Lorsque vous étiez enfant, sûrement utilisiez-vous n’importe quel environnement, et souvent les plus anodins, pour vous amuser et créer une aventure incroyable. Faire courir ses doigts au pied de la fenêtre à l’arrière de la voiture. Marcher sans que ses pieds ne dépassent la forme d’un bout de parquet, de pavé ou de carrelage. Ne se déplacer ou ne sauter que dans des ombres en pleine ville, sur le trajet pour faire les magasins ou simplement à l’occasion d’une promenade.
Ce dernier exemple, Ewoud van der Werf et Nils Slijkerman ont décidé d’en faire un jeu vidéo. Intitulé SCHiM, ce titre on ne peut plus indé dans l’âme s’est montré pour la première fois il y a deux ans. Et après moult trailers ainsi qu’une petite démo rendue disponible sur Steam il y a quelques semaines, la hype est montée tout doucement. Dès le 18 juillet, toutes les plateformes vont accueillir ce jeu au concept intriguant. Amusant du début à la fin ? C’est ce que nous allons voir.
Conditions de test : Nous avons joué 8 heures à la version PS5 de SCHiM. La moitié du temps en version 1.010.000 et l’autre en 1.020.000 (versions 1.0.2 puis 1.0.3a in game). Nous avons pu terminer le jeu, récupérer tous les collectibles et essayer quelques instants les deux paramètres de difficulté optionnels.
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ToggleL’ombre de ta main, l’ombre de ton chien
Schim (prononcé « schrime ») veut dire « fantôme », ou « ombre », en néerlandais. Dans ce jeu éponyme, tout objet ou être vivant est relié à l’un d’entre eux. Et ici, nous incarnons un schim qui finit par se retrouver séparé de son hôte. Toute l’histoire du jeu va donc consister à courir après, en passant d’ombre en ombre au cours d’une soixantaine de niveaux. Si rester dans l’obscurité est un cœur de gameplay que l’on a largement connu dans l’histoire du jeu vidéo, notamment dans l’infiltration, avec Aragami parmi les plus récents, il est question ici d’autre chose.
Dans SCHiM, le fait que, pour avancer, notre petit personnage puisse uniquement plonger dans la multitude d’ombres dessinées par l’environnement relève davantage d’une sorte de plateformer. N’importe quel poteau, lampadaire, arbre ou poubelle est un pas de plus pour notre étonnante créature. Le trafic donne aussi de nombreuses possibilités de déplacement. Un simple passant qui se promène, une voiture ou un vélo en marche, et même l’ombre d’un oiseau qui plane, peut servir de moyen de transport. L’expérience se vit très simplement, avec un bouton pour sauter et un pour interagir avec l’objet ou l’être vivant que l’on rejoint. Et lorsque la perspective n’est pas idéale, les gâchettes nous permettent de switcher parmi les quatre angles possibles.
Un minimum de règles pour être très rapidement habitué à la manière de fonctionner du titre, lequel se veut fluide et dynamique. Systématiquement, on va nous demander de partir d’un point A pour rejoindre un point B. Et à tout moment, il est possible de déplacer la caméra vers l’objectif final ou, a minima, une zone intermédiaire à rejoindre, pour ne pas perdre son chemin. Toutefois, ce n’est pas pour autant que tout nous est offert sur un plateau. À plusieurs reprises, les niveaux se complexifient très légèrement et varient un peu pour apporter de la nouveauté, de quoi ajouter de la réflexion.
Parfois, il faut déclencher des feux tricolores selon si l’on a besoin de stopper ou fluidifier le trafic pour progresser. Lorsque l’on est dans l’ombre d’un transpalette, le bouton d’interaction permet d’étendre sa fourche et donc l’ombre de l’appareil pour en rejoindre une autre. Dans l’ombre d’un véhicule ou d’un camion, klaxonner peut faire peur à un animal pour libérer un passage. Autres exemples d’ombres « spéciales » : il est possible d’être catapulté par des panneaux ou des parasols afin de franchir une courte distance dépourvue d’ombres. Idem si l’on s’infiltre dans celle d’une manche à air ou d’un anémomètre, on se retrouve propulsé quelques mètres plus loin.
