Avec son gigantesque parc de Switch implantées à travers le monde, on peut le dire, Nintendo a conquis le cœur des joueurs. Rien de surprenant, en somme, puisque le géant japonais n’a pas lésiné sur les moyens, désireux de sortir la tête de l’eau après une Wii U aux ventes et à la réputation catastrophiques. Nous avons donc pu redécouvrir plusieurs licences qui avaient boudé cet échec commercial, notamment Metroid avec son excellent Dread. D’autres, que l’on rattache à Nintendo historiquement, ont aussi profité du succès de sa dernière née pour mettre les petits plats dans les grands, espérant parfois asseoir plus amplement leur aura sur le marché occidental, comme Atlus avec son SMT V. C’est aussi le cas de Marvelous avec Rune Factory 5, un nouvel opus plus ambitieux que les précédents.
Il faut dire qu’avec ce cinquième volet, la firme nippone a voulu faire passer sa série à la nouvelle génération, après s’être cantonnée aux consoles portables de Nintendo depuis la Dual Screen. 3D, profondeur de champ, nouveautés, système de combat revu, traduction en français… Le parfait petit outillage du jeu grand public visant loin. Trop loin peut-être, étant donné le chemin à parcourir, mais surtout les moyens du studio. C’est en tout cas ce que nous laissait présager notre aperçu, réalisé il y a pratiquement deux mois de cela. Mais qu’en est-il dans la version finale ? C’est ce que nous allons tâcher de vous expliquer en quelques lignes.
Conditions du test : Nous avons joué environ 60 heures à Rune Factory 5, ce qui fut suffisant pour aller au bout de son histoire et pour voir une grosse partie du contenu annexe. Suite à notre preview, il nous a été possible de télécharger le patch Day One, qui a amélioré le confort de jeu.
Sommaire
TogglePremière déconvenue
Ce qui nous avait le plus marqué, et pas en positif, à l’occasion de notre preview, c’était l’aspect graphique et technique de ce Rune Factory 5. Qu’on se le dise, le développeur revient de loin, puisqu’il réalisait des titres en vue du dessus depuis le premier épisode. Ce cinquième est pourvu d’une caméra libre et il est entièrement en 3D. Or, vous vous en doutez certainement, le processus de création est loin d’être aussi simple, et il en va de même pour le coût de production.
Ainsi, le rendu graphique de Rune Factory 5 est une déception, ce n’est plus à démontrer. On sent que le titre essaye, de toutes ses forces, avec ses designs bien vus, autant du coté des personnages que du bestiaire, ses quelques fulgurances dans ses environnements, ou encore la variété de ses biomes. Mais les faits sont là, on est à des années lumières de ce que l’on est en droit d’attendre sur Nintendo Switch, ce qui est autant dû aux différentes faiblesses techniques du soft qu’à des choix discutables dans son processus de développement initial.
Parce si nous sommes gênés, voire agacés, par ses problèmes divers, c’est bien la direction artistique qui nous a le plus choqué. Les différents bâtiments n’ont aucune âme, le village en lui même manque de quelque chose sur lequel il est difficile de mettre le doigt, et le level design dans sa globalité est à revoir, se contentant souvent de lignes droites peu engageantes et de zones « ouvertes » peu inspirées. Pire, la cohérence globale de son monde est à remettre en question, chaque biome arrivant de manière abrupte, et ses couleurs sont criardes, à la limite du vomitif.
Excellente nouvelle, cependant, avec le patch que nous avons pu télécharger au cours de notre test, les ralentissements exécrables que nous pointions du doigt dans notre aperçu ont été grandement amoindris. Ils ont pratiquement disparu du village et ne viennent faire saccader notre caméra que lorsque beaucoup d’ennemis apparaissent à l’écran. Ce qui veut dire que les combats engageant un grand nombre d’opposants sont les plus touchés, en somme. Rien de bien surprenant, il est vrai, mais difficile de laisser passer une faiblesse pareille dans un jeu où le combat représente la moitié de l’expérience. Quant à la distance d’affichage, elle semble s’être améliorée, ou du moins ne nous a plus foncièrement gêné une fois les lags amoindris.
On en vient bien sûr à se demander s’il n’aurait pas été préférable que Marvelous, malgré toutes les bonnes intentions derrière le projet, choisisse plutôt un modèle similaire aux précédents, en vue du dessus. Bien sûr, nous n’attendions pas un titre du calibre de The Legend of Zelda : Breath of the Wild, ça n’aurait pas eu de sens. Mais il y a un juste milieu entre le top du top de ce que peut offrir la Nintendo Switch, et un jeu tout juste bon à sortir sur Wii…
Un cœur de jeu intact
Tout ce que l’on trouvait dans un Rune Factory 4 Special est de retour dans ce cinquième volet. Et plus encore, d’ailleurs. L’aspect agricole n’a donc pas beaucoup évolué. On peut même dire que l’on retrouve tous les poncifs des Harvest Moon-like, de la plantation à la récolte, en passant par l’arrosage et la récupération de graines. À ce niveau, on avance en terrain connu, et on peut même dire que ça fonctionne toujours aussi bien. Si ce n’est qu’avec cette nouvelle caméra 3D, on aurait aimé qu’un système nous permette de cibler les items au sol, car en l’état, ramasser ou interagir avec quoi que soit se révèle très brouillon.
