En mars 2019, Heart Machine a officialisé la préparation d’un jeu d’action intitulé Solar Ash. Il s’agit du deuxième projet dont s’occupe le studio basé à Los Angeles, le premier étant Hyper Light Drifter, une sensation indé survenue en 2016.
Ce dernier proposait une aventure en 2D empruntant un certain nombre d’éléments aux Zelda-like, tout en livrant une expérience véritablement singulière sur tous ses aspects. De son ambiance sonore à sa direction artistique, en passant par sa narration, complètement dépourvue de dialogue ou d’information écrite, le titre sortait vraiment du lot.
Fruit d’un développement plus ambitieux que son prédécesseur et ayant débuté peu de temps après la sortie de celui-ci, Solar Ash a connu la délicatesse de la transition vers la 3D pour offrir un univers ne ressemblant une fois encore à aucun autre – si ce n’est peut-être justement à Hyper Light Drifter – avec cette fois davantage de consistance.
Édité par Annapurna Interactive, un nom qui inspire plutôt la confiance, le titre a pu être mis en avant ce qui, couplé à cette envie des développeurs de viser plus haut, fait de lui une œuvre suscitant un peu plus d’attente. Un statut qui, nous allons le voir, n’entrave aucunement le résultat final.
Conditions de test : Nous avons testé la version PlayStation 5 de Solar Ash, en 1.004.000, durant une dizaine d’heures, le temps de finir à 100% l’histoire en mode Normal, ce qui implique de collecter toutes les caches et de compléter toutes les quêtes annexes.
Sommaire
ToggleL’appel du vide
Dans un univers où règne la désolation, un gigantesque trou noir, que l’on appelle Ultravide, avale les planètes et tout ce qui se trouve sur son passage. Parmi les rares êtres pouvant subsister dans ce climat apocalyptique, les Coureurs du vide arpentent les mondes tombés en ruine avec pour seul but de stopper la progression de l’Ultravide. Afin d’y parvenir, ces derniers ont créé un immense dispositif : la Graine d’étoile.
Rei représente le dernier espoir des Coureurs en mesure de l’actionner et, à la suite d’une rencontre avec une mystérieuse entité d’une blancheur aveuglante, se retrouve violemment propulsée près de cette Graine d’étoile désactivée. Déterminée à sauver sa planète de cet énorme danger imminent, elle se met en tête de contacter d’éventuels autres Coureurs du vide encore en vie, et de remettre la machine en marche.
Elle ne remplira pas cette mission seule puisque C.Y.D. (Centralized Yottabytes Data), la représentation humanoïde d’une intelligence artificielle, accompagne notre héroïne aux quatre coins de l’univers. On la retrouve au sein de chaque biome dans lequel Rei aura besoin de se rendre. Cyd peut vous livrer des informations, réparer votre bouclier ou encore changer votre tenue, des points que nous aborderons un peu plus tard.
Équipée d’une sorte de rollers cosmiques, Rei peut se déplacer entre les mondes. Ils lui permettent de surfer sur les nuages de cendre environnants et les différentes surfaces praticables, le tout avec une certaine élégance. La Coureuse bénéficie même d’un court dash faisant office de turbo. de quoi franchir de plus grandes distances.
À l’intérieur de chaque zone du jeu, Rei va devoir laver la corruption présente. Répondant au doux nom de Liquide Noir, cette matière visqueuse ralentit non seulement notre héroïne, mais lui inflige également des dégâts si jamais elle reste trop longtemps à sa surface. Pour s’en débarrasser, il va falloir atteindre et attaquer ses points faibles, symbolisés par des espèces de seringues. Une fois la première tapée, un décompte se lance et si le prochain point n’est pas touché avant la fin du temps imparti, tout sera alors à refaire. Et plus l’aventure progresse, plus la quête de ces faiblesses s’étoffe avec des séquences de puzzle ou de plateforme loin d’être insurmontables mais qui ont le mérite d’exploiter savamment le gameplay et le level design.
Il faut donc faire preuve d’une belle réactivité et d’une bonne gymnastique des mouvements, entre glissades, turbos, sauts et attaques. On peut compter aussi sur le zappe-temps, une capacité qui permet de ralentir le temps et ainsi se téléporter instantanément sur un point faible en hauteur, accessible via un grappin. Ces mécaniques d’acrobaties constituent un pan entier du gameplay, et se révèlent réellement plaisantes à effectuer.
Suivant la succession de points faibles à détruire, ou leur quantité, on a parfois même l’impression de participer à une chorégraphie lorsque tout s’enchaîne bien. D’une manière plus générale, se balader avec cette palette de mouvements procure une agréable sensation de liberté, et fait même appel à une certaine poésie, compte tenu du contexte dramatique et des décors aussi beaux que désordonnés dans lesquels on évolue.
En revanche, bien que les mouvements se veulent simples et peu nombreux, jouer les funambules et les voltigeurs sera plus aisé auprès des amateurs de plateforme. Concernant les débutants, plusieurs tentatives seront sans doute nécessaires suivant les parcours demandés, à cause d’une maniabilité pas toujours extrêmement précise. Fort heureusement, Solar Ash propose trois modes de difficulté : Facile, Normal et Difficile. Plus la difficulté sera élevée, plus le timing entre deux points faibles à activer s’avérera serré. Pour les plus acharnés, un mode Hardcore se rend accessible dès que l’aventure aura été terminée une première fois, et autant dire que la moindre demi-seconde compte ici.
