus que l’on récupère de l’expérience en les battant. Hélas, on aurait tout faux.
Au contraire, à aucun moment nous ne devons nous détourner de nos points d’intérêt, afin d’optimiser à 100% le temps qui nous est alloué. Un autre élément pas forcément compréhensible dès le départ concerne la disposition de la map. Pour la plupart des points d’intérêt, une couleur entoure les symboles. Vert, jaune ou rouge, on imagine alors une sorte d’échelle de rareté. Alors, oui, mais il ne s’agit que d’une partie de la vérité. En effet, cette couleur concerne aussi la difficulté à venir à bout de la vague d’ennemis qui nous sépare de la récompense voulue. Plus généralement, cela sous-entend un découpage de la map en trois zones de difficultés distinctes.
Et quand on débute le jeu, tout ceci ne nous saute pas forcément aux yeux. Plus fâcheux encore, assimiler ces subtilités essentielles à une appréhension idéale de chaque run peut ne pas résister à une phase de frustration. D’autant plus qu’une confusion reste faisable au niveau de l’identité de Ravenswatch. Sur un marché pétri de roguelite, on parle bien ici d’un roguelike. Autrement dit, il ne subsiste quasi aucun upgrade permanent permettant de donner un ou des coup(s) de pouce au début d’une run. Parmi les seuls éléments conservés d’une partie à l’autre, les objets magiques collectés rejoignent le compendium accessible au sein du menu principal, idéal pour les consulter et ainsi préparer au mieux nos futures runs.
Aussi, le rang de personnage monte petit à petit. Le score obtenu au cours de chaque run permet de débloquer d’une part des Mémoires. Ces bouts d’histoires propres à chaque héros s’obtiennent tout autant au compte-gouttes. Un fil rouge sympathique à suivre si l’on veut en savoir davantage sur le background remixé des membres du roster. D’autre part, la montée de rang octroie de nouveaux talents sur lesquels on a une chance de tomber lors des parties suivantes. Maintenant, les niveaux grimpent de plus en plus doucement et il faut donc moult parties pour en voir le bout. De plus, et on le répète, c’est tout ce que l’on a à se mettre sous la dent comme amélioration permanente. Les cartes se redistribuent alors presque complètement à chaque nouvelle run. Et c’est là que, face au danger d’un goût de reviens-y insuffisant, Ravenswatch peut compter sur son roster de personnages, première pierre d’un gameplay réussi.
Fable Squad
Vous l’aurez compris, monter le rang de son personnage au fil des parties étoffe les possibilités de build mais rajoute aussi de l’aléatoire à leur constitution. Un équilibre ô combien difficile à maintenir, et ce auprès de tous les autres aspects du gameplay. Tout d’abord, on le voit en s’attardant sur l’archétype de chaque personnage. On l’a dit, quatre sont disponibles dès le départ, atteignant rapidement un total de neuf (dont la sanglante Carmilla) en complétant le chapitre 1 avec chacun d’entre eux. Ces archétypes s’avèrent très travaillés et variés, au point qu’aucun héros ne ressemble vraiment à un autre. Rien qu’en prenant Beowulf, personnage corps-à-corps, l’activation de son trait fait appel à son wyrm de feu, transformant temporairement toutes ses compétences en attaques enflammées.
Aladdin, davantage du rôle d’un support, possède quant à lui un trait au nombre limité de déclenchements. Plus précisément, il s’agit des vœux que peut lui accorder son djinn. Très puissants, leur utilisation doit donc être particulièrement stratégique, en plus d’être raccord avec le lore du prince des voleurs. Et vu que la compétence ultime d’Aladdin troque des fragments de rêve – la monnaie du jeu – contre une charge supplémentaire d’un vœu, cela sous-entend aussi que lesdits fragments font partie intégrante de son archétype.
Citons aussi Sun Wukong, un combattant très nerveux dont la particularité est de switcher entre le Yin, une posture défensive basée sur du vol de vie, et le Yang, une autre centrée au contraire sur l’attaque, faisant tout autant infliger que subir le double de dégâts. Cerise sur le gâteau, switcher de l’un à l’autre active un effet de bouclier ou de force selon la posture, encourageant donc à changer régulièrement et selon les circonstances. Enfin, le roi des singes dispose d’une parade capable de bloquer toutes les attaques possibles. En cas de succès, le délai de récupération est annulé. En résulte alors un personnage « gros risques, gros gains » incroyablement puissant si l’on parvient à le maîtriser.
