Si l’adage veut que lorsque l’on aime on ne compte pas, il faut néanmoins reconnaître que douze ans, c’est singulièrement long. Douze ans, c’est la durée qui nous sépare de la dernière sortie majeure de la franchise Silent Hill, un certain Downpour qui a, par ailleurs, eu toutes les peines du monde à trouver son public. Depuis, les choses se sont compliquées chez Konami, et nous étions nombreux à croire sincèrement que la colline silencieuse était à jamais perdue dans un brouillard opaque (au même titre que le code source des trois opus de la PS2 d’ailleurs). Pourtant, fin 2022, l’entreprise nippone surprend son monde en annonçant non pas un, mais bien plusieurs projets dans l’univers de Silent Hill. Avec pour commencer, le périlleux mais attendu remake d’un classique de l’horreur, et accessoirement de l’épisode le plus apprécié des fans.
Silent Hill 2, qui comme Resident Evil 4 se départit du terme de « Remake » lui collant pourtant à la peau, aura soufflé le chaud et le froid au cours d’une campagne de publicité qui semblait ne pas trop savoir où elle allait. Au point, d’ailleurs, que la Bloober Team, en charge du développement, se sera désolidarisée d’un trailer chapeauté par Konami et ayant été particulièrement mal reçu par les joueurs. Cela s’annonçait compliqué avant même l’heure de la sortie pour cette version remise aux goûts du jour de l’un des plus grands jeux de la PlayStation 2. Heureusement, le studio n’en étant pas à son coup d’essai, nous ayant notamment gratifié des sympathiques Layers of Fear et The Medium avant cela, son savoir faire et ses talents seront finalement parvenus à maintenir ce frêle radeau à flot. Dans une certaine mesure en tout cas.
Conditions de test : Nous avons joué environ 25h au titre sur PlayStation 5, ce qui nous a laissé le temps de terminer une première fois son aventure en mode normal (autant pour les combats que pour les énigmes), et d’en relancer une nouvelle. Ce test est garanti sans spoiler majeur.
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Longue aura été l’attente. Silent Hills ayant été annulé sans précisions par Konami, qui en a profité pour se séparer de Kojima, cela fait un temps fou que nous n’avons pas eu droit à un vrai épisode de la franchise. Non, on ne comptera pas Silent Hill : Book of Memories. De toute façon, de ce produit de commande, personne ne se rappelle rien, et tant mieux d’ailleurs. Ce qui est sûr, c’est qu’après dix ans de bons et loyaux services, et malgré quelques errances à compter de Homecoming, la franchise ne méritait pas un pareil traitement. De ce silence radio ayant duré près de huit longues années, les fans n’ont retiré qu’incompréhension, déception et peine.
Heureusement, malgré sa campagne de pub erratique, Silent Hill 2 Remake fait bonne impression dès les premières minutes de jeu. En reprenant quasiment trait pour trait les premiers instants de l’aventure originale, pour commencer, le tout fondu dans un Unreal Engine 5 maîtrisé qui rend particulièrement bien. Oui, ce remake est beau, et il ne tarde pas à le faire savoir, que ce soit avec ses flaques d’eau plus vraies que nature, ses effets de lumière qui feraient presque de l’ombre à ceux de Alan Wake 2, et bien sûr sa brume opaque, organique, qui semble tout droit sortie d’un rêve humide de fan de la franchise. Même s’il n’échappe pas à quelques bugs, mais surtout à des chutes de framerate parfois assez marquées en mode Qualité.
On se sent comme à la maison dans ces rues quadrillées, dont on n’aperçoit pas le bout, et le Sound Design y contribue vivement, en brodant autour de ce que le jeu de 2001 proposait. On nous avait annoncé que Silent Hill 2 Remake était développé par des fans, et il ne faut pas longtemps pour s’en convaincre manette en mains. Bien sûr, ça ne touchera pas les nouveaux venus. Mais les amoureux du jeu d’origine ne peuvent qu’adhérer aux premières heures du remake, qui font tout pour les caresser dans le sens du poil. A fortiori dans la mesure où Akira Yamaoka est de retour à la bande son, et qu’il ne trahi pas son travail initial.
Contes Cruels
Tout débute à l’orée d’un bois, sur un parking désert. James Sunderland y relit une lettre signée du nom de son épouse, décédée trois années plus tôt, l’enjoignant à la rejoindre dans la petite bourgade de Silent Hill. Très étrange démarrage pour une aventure qui ne le sera pas moins par la suite, avec ses rencontres lunaires et son récit vaporeux. De la trame initiale, Silent Hill 2 Remake conserve tout, n’oubliant pas d’ajouter sa touche personnelle. Les joueurs qui connaissent bien l’aventure originelle ne seront pas dépaysés, en tout cas, par cette version qui, si elle s’écarte par moments du travail réalisé par la Team Silent, lui demeure néanmoins extrêmement fidèle.
