Si l’on vous demandait de citer, d’instinct, les plus gros jeux indépendants que vous connaissez, alors il y a de grandes chances pour que vos réponses, lecteurs, aillent souvent dans le même sens. On s’attend bien entendu à quelques The Binding of Isaac, Stardew Valley, ou encore Dead Cells. Et certains petits rigolos nous rappelleraient probablement qu’en son temps, Minecraft lui aussi était un jeu indépendant. Mais il y a néanmoins toutes les chances pour que le nom de Hades surclasse tous les autres. Non seulement parce qu’il a été quasi unanimement nommé jeu de l’année 2020 par l’industrie, mais aussi parce qu’il peut se targuer d’un succès commercial retentissant. Or, figurez-vous que si l’on avait posé la même question aux équipes de chez Striking Distance, nous aurions visiblement eu la même réponse en tête.
Non pas que cela soit une mauvaise chose, loin s’en faut, mais elle explique à elle seule le projet [REDACTED], sorti un peu de nulle part, que personne n’attendait vraiment et qui a pourtant toutes les chances de trouver son public. Pourquoi ? Tout simplement parce que derrière son esthétique bariolée, et sa vague appartenance à l’univers d’un certain The Callisto Protocol que vous avez certainement déjà oublié, se cache en réalité un « clone » de l’excellent Hades, ou du moins une expérience tentant de se rapprocher de ce modèle béni des dieux. S’il y avait besoin d’une preuve supplémentaire, on citerait d’ailleurs son tarif au lancement, fixé à 24,50 euros, soit exactement le même que le titre de Supergiant. Maintenant que les termes sont dits, voyons ensemble si [REDACTED] a les épaules assez solides pour garder la tête haute face à un géant.
Conditions de test : Nous avons passé environ vingt heures sur la version Steam de [REDACTED], ce qui fut suffisant pour expérimenter en profondeur son gameplay et ses possibilités, arriver au terme de son aventure une première fois, et mourir un paquet d’autres. Cet article est garanti sans spoiler majeur.
L’empereur dieu
Expérience ayant fait grand bruit, avant de retomber dans l’oubli assez vite après sa sortie, la faute à l’arrivée d’un Dead Space Remake autrement plus convaincant, The Callisto Protocol n’en demeure pas moins un titre plutôt sympathique. En témoigne notre test assez généreux. Néanmoins, il est vrai que l’attente autour de sa suite s’est comme tassée, au même titre que les chances de la voir débarquer, du reste. Quoi qu’il en soit, on peut dire que, de prime abord, on a du mal à faire le parallèle entre ce TPS survitaminé et sanglant, héritier spirituel avoué à demi-mot de la franchise horrifique de Visceral Games, et [REDACTED], si ce n’est via la présence de Striking Distance à la barre et de Krafton à l’édition. Pourtant, on se situe bien dans le même décor, on arpente bien les couloirs du même complexe, fussent-ils cent fois plus colorés ici.
Alors soyons brefs et précis sur ce point : non, avoir joué à The Callisto Protocol n’est pas un prérequis pour apprécier cette non-suite qui, de toute façon, n’a pas grand-chose à voir avec son grand frère. Néanmoins, avoir apprécié le premier jeu de Striking Distance et plus particulièrement son contexte carcéral et spatial, aide assurément à rentrer rapidement dans cette expérience singulière. Enfin, pas si singulière que cela, vous l’aurez compris en lisant l’introduction, puisque nous faisons face à un véritable Hades-like. Terme que l’on n’emploie pas à la légère, puisque l’intégralité (ou presque) du Game Design de [REDACTED] peut trouver écho dans le jeu de Supergiant. D’une certaine façon, on peut même dire que si vous avez apprécié le premier, alors vous n’avez pas de raison de passer à côté du second et pouvez stopper votre lecture ici.
Parce que [REDACTED], s’il n’a pas pour ambition de remporter le prix du jeu de l’année 2024 (qui sera de toute façon raflé par Silent Hill 2 Remake), fait pratiquement tout comme son modèle, en adaptant simplement les termes utilisés, le bestiaire et le contexte. Côté contexte, on commence donc dans une prison de haute sécurité placée sur l’une des lunes de Jupiter, Callisto, qui se retrouve infestée de sortes de morts vivants et autres créatures peu ragoûtantes en ayant après les rares survivants. À ce niveau, [REDACTED] raconte sensiblement la même chose que The Callisto Protocol, à savoir pratiquement rien, et c’est très bien comme cela. Ceci dit, il perd par la même occasion le sel apporté par l’intrigue et ce qui gravitait autour dans un Hades.
Premier point qui « déçoit », terme que l’on met volontairement entre guillemets car, dans l’absolu, nulle histoire n’était nécessaire, et encore moins de romances. Ces détails, dans un Rogue-lite, ne sont que bonus, qui donnaient certes du corps à Hades, donnaient envie d’y revenir et de s’y investir plus que de raison (en témoigne notre compteur déraisonnable d’heures personnelles) mais auraient parfaitement pu sembler de trop dans un [REDACTED]. Puisque personne n’a retenu le moindre personnage de The Callisto Protocol, et que de toute façon aucun d’eux n’est de retour dans cette expérience de moindre envergure, alors il aurait été inutile de jouer sur une possible continuité, ou du moins peu pertinent. On se contentera donc d’un contexte, et d’un narrateur qui, s’il a son charme, n’a pas la portée d’un Zagreus là encore.
