Vous aussi vous avez cette impression que la planète gaming s’est arrêtée de tourner pendant quelques jours ? Malgré une PGW qui battait son plein (où le jeu était absent), malgré l’arrivée de gros morceaux comme Battlefield V et qu’on sort à peine de Call of Duty, le monde n’a d’yeux que pour lui. Red Dead Redemption 2 est très largement le plus gros événement de cette année jeu vidéo. Une horde sauvage de joueurs est déjà en train de le triturer dans tous les sens afin d’en tirer le maximum. Le nouveau né de Rockstar Games n’est clairement pas un titre comme les autres.
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Ces frissons qui nous parcourent le corps ne sont pas là parce que quelqu’un a oublié de fermer la fenêtre. C’est une simple réaction naturelle à la première grosse claque que nous colle le jeu. Les premières minutes de Red Dead Redemption 2, très inspirées des Huit Salopards, prennent place au milieu de la montagne dans un hiver infernal. La neige qui s’écrase sous nos pas, le son du blizzard qui frappe les oreilles, le brouillard étouffant dans lequel notre groupe est coincé, voici les raisons de ces frissons. La claque graphique promise par Rockstar est bien plus violente qu’on ne l’imaginait. Une première vision de l’enfer dans lequel la bande de Dutch va vivre ces prochains mois qui marque immédiatement le joueur, saisit par les enjeux d’un prologue lancinant.
Red Dead Redemption 2 est d’une beauté sans commune mesure. Chaque angle de vue imaginable semble avoir été conçu à la main par les centaines de développeurs du jeu. Où que l’on regarde, quel que soit l’environnement, le titre est renversant. Le niveau technique atteint ici est sans précédent, avec des textures extrêmement riches et un travail de dingue sur les animations. La cerise sur le gâteau, ce sont ces jeux de lumière qui subliment chaque paysage. Le titre fait très fort avec des ambiances imbattables toujours enrobées d’une certaine mélancolie qui nous ramène à l’état d’esprit du personnage. Rapidement, Red Dead Redemption 2 se révèle être une expérience bien différente de ce qu’on imaginait.
Le jeu est très à l’aise dans le contemplatif, avec une guitare discrète simplement accompagnée par les quelques mots d’Arthur à sa monture. C’est la deuxième chose qui marque les esprits, le remarquable travail sur le son. Déjà par sa grandiose bande-son, dont les morceaux se déclenchent toujours comme il faut pour souligner l’ambiance. Aussi parce que les bruitages renforcent un sentiment d’immersion déjà viscéral. Parce que le jeu est très souvent calme, assez silencieux, les scènes d’action frappent encore plus fort lorsqu’elles arrivent. Les balles fusent, les coups de canon résonnent autant que le clique de notre revolver jusqu’à ce que notre dernière cible tombe. Le calme revient alors brutalement et le brouhaha de la fusillade est remplacé par le bruissement des feuilles.
Impitoyable
Rassurez-vous, s’il est souvent dans cette ambiance très solitaire, Red Dead Redemption 2 sait hausser le ton. Les très nombreuses missions, principales ou secondaires, sont portées par une réalisation de grande qualité et une vraie volonté de raconter quelque chose d’unique. Rockstar a toujours ouvertement cité de nombreux films dans ses jeux et s’est approprié les codes du cinéma pour les retranscrire sous une autre forme. C’est bien évidemment toujours le cas ici et c’est surement encore plus maîtrisé que d’habitude. Le titre ne fait heureusement jamais l’erreur d’être un simple patchwork d’influences et trouve son identité toujours dans le respect du premier jeu.
Cela dit n’attendez pas de révolution dans la formule Rockstar, bien au contraire. On a toujours ces longs trajets à cheval avec nos compagnons soutenus par un bon gros dialogue et ces séquences d’infiltrations qui finiront implacablement en bagarre générale. On rencontre toujours des personnages très extravagants et totalement déjantés qui heureusement n’interviennent que dans des missions secondaires. Paradoxe, Red Dead Redemption 2 est un jeu qui hurle “liberté” mais qui reste enfermé dans des missions scriptées jusqu’au bout.
