Aussi révolutionnaire, imparfait et en avance sur son temps fut-il en 1993, Romancing SaGa 2 n’était certainement pas en tête de liste des remakes potentiels que l’on voyait arriver chez Square Enix. Pourtant, après avoir remis au gout du jour Trials of Mana, l’éditeur japonais a décidé de donner une véritable chance à ce titre méconnu d’aller chercher une nouvelle audience avec une version entièrement en 3D, plus parlante pour le grand public. C’est donc avec la même la même équipe que pour Trials of Mana qu’est né Romancing SaGa 2: Revenge of the Seven, bien déterminé à montrer que cet épisode fut un pilier majeur du genre du JRPG. Encore fallait-il que ce remake soit à la hauteur du matériau de base.
Conditions de test : Nous avons joué 30 heures à la version PC de Romancing SaGa 2: Revenge of the Seven, sur une machine équipée d’un processeur AMD Ryzen 5 5600 6-Core 3.50 GHz, de 16 Go de RAM et d’une carte graphique AMD Radeon RX 6700 XT. Nous avons malheureusement buté sur l’ultime boss, qui ne cesse de décimer notre équipe. Nous avons alterné entre le mode Normal et le mode Facile tout en testant le mode Difficile (soit la difficulté classique du jeu de base) très brièvement. Précisons également que nous n’avons pas joué au titre d’origine (ce qui ne veut pas dire que l’on n’a pas fait nos recherches), ce qui fait de ce test une découverte de Romancing SaGa 2.
Sommaire
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Si l’on décrit souvent Romancing SaGa 2 comme un JRPG qui a un peu bousculé les codes de l’époque, c’est avant tout pour sa structure non linéaire. Tout son principe repose sur le fait que vous n’incarnez pas un héros unique, mais de multiples protagonistes tous issus de la même dynastie, qui vont se relayer lorsque l’un d’entre eux tombe au combat ou lorsque le jeu met en place une ellipse.
Pour être plus clair, vous incarnez ici le roi du royaume Vallaine, chargé de protéger le continent du courroux des Sept Héros. Ne vous fiez pas à leur nom puisque si ces sept guerriers ont bien accompli des exploits héroïques dans un lointain passé, ils sont désormais de retour sous une autre forme pour se venger d’une mystérieuse trahison.
Une seule génération ne suffira pas pour les combattre et les rois vont ainsi se relayer de siècle en siècle pour trouver comment endiguer la menace, tout en se transmettant leurs pouvoirs et leur savoir. Seuls le premier descendant et l’ultime roi sont définis par avance par le jeu (vous pouvez juste choisir le genre du dernier roi/reine), tandis que les autres seront à sélectionner parmi plusieurs choix possibles.
A cela vient s’ajouter une quête assez ouverte dans le sens où vous pouvez affronter les différentes situations proposées dans l’ordre qui vous convient le mieux. Votre but sera bien d’assembler les différents territoires du continent tout en terrassant un à un les Sept Héros, mais l’ordre dans lequel vous accomplirez tout cela est entièrement libre. Autant dire que face à un Final Fantasy ou un Dragon Quest qui proposent des structures plus fermées, Romancing SaGa 2 est apparu comme un ovni à son époque.
La rancune tenace
En 2024, l’effet de surprise n’est plus là et si l’on apprécie cette liberté d’approche, force est de constater qu’elle pose des problèmes qui sont amplifiés par ce remake. Le premier souci majeur que l’on constate est que la narration se retrouve forcément bridée par tous ces choix. Si l’on met de côté le prologue et la bataille finale (et encore), Romancing SaGa 2: Revenge of the Seven ne raconte presque rien puisqu’il ne sait jamais vraiment s’adapter au protagoniste qui sera le vôtre au moment des différents événements. Si l’on met de côté le premier roi et le dernier, vous aurez en face de vous des héros muets avec quelques choix de dialogues qui n’impactent pas tant que ça le déroulé de l’aventure.
