La notoriété de la licence Shin Megami Tensei n’est plus à prouver, du moins depuis la sortie en fanfare de Persona 5 et l’annonce en grandes pompes de SMT V lors de la présentation très médiatisée de la Nintendo Switch. On peut le dire, les productions Atlus ont le vent en poupe ces dernières années. Au point que l’arrivée prochaine de Persona 3 Portable, 4 Golden et 5 Royal sur le Game Pass ou sur l’eShop a fait hurler de joie de nombreux fans. Dans ce contexte, et en attendant le portage de ces trois grands J-RPG, l’entreprise nippone s’attache à poursuivre une licence spin-off ne comportant jusque-là qu’un épisode : Soul Hackers.
Initialement paru en 1997 sur Saturn, avant de revenir sur PlayStation deux ans plus tard, Shin Megami Tensei : Devil Summoner – Soul Hackers n’est sorti du Japon qu’en 2013 à l’occasion d’un portage amélioré pour Nintendo 3DS. Le titre est alors passé relativement inaperçu, et ne sera par ailleurs pas parvenu à mettre tout le monde d’accord. Il faut dire que le Dungeon Crawler tel qu’il y est représenté avait déjà quelque chose d’assez austère, faisant tomber le genre dans une certaine désuétude qui touchait malheureusement d’autres titres, comme les pourtant très bons Etrian Odyssey.
Visiblement conscient que la recette devait évoluer pour convenir à un public occidental, Atlus a opéré de gros changements sur la série principale depuis Shin Megami Tensei III, poursuivant dans cette voie avec le quatrième volet et sa suite sous-titrée Apocalypse. Finalement, le dernier Dungeon Crawler en vue subjective de la licence ne fut autre que l’excellent Shin Megami Tensei : Strange Journey Redux, malheureusement trop peu médiatisé par chez nous. Quant à Soul Hackers 2, se séparant pour de bon du suffixe SMT à l’image de Persona, il semble prendre une voie bien différente de son prédécesseur, pour le meilleur comme pour le pire.
Conditions de test : Nous avons joué une grosse trentaine d’heures au titre sur une PlayStation 4 Pro. Ce fut suffisant pour faire un gros tour d’horizon de son contenu principal et annexe.
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ToggleSuite ou pas suite ?
Pour ce test, nous allons partir du principe que vous n’avez pas fait Shin Megami Tensei : Devil Summoner – Soul Hackers. En premier lieu, parce que c’est très certainement le cas, étant donné la couverture médiatique proche du néant dont a bénéficié le titre sur le vieux continent. Mais surtout parce que sa suite n’a plus grand-chose à voir avec l’original, à quelques détails près. On garde le système de combat, quelques mots clés, et une partie non négligeable de l’héritage Dungeon Crawler de la série MegaTen. Rien de plus. Si bien que le comparatif n’aurait que peu d’intérêt, et qu’il vaut mieux, de toute façon, considérer ce second volet comme un jeu à part entière, à l’image des SMT ou des Persona. Maintenant que nous avons mis cela au clair, nous pouvons commencer.
Soul Hackers 2 prend place dans une sorte de Japon futuriste, assez proche de ce que proposait Digimon Story : Cyber Sleuth en termes de rapport à la technologie. En ces lieux, et en cette période, se tient une guerre de l’ombre, opposant deux ordres secrets respectivement nommés La Société Fantôme (pour l’originalité on repassera) et Yatagarasu. Tandis que l’un veut détruire le monde et en construire un nouveau sur ses cendres, l’autre désire au contraire le préserver, coûte que coûte. Cette guerre, qui semble durer depuis un moment, est cependant sur le point de prendre un tournant inattendu : les Covenants, sept symbiotes vivant dans le corps de sept humains, pourraient bien renverser l’équilibre, surtout si un invocateur de démons surpuissant s’emparait de chacun d’eux.
Aion, une entité supérieure née de la technologie (bien que ce point soit assez vague), ne compte pas laisser les choses se passer ainsi, et décide d’envoyer sur terre deux de ses créations. Ringo et Figue sont deux jeunes femmes dotées d’un corps et d’un esprit humains, mais ayant des capacités directement héritées de leurs origines cybernétiques. Ainsi, non contentes de posséder un grand savoir, elles ont la possibilité de pratiquer le hacking d’âme, autrement dit de ressusciter purement et simplement toute personne décédée depuis peu. Une aubaine, puisque trois invocateurs de démons nécessaires à la pérennité du monde se feront tuer peu avant qu’on leur mette la main dessus. Laissés pour morts, ils rejoindront notre petite équipe une fois remis sur pieds.