Alors oui, on compare beaucoup le titre de Striking Distance à celui de Supergiant Games, et ça peut sembler un peu idiot, dans la mesure où les deux jeux demeurent assez différents d’un point de vue extérieur. Mais tout comme nous avons pu être catégoriques plus haut, nous le serons ici : si vous n’avez pas joué à Hades, alors on vous le recommande avant de vous intéresser à [REDACTED], ce qui peut paraître contre-intuitif dans le test dudit jeu. Parce que tout ce que fait cette nouvelle entrée de Striking Distance, elle le fait bien, certes, mais elle ne dépasse jamais le niveau du modèle. Même si, en ce qui nous concerne, nous ne sommes pas loin de les apprécier tous deux autant, pour des raisons que nous évoquerons un peu plus bas.
Le prisme du néant
On sent, au premier regard, que Striking Distance s’est cherché un moment avant d’accoucher de [REDACTED], dont la direction artistique ne coulait pas de source en sortant de The Callisto Protocol. Le visuel de ce Rogue-lite ne manque pas de couleurs, adaptant les décors du titre de 2022 à une esthétique plus cartoon que ne renieraient pas un Hi-Fi Rush ou un Sunset Overdrive. Références qui font aussi sens quand on parle de la chouette bande-son assez rock du titre. Le résultat, s’il n’est jamais une claque, a tout de même son charme, et on ne lui reproche qu’un sentiment de variété amoindri par une continuité dans les environnements visités. On retrouve par ailleurs une certaine interaction avec le décors qui rend plutôt bien, notamment dans la destruction de certains objets et l’utilisation de mobilier pour réaliser des dégâts supplémentaires ou bloquer les ennemis.
Des ennemis qui sont plutôt bien fournis, d’ailleurs, avec un bestiaire initial qui reprend vaguement celui de The Callisto Protocol, avant de s’offrir un pic d’extravagance qui permet des compositions beaucoup plus variées qu’attendu. Comme son modèle, le jeu fonctionne autour d’un système de salles interconnectées, le tout étant géré aléatoirement, chacune vous proposant une récompense différente. Il sera souvent possible de choisir notre voie, et donc ce que l’on acquiert à la fin de l’affrontement nous y attendant, et parfois non. La première différence que l’on remarque avec Hades, c’est finalement la vitesse avec laquelle on traverse ces salles. Il n’est pas rare que, même dans les derniers niveaux, le jeu étant composé de plusieurs biomes, on en finisse de manière expéditive.
Ce qui n’est pas une mauvaise chose. D’une part parce que c’est assez jouissif, au même titre que tout ce qui touche au gameplay. Notre « héros » est un simple gardien de la prison dans laquelle on fait nos premiers pas, un sans nom qui pourra utiliser une arme à feu, à choisir parmi une petite liste fort sympathique, mais aussi des capacités physiques, avec une attaque au pied et une au poing. La dernière utilisant un outil là aussi à choisir. Et par choisir, entendez « acheter » avec l’une des monnaies que vous pourrez trouver en parcourant ces couloirs infestés de créatures peu ragoûtantes, bien évidemment. Une mécanique qui fonctionne très bien, en récompensant régulièrement le joueur, lui donnant à chaque run un sentiment d’accomplissement, même lorsque celle-ci n’a pas duré bien longtemps.
D’autre part, cette rapidité d’action entre en corrélation avec l’une des particularités de [REDACTED] : son principe de rivaux. Parce que vous n’êtes pas seul à vouloir vous échapper de la terrible Callisto, or il ne reste plus qu’un module de secours. Il va donc falloir batailler, ce qui passe, avant tout, par un système de QTE à faire en plein jeu afin de mettre des bâtons dans les roues de vos adversaires humains (n’étant pas sans rappeler Helldivers). Vous pouvez ainsi voir leur progression sur une barre située en bas de l’écran, motivant à faire mieux, plus vite, et ajoutant une part de stress qui fait son petit effet. Notez toutefois que les rivaux ne manqueront pas de vous renvoyer l’ascenseur, avec quelques malus bien sentis, notamment ceux qui bouchent votre visibilité en plein combat (un petit air de Mario Kart), quand d’autres nous semblent un peu trop punitifs, comme celui remplissant la pièce de gaz toxique.
L’équilibre n’était pas évident à trouver, et on sent que, par moments, [REDACTED] est un peu trop méchant avec le joueur, tandis qu’il lui arrive aussi d’oublier de placer sur son chemin de réel challenge. Chose que l’on ressent aussi avec les pouvoirs à acquérir, très variés, et qui nous ont permis à plusieurs reprises de briser le jeu, grâce à des combos particulièrement dévastateurs. En dehors de cela, le challenge nous a semblé relativement bien dosé. Assez pour buter sur les différents boss ou sur certaines compositions de salles, mais aussi pour parvenir à voir le bout de l’aventure. D’autant que le titre propose à côté de cela son système de progression permanente, avec des capacités à acheter, allant d’un simple boost de vie à plus exotique, en plus de combinaisons ajoutant du confort de vie et d’un arsenal relativement bien fourni pour le genre. Ne manque peut-être qu’une carotte supplémentaire pour nous faire rester passée la barre des trente heures de jeu.
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