Par exemple, n’espérez pas aller plus vite que John quand il vous dit de le suivre discrètement pour vous tirer d’un mauvais pas, chaque ronde de garde est calculée à l’avance. Toute précipitation ou dissidence de votre part mènera à un échec de la mission. Ce sont d’ailleurs probablement les seuls moments le game over apparaîtra sur votre écran. Comme beaucoup de grosses productions, c’est un jeu qui manque cruellement de difficulté. On déambule sans mal au milieu des lignes ennemies, arme à la main façon Robocop, trop peu inquiété par l’opposition.
Agaçant oui, mais il faut bien le reconnaître, ces problèmes sont très largement compensés par tout le reste. Quand il est à son meilleur dans la mise en scène, Red Dead Redemption 2 est irrésistible. Certaines missions sont plus que mémorables, elles dépassent tout ce que Rockstar a pu faire par le passé. A vrai dire, même les missions les plus mineures ne sont jamais vaines. Le jeu a toujours quelque chose à raconter, un personnage à faire évoluer, un contexte à remettre en place. Surement parce que le jeu met plus de soins dans une mission de 5 minutes que certains AAA n’en mettent sur l’ensemble de leur scénario. Et il n’est pas seulement question de scènes d’action, mais aussi de moments de joie, de rires ou de doutes que partage toute la bande que l’on côtoie pendant les 50 heures de l’aventure.
La horde sauvage
Ah, cette bande. Rares sont les jeux à mettre autant d’efforts dans ses personnages secondaires. On pense immédiatement à Bioware qui a souvent fait ça avec brio en nous offrant des compagnons mémorables. Ici c’est encore bien différent. Chaque membre de la bande est unique. C’est une petite trentaine de PNJ avec lesquels on interagit tout au long de notre aventure. Que ce soit pour une simple partie de dominos, pour une histoire au coin du feu ou pour célébrer le retour d’un membre que l’on pensait perdu. Tous ont leur moment au cours du jeu. C’est parfois très court, mais toujours suffisant pour créer un personnage et justifier l’attachement envers les uns et les autres.
Bien sûr ils n’ont pas tous la même importance au sein de l’histoire. Une poignée d’entre eux est plus récurrente et nous accompagnera plus souvent en mission. Impossible d’oublier Charles Smith, le rock sur lequel on peut toujours compter, Sadie Adler dont l’arc narratif est surement le plus inspiré de tous, ou encore le jeune Lenny que l’on prend sous notre aile dès le début de l’aventure. Et bien sûr, il y a John Marston que l’on voit grandir, évoluer vers le personnage que l’on a découvert dans Red Dead Redemption.
Au milieu de cette bande se tient fièrement Dutch Van Der Linde, leader charismatique qui promet monts et merveilles à ceux qui le suivent. Fascinant antagoniste qui cherche désespérément à repousser l’inévitable en entraînant tout son gang dans sa chute. Lui qui refuse de ne plus avoir sa place dans un monde où il était le roi il y a encore peu. Et bien évidemment, nous sommes chez Rockstar, donc la qualité des doublages est ce qui se fait de mieux dans le milieu.
On a beau savoir comment finissent Dutch et sa bande, ce qui en restera quelques années après quand John aura pour mission d’aller éliminer ses derniers représentants, l’histoire reste fascinante. Cette lente descente aux enfers est vécue bien différemment par chacun des personnages et s’accompagne de véritables moments de grâce. Lente oui, car il faut s’y attendre, autant que le titre est contemplatif le jeu prend son temps pour nous emmener au bout de ce qu’il veut raconter.
On a même un sentiment de redondance dans les péripéties, justifiées par l’évolution des personnages et les événements, mais qui donne cette impression de stagner. Le fait qu’il faille bien 50 heures pour voir le bout de l’histoire principale vous donnera une bonne idée de la densité du scénario. Reste que Rockstar est encore une fois à son meilleur dans l’écriture de ses personnages, de leurs relations et dans le traitement de ses thématiques. Loin de la folie d’un GTA, Red Dead Redemption 2 est un western crépusculaire spectaculaire, mais aussi probablement l’œuvre la plus sombre du studio avec un contexte réaliste.
Morgan sur
Au milieu de cette joyeuse bande se trouve le bras droit de Dutch et l’avatar du joueur pour cette aventure : Arthur Morgan. Lui aussi il représente une évolution intéressante des intentions du studio, aussi bien au niveau du gameplay que de la narration. Le jeu fait tout pour que le joueur soit au centre des débats, pas Arthur, le joueur. Ainsi on a cette sensation pendant les premiers chapitres de l’aventure que Arthur est intentionnellement un peu en retrait du reste pour que le joueur puisse prendre sa place. Un personnage sacrifié sur l’hôtel du roleplay en somme. Fort heureusement cette impression se dilue au fil des heures et Arthur finit par s’imposer comme un protagoniste fort. Fatalement, il est lié aux décisions du joueur, mais plutôt que d’avoir l’impression de prendre sa place, on s’identifie à lui et on vit cette aventure à travers ses yeux.
