Nous sommes en 1996, la Saturn fait sa vie. Cette année-là, Sega et OverWorks s’allient pour proposer un titre surprenant : Sakura Wars. Ce dernier est un Tactical-RPG mêlé avec une simulation de drague. Jusqu’en 2005, la licence se porte plutôt bien avec cinq titres principaux, avant de tomber progressivement dans l’oubli après une sortie très réussie sur PlayStation 2.
Nous voici désormais en 2020, et Sega est bien décidé à montrer toute sa force d’éditeur en offrant une seconde vie à sa licence via un reboot sur PlayStation 4. Sobrement nommé Sakura Wars chez nous, il porte le nom de Shin Sakura Taisen pour bien marquer sa différence avec les précédents opus. Disponible ce 28 avril 2020, cette nouvelle entrée dans la licence revisite le gameplay en introduisant un tout nouveau scénario.
Pour l’occasion, l’équipe de développement a même changé, Red Entertainment n’étant plus aux commandes de cette nouvelle production mêlant A-RPG, simulateur de drague et éléments de visual novel. A la place, on retrouve une équipe interne à Sega, avec la participation de Tite Kubo et Kohei Tanaka. De quoi laisser planer un sentiment de réussite avant même de mettre la main sur le titre.
Malgré tout, il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs et faire un tour complet du jeu s’avère nécessaire afin de voir si ce reboot remplit ses objectifs et si les promesses qui nous sont faites sont respectées ou non.
Condition du test : Nous avons découvert Sakura Wars sur PlayStation 4 Pro. Afin d’écrire ce test, nous avons joué durant environ vingt-cinq heures et avons terminé l’histoire proposée par les scénaristes.
Sommaire
ToggleQui dit reboot, dit un peu d’histoire
Depuis ses débuts, la série Sakura Wars a toujours dans la même idée : le joueur dirige un groupe d’agents pilotant de machines de guerre (des robots pour être plus précis) afin de défendre Tokyo contre des invasions de démons et autres monstruosités pour le moins surprenantes. A ses débuts, la franchise nous plongeait dans les années 1920, revues pour donner une ambiance steampunk pas déplaisante.
Cet univers, couplé à des personnages très attachants, a donné naissance à une licence qui a su s’imposer au fil d’une décennie au Japon. Sous le nom Sakura Taisen, la série s’est imposée comme un véritable phénomène jusqu’au début des années 2000. Malheureusement, cette belle histoire n’allait pas durer encore bien longtemps, en cause une envie de passer à l’échelon de popularité supérieur qui s’est soldé comme un demi-échec.
En effet, si la première partie de la licence a été développée pour tourner sur Sega Saturn et Dreamcast, le studio a cherché à étendre son portefeuille de console en se tournant vers Sony. L’objectif était de sortir des titres sur PlayStation 2 afin de donner plus de visibilité à la série. Ce projet portait même un nom : Sakura Taisen World Project. Donc oui, ce projet nous incluait nous, chers habitants du continent européen.
Cette seconde phase démarrait plutôt pas mal puisque le premier jeu sur la console de Sony, un remake du tout premier titre de la série, s’est assez bien vendu. Malheureusement, la suite fut bien plus funeste puisque les différents spin-offs de la série et le cinquième épisode canonique furent de véritable désastres. Tous les projets en cours annulés, un simple jeu 3DS en 2008 et Sakura Wars s’est retrouvé en pause, pour de longues années.
C’est avec ce bagage historique derrière lui que sort alors Shin Sakura Taisen, que nous connaissons chez nous sous le sobre nom de Sakura Wars. Loin d’un remake ou d’un remaster, il s’agit ici d’un véritable reboot pour la franchise, avec un scénario prenant place douze années après la fin du cinquième épisode. Nous retrouvons alors Kamiyama Seijuurou en 1940 alors qu’il s’apprête à reprendre le commandement d’une force armée secrète basée à Tokyo. Oui, le point de départ de cet épisode n’est pas sans en rappeler un autre !