Un détail qui ne peut pas être contrebalancé avec l’éloquence de vos compagnons, étant donné qu’ils changent eux aussi constamment et ne sont jamais prédéfinis à l’avance. N’attendez donc jamais d’en savoir plus sur les personnages, qui ne sont que des héros de fonction, ou plutôt des classes/jobs sur pattes qui vous aident à avancer. Vient s’ajouter à cela le fait que l’histoire de chaque territoire ou presque n’a que peu d’intérêt, répétant souvent les mêmes schémas narratifs.
En 1993, avec un recul qui n’est pas le même qu’aujourd’hui et avec un aspect 2D qui offrait une part plus importante aux non-dits et à l’imagination, cela n’était pas un problème. Mais dans ce remake, qui fait pourtant l’effort de passer à une vraie 3D, cela se voit comme le nez au milieu de la figure. Tout est trop statique, jamais épique, jamais intéressant.
Le remake fait tout de même un effort qu’il nous faut noter, en plus d’une traduction française et d’un doublage. Au cours de votre aventure, dans les différents donjons, vous croiserez des mécanismes qui vous permettront de déclencher des cinématiques relatant de l’histoire des Sept Héros, afin de mieux comprendre pourquoi ils sont aujourd’hui une menace. Cela ajoute un peu de corps à l’intrigue de base (qui en manque cruellement), même si ce ne sont là que des miettes dont il est difficile de se contenter.
Compter sur les générations futures
Il faut donc se faire à l’idée que Romancing SaGa 2 est davantage un jeu à mécaniques qu’autre chose. Et si on le prend comme cela, il a effectivement de quoi nous séduire. Cela commence par son système de succession bien trouvé. Si vous pouvez abdiquer ou si vous serez parfois contraint de changer de souverain par la force des choses après avoir assez avancé dans l’aventure (histoire de vous empêcher de tuer les Sept Héros avec un seul personnage), vous devrez aussi passer le flambeau si votre protagoniste mord la poussière.
Rassurez-vous, il ne suffit pas d’un seul K.O. pour l’envoyer au mausolée, puisque chaque personnage dispose de « PC » qui sont équivalents à des « vies » (comme un cœur dans Mario par exemple). Chaque fois que ses points de vie sont réduits à zéro en combat, il peut être réanimé, mais il aura perdu l’un des ses PC, qui eux ne peuvent pas être regagnés (en dehors d’objets spéciaux). Votre avatar n’est pas le seul à être contraint par ce système, puisque tous les personnages de votre groupe peuvent aussi mourir définitivement de cette façon.
C’est en partie pour cela que le jeu de base a la réputation d’être relativement difficile et punitif. Dans ce remake, un mode Normal et un mode Facile viennent adoucir un peu la chose pour vous éviter de changer de roi tous les quatre matins, ce qui rend le système un peu plus digeste. D’autant plus que passer d’une génération à l’autre ne signifie pas tout recommencer à zéro.
Votre nouveau roi héritera des compétences accumulées de sa lignée, tout comme vos compagnons qui pourront réapprendre facilement les compétences déjà acquises. Puisque Romancing SaGa 2: Revenge of the Seven ne repose pas sur un système de niveaux pour vos personnages, mais demande plutôt une maîtrise des armes, vos descendants ne pourront être que plus forts au fil des générations.
Plein d’idées lumineuses
Pour apprendre de nouvelles compétences, vous devrez utiliser le plus possible les armes à votre disposition. Certaines attaques sont parfois marquées d’une petite ampoule (l’imagerie typique d’un coup de génie) qui vous indique qu’en l’utilisant, votre personnage aura une chance d’apprendre une nouvelle compétence en plein combat. Un système qui a fait ses preuves malgré une dose de hasard qui peut être frustrante.
La progression de vos personnages reste fluide et on apprécie découvrir très régulièrement de nouvelles capacités au cœur de l’action. Le système de combat au tour par tour que Romancing SaGa 2: Revenge of the Seven met en place reste relativement classique, avec un système de faiblesse à trouver satisfaisant et une chronologie des actions à bien surveiller. Viser les points faibles de l’ennemi va faire grimper une jauge de Fougue qui permettra ensuite de lancer 2 à 5 attaques à la suite avec un multiplicateur de dégâts. Le tout s’enchaîne plutôt rapidement et on notera peu de temps morts dans les affrontements grâce à des animations rapides.