Le challenge dépend aussi des sources de lumière. Intelligemment, SCHiM joue parfois avec l’heure de la journée pour renouveler l’approche d’un chapitre. Quelques niveaux se déroulent la nuit et même sous un orage, ce qui amène d’autres cas de figure. Premièrement, l’absence de lumière, où il a été demandé une fois d’emprunter une déviation et d’activer au préalable un panneau électrique pour se dégager un chemin. Deuxièmement, les sources de lumière qui se confondent. La nuit, les lampadaires allumés dessinent des ombres sur certains objets. Mais une voiture aux phares activés, passant tout près, modifie la forme de ces ombres. On peut donc être bien au chaud dans une ombre, et en être éjecté si l’on tarde trop. Enfin, en cas d’orage, le gameplay intègre une petite mécanique de timing, où il nous faut être rapide pour rejoindre des ombres dessinées par l’apparition fréquente d’éclairs.
Le quotidien comme terrain de jeu
On touche alors à la grande force de SCHiM : sa capacité à exprimer son concept léger à travers un level design aussi malin que crédible. Inspirés des Pays-Bas, les environnements nous évoquent des moments familiers, que nous les ayons vécus enfant ou adulte. La traversée d’une rue, la visite d’un parc, une virée à la plage ou simplement au supermarché sont des instants banals de la vie quotidienne, mais ils prennent une tournure bien plus ludique dans cette gymnastique des ombres. On se retrouve donc complètement dans une expérience régressive qui vient toucher à notre âme d’enfant.
Et cette traversée s’effectue bien évidemment sous l’agréable look minimaliste imaginé par Ewoud van der Werf, qui a d’emblée titillé la rétine des fans d’indé. Atteint lui-même d’une certaine forme de daltonisme, le développeur a fait d’une pierre deux coups avec cette direction artistique. Permettre une lisibilité pour toutes les personnes atteintes de ce genre de problèmes visuels, mais aussi apporter une pointe d’abstrait à son univers. La palette graphique, composée uniquement de quatre couleurs par niveaux, arrive à dégager une atmosphère particulière selon les endroits visités.
Idem au niveau de l’heure de la journée où on oscille entre une sélection de couleur froide en matinée, et bien plus chaude et réconfortante au coucher du soleil. La visite d’un zoo ou d’une ferme proposera quant à elle des nuances de verts, tandis qu’une virée de nuit en pleine ville sera plutôt constituée de bleu profond ou de mauve. Petit point appréciable, il est possible de modifier à loisir la palette de couleurs, et ce pour chaque niveau. Une manière de redessiner à son goût les environnements ainsi que de renforcer la lisibilité des ombres si besoin. Seul souci, il faut répéter l’opération à chaque niveau.
Un dernier point vient mettre en valeur les environnements, et il s’agit des collectibles. Eh oui. Bon nombre de schims ont été séparés de leur objet dans presque chaque niveau. Croiser l’un d’entre eux en train d’errer est donc l’indice qu’un objet est à retrouver à proximité. Une fois celui-ci touché, le schim se lie de nouveau avec et recrée une ombre. Et si la plupart des objets retrouvés sont purement optionnels, il arrive à de rares reprises qu’ils facilitent notre avancée en plaçant une ombre sur notre route. Alors même si, de manière générale, leur présence peut faire grimacer pour beaucoup, nous avons trouvé que, ici, les collectibles nous poussent surtout à explorer des chemins détournés, de quoi profiter davantage des niveaux.
En ajoutant à tout cela une musique tout à fait relaxante en toutes circonstances, et une histoire sans aucun dialogue mais assez touchante, SCHiM dégage une ambiance chaleureuse, où un gameplay simple s’exprime, sur le papier, de manière fluide. Maintenant, ce charme et cette bonne volonté se heurtent à quelques problèmes. Rien qu’en prenant en compte la durée de vie du jeu et la constitution de ses chapitres, ça coince un petit peu.