On y retrouve la même galerie de personnages, toujours très marquants, soutenue par des doubleurs anglophones qu’on sent investis, pour un résultat sans fausse note. Le Character Design s’est affiné dans ce remake, et ne détonne pas à côté de l’original. La plus grande force du titre, c’est assurément sa propension à nous immerger totalement dans son univers et son récit. Chose que Silent Hill 2 parvenait bien à faire, lui aussi, mais qui est nettement accentuée par une caméra à l’épaule pertinente et quelques changements intelligents dans la manière de faire progresser l’intrigue. On apprécie aussi l’absence de HUD dans la configuration recommandée. Et si la brume n’a jamais semblé si organique, si vraie, c’est aussi le cas de la ville de Silent Hill.
Si ce remake demeure très fidèle au Silent Hill 2 de la PS2 sur son aspect scénaristique, il s’en écarte donc en matière de progression et fait évoluer l’espace de jeu. Les fans reconnaîtront bien une grande part des décors, mais rien n’est bêtement repris à l’identique. L’obtention des objets clés, tels que la lampe torche, et l’ordre de passage dans les différents lieux marquants de l’original n’ont pas changé. Néanmoins, cette nouvelle version affine son aspect narratif, en ajoutant des lignes de dialogue notamment, change la disposition de ses maps, et rallonge la plupart de ses passages. Même ceux que la majorité trouvait trop longs dans le titre original…
Vous avez détesté le labyrinthe dans Silent Hill 2 ? Vous ne l’aimerez pas beaucoup plus dans ce remake. Beaucoup plus longue que son aînée, nous ayant personnellement demandé près de 19h pour atteindre les crédits, cette cuvée 2024 semble malheureusement traîner des jambes volontairement pour étirer sa durée de vie. On apprécie que certains passages marquants soient rallongés, notamment l’errance de James dans un Silent Hill sans vie ni lumière, en sortant de l’hôpital (séquence d’autant plus intéressante dans ce remake d’ailleurs). Mais d’autres auraient gagné à demeurer proches de ce qu’ils étaient, voire à se condenser un peu. Rien de dramatique, mais si le jeu avait pu se boucler en cinq heures de moins, nous n’en aurions été que plus ravis.
The Mist
Silent Hill 2 a beau être un jeu culte, il n’en demeure pas moins imparfait et certains de ses aspects n’ont que trop mal vieilli. C’est en tout cas ce que nous avons retiré d’une partie que nous avons bouclé juste avant de recevoir notre code pour ce remake. Certains passages manquaient de finesse, les allers et retours étaient parfois fastidieux, et les combats étaient entièrement à revoir. La Bloober Team avait bien conscience de ces points en se lançant dans le développement de sa version du jeu, et est parvenu à corriger quelques-uns des défauts les plus marquants de l’original. Malheureusement, cela ne se fait pas sans heurt.
Les combats, pour commencer, sont nettement plus agréables dans ce remake. On obtient rapidement un morceau de bois clouté (que l’on remplacera ultérieurement par un tuyau de plomb), et son maniement est plutôt appréciable. Les coups portés aux ennemis ont quelque chose d’assez jouissif, même si dans le même temps la caméra a rapidement tendance à s’emballer et à nous faire perdre le fil. Le vrai bon point à ce niveau, c’est l’intégration d’une esquive qui semble tout droit sortie de Alan Wake ou de The Last of Us, pour un résultat assez convaincant. Les combats au corps à corps ressemblent un peu à ceux d’un The Callisto Protocol, en plus brouillons et moins nerveux cependant.
Malheureusement, Silent Hill 2 Remake a aussi augmenté la vélocité de son bestiaire, et son intelligence du reste. Ce qui, à première vue, sonne comme une bonne nouvelle. Mais on a tôt fait de déchanter en constatant que, contrairement à l’original, il n’est pas possible d’esquiver la grande majorité des ennemis dans le remake. Et si, d’un certain point de vue, cela permet d’ajouter du stress à l’ensemble déjà bien oppressant, c’est aussi et surtout un bon moyen de décourager sur la durée, tant les ennemis sont nombreux. On en retient un type particulier, qui nous a beaucoup agacés au fil de l’aventure.