Vient s’ajouter à cela un peu de préparation en amont grâce aux formations. Lorsque vous combattrez, votre groupe de cinq personnages sera disposé sur le terrain en fonction de la formation préalablement choisie. Naturellement, les archers et les mages auront plutôt tendance à être sur la ligne arrière tandis que les plus bourrins joueront les tanks à l’avant, mais les diverses formations que l’on peut choisir offrent tout de même quelques subtilités sympathiques à tester. Et puisque vous changez de groupe à chaque génération, vous avez tout le loisir d’essayer toutes les formations possible au cours de votre aventure.
Vous aurez de toute façon l’occasion d’essayer tout ce qu’il est possible de faire durant les combats, puisque des monstres, vous allez en croiser. Beaucoup trop. Même si l’on voit les ennemis à l’écran avant de rentrer sur le champ de bataille et qu’il est donc possible de les esquiver, Romancing SaGa 2: Revenge of the Seven propose bien trop d’affrontements, jusqu’à l’indigestion. On en vient à slalomer entre les monstres pour ne pas perdre trois heures dans un donjon à faire la même chose en boucle. Et malgré le fait de pouvoir changer de difficulté n’importe quand, impossible de ne pas remarquer l’équilibrage aléatoire de certains combats, rendant la chose encore plus agaçante.
Coup de peinture sur le royaume
En tant que roi, votre devoir sera également de vous occuper de votre royaume. L’aspect gestion de Romancing SaGa 2: Revenge of the Seven reste malgré tout relativement sommaire puisqu’il vous demande simplement de construire trois ou quatre bâtiments spéciaux (forge, université…) pour améliorer les revenus de votre bastion tout en vous offrant davantage d’options pour vos personnages.
Ce royaume pourra être étendu en venant en aide aux différents territoires du continent, ce qui vous donne l’occasion de voyager un peu même quand vous ne chassez pas les Sept Héros. C’est ici que le remake change le plus les choses puisque le passage à la 3D modifie évidemment la perception du monde que l’on peut avoir. Si vous avez joué au remake de Trials of Mana, vous ressentirez très vite la patte du studio ici, avec un chara-design (malheureusement loin du style de Tomomi Kobayashi, qui s’est occupé du chara-design sur le jeu de base) très proche et des décors très colorés.
C’est parfois un peu vide et lisse, avec un effet de blur-motion (un flou) qui n’aide pas en mouvement, mais avec tous ses biomes au compteur, Romancing SaGa 2: Revenge of the Seven donne au moins l’impression de vraiment voyager. Certains panoramas sortent malgré tout du lot et même si le level-design reste assez fermé, on se plaira à aller dénicher tous les coffres ou encore à aller chercher tous ces étranges êtres jaunes qui se cachent un peu partout dans le monde, et que l’on collectionne façon timbres.
Et puis, aller fouiner un peu partout vous laissera le loisir d’écouter la réorchestration de la bande-son de Kenji Ito, qui reprend du service pour réimaginer presque tous les morceaux du jeu de base. Vous aurez même le luxe de pouvoir choisir entre cette nouvelle version ou la bande-son d’origine, pour les quelques nostalgiques. Ces musiques pourront aussi être écoutées au calme à l’université de votre royaume, un lieu où vous aurez aussi le le plaisir d’aller tester vos connaissance sur le lore en répondant à divers quizz, donnant accès à plein de récompenses.
Et c’est sans doute assez représentatif de ce remake en général : malgré ses défauts parfois inhérents au jeu de base, on ressent une vraie envie de rendre honneur à Romancing SaGa 2. Le contenu du remake est d’ailleurs encore plus riche que le jeu de base avec des nouveaux événements, de nouveaux sorts à apprendre, des menus bien plus clairs et du contenu post-game qui vous permet d’affronter une nouvelle fois les Sept Héros un par un pour apprendre leurs techniques (mais étant bloqués au boss de fin, difficile de vous en dire plus à ce sujet).
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