Il est étonnant de constater que le Dungeon RPG (ou Dungeon Crawler) n’a jamais gagné ses lettres de noblesse auprès du grand public, se cantonnant à un statut de genre de niche depuis un long moment. Peut-être parce que le jeu de rôle s’est casualisé, d’une certaine manière, au profit de décors plus attrayants et de mécaniques moins punitives. Parce que s’il est bien quelque chose que l’on retient du Dungeon RPG en général, c’est le challenge qui en découle la plupart du temps. Et Saviors of Sapphire Wings & Stranger of Sword City Revisited, compilation plutôt alléchante sur le papier, ne déroge pas à la règle.
Proposée une cinquantaine d’euros sur Steam et sur l’eShop de la Nintendo Switch, cette compilation regroupe une version améliorée de Stranger of Sword City, paru en 2016 par chez nous, et Saviors of Sapphire Wings, sorte de suite uniquement disponible sous ce format. Deux titres pour le prix d’un donc, dont on devine la contenu colossal avant même de poser les mains dessus. Mais, cela est-il suffisant pour en faire une offre véritablement intéressante ? C’est ce que nous allons tenter de voir dans ces quelques lignes !
Conditions du test : Nous avons joué près d’une trentaine d’heures à la version Nintendo Switch, via une console classique, principalement sur TV.
Deux jeux pour le prix d’un, la belle affaire ?
Ce qu’il faut noter avant toute chose, c’est que nous étions somme toute convaincus par Stranger of Sword City en 2016. Notre test plutôt élogieux mettait en lumière une direction artistique réussie, une bande-son savoureuse, et un contenu global tout simplement énorme. Bien entendu, en cinq misérables années, ce constat n’a pas vraiment bougé. Ce qui interpelle néanmoins, c’est que cette version dite « revisitée » n’apporte finalement rien de neuf, pas même des graphismes un brin retravaillés. Seule nouveauté, la disponibilité des voix japonaises… ce qui est assez chiche, vous en conviendrez.
Cela étant, le titre reste plutôt bon dans l’ensemble, bien qu’il ne s’adresse absolument qu’aux amoureux du Dungeon RPG. Il faudra au moins cela pour passer au-dessus de sa difficulté très prononcée, de l’austérité globale de son gameplay, des graphismes très moyens dans les différents labyrinthes, ou encore de son scénario convenu. Et cela sans aborder ses mécaniques trop nombreuses, introduites par un début d’aventure indigeste. Bref, vous l’aurez compris, parmi la horde de Dungeon Crawler, Stranger of Sword City se place très loin dans la courbe d’accessibilité. Ce que n’aidera pas non plus l’absence de traduction depuis un anglais plutôt soutenu.
Test Prinny 1.2 : Exploded and Reloaded – C’est dur, mec !
Malheureusement, et c’est bien là le plus gros défaut que l’on pourra retenir de cette compilation, Saviors of Sapphire Wings reprend la même recette, pratiquement trait pour trait. Allant jusqu’à copier-coller le gameplay de son prédécesseur, annonçant donc, avant même le tutoriel bouclé, une aventure très riche, mais une densité de mécaniques difficile à appréhender. Bref, les premières heures de jeu sont plutôt décevantes, quel que soit l’épisode par lequel on décide de débuter. Parce que si tout s’annonce plutôt sympa, on aurait tout de même apprécié quelques changements d’un opus à l’autre, ou des améliorations notables dans les graphismes.
Et malheureusement, à ce niveau Saviors of Sapphire Wings commet les mêmes impairs que son prédécesseur. S’il jouit d’une bande-son agréable, quoique moins bonne que celle de Stranger of Sword City, il possède néanmoins une direction artistique un brin plus impersonnelle. On notera aussi, à regret, que le bestiaire est pratiquement le même… Quant aux graphismes affichés pendant l’exploration des donjons, on est là encore face à quelque chose de désuet, avec des décors vides et laids. Le seul petit point positif, c’est que l’aventure de ce second opus nous amènera à visiter des lieux plus diversifiés et plus colorés que son prédécesseur. Cela fait plutôt léger, là encore !
Des mécaniques en veux-tu en-voilà !
Pris séparément, les deux titres souffrent du même problème, qui pourrait aussi être pris pour une qualité par les très gros joueurs de Dungeon Crawler : la profusion de mécaniques. Alors évidemment, nous n’avons pas l’habitude de tacler un jeu parce qu’il offre une profondeur de gameplay singulière. Et il est vrai, d’autre part, que si l’on embrasse convenablement les mécaniques de Saviors of Sapphire Wings & Stranger of Sword City Revisited, alors on a toutes les chances de passer un agréable moment. L’ennui, c’est que ces mêmes mécaniques sont à assimiler au cours d’introductions poussives et de tutoriels imbuvables, distillés dans un torrent de dialogues qui met un temps fou à poser l’univers.
En un mot comme en cent, on s’ennuie dans les dialogues de ces deux aventures. Parce que les doublages de bonne facture ne permettent guère d’apporter de la vie à cette écriture plutôt moyenne et ces personnages auxquels on ne s’attachera pas, même après cinquante heures de jeu. Cela n’empêche pas au reste d’être plutôt captivant, notamment grâce à des combats stratégiques aux compositions assez variées, et un challenge très corsé. Par ailleurs, on ne peut que saluer les possibilités de personnalisation poussées, autant en terme de visuel que de capacités et de classes. Quoique Saviors of Sapphire Wings permette moins de choses à ce niveau, étrangement.
Pour rentrer un peu plus dans les détails, les deux titres proposent des combats au tour par tour très classiques, qui s’étoffent de petites fioritures pas déplaisantes. Bien sûr, on trouve un système d’affinités, ou encore des classes qui font varier les capacités des personnages. Mais il est aussi possible de contrer les ennemis, selon l’arme que l’on a en main et le type d’attaque reçue, ce qui a pour effet de les paralyser. Nous permettant ainsi d’enchaîner des attaques qui feront, sauf faux pas de la part de nos personnages, toujours mouche. Cette fonctionnalité est plutôt sympathique et bien amenée, il faut le reconnaître.
Enfin les deux titres sont plutôt punitifs. La mort n’est pas une fin en soi, puisqu’il est possible de ressusciter nos combattants, mais il faut bien avouer qu’elle survient souvent, rendant les débuts d’autant plus pénibles d’ailleurs. Une composante qui ne dérangera guère les joueurs d’Etrian Odyssey par exemple, ou tout autre D-RPG à la difficulté relevée. Mais une fois de plus, cela empêchera tout néophyte, même s’il parle très bien anglais, de découvrir le genre avec sérénité. On réservera donc ces deux aventures, longues et riches, aux amoureux du Dungeon Crawler, et uniquement à ceux-là !
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