Un air de Shadow of The Colossus
Une fois la corruption lavée au sein d’un biome, un Vestige se réveille. Ces créatures colossales, gardiennes de la zone au sein de laquelle elles sommeillent, doivent être vaincues afin d’alimenter un étage de la Graine d’étoile. La manière de les tuer se passe exactement comme la purification du Liquide noir. Chaque Vestige détient un point faible qui, une fois localisé et atteint, déclenche une fois encore une série de « seringues » à frapper rapidement. Là aussi, en cas d’échec, il faut tout recommencer.
Tous les boss sont composés de trois phases – soit trois séries de points faibles – de plus en plus longues et âpres. On ne peut d’ailleurs s’empêcher de penser à un certain Shadow of the Colossus en disputant ces combats, tant au niveau de la prestance de ces Vestiges qu’à celui du ressenti que l’on éprouve à leur égard au fil des dégâts qu’on leur inflige. En d’autres termes, la lutte contre ces imposantes créatures s’impose indéniablement comme un temps fort de l’aventure.
Elles ne constituent d’ailleurs pas la seule présence hostile du jeu, car des petites bestioles peuplent également les environs. Facilement destructibles, elles se révèlent presque anecdotiques, lorsqu’elles ne sont pas juste embêtantes, comme les créatures possédant une attaque laser et qui s’agrippent aux murs. N’avoir que les Vestiges à occire aurait sans doute été préférable plutôt que rajouter des mobs qui donnent l’impression de simplement faire acte de présence.
Outre ces combats, l’exploration est aussi au rendez-vous avec notamment quelques collectibles récupérables. Le plasma incarne la ressource la plus évidente à ramasser, et celle-ci a pour utilité d’améliorer le bouclier de Rei. Démarrant avec deux carrés de vie, l’héroïne peut monter jusqu’à cinq en sachant que, par une mécanique assez originale, un carré est retiré à chaque Vestige vaincu. Et seule Cyd, moyennant le montant de plasma requis, est en mesure de réparer votre bouclier. Hormis cette « monnaie » du jeu, il existe des caches de Coureurs, plus ou moins dissimulées, qui en plus de livrer des informations sur l’histoire sous l’angle du Coureur en question, rapportent une pièce de combinaison.
Après avoir réuni la totalité des fragments, Rei reçoit une tenue additionnelle aux propriétés avantageuses, telles qu’un montant doublé de plasma récolté ou une attaque plus puissante. Si sur le papier ces effets sont bénéfiques, l’utilisation concrète de certaines de ces combinaisons ne paraît pas incontournable. En restant dans les exemples avancés, le plasma ne manque pas, qu’il soit sous forme de boule ou de cristal à briser. Et le boost d’attaque ne concerne que les petits ennemis, or nous avons abordé en quelle mesure ils ne représentent pas un grand danger.
Enfin durant ses escapades, Rei croisera la route de personnages ayant visiblement besoin d’aide. Les écouter et répondre à leurs demandes déclenche une quête annexe. Mais bien qu’il soit sympathique de suivre l’histoire de ces quelques PNJ, les missions en elles-mêmes s’avèrent malheureusement peu intéressantes à jouer, en se contentant quasi-systématiquement de trouver des points sur la carte qui font avancer l’intrigue secondaire.
Un style dont Heart Machine a le secret
Légèrement évoqué durant le passage traitant du gameplay, la dimension artistique de Solar Ash forme un sérieux atout. Déjà un gros point fort sur Hyper Light Drifter, Heart Machine a une nouvelle fois mis le cœur à l’ouvrage afin de matérialiser la vision d’un univers en proie au chaos. Par sa palette de couleurs variées, le titre nous fait voyager en nous laissant traverser des environnements comme une forêt, une capitale en ruine ou encore des mers d’acides. Certes familiers sur le papier, la manière dont ces lieux mêlent désordre gravitationnel et traces d’anciennes civilisations leur donnent un véritable cachet.
Solar Ash n’hésite pas à nous pousser à l’interprétation, en imaginant ce que pouvait représenter ces décors avant d’être consommés par l’Ultravide et ainsi réduits à l’état de décombres. Au-delà les dialogues et les informations que l’on peut collecter auprès des PNJ ou des caches, ces lieux racontent donc eux-aussi quelque chose, et c’est un procédé que Heart Machine semble définitivement affectionner.
L’atmosphère onirique du jeu s’appuie également par le travail sonore effectué par les développeurs. L’ambient est toujours au rendez-vous, tout comme le compositeur Richard Vreeland qui, même s’il n’est pas cette fois en charge de la bande originale, a tout de même travaillé sur l’audio. Cela étant, l’usage des synthés jonglant entre contemplation, désolation et tension ne s’éloigne jamais très loin du style de l’homme que l’on connaît aussi sous le nom de Disasterpeace, pour arriver à un résultat très satisfaisant.
Cet éveil des sens passe enfin par l’utilisation de la DualSense qui, plus discrète que l’on a pu le voir dans d’autres productions, remplit tout de même son rôle en livrant des retours haptiques assez convaincants. Côté technique, les 60 fps, s’ils peuvent être atteints, ne sont pas forcément une constante sur Playstation 5, ce qui peut être assez dommageable pour ce type de production, même si l’ensemble reste évidemment tout à fait jouable et agréable.
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