Développé par le méconnu studio Jutsu Games, qui n’en est qu’à son quatrième projet, Rustler a tout du titre indépendant plein de promesses. Une inspiration en provenance directe de Grand Theft Auto, parfaitement assumée de surcroît, un cadre moyenâgeux teinté d’uchronie, mais surtout un humour qu’on nous annonce omniprésent. Le soft n’a d’ailleurs pas mis de temps à convaincre son auditoire, puisqu’il fut financé avec succès sur Kickstarter. Et il est vrai que ce Grand Theft Horse, si bien défini par ses développeurs, a de sérieux atouts dans sa manche. Maintenant, est-ce suffisant pour en faire un indispensable ?
Conditions du test : Nous avons joué une petite douzaine d’heures sur la version Xbox One. Ce fut suffisant pour faire un tour exhaustif du contenu de Rustler, autrement dit pour terminer son histoire, boucler toutes ses quêtes annexes et trouver tous ses objets à collectionner.
Sommaire
ToggleGTA et Rustler, même combat ?
Souvent citée comme l’une des séries de jeu vidéo les plus appréciées de tous les temps, Grand Theft Auto s’est forgé une solide réputation dont il semble impossible de la déloger. Il faut dire que la série ne démérite pas du coté de son écriture, ce qu’elle doit tout ou en partie aux fondateurs de Rockstar Games, autrement dit ses géniteurs. Chaque opus est un succès retentissant, critique comme commercial, ce que ne démentira pas GTA V du haut de ses 150 millions d’exemplaires écoulés depuis sa sortie en 2013.
Bref, il a toujours semblé évident qu’une série à succès telle que GTA allait connaître divers pastiches, à défaut de véritable concurrence. C’est ainsi que nous avons pu voir passer des licences comme Saints Row, Mafia ou encore Watch Dogs. Rustler, quant à lui, lorgne plutôt du coté des Grand Theft Auto de la première PlayStation, ou bien de l’exceptionnel Chinatown Wars. Comprenez par là qu’il se cantonne à une vue du dessus, très old school, et toutes les limitations qui vont de paire.
N’allez toutefois pas croire que le titre de Jutsu Games fait tout comme son modèle, en le transposant simplement au Moyen-Âge. Parce que le titre a clairement moins d’ambitions, mais aussi qu’il ne se prend absolument pas au sérieux. Ce que l’on découvrira dès l’introduction en live action du titre, tournée avec peu de moyens, mais se révélant parfaitement hilarante. De quoi annoncer la couleur, en somme, puisque Rustler enchaîne les situations rocambolesques et les dialogues poilants ! Il ne se passe pas dix minutes sans qu’il nous arrache un sourire.
Ce que le titre de Jutsu Games doit à son cadre uchronique, en premier lieu, dans lequel des bardes s’improvisent beatboxers de rue, et de petits gangsters jurent comme des rappeurs américains. Mais c’est surtout son écriture que l’on saluera, puisque Rustler regorge de dialogues foncièrement drôles, jouant autant sur l’absurde que sur la grossièreté. Âmes sensibles s’abstenir ! Dommage qu’aucun véritable doublage n’ait été intégré. On se contentera d’onomatopées qui rappellent beaucoup le yaourt verbal de Animal Crossing, et en soit cela fait le café, rajoutant au ridicule des situations et des personnages.
Enfin, là où un GTA s’improvise critique de la société, transporte généralement un message, au même titre que Red Dead Redemption, Rustler n’a quant à lui rien à vous apprendre. Si ce n’est de ne pas vous faire attraper quand vous volez une pomme au marché, peut-être… Ainsi, ne vous attendez pas à un scénario digne de ce nom, puisque celui-ci tient sur un ticket de métro. Il servira surtout de fil conducteur entre les différentes missions, toujours relativement amusantes. Notons enfin que la localisation française ne fait aucun faux pas !
Trop de old school, tue le old school
Sûrement choisie par défaut, projet indépendant oblige, la vue du dessus est assez déroutante dans un premier temps. Il faut dire que Jutsu Games a placé la caméra assez près de terre, ce qui empêche une visibilité optimale de l’environnement et se révèle parfois handicapant. Reste une mini-map qui nous indique où l’on se situe, où se trouvent les gardes et nos ennemis, mais il est vrai que le retour à une formule aussi old school n’est pas instinctive. Heureusement, on finit par s’y faire, et cela permet une vue assez large de ce qu’il se passe dans le décor, comme des différents tags ou des pots de chambre balancés par les fenêtres.
