Un lapin pilote d’un robot excavateur et qui fume des carottes, on pourrait y voir des faux airs sous substance de F.I.S.T: Forged in Shadow Torch, mais il s’agit surtout de la curieuse étiquette dont est frappé Rusty Rabbit. Annoncé en juin 2024 par NetEase Games, ce titre dont le concept a été imaginé par Gen Urobuchi – à qui l’on doit notamment l’animé Psycho-Pass – se présente comme un jeu d’action « smash and dash » en 2D. Une dénomination d’abord intrigante, puis relativement étonnante lorsque l’on sait que derrière cette production se cache notamment Nitro Plus, un studio de développement versant davantage dans le visual novel… et les œuvres érotiques. Que peut donc bien nous réserver ce changement de registre où le seul amour présent semble être celui liant un lapin à de la ferraille étendue à perte de vue ? Et bien plongeons-nous dans cette création à paraître le 17 avril sur PC, PS5 et Switch.
Conditions de test : Nous avons testé Rusty Rabbit sur PS5 en version 1.000.000 durant une vingtaine d’heures, le temps de terminer l’histoire, explorer quasiment à 100% chaque lieu et passer quelques instants dans le contenu annexe.
Sommaire
ToggleExpédition au sein du Mont fuliginaire
Commençons par un semi-paradoxe. Présenter l’histoire de Rusty Rabbit en utilisant les termes et données officiellement déclarés lors de l’annonce du jeu revient presque à spoiler une bonne partie de l’intérêt de l’intrigue. Le scénario, et l’on y reviendra, n’est certes clairement pas le point fort du titre, mais tenons-en alors à ce que chaque joueur et joueuse découvrira en lançant la partie. Stamp, un vieux lapin mécano, passe sa vie à récupérer de la ferraille et à en tirer ce qu’il peut pour faire vivre son garage.
Aussi appelé Rusty, il mène ses expéditions au cœur du Mont fuliginaire, énorme relief d’une planète glacée. Au cours de l’une d’entre elles, il rencontre les BF, un groupe de lapins explorateurs. Via leurs échanges et après une découverte intrigante effectuée à la consultation d’un terminal mystérieux, il va alors se motiver à s’aventurer encore plus profondément et ainsi trouver des secrets allant jusqu’à bouleverser ses certitudes les plus ancrées.
Stamp, en tant que loup solitaire, n’est pourtant pas le seul à vivre dans ce monde aux conditions plutôt hostiles. Outre le groupe des BF, toute une communauté lapine vit et s’articule comme n’importe quelle civilisation intelligente au sein de Laitonbourg. Une petite fraction de la société avec laquelle nous aurons des interactions régulières. Et histoire de montrer à quel point la structure de Rusty Rabbit est limpide, penchons-nous sur ses deux grands axes.
Dans un premier temps, on se confronte au cœur de l’expérience. Grâce à Limaille, le robot d’excavation fidèlement piloté par Stamp, nous allons arpenter des zones séparées en cinq biomes. Nos expéditions sont rythmées par quasiment qu’une seule chose : casser des blocs. Présents par centaines dans chaque zone, les détruire nous dégage souvent le passage, déjà, mais lorsqu’il s’agit de conteneurs, on récupère en plus de cela des matériaux.
Ferraille, tuyaux, vis, ou encore du minerai plus ou moins précieux, on collecte pas mal de pièces utiles à la personnalisation de notre robot. Ce dernier en a pour le coup bien besoin puisqu’il revient malencontreusement à un état élémentaire au bout de la séquence tutoriel. Au sujet des fonctionnalités clés, comme le dash, les réacteurs aériens ou le grappin, elles sont fournies à des endroits bien précis, et souvent tombées du ciel sans grande logique.
Là où dans un metroidvania les upgrades s’obtiennent souvent après un boss ou un effort méritoire, elles se récupèrent ici parfois selon le bon vouloir du « scénarium » et des membres de BF. Pourquoi un personnage attend la fin d’un biome pour donner à Stamp une fonctionnalité précieuse pour Limaille alors qu’il l’avait déjà dans sa poche au moment de lui en offrir une autre dans la zone précédente ? On ne sait pas.
