S’il y a quelque chose que Capcom sait faire, c’est bien des remakes. Celui du tout premier Resident Evil en 2002, à destination de la Nintendo Gamecube, en est le premier et le meilleur exemple. Un jeu surpassant en tout point son modèle, s’offrant le luxe d’un contenu plus garni et de personnages plus travaillés. Près de vingt ans plus tard, l’entreprise transforme l’essai une nouvelle fois avec Resident Evil 2, puis Resident Evil 3, profitant tous deux d’un moteur flambant neuf, le RE Engine, qui sera aussi utilisé pour une autre de ses sorties marquantes, Devil May Cry 5.
Alors évidemment, quand Capcom annonce le remake de l’épisode le plus apprécié de la saga, celui qui lui a fait prendre un tournant vers l’action frénétique en réinventant à lui seul le genre du Third Person Shooter, les fans sont en émoi. Et pas seulement eux, d’ailleurs, puisque la réputation de l’original n’est plus à démontrer, et les récentes itérations de la série ont rameuté pas mal de sang neuf. De surcroît, après les très réussis remakes du deuxième et troisième volets, ainsi que l’ajout plus récent d’une caméra à la troisième personne dans Resident Evil Village, on imagine mal comment le développeur pourrait se planter.
Et tout ce que l’on a pu voir du remake de Resident Evil 4 avant sa sortie était effectivement emballant. Environnements revus et corrigés, graphismes léchés, action et hémoglobine, mais aussi horreur rehaussées. Notre preview, écrite il y a quelques mois, était plutôt enthousiaste. Mais il restait une chance que le développeur fasse quelque chose de travers. Or, lorsque l’on touche à un monument du jeu vidéo tel que celui-ci, il faut s’attendre à ce que la moindre fausse note soit synonyme de grogne animée sur la toile. Une grogne qui n’a, fort heureusement, pas lieu de voir le jour.
Conditions de test : Nous avons passé environ vingt-cinq heures sur le jeu, dans sa version Xbox Series X. Il nous a fallu près de seize heures pour voir le bout de l’aventure une première fois, en prenant le temps de réaliser toutes les quêtes annexes, et de récupérer tout ou presque parmi les trésors cachés. Au cours de nos parties, nous avons pu observer une unique mais conséquente chute de framerate, quelques retards d’affichage, mais surtout un bug faisant disparaître la texture du sol, nous forçant à charger une partie antérieure. Ces divers problèmes devraient être réglés d’ici la sortie. Ce test est garanti sans spoiler majeur.
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La première chose qui frappe chez ce Resident Evil 4 cuvée 2023, c’est bien entendu son aspect visuel. Non contents d’avoir repensé les environnements et retouché les modèles 3D, les petits gars de chez Capcom ont donné corps à l’ensemble avec un moteur très efficace, le RE Engine. Le résultat, c’est une campagne espagnole plus belle que jamais, très détaillée. Malheureusement, cela va avec quelques textures manquant de finesse, et une technique adaptée pour le cross génération, ne faisant aucun miracle. Par moments, ce remake accuse l’âge de son moteur, qui souffre un peu dans les environnements les plus ouverts, avec quelques retards d’affichage, et un certain flou. Dans l’ensemble, néanmoins, on peut dire que Resident Evil 4 est très joli.
Enfin, là où le titre impressionne, c’est dans son goût du détail, notamment en ce qui concerne le démembrement et les différents effets gores, qui fonctionnent du feu de dieu. À l’instar de Electronic Arts avec son Dead Space Remake, Capcom a souhaité rendre ce Resident Evil 4 encore plus moite, encore plus violent, et encore plus sanglant que l’original. En résultent des sensations, manette en mains, décuplées. Parce que démembrer du plagas par paquet de dix, c’est encore plus jouissif dix-huit ans et deux générations de consoles plus tard, en bonne partie grâce aux effets visuels de très bonne facture.
Bien que les développeurs aient repensé le level design, certaines séquences reviennent pratiquement à l’identique, la refonte visuelle en plus. Il faut dire que le Resident Evil 4 de 2005 fonctionne encore très bien aujourd’hui, malgré l’absence de caméra libre, et quelques lourdeurs. Des lourdeurs que la version de 2023 conserve, en partie, participant à une ambiance qui prend rapidement aux tripes, et ne lâche le joueur qu’une fois les crédits atteints. Ce remake est plus sombre, un peu plus sérieux, et peut-être un peu moins sage que son modèle.
