Série de RPG méconnue par chez nous, SaGa eut pourtant droit à un paquet d’épisodes au Japon, et même des dérivés. Notez d’ailleurs que le jeu nous intéressant aujourd’hui, Romancing SaGa – Minstrel Song – Remastered, est une version liftée du remake PS2 d’un jeu Super Famicom. Jeu auquel l’Europe n’a jamais eu droit, alors que ses deux suites connurent, pourtant, des rééditions sur l’eShop de la Switch. Mais, d’une certaine façon, difficile de blâmer Square Enix, dont les têtes pensantes ont certainement conscience qu’une production telle ne risque qu’un échec commercial hors de l’archipel. Malgré tout, nous voici devant un remaster dont on pourrait dire la même chose.
Square Enix avait prévu une quantité ahurissante de sorties pour la fin d’année 2022, avec des titres prometteurs s’en sortant plutôt bien, comme Valkyrie Elysium ou Harvestella, et d’autres se prenant bêtement les pieds dans le tapis, comme Front Mission 1st Remake… Il faut dire qu’enchaîner les jeux de la sorte, c’est garantir un budget moindre à chaque projet. Un peu comme si la firme nippone cherchait à rembourser ses prochains gros jeux, notamment Forspoken et Final Fantasy XVI, en multipliant les itérations bas de gamme, qui trouveront certainement quelques preneurs. Romancing SaGa – Minstrel Song – Remastered joue-t-il dans cette catégorie ?
Conditions de test : Nous avons joué environ 25h au titre sur Nintendo Switch, principalement en mode portable. Ce test est garanti sans spoiler.
Sommaire
ToggleConcept flou
L’an dernier, nous avons eu l’occasion de vous parler de SaGa Frontier Remastered, dont le concept reste très similaire à celui de Romancing SaGa – Minstrel Song – Remastered. En d’autres termes, et c’est une constante chez la série, on trouve ici une bonne quantité de héros à incarner, chacun ayant son point de départ bien à lui, et d’une certaine façon, son histoire aussi. Et d’emblée, comme pour SaGa Frontier, on peut vous annoncer sans prendre de risque que l’aventure ne parlera qu’à peu de profils de joueurs et de joueuses, même parmi les amoureux du J-RPG.
Certes, l’idée de pouvoir choisir son protagoniste, et son point de départ dans un monde plutôt vaste, a quelque chose de séduisant sur le papier. Malheureusement, c’est difficile d’y trouver autant d’intérêt manette en mains. Parce que, dans les faits, ces points de départ ne se valent pas tous, et certains sont même de véritables handicaps dans la progression du joueur ou de la joueuse. Pas à cause d’une difficulté surhumaine, loin s’en faut, mais plutôt parce que la structure de cette aventure pose de nombreux problèmes, qu’il est compliqué de mettre de côté.
D’une certaine façon, la plus grande force de Romancing SaGa – Minstrel Song – Remastered est aussi son plus grand défaut. Parce que le titre nous laisse libre de faire nos choix, de partir dans la direction que l’on désire, d’écrire sa propre histoire en somme. Et même de recruter son équipe, selon nos préférences, de paramétrer la progression de nos personnages sur plusieurs aspects, ou encore changer leurs classes au besoin. Sur beaucoup de points, ce jeu de rôle old school verse dans un classicisme presque réconfortant, s’accompagnant malheureusement d’une profusion souvent déroutante de mécaniques.
C’est là que la bât blesse. Sur le papier, le concept est particulièrement intéressant, il est vrai, et assez singulier pour mériter le coup d’œil. Mais cela s’accompagne malheureusement d’une quantité de défauts et d’imprécisions qui ternissent durablement l’expérience. C’est très chouette de pouvoir écrire sa propre histoire, en voyageant comme on le désire dans ce monde intrigant. Mais on se heurte rapidement à des limitations évidentes. Le fait qu’aucun véritable fil rouge ne soit là pour guider nos pas, rend chacun d’eux un brin angoissant. Partez-vous vraiment dans la bonne direction ?
Tout néophyte ne peut qu’être perdu pendant les premières heures de l’aventure qui, quel que soit le protagoniste choisi, sont les plus difficiles à surmonter, en raison de l’absence de chemin défini. Bien sûr, on finit par s’y faire, et par comprendre un peu mieux le fonctionnement du jeu, par tomber sans trop le chercher sur différentes quêtes qui vont aiguiller nos pas, dans une certaine mesure. Mais il faut se cramponner à sa manette, parfois se forcer à persévérer, pour finir par se raccrocher à un wagon scénaristique, en espérant qu’il en vaille la chandelle. Mais c’est rarement le cas.