Le roleplay prend une place prépondérante de cette aventure, plus que dans n’importe quel jeu Rockstar jusqu’à maintenant. D’une simple pression sur L2 (ou LT, bref), Arthur peut cibler quelqu’un et interagir avec lui. Soit en l’appelant pour attirer son attention, soit avec deux options, une positive et une négative. On peut “calmer le jeu” quand on surprend deux bandits en train de braquer un innocent sur la route, en décidant de tourner la tête et de dire qu’on n’a rien vu. Ou alors on peut décider d’intervenir, de les flinguer et de sauver l’innocent. Résultat, une jauge d’honneur penchera vers le bon ou le mauvais en fonction de nos actions.
Une mécanique qui fonctionne vraiment bien et qui donne du corps à la place de notre personnage dans ce monde ouvert, mais qui soulève un problème important. Les commandes du jeu sont trop souvent incohérentes. Ces menus interactifs qui varient en fonction des situations en sont témoins, on compte pas moins de trois touches différentes pour fouiller, ramasser un objet ou une arme. Le système de visée est également un poil capricieux. Si on ne parvient pas toujours à viser ce avec quoi on veut interagir, des fois c’est carrément le menu qui n’apparaît pas rendant toute interaction impossible. Qui n’a pas collé une droite à son cheval sans le vouloir après s’être emmêlé les pinceaux ? Ou pire, braqué voire tué un innocent pour la même chose ?
N’oublions pas que l’on incarne le bras droit d’un gang de truands. Qu’on les aime ou pas, ce sont de vrais salopards qui se cachent derrière un pseudo code pour justifier leurs méfaits. Ainsi il est très facile de sombrer dans le rouge en braquant à tout va et en tuant des innocents. Au contraire, il sera très compliqué de gagner de l’honneur tant les actions qui le permettent sont peu nombreuses. Aider au campement en faisant des corvées et en participant à la cagnotte commune est une option. Intervenir pour défendre un innocent ou prendre la décision “gentille” lors d’une mission en est une autre. Mais au moindre coup de fusil sur un cheval et pas un cavalier, c’est 6% de votre jauge qui passent dans le rouge. Bien que logique dans le contexte du jeu, le système reste relativement frustrant. Surtout que le simple fait de se défendre d’assaillants mène par instants à la perte incompréhensible d’honneur.
Camping Paradis
Red Dead Redemption 2 pousse aussi la personnalisation de son personnage plus loin que ses prédécesseurs. Choix très vaste de vêtements, pousse de la barbe et des cheveux au fil du temps (que l’on peut influer grâce à des lotions et tout un tas d’artifice), personnalisation de son arsenal, le titre ne lésine pas sur les possibilités encore une fois. La plupart de ces modifications sont purement esthétiques. Typiquement, il est possible de rajouter tout un tas de décorations au campement, pour notre tente mais aussi pour les structures communes. En revanche, améliorer les chariots à nourriture ou à munition permettra à la bande de mieux vivre et de garder ses jauges dans le vert. C’est aussi en améliorant différents éléments qu’on pourra utiliser le voyage rapide.
Notre cheval fait lui office de deuxième personnage principal de l’aventure. On est très loin d’avoir une simple monture jetable. Si son potentiel maximum est régi par des statistiques (et qu’on voudra forcément le cheval le plus rapide et le plus endurant), il est nécessaire de bien s’en occuper pour améliorer notre lien d’attachement avec lui. Le brosser, le nourrir, le caresser ou le rassurer quand il est paniqué par la présence d’un prédateur. Tout un tas de choses qui contribuent à monter la jauge d’attachement entre Arthur et sa monture, mais aussi l’attachement du joueur envers elle. Croyez-moi que si quelqu’un vient menacer notre cheval, ça se finit assez mal pour lui.