Ce à quoi on ne s’habitue pas, cependant, ce sont aux contrôles un brin archaïques de ce Rustler. Si tout semble assez intuitif, notamment parce que le mapping des touches est globalement similaire à celui d’un GTA, il demeure une certaine inertie et quelques problèmes récurrents. La conduite des chevaux, pour commencer, manque cruellement de fluidité. Il n’est pas rare que l’on se bloque purement et simplement dans un élément du décor avec notre destrier, ou avec une charrette. Et dans un cas comme celui-ci, aucun moyen de l’en déloger !
Le plus difficile à avaler reste le combat. Parce que cette vue du dessus ne s’accompagne malheureusement pas d’un ciblage en règle, comme on pouvait trouver dans Chinatown Wars, et que cela pose problème trop souvent. Dommage, car sans ce défaut les affrontements auraient pu se révéler intéressants, proposant une gamme suffisante d’armes, ainsi qu’un système de contre et de parades classique mais efficace. Cela va malheureusement de paire avec l’un des plus gros défauts du jeu : sa difficulté en dent de scie !
Vous l’aurez sans doute compris, avec ses combats un peu mal fichus, il n’est pas rare que le titre de Jutsu Games nous envoie au tapis. Dès qu’un ennemi est équipé d’une armure lourde, voire d’une lance, il est difficile de s’en défaire. Mais il reste la solution de l’esquive. Cependant, dès que l’on est assailli par plusieurs adversaires, c’est plus compliqué. Les parades sont difficiles à placer, le positionnement de notre personnage (avec le joystick droit) est primordial, et l’absence de visée nous pousse trop souvent à la faute… autrement dit à envoyer nos coups dans le vide.
Il ne sera donc pas rare de côtoyer l’écran de mort, puisque pratiquement toutes les missions s’accompagnent d’une ou plusieurs bagarres, dont la difficulté va évidemment en grandissant à mesure que l’on progresse dans l’aventure. Et on aimerait vous dire que ce n’est pas un problème, tant le titre est généreux à coté de cela, et tant il se révèle drôle. Mais les checkpoints terriblement mal placés auront raison des moins patients, et attaqueront sévèrement la tolérance des autres. Recommencer une mission d’une dizaine de minutes du début, simplement parce qu’on s’est fait laminer à la toute fin, ça a tendance à énerver…
Classique mais efficace
En dehors de ses problèmes de maniabilité et de sa difficulté mal dosée, Rustler reste un titre très agréable à parcourir. Une fois l’inertie de notre personnage bien en main, c’est un véritable plaisir que de découvrir son monde ouvert de taille modeste, regorgeant de détails amusants et de références culturelles. D’autant qu’on est face à un véritable GTA-like qui, bien qu’on en fasse le tour complet en dix à douze heures, se révèle plutôt généreux avec le joueur. Notez que sa durée de vie semble faible, c’est un fait, mais que le titre est vendu une trentaine d’euros seulement !
Les quêtes annexes, par exemple, sont plutôt nombreuses, et mettent chaque fois en scène des personnages secondaires originaux et amusants, dans des situations qui se renouvellent sans cesse. Si dans l’absolu on en vient souvent à faire la même chose, le pitch de chaque mission est toutefois assez bien amené pour nous empêcher d’y prêter trop attention. Et puis les retournements de situations sont assez hilarants pour nous donner envie d’aller au bout des choses, de ne rien louper de cet univers absurde créé pour l’occasion.
On trouve aussi un système de compétences qui est là pour nous aider à nous améliorer. Rien de bien original, si ce ne sont les noms des différents points, souvent drôles là encore, mais il faut bien avouer que cela fonctionne à merveille. Reste un level design assez inégal, inspiré par moments et décevant par d’autres, ainsi que quelques petits défauts supplémentaires, plus excusables que ceux dont nous parlions plus haut. Notamment un problème d’IA, nous contraignant à nous farcir des personnages incapables de nous suivre correctement lors de certaines missions. La solution, c’est de les faire monter à cheval avec nous !
Pour finir, parlons technique. Le titre de Jutsu Games n’est pas foncièrement beau, et sa direction artistique pas particulièrement originale. La réalisation fait son travail, et rien n’est vraiment laid. Mais rien ne brille vraiment pas sa beauté pour autant, et il arrive que le titre ralentisse un brin lorsque beaucoup de personnages sont à l’écran. Quant à la bande son, elle est plutôt qualitative, avec différents morceaux médiévaux très agréables, et d’autres un peu plus modernes, à base de beatbox, tout aussi sympathiques. On déplorera néanmoins quelques bugs au niveau du son. La musique se met parfois à grésiller, et il est difficile de comprendre pourquoi.
Cet article peut contenir des liens affiliés