Ce qui est en partie dû, par ailleurs, à cette caméra qui ne sait pas ce qu’elle veut, se plaçant au dessus de nous lorsque l’on rentre sur un terrain agricole. Une bonne idée sur le papier, qui nous permet de visualiser notre champ un peu comme dans les opus précédents, mais qui fonctionne assez mal ici. La raison est simple : il faut chaque fois se réhabituer à la vue du dessus, après avoir joué en vue de derrière pendant un temps donné. Une fois encore, on constate que ce changement de caméra induit par ce passage à la Switch n’était pas la meilleure des idées.
Si ce n’est concernant les combats qui ont gagné en dynamisme, et qui se révèlent même plutôt jouissifs. Les inspirations n’ont pas été clairement évoquées lors de notre interview avec le Project Manager du jeu, mais on peut sentir des influences de titres comme Trials of Mana, ou encore de la licence Ys dans sa globalité. Le résultat est donc une réussite, notamment parce que la progression est grisante, ou parce que le nombre d’armes à découvrir est plutôt excitant. Manette en main, il faut aussi dire que tabasser des monstres tout mignons a quelque chose d’assez jouissif…
On aurait malgré tout aimé que le titre nous propose d’ajuster la difficulté à notre convenance. Parce que comme dans les précédents, le challenge ne vole pas bien haut, d’autant qu’il est possible d’esquiver en continu en tournant autour des ennemis que l’on a ciblé. Ce qui fait que malgré toutes les qualités du système de combat, il arrive un moment dans l’aventure où les joueurs les plus aguerris risquent de s’ennuyer en partant castagner de la bestiole.
Reste tout le système social, l’une des grandes forces de la licence, qui fonctionne globalement toujours de la même manière, et aussi bien. Mais rassurez-vous, si vous ne ressentez pas l’envie de vous acoquiner avec l’un des PNJ, dont les looks sont bien sentis par ailleurs, rien ne vous y oblige ! Notez toutefois que le mariage homosexuel est de la partie, contrairement aux précédents volets, une riche idée !
Seconde déconvenue
La technique est une chose, mais il est un nombre assez conséquent de petits points de détail qui nous ont fait hausser des sourcils au cours de notre aventure. Et pour commencer, nous l’évoquions dans notre preview, la localisation en français n’est pas une franche réussite. On peut même dire que certaines phrases ne veulent pas dire grand-chose, induisant potentiellement le joueur en erreur, et rendant les conversations avec les PNJ souvent un peu pénibles.
Ce que n’arrange pas l’absence de réel marquage à l’écran nous indiquant qui parle lors des dialogues. Comprenez que, le titre n’embarquant pas de véritable doublage, seul le nom du personnage nous indique qui prend la parole. Chose qu’on loupe facilement. Une simple petite surbrillance aurait été facile à mettre en œuvre, et nécessaire, à notre avis, pour éviter de perdre le joueur. Parce que cela peut arriver vite lorsque l’on passe rapidement la parlotte inutile. Et Dieu sait qu’il y en a un paquet dans Rune Factory 5, le titre se révélant très bavard, souvent pour ne pas raconter grand-chose.
Transition toute trouvée avec le scénario, qui reste dans la lignée de ce que proposaient les précédents. On part donc sur un personnage amnésique, engagé par une sorte de police pour protéger la ville… et faire pousser des trucs ?! Une sorte de complot se trame en arrière-plan, qui va représenter un fil route épars au cours d’une aventure qui dure une grosse cinquantaine d’heures. Ou moins si l’agriculture est mise de coté, ce qui serait dommage étant donné tout le mal que le jeu se donne pour nous faire planter des légumes et en récolter.
L’écriture n’est pas le point fort de Rune Factory 5. Nous vous parlions plus haut de ses dialogues trop longs et pas toujours très bien traduits, mais le constat touche aussi le scénario. Le fameux fil rouge n’est clairement pas assez épais et captivant pour représenter un argument de vente. À ce niveau, comme à beaucoup d’autres d’ailleurs, seuls les fans de la série sauront apprécier.
Enfin, il est bon de noter que ses menus ont changé depuis le quatrième volet. Le développeur a voulu améliorer l’inventaire, en le rendant directement accessible grâce à une pression de la touche L. Néanmoins, ce système est encore assez brouillon, on s’y perd rapidement, au point qu’au cours de notre partie nous avons plus souvent opté pour le véritable menu pause, nous offrant une meilleure visibilité sur nos possessions.
Cet article peut contenir des liens affiliés