Le pan social, un élément important
Si le point de départ de cette nouvelle aventure et Tokyo comme cadre font fortement écho à ce qui s’est déjà vu, le rapport s’arrête là. Le titre nous présente de nouveaux personnages, tous originaux, avec pour seul lien avec le passé la présence de Kanzaki Sumire et quelques allusions à la Sakura de l’époque de Sumire. Les coéquipiers de Sumire ont tous disparu lors d’une grande guerre quelques années plus tôt et l’équipe se reforme petit à petit autour de nouvelles têtes.
On pourrait alors s’attendre à un schéma habituel pour ce titre, avec une évolution lente de l’équipe vers la gloire d’antan mais un drame tout proche vient ternir le tableau très rapidement. Face au manque de compétences de l’équipe en place et les exploits d’un groupe rival venu de Shanghai, la troupe Impériale est sur le point d’être dissoute. Plus d’argent dans les caisses, le soutien des forces militaires perdu, tout semble aller mal pour la troupe alors que Kamiyama n’est même pas là depuis dix minutes.
Pour faire face à cette situation délicate, notre héros est propulsé directement au rang de leader de l’équipe afin de remporter une compétition inter-brigades qui permettra de sauver la troupe Impériale de la dissolution. Pour l’emporter, il faudra vaincre les autres troupes du monde dans des épreuves de combat et ainsi redorer un peu le blason de la troupe. Mais, bien entendu, d’autres forces entreront en jeu par la suite afin de compliquer les choses. Voilà, à peu de choses près, comment débutent les premières heures de jeu. En dire plus reviendrait à dévoiler une grande partie du scénario du titre qui, vous le verrez, s’il reste intéressant est tout de même simpliste et trop souvent « troué ».
En parlant d’histoire, celle-ci est divisée en plusieurs chapitres, chacun contenant plusieurs pans d’aventures où l’aspect visual novel et simulateur de drague prennent le pas sur l’action. Le joueur peut explorer le monde qui est mis à sa disposition en conversant avec les différents membres de son escouade et ceux des autres troupes. Phases parlotte qui, généralement, sont entrecoupées d’une ou deux phases de combat. Au revoir le tactical-RPG (dommage) et bonjour l’action à coups de rond triangle et plus rarement carré. Choix discutable, très discutable, même pour un fan de musous tel que moi.
Néanmoins, le titre améliore un point très important des anciennes sorties. Avant, la journée avançait en fonction de vos actions, ce qui limitait votre champ d’action et vos possibilités d’échanges sociaux avant que l’histoire n’avance d’elle-même. Ici, le joueur a le loisir de visiter l’entièreté du monde chaque jour et de converser avec tous les alliés et rivaux présents sur la carte et disposés à dialoguer. Cela permet, par exemple, de voir toutes les scènes annexes en une seule partie, ce qui évite quelque peu la redondance de certains pans de l’histoire à faire et refaire la même chose juste pour changer l’un ou l’autre dialogue, l’une ou l’autre décision.
En parlant de dialogues, le système de choix proposé au joueur est intéressant. Une certaine limite de temps est allouée pour choisir sa réponse (après tout, un véritable interlocuteur ne va pas attendre deux heures pour que vous lui répondiez) ou simplement pour rester silencieux. Vos choix de réponses ou de sujets à aborder influenceront évidemment sur l’évolution de votre relation avec les autres personnages mais aussi sur leur moral, élément « important » lors des batailles en phase action. Pouvoir garder le silence est un point très positif de Sakura Wars, puisque dans les précédents, une réponse était automatiquement choisie à la fin du temps imparti.
