Sur le marché à part des simulations de vie et de farming, Stardew Valley règne plus ou moins en maître depuis un certain temps. Contre toutes attentes, l’ancien ténor du genre, j’ai nommé Harvest Moon, s’est lentement laissé dépasser en demeurant daté techniquement malgré les années, ne proposant pratiquement rien de neuf au fil des opus.
En marge de cette licence fort appréciée sortait Rune Factory, en 2006. Développé par le studio nippon Neverland, qui a malheureusement fermé ses portes depuis, le titre reprend trait pour trait le concept de Harvest Moon, mais y incorpore une recette fantasy et de l’Action-RPG. La sauce prend diablement bien !
Six ans après sa première apparition sur les 3DS européennes, Rune Factory 4 nous revenait en cette fin février dans une édition sous-titrée Special, exclusive à la Nintendo Switch. Un bon moyen de remettre les mains sur cette série atypique avant l’arrivée présumée, dans le courant 2020, d’un cinquième opus dont on ne sait encore rien.
Sommaire
ToggleDe la 3DS à la Switch
Remettons un peu les choses dans leur contexte avant de lancer les hostilités. Rune Factory est une série débutée en 2006 sur Nintendo DS, avec un soft excellent, bien meilleur et plus beau qu’un certain Harvest Moon DS, sortant pourtant l’année suivante par chez nous. La série nous a ensuite offert deux épisodes supplémentaires, de grande qualité, toujours sur la portable aux deux écrans, avant de s’exporter vers la Wii et la PlayStation 3. Sur ces nouvelles plateformes, elle n’excelle plus, c’est vrai, mais s’en sort néanmoins plutôt bien.
Fidèle à Nintendo et ses consoles portables, la série reprend le compte des épisodes numérotés avec Rune Factory 4 sur 3DS en 2012. Comme souvent, celui-ci met un temps fou à parvenir jusqu’à l’Europe. C’est finalement en 2014 que nous avons enfin le bonheur d’y toucher, dans une version exclusivement disponible en dématérialisée, dont on déplore surtout l’absence de traduction depuis l’anglais. Six ans plus tard, le 28 février, nos Switch accueillent le retour de ce jeu passé plus ou moins inaperçu, dans une édition intégralement en français. Alors, heureux ?
En un sens, bien que cette version française arrive beaucoup trop tard, c’est tout de même une nouvelle plutôt réconfortante. D’abord parce que le titre d’origine, sur 3DS donc, est une franche réussite sous de nombreux aspects, mais aussi parce que l’espoir est désormais plus que permis concernant la parution européenne et la traduction de Rune Factory 5. Là dessus, nous ne nous lancerons pas dans de vaines conjectures, croisons simplement les doigts, et attendons de voir ce que cette suite fort attendue donnera.
Cela étant dit, le timing est plutôt mal choisi pour sortir une simulation de vie sur Switch, aussi complète et originale soit-elle. Les yeux sont en effet rivés sur Animal Crossing : New Horizons, prévu pour le 20 mars. Un titre qui ne concurrence pas celui-ci sur le terrain du RPG, ni même de l’aventure (bien que ce soit un aspect limité chez ce dernier) ; mais on parle tout de même d’une licence énorme, fortement attendue par les joueurs. Ils ne jouent clairement pas dans la même cour, et pourtant Rune Factory 4 mérite clairement le coup d’œil sur Switch !
Malheureusement, de la 3DS à la Switch il y a un fossé technologique plutôt conséquent. Bien sûr, le développeur a quelque peu retravaillé l’aspect graphique entre temps. Mais le résultat n’est pas très convaincant sur le fond. Ce qui sauve finalement ce quatrième volet, à ce niveau, c’est sa direction artistique réussie, très colorée et au character design orienté manga. Enfin, qu’on se le dise, ceux qui ont fait la version originale sur la portable de Nintendo ne seront pas dépaysés par le résultat présent, simplement un peu plus net que par le passé.
Rune Factory, what is it ?