Metroidvania, oui, mais à l’action inconsistante…
Mais pour ce qui concerne le reste du « tuning », il faut se tourner vers le système de compétences et un autre basé sur la récupération de plans. Le premier est on ne peut plus classique. On gagne de l’expérience en cassant des blocs et en tuant des ennemis, puis on améliore son robot via cinq branches. Le deuxième est finalement une mécanique de craft où, après un petit tour dans le garage de Stamp, le robot en sortira poli comme il se doit.
Grâce à un total de quatre armes différentes à installer sur son joujou, dont la foreuse de base, Stamp peut non seulement détruire plusieurs types de blocs, mais s’équiper ainsi lui facilite aussi les affrontements contre les bêtes de rouilles. Ces petites bestioles peuplant les couloirs du Mont fuliginaire vous prendront systématiquement pour cible. Elles sont de nature variées et ne sont donc pas vulnérables aux même types d’arme.
Une araignée prendra davantage de dégâts face à une arme à feu tandis que les rhinocéros seront davantage sensibles au marteau. Soyons franc, ces phases de combat, si elles s’avèrent correctes, n’offrent que peu de sensations et manquent d’intérêt. Certes, au fil de l’aventure, on prend plaisir à switcher entre les armes pour causer les dégâts appropriés, mais le fusil dispose d’une visée et d’une portée capricieuse, la foreuse n’est explicitement pas la plus adaptée au combat, et le marteau accuse un délai de recharge frustrant couplé à une zone de frappe très réduite. Seule l’épée reste la plus satisfaisante à utiliser.
De plus, et si à chaque fois l’arme adéquate est utilisée, les ennemis se vainquent quasiment tout au long du jeu en un coup ou deux. Un côté chair à canon qui renforce le côté un peu fade de l’aspect action du jeu. Pourtant, à l’inverse, il est bien vite arrivé d’entrer dans un état de panique lorsque l’on atterrit, par manque de visibilité, en plein sur un ennemi. Les collisions causant naturellement des dégâts, on rebondit alors sans trop pouvoir y remédier, pendant que notre barre de vie se réduit bêtement.
Ajoutons à cela les altérations d’état, assez agaçantes, qui n’arrangent rien et qui peuvent être infligées par les ennemis. Réduction de la vitesse, des dégâts infligés, ou encore perte progressive de PV, au début du jeu, ces malus sont particulièrement handicapants. Certes, des consommables existent pour supprimer l’effet, mais ils ont un coût et ne sont donc pas illimités non plus. En résulte une sensation frustrante d’élan coupé dont on se serait bien passé.
… et à la plateforme approximative
Reste les boss, pas beaucoup plus marquants mais qui ont le mérite d’offrir des patterns à étudier et de préconiser une certaine prudence pour en venir à bout. Maintenant, avec un robot bien équipé et des packs de soin de côté, on peut arriver à bout de quasi la totalité d’entre eux en posant son cerveau. Bref, l’aspect action boite bas, mais ce n’est rien à côté de la dimension plateforme. Vu que l’on manie un robot, l’équipe de développement a voulu retranscrire une certaine lourdeur pour la maniabilité. C’est réussi, mais pas que pour de bonnes raisons. On ressent constamment une forte inertie au moment des sauts, de quoi rendre périlleux des séquences en apparence anodines.
On aurait pu penser que débloquer petit à petit les fonctionnalités d’exploration de Limaille allègerait un peu cette sensation mais, dans le même temps, d’autres problèmes apparaissent. L’imprécision est finalement renforcée, au point de craindre l’approche d’actions plus délicates, comme lors de moments nécessitant l’utilisation du grappin sur des points d’accroche successifs au-dessus d’un sol de pointe. L’upgrade la plus importante, l’ajout des réacteurs aériens, n’arrive en plus que très tardivement dans l’aventure. Elle parvient à soulager un peu cette lourdeur en corrigeant assez facilement la trajectoire de ses sauts et en permettant d’accélérer la (re)traversée des zones, mais elle vient amplifier un autre problème.
En cas d’une chute d’une certaine hauteur, le robot finit paralysé pendant de longues secondes. Cet état de Paralysie revient à supprimer temporairement le dash et les réacteurs, causant un frustrant coup d’arrêt dans l’exploration. Au moins, les points de vie ne sont pas touchés, mais ce malus arrive un nombre incalculable de fois vu la facilité avec laquelle on peut se louper. Et avec des zones de plus en plus verticales à mesure que l’on progresse, gare aux crises de nerf.