Tous ces aspects sont matérialisés par des jauges et des indicateurs qui se révèlent rapidement n’être que de la poudre aux yeux. En témoigne cette alerte qui nous prévient que “attention, votre tenue est trop chaude pour la température”, qui entraîne une diminution plus rapide de notre santé. Ou encore l’indicateur de poids, qui nous prévient si l’on est en surpoids ou à l’inverse, trop maigre. Et puis il y a ces doubles jauges pour l’endurance, la vie, etc. Le tout est intimidant au départ, mais n’a finalement aucun poids sur notre façon de jouer. Il en va de même pour la gestion de la nourriture et des médicaments au campement. Du bluff pur et simple qui ne sera rien d’autre qu’un artifice pour pousser un peu le roleplay.
Giddy’up boy !
Dans l’absolu, ce ne sont pas des choses qui viennent empiéter sur l’expérience. Le vrai gros problème du jeu est malheureusement dans sa prise en main. Si le titre paraît en avance d’une génération sur de très nombreux aspects comme la technique, il en est tout autre pour le gameplay. Difficile de trouver une véritable évolution depuis le premier Red Dead Redemption. On a déjà abordé la formule Rockstar qui reste inchangée pour les missions et leur aspect scripté, mais tout le reste, des déplacements aux fusillades souffre des mêmes maux.
Arthur est lourd, maladroit et pas toujours très réactif. Le système de couverture est toujours aussi compliqué. Trop souvent on se retrouve à sprinter dans la mauvaise direction pour le voir se mettre à couvert dos aux assaillants. Combien de fois on essaye de viser pour répondre à une attaque avant de réaliser, souvent trop tard, que notre arme est rengainée après avoir pris un objet de soins. Le constat est le même avec les commandes à cheval où on a tendance à se prendre des arbres en pleine tronche comme si notre monture était attirée par eux.
C’est aussi là que le souci du détail du jeu se retourne contre lui. Oui, fouiller une salle est saisissant de réalisme. Les premières fois qu’on ouvre un tiroir pour ramasser un objet, l’effet est redoutable. Mais quand on a pris 35 bains parce qu’on était sale, quand on a 15 cadavres à fouiller ou que l’on veut simplement faire un voyage rapide, ce côté simulation alourdit encore un peu plus le jeu. En revanche, l’entretien des armes est une excellente idée. Suffisamment simple dans son exécution pour ne pas être handicapant ou pénible, et qui pousse à prendre soin de son équipement presque autant que de notre monture. Aaaah, ils l’aiment leur second amendement.
Wild World
La saleté qui s’accumule sur notre personnage ou notre équipement n’est qu’un exemple parmi tant d’autres des innombrables détails dont regorge le monde ouvert de Red Dead Redemption 2. Quand ils n’empiètent pas sur la prise en main, ils sont tout simplement sidérants. Plantez une flèche dans un arbre et regardez la gigoter après l’impact. Harcelez les gens de votre bande et attendez que l’un d’entre eux en ait ras-le-bol et vous en colle une. Revenez sur un champ de bataille quelques minutes après un affrontement et voyez les forces de l’ordre ramasser les cadavres et faire le ménage. Ou encore, tirez sur un cavalier et regardez le pendouiller accroché à l’étrier par un pied quand son cheval prend la fuite.
Tous ces éléments participent à faire de Red Dead Redemption 2 le monde ouvert le plus crédible qui soit. Certaines de nos actions trouvent des conséquences absolument inattendues alors que l’on avait totalement oublié d’être intervenu dans une histoire. Les nombreuses rencontres aléatoires qui arrivent sur la route sont pleines de surprises. Parfois résolues en quelques secondes, d’autres fois plusieurs heures de jeu après. Notez que je ne parle pas de missions secondaires scénarisées, mais bien de simples petits événements ponctuels. La faune du jeu est d’une richesse immense et son comportement est lui aussi particulièrement crédible.
La chasse, bien que nécessaire pour nourrir le campement au début ou récupérer des peaux pour le crafting, en devient presque écœurante. Si vous ne tuez pas l’animal sur le coup, vous le verrez se tordre de douleur au sol, agonisant, couinant. Même Arthur se fend d’un commentaire plaignant la pauvre bête. Heureusement le titre regorge d’activités annexes plus joviales à faire. Le poker est de retour et c’est toujours aussi brillamment exécuté. On peut aussi jouer aux dominos, au jeu du couteau, au blackjack, partir jouer les chasseurs de primes ou les collecteurs de dettes… Bref, difficile de s’ennuyer dans ce monde finement construit où rien n’a été placé par hasard.
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