Peut-être trop old school
Là où Romancing SaGa – Minstrel Song – Remastered surprend le plus, c’est dans sa faculté à rendre son voyage grisant. Nous ne sommes pas devant un monde ouvert au sens propre, il faudra passer par des panneaux déroulants pour choisir ses destinations, ou aller à la rencontre de capitaines de navires proposant la traversée de certains points d’eau ou océans. Pourtant, on est sans cesse dépaysé par son monde restreint, ce qui est nettement influencé par cette possibilité qui nous est offerte de nous rendre pratiquement où on le désire, dès le début (ou presque).
Du moins, jusqu’à un certain point, puisque l’on fait finalement le tour du propriétaire assez vite, et que les environnements manquent cruellement de charme. Bien que le jeu ne nous prenne jamais par la main, il dispose à contrario d’un level design terriblement basique, souvent trop linéaire, malgré quelques tentatives de rendre le tout labyrinthique. Ajoutez à cela des environnements qui ont pris un sacré coup de vieux, malgré le lifting, ainsi que des menus rudimentaires et une ergonomie entièrement à revoir, vous obtenez une expérience résolument austère, difficile à digérer.
Parce qu’au rayon des nombreux défauts de Romancing SaGa – Minstrel Song – Remastered, la vacuité des ajouts n’est pas loin du lifting paresseux, flirtant lui-même avec l’absence de fil rouge défini dont nous parlions plus haut. Ce qui est dommage, car le character design n’a pas pris une ride, et compte d’ailleurs parmi les plus grandes forces du jeu, même du côté du bestiaire très bien fourni. Tous les personnages ayant une ligne de dialogue sont par ailleurs doublés, en anglais ou en japonais (c’est au choix), ce qui aurait pu mener à une expérience immersive.
Finalement, le seul ajout que l’on retiendra sera l’augmentation facultative de la vitesse du jeu, permettant à notre personnage de se déplacer avec plus de célérité, ou aux combats de ne pas trop traîner en longueur. Bien que ceux-ci demeurent malgré tout d’une mollesse parfois effarante, à laquelle on ajoutera des mécaniques intéressantes mais mal amenées ou expliquées. Même après quinze heures de jeu, on a tendance à instinctivement éviter les créatures tombant sur notre chemin. Heureusement que les combats ne sont pas aléatoires.
En vérité, il apparaît rapidement que, comme ses pairs, Romancing SaGa – Minstrel Song – Remastered est un jeu à guides. Pas comme le sont Dark Souls, Bloodborne et consorts, malheureusement. Parce que lesdits guides sont presque obligatoires pour parvenir à trouver son chemin, par moments, ou pour comprendre comment avancer dans l’aventure, trouver les bonnes quêtes, consommer les tranches de scénario les plus intéressantes. Et Dieu sait qu’elles sont bien cachées, malheureusement, derrière une quantité déraisonnable de quêtes abrutissantes.
J’ai tendance à bloquer
Entendons-nous bien, Romancing SaGa – Minstrel Song – Remastered est très loin d’être un mauvais jeu. Il jouit d’une richesse surprenante, d’une chouette bande son tournant malheureusement un peu en rond, et peut se révéler relativement addictif, à condition d’adhérer à son concept. Malheureusement, il aurait fallu bien plus d’efforts dans le développement pour en faire une expérience véritablement recommandable. À l’image de Front Mission 1st Remake dont nous parlions plus tôt dans le mois, on sent bien qu’on ne passe pas loin d’une expérience rafraîchissante.
Mais il lui manque beaucoup de choses pour espérer parler aux fans de J-RPG. Au rayon des erreurs commises par les développeurs, on pourra citer la profusion d’informations au début de l’aventure, le jeu distillant très mal ses mécaniques. Bien sûr, en ce qui concerne le public francophone, l’absence de traduction depuis l’anglais n’aide en rien à s’investir, d’autant que le niveau de langue demeure soutenu, et que les dialogues avancent souvent tout seuls. Et bien sûr, la prise en main est frustrante, autant à cause d’une ergonomie à revoir, que d’une caméra se contrôlant toute seule.
Assez novatrice à l’époque de sa sortie sur PlayStation 2, cette expérience singulière a pris un sacré coup de vieux, sur la majeure partie de ses aspects principaux. De sa narration, pourtant essentielle à l’appréciation de l’aventure, à ses combats, en passant par son exploration. Certaines choses fonctionnent bien, mais on est plus souvent frappé par les ratés, beaucoup plus nombreux en comparaison. À qui s’adresse Romancing SaGa – Minstrel Song – Remastered ? Pas à grand monde, malheureusement…
Cet article peut contenir des liens affiliés