Pourtant, malgré tous ces cailloux dans nos chaussures, impossible de nier une boucle de gameplay qui marche. Oui, c’est particulièrement bancal et extrêmement répétitif, mais on saute à pieds joints dans l’addiction. Chaque bloc ou conteneur brisé est une goutte de satisfaction en plus et quand on lance le super coup de la foreuse pour en éliminer plusieurs d’un coup, ça fait beaucoup de bien. Les puzzles à base de levier voire de cubes à pousser sont rares, mettent du temps à se renouveler mais le plaisir de nettoyer une zone et de déverrouiller ses différents accès et raccourcis s’avère incontestable.
De plus, certains biomes offrent une musique reposante et même s’ils ont tendance à se ressembler, ils parviennent à dégager timidement une ambiance qui leur est propre. On progresse alors sans voir le temps passer, d’autant que notre temps passé dans les profondeurs du Mont fuliginaire se fructifie à Laitonbourg.
Les premiers amours de Nitro Plus
Voici la deuxième partie de l’ADN de Rusty Rabbit, et peut-être la plus évidente à imaginer pour Nitro Plus. Laitonbourg nous offre quelques points d’intérêt regroupés dans une seule rue que l’on peut traverser en quelques secondes. Les plus incontournables restent les boutiques pour acheter du soin, des consommables, des matériaux, ou encore des composants pour booster les performances de Limaille. Mais d’autres attireront votre attention et satisferont votre soif de complétion. On visite souvent l’église pour y faire des dons d’objets uniques histoire d’en apprendre un peu plus sur le lore, mais l’endroit où l’on retourne très souvent et avec plaisir, c’est le bar.
Lucas, le gérant, nous fournit des missions annexes. En échange, on reçoit de l’argent et même parfois des points de compétence à dépenser. Sachez que nous en avons rempli près d’une centaine et nous étions encore loin d’avoir tout terminé. Et pour cause, ces missions sont extrêmement basiques, en nous demandant soit de tuer X ennemis, de construire X armes ou encore de ramener X matériaux. On est donc toujours en train de remplir des jauges, ce qui rajoute au côté addictif du soft, mais ce système de mission fait preuve d’un simplisme désarmant.
Pour continuer sur les autres endroits dignes d’intérêt, c’est également à Laitonbourg que vous passerez du temps dans le garage de Stamp afin de modifier les performances de Limaille, de construire des composants ou des armes prévus à cet effet, ou encore de changer d’apparence, que ce soit pour le lapinou ou pour le robot, malgré un color swap des plus fades. Une dernière fonction, appelée « Restaurer » consiste en réalité à un système scripté de commandes à satisfaire. Grâce aux pièces rares que l’on récupère dans nos escapades au sein du Mont fuliginaire, Stamp les assemblera en nous faisant part de ses pensées et de sa passion pour la mécanique.
Un moment purement visual novel puisque ces restaurations prennent la forme d’un plan fixe avec des pages de texte qui se suivent. Point fort de Nitro Plus, ces moments auraient pu prendre la forme de respirations bienvenues. Hélas, et la faute à un fond pas particulièrement passionnant alors que l’univers du jeu est déjà un peu sous-exploité, ces phases de lecture procurent surtout un certain ennui dans un titre où le cœur de l’addiction se situe durant ses moments d’action. On avoue alors passer un peu vite les lignes de monologue, non doublées qui plus est.
Dommage parce que l’acting en version japonaise essaye d’amener un peu de vie dans tout ça. On pense évidemment surtout à la voix du héros, joué par le fameux et talentueux Takaya Kuroda, à qui l’on doit notamment le doublage de Kazuma Kiryu dans la saga Yakuza/Like a Dragon. Régulièrement, des dialogues sont lancés entre Stamp et les BF ou bien les autres lapins de Laitonbourg et on profite d’échanges au cours de mises en scènes assurant malheureusement le minimum syndical.
Mais très vite on retourne dans le simple et efficace en touchant à l’aspect tranche de vie offerte par le diner. Dans ce restaurant, on discute avec des personnages secondaires en échange d’une ou deux fléoles des prés, une autre ressource collectée principalement durant les excavations. À chaque séquence lancée, un sujet est abordé et on nous donne systématiquement un choix des plus anecdotiques à faire parmi trois réponses. Et au terme de la discussion, l’amitié progresse avec le personnage en question et des récompenses sont obtenues. Hélas, le texte n’est suivi que par un ou deux sons émis par les personnages, nous privant de dialogues un peu plus dynamiques. Malgré la volonté de nous offrir un moment tranquille de la vie à Laitonbourg, on peine donc là aussi à rester intéressé par ce qu’il se dit.
