Pour ses treize ans, Shadow of the Damned fait son retour dans un remaster se nommant Shadow of the Damned : Hella Remastered. Fruit d’une collaboration entre deux grands bonhommes de l’industrie vidéoludique que sont Goichi Suda (Killer 7, No More Heroes, Lollipop Chainsaw…) et Shinji Mikami (les Resident Evil et Evil Within entre autres), le titre offre une atmosphère atypique particulièrement efficace, mais n’a hélas pas laissé une aussi immense trace que Killer 7 en 2005.
Nous voici en 2024 et le soft ressort dans une version reliftée pour halloween, autrement dit le 31 octobre prochain sur PC, PS4, PS5, Xbox One, Xbox Series X|S et Switch. S’il est plaisant de se remettre dans la peau du chasseur de démons Garcia Hotspur, force est de constater que nous avons vu bien mieux en matière de remastérisation, qui fait réellement le strict minimum ici, tout en apportant de bien maigres nouveautés dans son chapeau.
Conditions de test : Nous avons terminé Shadow of the Damned : Hella Remastered en 6 heures de jeu, puis nous sommes restés deux petites heures sur le mode new game+. Le titre a été testé sur PlayStation 5.
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ToggleUne collaboration Mikami/Suda 51 qui a du bon
Après avoir collaboré une première fois sur Killer 7 en 2005, Shinji Mikami et Suda 51 remettent le couvert avec Shadow of the Damned en 2011. Dans ce titre, le joueur incarne Garcia Hotspur, un chasseur de démons. Tout juste après en avoir dégommé un, notre héros voit sa fiancée se faire kidnapper par Flemming, le seigneur des démons. Notre protagoniste mexicain va ainsi devoir vadrouiller dans le plus profond des enfers et ramener sa bien-aimée.
Rassurez vous, rien n’a changé sur cette nouvelle version de Shadow of the Damned en ce qui concerne la trame. L’écriture reste strictement la même, et il faut dire que les qualités comme les défauts de narration sont intactes. Bien que l’intrigue soit on ne peut plus simpliste dans le fond, on ne peut pas s’empêcher d’être particulièrement émerveillé par les références à divers films d’horreur, que ce soit dans le bestiaire comme certaines séquences du jeu. Cela va de Evil Dead, en passant par Silent Hill voire d’autres productions comme SOS Fantômes en guise de gros clins d’œil.
Si l’histoire et quelques blagues peuvent quelquefois tomber à l’eau, force est d’admettre que la relation entre Garcia Hotspur et son acolyte démoniaque Johnson, pouvant se transformer autant en arme qu’en torche humaine, fonctionne. L’interaction entre nos deux comparses est délicieuse avec quelques punchlines parfois bien senties. De plus, les efforts de mise en scène et les divers changements de décors de cet enfer atypique font systématiquement mouche pour notre bon plaisir.
Il y a donc des points positifs servant la narration, même si la finalité se révèle classique et peu inspirée. Néanmoins, il faut souligner encore une fois que le côté totalement barré de Suda 51, couplé à l’ambiance horrifique en provenance de Shinji Mikami, forment un cocktail qui se marie infiniment bien, et sur lequel nous passons finalement un bon moment entre contenu déjanté, glauque et même sexuel. Cela dit, la fin est, comme en 2011, ouverte, avec on l’espère une suite à venir.
Pas de changements radicaux en 2024…
Shadow of the Damned avait des défauts sur son gameplay en 2011, et c’est toujours le cas en 2024. D’ores et déjà, il faut se rendre à l’évidence : la rigidité du protagoniste fait clairement souffler au même titre que la caméra, qui part parfois dans tous les sens pour suivre l’action. Ces éléments ternissent déjà un peu l’expérience, même si le cœur du gameplay est toujours bon au niveau des gunfights. Outre le virage à 180 degrés qui reste une mécanique tellement inutile aujourd’hui (une feature d’ailleurs made in Mikami à partir de Resident Evil 4), force est de constater que ces phases restent absolument fun. D’une part car vous aurez à disposition le tir de lumière sur chaque arme qui gèlera temporairement vos adversaires, vous permettant d’effectuer sur ceux-ci des exécutions assez jouissives, et d’autre part grâce aux démembrements que l’on peut faire avec nos pétoires.
Garcia a d’ailleurs à son actif trois armes différentes avec le boner, le theether et le skullcussionner, formant un beau trio. Autrement dit, vous aurez sur vous une arme de poing, un fusil mitrailleur ainsi qu’un bon vieux fusil à pompe pour vous défendre, en plus de la torche pour donner des coups et qui, une fois chargée, peut faire une attaque dévastatrice. Concrètement, si les combats peuvent s’avérer en majeure partie brouillons à cause de la caméra, de la visée laser imbuvable et des roulades rigides que fait notre personnage, il est évident que le titre se joue finalement encore bien, avec qui plus est un plaisir de jeu instantané. Le bestiaire reste varié, comme les boss, forçant le joueur à redoubler de vigilance tant les différents démons peuvent vite vous mettre au tapis en mode normal si vous n’êtes pas assez réactifs.
