Il y a encore quelques années, le marché mobile était raillé par les amoureux du jeu vidéo. La majeure partie des titres était superficielle, ils manquaient cruellement d’intérêt, ou nécessitaient des paiements in-game difficilement acceptables. Cela étant dit, les développeurs se sont adaptés aux capacités grandissantes des tablettes et smartphones. Ainsi, alors que c’était inconcevable il y a quinze ans, tandis que la N-Gage décevait aussi bien en terme de ventes que de conception, certaines grosses productions sont désormais pensées pour les mobiles. C’est par exemple le cas de Shinsekai : Into the Depths.
Développé par Capcom à destinations des mobiles et tablettes iOS, Shinsekai sortait en septembre dernier et recevait un accueil critique chaleureux. À la surprise générale, un Nintendo Direct Mini diffusé à la fin du mois de mars annonçait son arrivée sur Switch, en même temps que Panzer Dragoon Remake et Good Job. Nouveau support donc, et nouvelle ambition : conquérir un public plus vaste. Reste à déterminer si ce portage, disponible exclusivement sur l’eShop où il est vendu 19,99 euros, a ce qu’il faut où il faut pour convaincre le public de chez Big N.
Conditions du test : Nous avons joué près de quinze heures pour en voir le bout, en ayant pris notre temps, et ce principalement en mode portable.
L’air marin c’est vivifiant
Le portage de productions mobiles sur console est toujours un peu délicat. Bien souvent, ces titres sont destinés à de courtes sessions de jeu, visant un public plus enclin à passer le temps dans les transports qu’à s’immerger dans un canapé. Pourtant, ce n’est pas le cas de tous. Shinsekai : Into the Depths, quant à lui, vise plutôt les joueurs qui aiment se poser, prendre le temps, et apprécient aller à la découverte de nouveaux mondes. Ainsi, à ce niveau, son arrivée sur Switch ne peut que lui faire du bien, puisqu’il n’est plus cantonné à cette image de titre mobile aux parties courtes.
Parce que ce qu’il faut comprendre, avant tout, du titre de Capcom, c’est qu’il ne manque pas d’ambition. Derrière son concept semblant plutôt simple, se cache en réalité un savant mélange de Metroidvania et de jeu de survie. Deux styles qui s’allient ici à la perfection, pour un résultat surprenant où immersion est le maître-mot, mais surtout où le joueur est invité à la contemplation, et plus généralement à prendre son temps. Cela dans un univers vaste au level design souvent ingénieux, bien que parfois un poil tortueux.
Tout commence par un triste constat : sous l’eau, la glace gagne du terrain, et finit par emporter la demeure de notre petit protagoniste. Vraisemblablement un humain, peut-être même le dernier, vivant au cœur des ruines d’un monde qui n’est pas sans nous évoquer des souvenirs. Bien sûr, il n’est pas seul au cœur de l’océan, nombre de créatures sont là elles aussi, tantôt pacifiques et tantôt dangereuses. Mais plus important encore, sous les ruines de ce que l’on devine être notre civilisation, se cachent des artefacts qui laissent à penser que l’homme était encore là il y a peu.
Ici, pas de scénario à proprement parler, pas de dialogues ou même de journaux textuels à découvrir. L’histoire se dépeint finalement d’elle-même, sans un mot, alors que l’on progresse dans différents environnements visant à nous faire comprendre ce qu’il est advenu de l’humanité. Mais la caméra est avant tout axée sur notre personnage, perdu sous l’océan, sans véritable compagnie. Ce dernier va devoir suivre une vieille piste, laissée là par la civilisation disparue, donnant à la fois espoir à ce bonhomme enrobé d’un scaphandre épais et au joueur lui-même.
Là où Shisekai fait fort, c’est qu’il parvient à la fois à captiver au cours de l’exploration de son monde – qui se révèle très beau, bien que certains environnements sont clairement plus inspirés que d’autres – mais aussi en suivant les pérégrinations de notre personnage pour qui l’espoir semble être le seul moteur. L’espoir de retrouver les siens, l’espoir de ne plus être seul… On ne peut que le deviner, et pourtant cette donnée marque de façon indélébile l’aventure : la solitude est partout, jusque dans un ensemble de musiques douces et belles, mais souvent oppressantes.
Adapter un gameplay mobile
Le propre du jeu mobile, pour qui les contrôles sont pensés pour le tactile, c’est un manque de précision. Shinsekai : Into the Depths ne fait pas exception à cette règle dans sa version iOS, ce qui a de quoi frustrer. Heureusement, pour son arrivée sur console, son gameplay a été repensé, afin de s’adapter au mieux aux diverses touches et aux joysticks de la Switch. Le résultat n’est pas parfait, et manque encore un peu de précision, principalement à l’utilisation des différentes armes. Néanmoins, il n’y a pas grand-chose à redire : en terme de jouabilité pure, le titre est plutôt intuitif.
Reste un concept qui, pour le coup, est plus complexe. Comme écrit quelques lignes plus haut, le titre de Capcom est un mélange ingénieux de Metroidvania et de jeu de survie. Ainsi, on est invité à explorer, et il faudra dégoter de nouveaux outils pour progresser dans l’aventure. Voici pour le premier genre. Quant au second, il a poussé les développeurs à introduire différentes ressources, à commencer par l’oxygène. Il faudra en effet faire très attention à ses réserves personnelles, sans quoi la mort ne tardera pas à nous rattraper.
On se fait vite à cette mécanique, qui nous pousse à faire attention à chaque déplacement, et nous contrait à une grande prudence : si l’on récupère bien de nouvelles bonbonnes d’oxygène au cours de l’aventure, celles-ci se cassent lorsque l’on tombe de trop haut, ou lorsque l’on subit l’attaque d’une créature marine. À ce niveau, mieux vaut être clair : Shinsekai n’est pas un jeu facile. Il demandera par ailleurs un certain investissement pour en voir le bout. Parce que la plupart des armes que l’on récupère nécessitent des munitions, qu’il faudra assembler soi-même.
On entre ici dans le seul véritable défaut du titre de Capcom : son système de ressources. Disséminées aux quatre coins de son monde, lui-même découpé en plusieurs zones, celles-ci devront être découvertes, et souvent excavées de la roche. Rien de très original, nous sommes d’accord. Néanmoins, il est nécessaire de fouiller constamment pour avoir un inventaire suffisant, sans quoi un unique monstre marin pourrait bien avoir notre peau. Or, si l’on n’y prête guère attention en début de partie, cette composante devient omniprésente par la suite.
En effet, pour pouvoir progresser il ne sera pas suffisant de dénicher de nouveaux outils. Il faudra aussi mettre la main sur certaines ressources nous permettant d’améliorer notre équipement, plus spécifiquement la résistance à la pression de notre combinaison, afin d’explorer plus en profondeur. Il pourra ainsi nous arriver de bloquer un moment parce que l’on ne parvient pas à dénicher une pierre particulière, astucieusement cachée dans l’environnement. Il faudra donc fouiller, encore et encore, et ce pendant tout le long de l’aventure, ce qui a de quoi ennuyer à la longue.
Heureusement, Shinsekai : Into the Dephts a bien des flèches à son arc pour faire passer ce défaut au second plan. Son ambiance pour commencer, tantôt oppressante et tantôt apaisante. Le plaisir que nous offre la progression dans son monde, qui ne se dévoile pas aisément. Ou encore la satisfaction pointant à la découverte de nouvelles créatures marines, parfois terriblement bien cachées, ou encore de lieux pas faciles à découvrir. Reste une durée de vie, plutôt conséquente, mais surtout un prix doux.
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