Une fois que l’on a fait connaissances avec ces différents points d’intérêt, on a donc compris en deux heures à quelle sauce on va être mangé durant tout le jeu. Un jonglage qui centralise toute la progression ultra prévisible dont fait preuve Rusty Rabbit. On casse des blocs, on avance, on tombe sur un abri où se trouve un terminal D-TAM qui fait avancer le scénario, puis on continue à progresser jusqu’à un nouveau D-TAM, on termine la zone et ainsi de suite, avec entre les deux des allers-retours vers Laitonbourg. Un schéma exploité du début à la fin de la grosse dizaine d’heures proposée, face à laquelle l’équipe de développement a tenté de proposer un peu de contenu annexe.
Une rejouabilité artificielle
Déjà, le backtracking est en soi la manière la plus évidente d’allonger la durée de vie d’un metroidvania. Grâce aux plans récupérés un peu partout, et notamment dans les coins plus ou moins cachés de chaque zone, il est donc possible d’améliorer ses armes, comme évoqué plus haut. On est ensuite en mesure de casser des blocs et autre obstacles plus résistants, donnant accès à de meilleurs plans, et ainsi de suite.
Le souci, c’est que même si sur la carte les blocs sont d’une couleur bien précise afin de signaler quelle arme est demandée, le degré de puissance, lui, n’est pas indiqué. Très nombreux sont alors les allers-retours demandant d’aller vérifier si on est assez puissant pour détruire tel bloc, en vain. Vers la fin du jeu, quelques blocs par-ci par-là persistent au sein de quelques zones. Presque à chaque upgrade, on fait donc notre petit tour pour se rendre compte que seuls un ou deux d’entre eux sont devenus cassables, avant de retenter plus tard.
Et c’est à ce moment que parler d’un mode optionnel s’impose. Appelée « Donjon aléatoire », cette feature arrive très vite dans l’aventure et parait entièrement facultative. Ce n’est pas tout à fait faux puisqu’une bonne partie du jeu se déroule sans que l’on ait besoin d’y porter attention. Sauf que quand il nous est arrivé de tourner en rond à la recherche de matériaux obligatoires à la conception d’une foreuse assez puissante pour avancer dans l’histoire, ce n’est qu’au bout d’une heure ou deux que l’on s’est dit, à raison, que la meilleure solution se trouvait uniquement à l’intérieur des donjons aléatoires. Un brin frustrant.
Un choix de design un peu douteux mais qui, une fois assimilé, représente effectivement une mine d’or pour récupérer des ressources. Proposés au hasard via des archétypes définis basés sur les environnements que l’on a terminé au cours de l’histoire principale, les étages nous proposent de faire ni plus ni moins que la même chose, mais dans des zones plus restreintes.
De plus en plus relevés avec des matériaux collectés de plus en plus précieux et des ennemis de plus en plus redoutables, ces étages répondent au nombre de 100, avec heureusement des checkpoints permanents débloqués tous les cinq étages. On se trouve devant un gonflement artificiel de la durée de vie typique du jeu vidéo japonais dans sa globalité. Même les boss reviennent dans ces donjons, en plus d’offrir une version noire, plus compliquée, à affronter dans des niveaux dédiés pour obtenir là encore des récompenses uniques.
Un renforcement total de la répétitivité déjà bien ancrée dans ce Rusty Rabbit et qui, par-dessus le marché, ne demande même pas d’y passer réellement du temps afin de terminer le jeu. Ce grind concernera surtout les complétionnistes, désireux de platiner le jeu en franchissant le 100e étage et en confectionnant les meilleures armes de chaque type.
La palme de la non-rejouabilité revient peut-être au New Game + qui apparemment n’offre pas autre chose qu’un Exp x2 en réinitialisant toute notre progression en termes de compétences débloquées, d’armes améliorées, etc. Pas même les ennemis ne semblent offrir davantage de résistance. Bref, on ne comprend pas trop l’intérêt si ce n’est rouler plus vite sur un jeu pas particulièrement retors de base.
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