Repris à l’identique du volet original, ce mannequin possédant deux paires de jambes montées les unes sur les autres se retrouve un peu partout, et beaucoup trop souvent. Or, sa petite particularité, c’est qu’il est le seul à se cacher pour nous tomber dessus au moment où on s’y attend le moins. Dans un premier temps, on apprécie de se faire surprendre, bien que ce ne soit pas la tension qui manque dans ce remake. Mais passé un certain stade, le nombre de ces adversaires aux désagréables tendances « jumpscare » (n’enclenchant pas notre radio à l’approche, notez-le bien) devient tel qu’on est constamment aux aguets, à vérifier tous les coins de peur de se faire surprendre. Et ça n’est absolument pas amusant.
Le Roi Peste
À côté de cela, Silent Hill 2 Remake améliore toutefois ses combats de boss, en les rallongeant là encore, mais en revoyant de zéro leurs arènes et leurs patterns. Un bon moyen de surprendre les fans, d’une part, mais surtout de rendre l’aventure plus digeste et moins punitive. Le jeu n’est pas foncièrement facile, mais il ne nous a pas semblé particulièrement difficile non plus d’ailleurs. Certes, il est quelque peu avare en munitions et en items de soin, comme tout bon Survival Horror, mais demeure assez juste dans sa manière de les distiller tout le long de son aventure. On apprécie d’ailleurs les efforts faits pour que les objets à ramasser soient intégrés dans le décor, et plus simplement posés par terre comme c’était trop souvent le cas dans l’original. De manière générale, de toute façon, Silent Hill 2 Remake fait beaucoup pour rendre son univers plus cohérent, plus tangible.
La Bloober Team a par exemple ajouté la possibilité de briser toutes les vitres du jeu, ce qui permet tantôt de créer un passage dans un lieu annexe, tantôt de récupérer des munitions ou une boisson revigorante dans une voiture abandonnée ou un meuble. Dans un genre un peu différent, le son de la radio qui nous signale la présence d’ennemis, grand classique de la série, sort désormais par le haut parleur de la manette, ce qui fonctionne à merveille. Dommage qu’à côté de cela, le titre cache ses grosses énigmes derrière des draps blancs qu’il faudra tirer, ce qui enclenche une courte cinématique à chaque fois. On a un peu l’impression que le développeur avait peur qu’on rate les éléments nécessaires à la progression, ce qui est un peu décevant. Bien qu’à ce niveau, on a conscience de chipoter.
Les énigmes, parlons en d’ailleurs, se révèlent assez intéressantes dans ce remake, qui reprend certains éléments de l’original mais revoit chaque fois les résolutions. Encore un bon point, le travail étant d’ailleurs très convaincant, pour un résultat qui demande parfois une vraie réflexion en jeu. Rien qui ne nous ait retenu longtemps (rappelons que nous avons fait le jeu en difficulté normale pour les énigmes), mais la logique à suivre ne semble pas toujours évidente au premier coup d’œil. Les énigmes sont aussi bien mieux intégrées à l’univers que dans la majeure partie des titres du genre. Un point qui faisait énormément défaut au Alone in the Dark de mars dernier, mais surtout qui fait montre de la maîtrise de la Bloober Team en matière de Survival Horror. Les petits gars connaissent leur sujet.
Et ça se ressent aussi avec tout ce qui touche de près ou de loin à la progression dans le jeu, qui demeure assez quadrillée, mais bien déguisée. On ne nous lâche pas bêtement dans ses « donjons » assez vastes en espérant que l’on trouve tout ce qui doit l’être. Des documents sont disposés çà et là, nous donnant des pistes. Parfois ce sera les éléments de narration environnementale qui nous serviront. Chaque fois qu’une info importante nous est donnée, James sort sa carte pour l’annoter. Un bon moyen de ne jamais perdre le fil, d’éviter que l’on se perde trop souvent dans les environnements que l’on visite, le tout en ajoutant encore une dose de cohérence.
La Peur qui rôde
On peut le dire, bien qu’il se pare d’éléments modernes pour apporter une bonne dose de confort, comme avec sa visée façon Resident Evil 4 ou ses sauvegardes automatiques, Silent Hill 2 Remake demeure un Survival Horror à l’ancienne. Ce qui implique une progression hachée, avec des allers et retours, un rationnement des items, mais aussi une certaine vision de l’horreur. Ce remake, s’il ajoute sa touche à l’ambiance du jeu d’origine, n’oublie néanmoins pas d’où il vient, et demeure très fidèle au matériau dont il s’inspire. Sa manière de faire peur passe en premier lieu par ses adversaires, qui sont plus à craindre que dans l’original ; mais aussi par ses environnements, avec une brume qui empêche de voir à plus de trois mètres, et une obscurité opaque en intérieur qui rend claustrophobe.