Se battre contre les démons du genre
Bien entendu, Sakura Wars n’est pas exempt de défauts. Son pire ennemi ici est bien son système de combat. Ce dernier est, comme nous l’avons déjà indiqué, très simpliste et le joueur passera son temps à faire face à des hordes d’ennemis à la façon d’un Dynasty Warriors et autres cousins. Des combos peuvent être déclenchés, le personnage peut sauter, esquiver, accélérer et déclencher une attaque spéciale. Rien de folichon, mais le cocktail aurait pu être excellent s’il avait été un peu mieux réalisé.
Le point fort de toute la mécanique de combat, c’est l’esquive. Cette dernière permet de lancer un arrêt partiel du temps, durant lequel votre personnage devient invincible et peut asséner des coups mortels aux ennemis faibles et plus forts ayant déjà subis un combo. Ce n’est pas révolutionnaire, mais ça a le mérite de vous faire adopter une stratégie plus défensive et portée sur l’esquive que dans un Samurai Warriors par exemple. Votre personnage peut aussi « glisser » sur les murs, c’est amusant, par moments, mais pas aussi jouissif que dans Kingdom Hearts 3, ne rêvez pas (comparaison ultra bancale, j’en ai conscience).
Du coup, comme je le disais, les ennemis arrivent par vagues, dans différentes zones de la carte. Ces derniers sont faibles et attendent presque comme des piquets que vous veniez leur dérouiller la caboche. Ils ne frappent que très rarement et hormis quelques boss un peu plus stressés, les points de vie des personnages ne diminuent que très rarement. Bon, certains adversaires tirent des projectiles en étant en dehors de votre champ de vision, donc une petite diminution de HP peut tout de même arriver. Bref, c’est beaucoup trop facile et même les affrontements contre les autres brigades n’ont rien de délicats, les combats se terminant en deux coups de cuillère à pot.
Ensuite, sachez que les phases de combat présentent également quelques phases de plateformes. Rien de très compliqué puisqu’il suffit de sauter d’une plateforme à une autre ou de glisser le long des murs pour réussir l’épreuve. Là où ça change un peu, c’est que certaines zones sont entourées de vide et il n’est pas rare de voir votre personnage y plonger lorsqu’il effectue un combo trop près du gouffre. Et, pour les adversaires qui tombent, et bien ils réapparaissent simplement au bout de quelques secondes dans la zone de combat. Bref, ça n’est pas spécialement intéressant et ça ne fait que rallonger les combats puisque la majorité des ennemis vont finir par tomber dans ces trous, propulsés par vos enchaînements.
Pour les plus courageux, ces phases peuvent être rejouées une fois terminées. Pour cela, il suffit d’accéder à l’ordinateur mis à votre disposition par Reiji dans les niveaux inférieurs du théâtre. Cet élément n’est présent que pour rallonger la durée de vie du jeu, puisque refaire chaque niveau cinq fois est obligatoire pour l’obtention du platine. C’est simple, mais tellement long. On a l’impression de se retrouver devant un trophée « montez tous les personnages au niveau 100 » alors que ça reste tellement superflu dans l’expérience de base. Pour les autres, cet élément ne vous empêchera pas de profiter du jeu, c’est juste un passage douloureux pour celles et ceux qui veulent leur 100 % ou du moins toutes les illustrations.
Bref, les combats ont au moins le mérite de se terminer relativement vite, ce qui permet au joueur de continuer à profiter des excellentes phases d’exploration, dialogues et autres. Et vu leur facilité, c’est plus une forme d’ennui qui risque de s’inviter à la partie qu’autre chose.
Sakura Wars ou Sakura’s War ?
Mais bon, tout fan de la série Sakura Wars le sait, les combats n’ont jamais non plus été le cœur de jeux de la franchise. L’accent a toujours été mis sur les personnages en eux-même ainsi que leur environnement. Et, ici, les développeurs ont fait un excellent travail de ce côté-là. Le joueur peut explorer de multiples environnements (bien que très fermés) durant son aventure et ses quelques quêtes d’exploration.