Inspirée de Harvest Moon de A jusqu’à Z, Rune Factory est donc une série de jeux de farming, qui penche par ailleurs du coté de la simulation de vie. Ainsi, tout commence, dans ce quatrième épisode, par une histoire de navets et de champ à labourer, bien qu’aux yeux des habitants du village de Selphia, vous soyez le nouveau prince ou la nouvelle princesse. Un monarque aux ambitions sociales, avant toute chose, puisqu’on lui demandera bientôt de mettre sa houe et son arrosoir de coté, afin de se consacrer pleinement à la vie de la région et son attrait touristique.
Coté plantation, cet épisode ressemble là encore beaucoup à ce qui se fait chez la concurrence, et ne tente pas vraiment d’innover. C’est le cas aujourd’hui, et ça l’était déjà en 2014. Néanmoins, bien que l’on pourra lui reprocher ses mécaniques obsolètes, qui rendent le travail à la ferme redondant, le tout reste suffisamment bien huilé. Classique, mais efficace, en somme. Par ailleurs, on obtient rapidement de quoi nous aider à la ferme, et les améliorations ne manquent pas, pour rendre notre équipement plus performant et gagner en rendement.
Quant à notre vie de prince, elle ne tarde pas à devenir compliquée, entre les requêtes de Ventuswill, dragon ancien qui veille sur le village, et celles des habitants qui deviennent de plus en plus élaborées à mesure que l’on avance dans l’histoire. Dans un premier temps, celles-ci prennent la forme d’un tutoriel très complet, bien ficelé et expliqué de façon intelligible, qui récompense par ailleurs notre assiduité par de nouveaux outils. Dommage que l’aventure mette, de ce fait, autant de temps à livrer tout son potentiel.
Et ce potentiel, il réside en bonne partie dans le second aspect de son gameplay : l’aventure. Autour de Selphia s’étend une forêt pleine de monstres, au cœur de laquelle se cachent des trésors et des lieux anciens et dangereux. Bien entendu, ce sera à nous de partir à l’exploration, épée (ou toute autre arme de notre convenance) en main. Attention toutefois, le titre ne permet pas de se précipiter. Il faudra beaucoup de temps et d’allers-retours dans la forêt et ses environs avant que l’histoire et notre niveau nous permettent d’en découvrir les recoins les plus sombres.
Parce que qui dit Action-RPG dit expérience et niveau, mais aussi combats. Là-dessus, Rune Factory 4 ne fait pas dans la finesse, avec ses affrontements brouillons et ses hit box un peu aléatoires. On notera un challenge assez mince, en mode normal, mais heureusement le titre embarque trois niveaux de difficulté. On conseillera d’emblée aux joueurs aguerris de débuter en difficile, sans quoi ils risqueraient de s’ennuyer un peu lorsque vient l’heure de partir à la chasse. D’autant que cet aspect représentera 50 % des activités quotidiennes.
De l’intérêt sur le long terme
Peu de séries sont aussi chronophages que celle-ci, qui embarque à la fois un contenu très conséquent, et une vaste liste d’activités à réaliser quotidiennement. Car ce quatrième volet, comme ses prédécesseurs, fonctionne autour d’un calendrier comportant quatre mois, pour quatre saisons. Ainsi, le joueur peut aller à son rythme dans l’histoire, mais devra bien faire attention au temps qui passe et à la météo qui file, sans quoi il pourrait perdre l’intégralité de ses cultures du jour au lendemain. Un minimum de réflexion et d’attention sera nécessaire à ce niveau.
Plus que ses prédécesseurs, Rune Factory 4 regorge de choses à faire. On retrouve la classique chasse à l’amour, qui nous permettra de nous marier avec un homme ou une femme ; notons d’ailleurs que les relations homosexuelles ne sont pas permises, ce qui est plutôt décevant. D’autant que chaque prétendant(e) a son lot de spécificités, et nécessitera une approche particulière avant d’accepter de fonder une famille en notre compagnie. Un travail de très longue haleine, à l’image du restant du contenu, mais surtout captivant si l’on accroche aux personnalités diverses.