Moins sage, parce qu’il s’amuse parfois avec le joueur. Les fans de l’original reprendront rapidement leurs marques, même s’il faut un petit temps d’adaptation pour le système de visée. Ils avanceront en terrain connu, la plupart du temps, avec des environnements souvent revus et corrigés, profitant à un level design plus vertical, plus organique aussi, mais toujours aussi dirigiste. Une bonne partie des trésors sont par ailleurs cachés aux mêmes emplacements que dans le jeu de 2005. Mais le titre saura aussi les surprendre, en adaptant différemment quelques séquences, voire même en supprimant certaines phases et boss au profit, parfois, de contenu inédit.
Quant aux néophytes, ils apprendront à craindre le bruit des tronçonneuses, mais surtout à regarder derrière eux. Car, là encore à l’instar de Dead Space Remake, ce Resident Evil 4 fait le choix de prendre le joueur à revers à plusieurs occasions, provoquant une angoisse délectable, voire arrachant un petit sursaut. Cette nouvelle version soigne son ambiance, qui se révèle mieux maîtrisée que dans l’original, faisant son petit effet à la nuit tombée, ainsi qu’à la rencontre de certains adversaires plus coriaces. Comme la nouvelle forme de villageois, qui se relève après avoir été envoyée au tapis, nuque à 90 degrés, plus véloce et solide que ses congénères.
Dead Aim
Aussi bavard que son modèle, ce Resident Evil 4 suit une trame narrative très similaire, tout en se permettant divers petits changements, souvent bienvenus, qui le rendent globalement plus cohérent, se permettant aussi de mieux expliquer quelques points d’ombre. On retrouve donc ce bon vieux Leon Scott Kennedy, s’enfonçant tant bien que mal dans une profonde campagne espagnole pour sauver la fille du président des États-Unis, Ashley Graham, retenue prisonnière pour d’obscures raisons par une bande de fanatiques religieux infectés par un parasite étrange. Une bonne grosse série B, comme on en a l’habitude avec la licence, et qui fonctionne pas trop mal, surtout grâce à une mise en scène travaillée bien que plus sobre que ce à quoi on pouvait s’attendre.
Une mise en scène portée par une réorchestration très juste des thèmes musicaux du jeu de 2005, ainsi que des doubleurs anglais qu’on sent investis. Mais comme ses récents congénères, Resident Evil 4 s’offre aussi le luxe d’une localisation complète en français, avec des comédiens qui fournissent un travail soigné. On retrouve la témérité de Leon, un Luis Sera au meilleur de sa forme, et globalement le casting dans les deux langues n’essuie aucun raté. On notera aussi que le titre profite d’un sound design, et d’une spatialisation sonore, très réussis. Mais bien sûr, le plus important n’est pas là.
Parce qu’on se doutait que la mise en scène serait finement assaisonnée, que les graphismes seraient globalement au point, et l’ambiance s’annonçait effectivement plus sombre. Mais il restait une part d’ombre concernant le gameplay, qui n’aurait nullement pu être repris tel quel. Nous évoquions plus haut la relative lourdeur du protagoniste, et il est vrai qu’elle est palpable. La manière de se mouvoir de Leon rappelle beaucoup celle de Isaac Clarke dans Dead Space (la boucle est bouclée), avec une caméra libre, et bien sûr la possibilité de se déplacer en visant, ce qui fait évidemment baisser la précision de nos tirs. Par ailleurs, il est désormais possible de s’accroupir, et de réaliser des exécutions, certaines séquences mettant bien en valeur la furtivité.
Quant aux sensations de shoot en elles-mêmes, difficile de les décrire autrement qu’avec des synonymes du mot « jubilatoire ». Le démembrement et les effets gores y participent, évidemment. Mais c’est surtout le feeling des différentes armes qui est à prendre en compte. Ce bon vieux fusil à pompe n’a jamais été aussi grisant à utiliser, au même titre que le Killer7 (référence au jeu de Suda51 que ce remake conserve telle quelle). On regrettera néanmoins qu’à l’exception de grenades lourdes et d’une variante du lance-mines, l’intégralité des armes soit connue des fans. Bien que l’arsenal demeure assez bien fourni, et retravaillé, pour que ce « problème » n’en soit pas un.
Reste l’ajout de mécaniques nouvelles, liées au couteau, qui rendent ce dernier infiniment plus utile que dans le jeu original. Il est désormais possible de parer une grande partie des attaques, qu’elles soient au corps-à-corps ou à distance, d’une simple pression de gâchette au bon moment. Un moyen plutôt ingénieux de redynamiser les affrontements, qui ne manquent pas de nervosité dans cette version. L’inconvénient, c’est que le couteau militaire de ce cher Leon se brise après quelques utilisations, et il va donc falloir fouiller pour trouver d’autres petites lames, ou le faire réparer régulièrement chez le marchand.