Shadow of the Damned: Hella Remastered réussit aussi quelques séquences de jeu, avec les passages dans l’ombre. Sur certains combats, vous serez parfois plongés dans la pénombre, et il faudra effectuer un tir de lumière sur des lustres moutons, afin de rester en vie et retourner dans la lumière totale. En dehors de ces phases de jeu, vous devrez parfois aller dans la pénombre, et soit progresser le plus vite possible, soit trouver un moyen de réactiver la lumière le plus vite possible. Dans les deux cas, ces phases sont nerveuses, inventives, mais dommage que la finalité reste toujours la même, à savoir détruire des mécanismes dans l’ombre pour continuer votre chemin.
Vous l’aurez compris, le titre aura tendance à être autant répétitif dans les puzzles que les gunfights, bien que les petites séquences façon shoot’em up et les divers petits mini-jeux parviennent à relever un chouïa le niveau de diversité. Dans des décors à la façon d’un papier peint qui n’a aujourd’hui toujours pas pris une seule ride vous défilerez à l’horizontal, tout en dégommant les démons fonçant sur vous, et en tentant de récupérer de nouvelles armes en chemin ou de l’alcool fort pour régénérer votre santé (de la tequila, du saké et de l’absinthe seront aussi à récupérer dans les passages en 3D afin de recouvrer une santé totale ou partielle). Ces passages permettent de casser une certaine routine, en plus d’être réussis et de rendre hommage aux vieux shoot’em up des années 80/90. Quelques mini-jeux sont de la partie avec le fameux Hot Boner, mais ceux-ci sont pour la plupart lassants à terme, même s’il faut reconnaître que l’aspect loufoque et marrant à la sauce Goichi Suda ne nous laisse pas indifférents.
Le côté amélioration du soft, par contre, est toujours d’une efficacité redoutable en dépit de son classicisme. En ramassant dans un premier temps des gemmes rouges, vous aurez le loisir d’améliorer au choix vos trois armes, votre santé, votre tir de lumière, ou bien votre torche. Cela permettra par exemple d’augmenter la cadence de tir de votre tir de lumières, voire les dégâts de vos armes ainsi que leur vitesse de rechargement ou capacité. Tout ceci est bien ficelé au même titre que les gemmes bleues qui une fois ramassées après un boss, permettent d’améliorer Johnson et donc logiquement l’une des trois armes, afin d’avoir de nouvelles capacités de tirs secondaires dévastatrices et exacerbant le côté jouissif.
On terminera sur un level-design qui, quant à lui, a autant pris de l’âge que le gameplay. Si en 2011 cela passait, il faut dire qu’en 2024, la construction du jeu est finalement peu impressionnante et repose sur quelque chose de trop dirigiste, avec une folie peu palpable dans la structure. C’est globalement trop simpliste, avec des allers retours pour trouver quelques éléments afin d’ouvrir des portes ornées d’un bébé démon (trouver des fraises, yeux ou cerveaux pour continuer à progresser). Cet ensemble n’est pas foncièrement mauvais car il y a heureusement une belle mise en scène avec des décors un peu changeants mais sur le fond des choses, le résultat est hélas bloqué en 2011 sans une réelle refonte qui aurait pu faire plaisir.
Remaster n’est jamais gage de qualité
Maintenant, ce remaster de Shadow of the Damned est-il vraiment une réussite graphique ? Très franchement, la différence ne saute pas aux yeux, en plus de se doter d’une optimisation catastrophique. Si le titre en 2011 était tout juste correct graphiquement, sa version 2024 est en définitive juste lissée, avec des effets auparavant cool qui ont juste été supprimés, rendant le tout un peu fade. De plus, le jeu se paie le luxe de se frapper des chutes de framerate en dessous de 20 FPS lors de certains passages, lorsqu’il y a trop de choses ou d’effets à afficher.
Le clipping passe parfois une tête, et on obtient là un remaster qui reste quand même très passable, pour ne pas dire honteux. D’autant qu’on le rappelle, on parle bien d’un jeu sorti il y a deux générations de consoles… On ne sait pas ce que donnent les autres versions, dont la mouture PC, mais on espère que le résultat sera plus flatteur que sur PS5, console qui est censée faire beaucoup mieux que cela en principe.
Parmi les maigres nouveautés de ce remaster que l’on pourra noter, il y a son new game+. Tout bêtement, il s’agira de refaire le jeu que l’on a terminé en 6h en mode normal avec les améliorations déjà glanées, et toutes les upgrades d’armes qu’il y a avec. Cela permet de donner la possibilité aux joueurs de tout débloquer, et d’avoir une puissance de jeu monstre à terme. Quelques costumes seront aussi débloqués une fois le jeu terminé, et ce sera tout ce qu’il y aura à se mettre sous la dent, à notre plus grand regret.
On clôture ce test avec une note positive, et la bande-son somptueuse signée Akira Yamaoka. Le bonhomme, qui a déjà officié notamment sur les Silent Hill (dont plus récemment l’excellent Silent Hill 2 Remake), nous pond une composition qui marie ingénieusement le loufoque et l’horrifique, pour un résultat aussi flippant que poilant sur certains thèmes musicaux. Il faudra aussi souligner le bon doublage anglais qui fait des merveilles et même si le jeu peut parfois s’avérer un peu trop bruyant, c’est certainement pour accentuer le côté un peu oppressant que l’on peut ressentir à certains passages.
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