Certains ressors horrifiques intégrés dans cette nouvelle version fonctionnent aussi à merveille. Comme ces séquences où il est possible d’allumer la lumière, mais où un minuteur bruyant nous empêche d’en profiter assez longtemps pour nous sentir à l’aise. Ou les battements du cœur de James qui se ressentent par vibrations dans la manette, lorsque celui-ci est en difficulté. Dommage, encore une fois, que les jumpscares soient réguliers, car ils font clairement tâche dans cette aventure qui, à côté de cela, n’a pas peur de virer au contemplatif par moments. Au point où l’on aimerait sincèrement qu’une option permette de les supprimer, pour rendre l’exploration plus agréable. Mais inutile de rêver, malheureusement.
À noter que comme Dead Space en son temps, Silent Hill 2 Remake est extrêmement sombre en configuration normale. Et si nous avons personnellement joué comme cela pendant les trois quarts de l’aventure, il est venu un moment où nous avons rehaussé quelque peu la luminosité simplement pour y voir quelque chose. Pas que l’on ait peur du noir, même si ce remake nous a fait un peu replonger en enfance sur ce point, mais quand c’est la lisibilité qui en prend un coup, ça rend tout de suite les choses plus compliquées. On vous recommande donc de faire la même chose, ce qui n’altère de toute façon pas le sentiment d’horreur ressenti tout le long de l’aventure, et encore moins la beauté des environnements.
Le retour des ténèbres
Terminons cet article déjà bien trop long par des détails en vrac. Pour commencer, le titre intègre une utilisation rapide des objets de soin, qui se fait avec la touche triangle. Bon point, mais qui risque de déstabiliser ceux qui connaissent très bien le jeu de 2001, et qui auront tendance à gâcher des potions en essayant simplement de sortir leur carte. Le mapping personnalisé permet de parer à ce problème, mais en ajoute d’autres, lorsqu’il s’agit de lire les documents. On s’est retrouvé avec deux touches différentes pour enclencher la traduction des papiers trouvés : une lorsqu’ils étaient à ramasser, l’autre quand ils faisaient partie du décor. Un point de détail, qui nous semble néanmoins à noter pour les plus tatillons.
Toujours sur la carte, la consulter ne passe plus le jeu en pause. Un excellent changement, très pertinent, qui ajoute une grosse part de stress en jeu, quand des ennemis ne sont pas loin, que la radio s’emballe, mais que l’on a besoin de se repérer. Et petit détail très sympathique, James note physiquement les infos qu’il récolte sur la carte, ce qui enclenche chaque fois une animation. Encore un moyen assez astucieux de rendre l’aventure cohérente, et d’améliorer l’immersion qui, sans ça, était déjà remarquable.
Puisque le jeu est pensé pour être fait sans HUD, les indications sur la santé se font sur le contour de l’écran, qui devient rouge quand James est mal en point. Une idée qui sonne bien sur le papier, mais atténue la visibilité en jeu, et joue, au contraire de la plupart des éléments cités plus tôt, contre l’immersion. Au même titre qu’une physique qui connaît ses ratés, avec des ennemis qui, pourtant morts, continuent de se mouvoir, passent à travers le décor, ou prennent des poses ridicules. Rien de bien méchant, là encore, mais on s’est laissé surprendre à tirer quelques balles au cours de l’aventure sur des créatures déjà abattues parce qu’un bug les avait fait se relever après notre passage.
Enfin, un petit mot sur le contenu. Silent Hill 2 Remake est long, ça nous le disions plus tôt. Et si vous n’en avez pas assez, il est toujours possible de relancer un New Game + une fois l’aventure bouclée. Mode qui ajoute aussi deux nouvelles fins (pour un total de huit). Et les fins, sans rentrer dans les détails, ont d’ailleurs été refaites, ne se contentant plus de fondus au noir et de lignes de texte. Un excellent point qui, cette fois-ci, donne vraiment envie de toutes les découvrir. À noter aussi que terminer le jeu débloque des modes graphiques, dont certains font vraiment gadget, quand d’autres sont plutôt sympathiques. Restent des collectibles, qui prennent la forme de photos à retrouver dans les environnements, dont la pertinence demeure à prouver, mais aussi des clins d’œil à des séquences du jeu original, supprimées dans le remake, qui semblent un peu rentrées au forceps, mais font néanmoins leur petit effet.
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