Survivor
De manière générale, Resident Evil 4 Remake revoie et corrige tous les aspects de son aîné, même ce qu’il faisait bien. Ainsi, il entretient un constant flux tendu de munitions, qui ajoute à la tension déjà viscérale. Il faudra compter sur un système de craft (hérité de Resident Evil Village), porté par quelques ressources à trouver sur les ennemis ou dans le décor, basique mais fonctionnel, permettant de se fournir en balles au besoin. Mais, même avec cela, on tombe rapidement en rade, ce qui pousse intelligemment à utiliser le couteau, à abuser des grenades, et à varier notre arsenal. Heureusement, s’il n’est pas foncièrement facile, le titre n’est pas compliqué en mode standard. On aurait d’ailleurs tendance à conseiller à ceux qui connaissent bien l’original de lancer ce remake en mode difficile.
Certaines séquences disparaissent, quand d’autres sont combinées, ce qui est généralement pour le mieux. L’aventure apporte juste ce qu’il faut de nouveauté et de changements pour que ceux qui connaissent l’original prennent plaisir à redécouvrir Resident Evil 4, et la progression en est d’autant plus organique. Quelques absences seront remarquées par les fans absolus, tandis qu’un nouveau boss manque cruellement d’intérêt. Et cette version cache moins de petites surprises destinées aux amoureux de la licence. Tout en s’offrant une histoire un peu plus détaillée, et quelques clins d’œil plaisants.
Les QTE, qui représentaient une grosse partie de l’expérience originale, sont moins nombreux, et certainement utilisés de manière plus pertinente. Ainsi, le titre nous pousse à être encore plus mobiles, puisqu’il ne sera plus possible d’esquiver toutes les attaques de certains boss d’une simple pression de touche au bon moment. Il reste juste ce qu’il faut, là encore, avec notamment l’utilisation du couteau pour contrer certaines attaques. Et si vous vous inquiétiez au sujet d’un combat entièrement en QTE dans le jeu de 2005, sachez qu’il n’y a pas lieu. Encore une fois, tout ou presque a été revu et corrigé, même ça.
En se modernisant, Resident Evil 4 offre aussi à Ashley une intelligence artificielle plus convaincante, l’empêchant généralement de nous gêner en pleine action. Les développeurs ont eu la riche idée de conserver mais d’améliorer un brin le système d’ordres, très basique là encore, mais parfaitement fonctionnel. La jeune femme perd sa barre de vie, ce qui fait ça de moins à surveiller. Mais elle peut toujours mener au Game Over lorsqu’elle essuie deux coups consécutifs, sans que vous ayez eu le temps de la relever, ou qu’elle est enlevée par un ennemi qui quitte la zone en la portant sur son épaule. On peut dire qu’elle représente bien moins un fardeau qu’il y a dix-huit ans, et c’est un soulagement.
Alors bien sûr, on pourra pester contre quelques détails. La prise en mains nécessite un petit temps d’adaptation par exemple. Les boss conservent, pour la plupart, leurs patterns originaux, un peu trop basiques. Le marchand aurait gagné à apprendre plus de répliques. Le jeu manque parfois un peu de subtilité, quoique ce soit aussi vrai pour la version de 2005. Certaines séquences manquantes auraient pu être conservées. Mais surtout, on aurait aimé que terminer l’aventure débloque la campagne de Ada Wong, comme sur PS2… Et si le titre se paiera bientôt un mode dédié au PS VR 2, tandis que les fans du fameux Mercenaries y auront droit dans une mise à jour gratuite, on aurait évidemment apprécié que tout ceci soit disponible au lancement.
Bien que, dans les faits, Resident Evil 4 Remake soit plutôt long dans son genre, il s’offre quelques missions secondaires inédites (mais pas bien palpitantes) en conservant un New Game + classique mais toujours efficace, le manque de contenu une fois l’aventure bouclée fait un peu de peine lorsque l’on connaît l’original. On se consolera avec le retour du mini-jeu de tir, présent à quelques endroits au cours de l’aventure, ou un système de défis in-game, qui permet de débloquer plusieurs armes, ainsi qu’une palanquée de modèles 3D et de concepts arts à admirer via le menu principal. Et bien sûr avec un mode de difficulté Professionnel, pour les amateurs de challenge très relevé.
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