Justement, maîtriser un personnage est obligatoire pour s’en sortir, à plus forte raison à mesure que l’on avance dans les difficultés. Or, maîtriser le gameplay d’un personnage est ici un processus long, semé d’embûches. À l’image du redoutable Curse of the Dead Gods, Passtech Games fait le pari de l’exigence et de la technique. L’apprentissage passe par l’expérimentation, l’échec, aussi, avant que la satisfaction parvienne à être ressentie. Encore une fois, tout le monde ne sera pas forcément en accord avec cette manière de progresser, et le découragement aura raison de certaines et certains. Difficile de leur en vouloir d’ailleurs. En revanche, pour les fans du genre, le gameplay de Ravenswatch tape le haut du panier. De son exécution, on vient de le voir, jusqu’à son degré de profondeur.
« C’est pour mieux te manger »
À la technique évoquée s’ajoute la dimension stratégique, cultivée par la contrainte du chronomètre rythmant nos déplacements entre les objectifs que nous avons déjà mentionné. Car ces fameux points d’intérêt, si déterminants à la réussite d’une run, quels sont-ils finalement ? Et bien il y a de tout et, en apparence, tous semblent importants. Les plus accessibles restent les coffres. À l’intérieur reposent des objets magiques de nombreuses natures. On retrouve les plus basiques, comme l’augmentation du pourcentage de dégâts de telle ou telle compétence, une efficacité accrue des soins ou encore la réduction du délai d’utilisation des compétences.
D’autres s’avèrent un peu plus funky. Par exemple, pouvoir bénéficier de +1 de dégât toutes les tranches de 10 points de vitalité en fait partie, cumulables en en regroupant plusieurs exemplaires. Ces objets héritent tous d’un rang de rareté, avec un effet logiquement de plus en plus puissant selon ce rang. Bien sûr, les objets légendaires sont primordiaux à la réussite d’une run, mais naturellement ils demeurent moins évidents à obtenir. On les trouvera en récompense des quêtes secondaires, disponibles dans chaque chapitre, l’occasion d’y voir des références supplémentaires à d’autre contes, encore une fois bien senties.
Aider l’un des trois petits cochons à construire sa maison puis à la défendre face à des vagues d’ennemis fait certainement partie des plus parlantes. Nous vous laissons découvrir les autres mais, à l’instant T du suivi du jeu, leur quantité reste très minime. Une autre manière de récupérer des objets puissants consiste à battre les boss optionnels des chapitres. Pas forcément évidents à vaincre, ils laissent bien souvent derrière eux un grade particulier d’upgrade : les objets maudits. Pour la plupart, ils confèrent un avantage notable en contrepartie d’un malus qui l’est tout autant. Les amatrices et amateurs de risque apprécieront.
Les grimoires risquent aussi d’attirer votre attention. Déclenchant une vague d’ennemis à notre toucher, en venir à bout nous octroie des améliorations de stats ou encore les précieuses étoiles du destin, permettant de « reroll » les choix de récompenses. Enfin, on trouve des fontaines de soin, nous soignant complètement tout en augmentant notre vie max, ou encore des puits de souhait où, contre de l’argent, consommables et objets peuvent en sortir.
Aux côtés de ces précieux objectifs, essentiels au renforcement de notre personnage, un autre intermédiaire se rend tout aussi incontournable. Le marchand de sable, présent au point de téléportation principal, représente la boutique du jeu. Toujours contre des sommes plus ou moins importantes de fragments de rêve, il est en mesure de monter individuellement la rareté de nos talents débloqués, ainsi que d’autres petites joyeusetés aux effets variables. Clairement, il est important de garder quelques fragments sur soi et d’y faire un tour à chaque chapitre.