Côté personnages, la transition vers des modèles en 3D est également des plus plaisantes. On sent que les équipes ayant travaillé sur le projet ont sué sang et eau afin de fournir un travail d’animation de qualité et des mouvements de caméra qui renforcent les différentes scènes du jeu. Les cinématiques en mode anime sont également un vrai régal, bien que trop rares à mon goût. Mais dans l’ensemble, l’esthétique du jeu est un véritable point fort de ce dernier.
Mais, malheureusement, il y a un mais ! Là où les précédents titres parvenaient à mettre en avant chaque personnage, le présent Sakura Wars n’offre pas cette même exposition à tous. Si Sakura se voit étoffée au fil de l’aventure, les autres personnages ne reçoivent pas cette chance. Leur présentation est superficielle et leur background est trop peu travaillé. Des changements de comportement importants sont d’ailleurs présents pour Anastasia et Claris, sans introduction, sans mise en contexte. Cela ruine un peu la saveur de leur évolution, et montre bien que c’est Sakura qui mérite l’attention et pas les autres… c’est bien dommage ! Et ça, c’est sans parler de personnages secondaires comme Arthur ou Élise qui n’ont droit qu’à une intro des plus basiques.
En complément de ce manque de profondeur pour certains protagonistes, l’histoire manque par moments d’approfondissement et de clarté. Trop de points sont non-résolus, ou alors trop rapidement, sans explication. Et la fin du jeu ne fait que renforcer ce sentiment, montrant que nous ne sommes que dans une intro ou dans un titre qui sert à prendre la température du public. Le jeu se termine presque littéralement par un « faudra jouer à la suite pour savoir ». Ce n’est pas chose rare dans les jeux vidéo mais la manière avec laquelle cette élément est amené est quelque peu frustrante.
Reste à voir si dans la suite, s’il y en a une, ces éléments scénaristiques seront améliorés et si les choix du joueur auront un peu plus d’impact. Certes, ils en ont tout au long du jeu, mais plus on approche de la fin et plus on sent que, finalement, on aurait pu s’en passer et arriver exactement au même résultat. Sakura, Sakura, Sakura, c’est tout simplement ce que les développeurs ont voulu nous imposer. Bref, j’aurais aimé plus de mise en valeur pour les autres personnages !
Koi-Koi ! Oh bah tu arrêtes déjà ?
En accompagnement de la possibilité de rejouer les batailles, Sakura Wars nous offre aussi un petit jeu de cartes : le Koi-Koi Hanafuda. Accessible depuis n’importe où, ce mini-jeu permet d’affronter les autres personnages dans un jeu de cartes pseudo-stratégique. Le but est de parvenir à réaliser des combos de cartes afin de faire baisser les points de votre adversaire. C’est compréhensible et plaisant à jouer même pour un novice. En effet, le jeu vous montre quels combos peuvent être réalisés et quel sera l’impact de jouer telle ou telle carte. Ça ne vous permettra pas de gagner sans un minimum de réflexion mais ça aide quand même beaucoup !
L’adversaire commence toujours avec plus de points que vous et le but est de les faire chuter à zéro. Pour cela, plusieurs combinaisons offrant des points différents sont à réaliser. Une fois un combo réalisé, vous pouvez décider de continuer de jouer afin de tenter de saler l’addition, au risque de perdre, ou vous arrêter pour lui retirer les points déjà acquis. Bref, simple à comprendre et plutôt fun.
Tout ces éléments mis ensemble n’empêchent cependant pas le titre de dégager une aura étrange. Comme dit plus haut, le jeu se termine sur une quantité improbable d’éléments non-résolus et soulève plus de questions qu’autre chose, une suite étant alors inévitable (tant mieux me direz-vous et je suis d’accord). Le souci reste que nombre de personnages ne sont qu’effleurés et qu’on aurait aimé obtenir plus d’éléments scénaristiques en fin de partie plutôt que des interrogations supplémentaires, qui sont déjà assez nombreuses à mesure qu’on avance.
Cet article peut contenir des liens affiliés