Si l’on peut en venir à délaisser la culture, sur nos champs, puisque celle-ci n’apporte dans un premier temps que de l’argent, il faudra bientôt s’y remettre pour récupérer de quoi nourrir les monstres que l’on peut employer ; ou encore faire pousser certains végétaux pour répondre aux requêtes des villageois. Ventuswill aura par ailleurs souvent besoin de nos services dans les contrées sauvages, afin de résoudre des problèmes de voisinage, ce qui se résume bien souvent à tuer un gros monstre. Ainsi, on est tout le temps sollicité sur chacun des aspects du titre.
Petite nouveauté de cet opus, la présence de scénettes inédites mettant en scène les hommes et les femmes à conquérir pendant l’aventure est un petit plus. Reste que les interactions sociales sont perfectibles, pas toujours des plus compréhensibles. Ce qui fait par ailleurs écho à une traduction en français imparfaite. On ne s’avisera toutefois pas de critiquer cette dernière, qui a le grand mérite d’exister, mais surtout qui n’était pas facile à réaliser étant donné le nombre ahurissant d’items que comporte le jeu.
Au rang des nouveautés on notera surtout l’apparition d’un mode inédit nommé Jeunes Mariés. Celui-ci propose un nouvel arc scénaristique, mettant en scène le prétendant de notre choix, et ne manque pas d’intérêt, bien que l’histoire reste trop mièvre voire anecdotique sur le long terme. Toutefois, impossible de se lancer directement dans cette nouvelle aventure, puisqu’il faudra avant toute chose débloquer chaque prétendant via la campagne principale, en se mariant avec, pour pouvoir le/la débloquer. Là encore, il faut un temps fou.
À qui s’adresse-t-il ?
Les nouveautés de cette édition Special ne sont clairement pas suffisantes pour justifier son achat, dans le cas où vous auriez déjà investi dans le titre sur Nintendo 3DS. Les deux versions sont sensiblement similaires, même si la mouture Switch offre un plus grand confort de jeu, notamment grâce à ses graphismes vaguement retravaillés, mais surtout à l’ergonomie supérieure de la console. À moins que vous n’ayez été rebutés par la langue anglaise, à l’époque, et ne puissiez toujours pas surmonter ce détail, bien entendu.
Pour tous les autres, Rune Factory 4 Special a de sérieux atouts dans sa manche, avant tout parce qu’il puise dans trois styles de jeu distincts qui se marient à merveille ici. Son aspect farming est certes répétitif, à en devenir lassant sur le long terme, mais il est néanmoins excessivement complet. Du coté de la simulation de vie, on regrettera des dialogues parfois un peu fades, mais on ne peut que féliciter le character design génial et applaudir les personnalités des divers prétendants, hommes ou femmes. Dommage, encore une fois, que les mariages homosexuels soient impossibles.
Enfin, partir explorer les terres sauvages est un vrai plaisir, bien que celles-ci mettent beaucoup de temps avant de nous laisser vagabonder librement. Le gameplay des phases d’action est perfectible, il est vrai, mais les combats se révèlent plutôt jouissifs. Ce qui est d’ailleurs exalté par un gain constant d’expérience, qui donne souvent accès à de nouvelles techniques, selon l’arme utilisée. Et des armes, il y en a un paquet, là encore. Trouver la plus adaptée à votre style de jeu sera déjà complexe, mais mettre la main sur les plus puissantes vous demandera des dizaines d’heures !
Rune Factory 4 Special est donc un jeu à conseiller aux amateurs de farming, dans un premier temps, mais aussi aux amoureux de la simulation de vie. Il émane de son aventure une certaine douceur qui fait beaucoup de bien, à l’image d’un Animal Crossing, pour ne citer que lui. Cela étant dit, si c’est pour son aspect RPG qu’il vous fait de l’œil, sachez que celui-ci reste relativement quelconque. Mais surtout que, à l’inverse de nombreux jeux de rôle, ce volet met place le scénario au second plan, et n’apporte à ce niveau rien de neuf ni de palpitant.
Cet article peut contenir des liens affiliés