Alors on pourrait continuer d’énumérer tout ce qu’il y a à notre disposition (et nous nous sommes déjà bien attardés, il est vrai) mais ce qu’il faut retenir, c’est à quel point les sources d’amélioration sont nombreuses et les axes de builds variés. En contrepartie, et à mesure que nous sommes à l’aise avec un personnage et un build particulier, on estime également de mieux en mieux si une run est bien partie ou non. Au final, il peut donc arriver que les parties se ressemblent un petit peu. Mais à force de maîtriser le gameplay, la structure du jeu, et la manière dont se joue nos personnages favoris, la satisfaction et la sensation de pouvoir se ressentent un peu plus facilement. Et Dieu sait que cela peut prendre du temps selon l’aisance avec un tel game design.
Meilleur à plusieurs ?
Jusqu’ici, nous vous avons retranscrit essentiellement l’approche du jeu telle qu’elle s’effectue en solo. Or, clairement, Ravenswatch reste un titre pensé pour la coop. On le mesure sans problème à la manière dont se battent certains personnages, comme le Joueur de flûte ou Mélusine. Certaines compétences parlent carrément d’elles-mêmes en mentionnant des effets « sur chaque héros ». Et vu que, plus généralement, les archétypes sont variés, ce genre de compétences justifie une complémentarité fortement recommandée.
Naturellement, la première chose à savoir, c’est que la densité des ennemis et leur quantité de PV s’ajustent en fonction du nombre de joueuses et joueurs. Maintenant, il existe des avantages à jouer en groupe. Là où en mode solo on ne peut compter que sur les indispensables plumes pour être ranimé après une mort, en coopération il est possible de ressusciter manuellement nos alliés. 30 secondes sont accordées avant la consommation d’une de ces plume.
Dit comme ça, il s’agit d’un gros avantage. Mais à l’inverse, une mort simultanée et brutale d’un groupe de quatre consomme instantanément les trois quarts des réanimations disponibles en mode Aventure (la difficulté la plus basse). En ce cas, la potentielle survie au fil des chapitres passera donc par l’achat de plumes supplémentaires aux points d’intérêt dédiés, faisant perdre de précieux fragments de rêve.
Idem au sujet de la traversée de la map. Si foncer à quatre vers un objectif reste possible, nous attirons également derrière nous tout un tas de mobs qu’il va falloir occire avant d’entamer un objectif, sous peine de crouler sous un raz-de-marée difficilement contrôlable. L’idée de se séparer pour déclencher davantage de points d’intérêt est aussi envisageable, mais gare aux pépins car, isolé, on a des chances de ne pas faire long feu. Enfin, autre bonne nouvelle, les orbes de soin soignent tout le monde et les fragments de rêve alimentent chaque portefeuille sans avoir à partager les dépenses. Chacun fait donc ce qu’il veut de son argent, tout comme du choix qui s’impose à la récolte d’un objet.
Ainsi, au bout du compte et bien qu’il subsiste des avantages à jouer à plusieurs, Ravenswatch ne creuse pas de déséquilibre énorme avec le jeu solo, à condition qu’on le compare avec une équipe bien rôdée et qui communique efficacement. Cela étant dit, une dernière composante reste à noter pour faire du titre lyonnais une aventure à la carte. Des modificateurs de partie ont été intégrés, nous laissant choisir jusqu’à une association de cinq bonus et malus. Parmi eux, et en guise d’exemple, la possibilité de désactiver le compte à rebours et d’augmenter le taux d’exp obtenue ou, à l’inverse, la réduction de l’efficacité des soins ou des ennemis de plus en plus féroce à mesure que leur vie descend.
Une fonctionnalité apportant de la souplesse à l’expérience, et influant aussi sur le score accumulé durant une partie pour le rang de notre personnage. Seule limite à la pratique, les modificateurs bloquent l’obtention des succès et des difficultés supérieures. Malgré cela, il s’agit quand même d’un bon point de rendez-vous pour celles et ceux maîtrisant le jeu en long, en large et en travers, désirant se mesurer aux défis les plus corsés. Car à l’heure où l’on écrit ce test, trois chapitres (et donc trois maps) sont disponibles, avec plusieurs modes de difficulté et quelques surprises en guise d’épilogues, sans proposer suffisamment de choses nouvelles par la suite. Ce que l’on veut dire, c’est qu’un fort investissement sur le jeu amène rapidement à en faire le tour. Heureusement, Passtech Games entretient un suivi de son bébé, comprenant d’autres personnages, d’autres events ainsi que d’autres ennemis, à venir progressivement.
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