SCHiM avec surestime ?
Nous l’avons évoqué plus tôt, l’aventure comporte une soixantaine de chapitres de tailles inégales. Certains niveaux prendront pas loin d’une dizaine de minutes en pure découverte, sans compter l’éventuelle recherche de collectibles. D’autres se complètent bien plus rapidement, en devant juste rejoindre un bus ou une voiture en une poignée de sauts seulement. On imagine bien entendu qu’il s’agit d’une volonté de varier le rythme, mais on a parfois l’impression qu’il y a des « niveaux pour rien », sans compter ceux que l’on revisite dans un second temps mais sous un autre angle. L’explication est narrative, certes, mais il peut être difficile de s’en contenter.
Arrivé à la moitié du jeu, un constat finit alors par s’imposer : on s’ennuie un peu. Et ce malgré la courte durée de vie allant de 4 à 6 heures, selon l’aisance avec le gameplay et la manière de flâner ou non. Nous avons évoqué les différentes ombres spéciales et manières d’articuler la dimension puzzle du jeu, mais cela reste maigre pour renouveler significativement l’intérêt. On reconnait la frontière délicate entre minimalisme et simplisme, mais ce plafond de verre ludique peine à la maintenir.
À la lassitude s’ajoute aussi parfois la frustration. Comme dit précédemment, on doit régulièrement se servir du trafic pour avancer. Seulement, lorsque l’on ne parvient pas à rejoindre un vélo ou une voiture à temps, il arrive de devoir attendre plusieurs secondes avant qu’un autre véhicule se présente. Et lorsque la situation se vit à plusieurs reprises, l’agacement peut se faire ressentir. C’est aussi l’occasion de parler des sauts en eux-mêmes et du système de checkpoint.
Lorsque l’on loupe son saut et que l’on atterrit à côté d’une ombre, on dispose d’une petite seconde pour se rattraper en exécutant un saut bonus, d’une courte distance. En cas d’échec, notre schim s’évapore et réapparait au checkpoint le plus proche. Seulement voilà, celui-ci n’est jamais vraiment clair au sujet de son emplacement. On va souvent réapparaître un ou deux sauts en arrière. Mais à d’autres reprises, et surtout lorsque l’on tente d’explorer d’autres chemins pour débusquer notamment des collectibles, le dernier checkpoint se situe bien plus loin, à notre mauvaise surprise.
Du côté du manque de précision, on pourrait aussi mentionner une fois encore la caméra. Avec une vue isométrique fixe et donc quatre angles de caméra différents, sur le principe, on s’y retrouve. Sauf que, quelques fois, on se lance dans des sauts un peu à l’aveugle, ne disposant pas d’une perspective idéale. Sans parler des sauts où l’on est bloqué ou freiné par la texture de l’objet. L’exemple classique reste les voitures, où il est courant de se heurter au dessous de celles-ci en voulant s’en dégager. Un peu plus de souplesse dans le changement des angles n’aurait alors pas été de refus. Un problème qui devient plus important au sein du principal facteur de rejouabilité du titre : le mode Haut Risque.
Dans ce mode, vous disposez de seulement 20 réapparitions autorisées pour parcourir l’intégralité du jeu. Nécessitant une maîtrise évidente de notre personnage, le gameplay prend ainsi une toute autre tournure et chaque saut devient alors bien plus stressant. Excitant sur le papier, c’est donc particulièrement handicapant lorsque l’on ne peut pas appréhender très nettement la gestion d’un saut, ce à quoi le saut bonus peut heureusement pallier la plupart du temps.
Notez aussi qu’un succès demande de compléter tout le jeu en désactivant justement ce petit saut supplémentaire. Là encore, en s’essayant à ce challenge, on se rend compte à quel point il est précieux. Enfin, pour terminer sur une bonne note, nous mettons quand même une pièce sur le fait que le potentiel de speedrunning du jeu puisse fédérer une petite communauté, tant la marge de progression de maîtrise du level design et de l’exécution peut être réduite. De quoi mettre en lumière la fluidité du gameplay (lorsque tout se passe bien).
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