Du RPG pop-corn
Qu’on se le dise tout de suite, le scénario de Soul Hackers 2 n’a rien de transcendant, et tombe même dans des facilités d’écriture parfois déconcertantes. Mais on s’attache plutôt aisément à ses cinq personnages principaux. Malgré le fait que le passé de nos trois invocateurs de démons soit parfaitement dénué d’intérêt. On comprend vite les enjeux posés par l’histoire : sauver le monde, et tout ce que cela implique. Un grand classique du RPG, pas seulement japonais d’ailleurs, qui ne se réinvente pas pour l’occasion, demeurant manichéen et très prévisible. Dommage, car l’univers qui nous est dépeint n’est pas déplaisant, et aurait gagné à être développé de plus intéressante manière.
Cela étant, il faudra bien s’accrocher pour tout comprendre des maigres ramifications du scénario, puisque la traduction dans la langue de Molière est relativement catastrophique. Entendons-nous bien, nous sommes parvenus à intégrer les différentes mécaniques de gameplay, et ne nous sommes pas perdus dans les dialogues. Mais c’est probablement, du moins en partie, parce qu’on retrouve énormément de choses de la série SMT, et que l’histoire est mièvre. On est à des années lumières de ce que proposent Persona et Shin Megami Tensei en termes d’écriture, et c’est bien dommage, car le jeu demeure presque aussi bavard que le premier, et se targue d’enjeux aussi profonds que le second.
On sent rapidement que le budget était loin de celui alloué aux autres productions de la licence ces dernières années. Idem pour les ambitions, du reste. Outre la localisation ratée en français, la réalisation graphique laisse à désirer sur de nombreux points. À ce niveau, Soul Hackers 2 ne brille finalement que du côté de son character design, ce qui englobe aussi son bestiaire, à qui l’on a offert un petit relooking pour coller avec la direction artistique. Ce qui saute le plus aux yeux, en dehors des animations d’un autre temps, ce sont les décors fades, répétitifs au possible et à l’aspect infâme de couloirs mal déguisés. On aurait apprécié plus de variété à ce niveau, et peut-être un peu plus d’air, puisque nous passons une bonne partie de l’aventure à explorer des endroits clos et sombres.
Enfin malgré les défauts que nous venons de citer, et ceux que nous aborderons plus bas, force est de constater qu’on se laisse facilement emporter par le soft, qui offrira par ailleurs une durée de vie très convenable à ceux qui auront la patience de s’adonner à ses différentes quêtes annexes insipides. Notons aussi une bande son plutôt sympa, s’offrant un doublage intégral en japonais.
Adieu Dungeon Crawler, bonjour J-RPG classique ?
Puisque le premier volet était un Dungeon Crawer tout ce qu’il y a de plus classique, on était en droit de s’attendre à la même chose concernant Soul Hackers 2. Et il est vrai que l’on retrouve beaucoup d’éléments du genre. Mais il fait beaucoup pour le cacher. Pour commencer, ses niveaux sont très loin d’être aussi tentaculaires que ce à quoi nous a habitué Atlus, bien que cet aspect évolue évidemment au fil du temps. Enfin on ne se perdra pas comme dans un Shin Megami Tensei III : Nocturne HD Remaster. Ensuite, le titre se dote de nombreux téléporteurs, permettant de se mouvoir plus facilement dans ses environnements, et il est par ailleurs possible d’enregistrer sa partie quand on le souhaite. Mais ne vous y trompez pas, le challenge demeure malgré tout au rendez-vous.
En même temps, on ne parle pas de n’importe quelle série. Ils sont nombreux, en la découvrant, à avoir fait un honteux parallèle avec Dark Souls. Comme souvent quand un titre est difficile en somme. Et quelque part, c’est peut-être plus vrai en ce qui concerne Shin Megami Tensei, puisqu’il s’agit souvent d’apprendre les faiblesses de ses adversaires, et de timing.
Savoir se placer dans une position défensive plutôt que de simplement soigner ses personnages quand ils sont touchés. Cela marche plutôt bien ici, et la stratégie ne manque pas de bonnes idées, même si on perd tout l’aspect capture de démons, remplacé par un système assez limité et aléatoire. Enfin on pestera surtout sur la répétitivité de l’ensemble, qui n’aurait pas forcément été aussi problématique si le jeu n’était pas aussi mou.
Et attention, on ne parle pas d’un aspect contemplatif à la Shadow of the Colossus, mais bel et bien d’une lenteur assez détestable. Notre personnage se traîne dans les niveaux, les dialogues sont souvent longuets pour ne pas raconter grand-chose, mais surtout les combats sont d’une mollesse affligeante. Ce qui, couplé à un level design pas franchement folichon, commence à rallonger dangereusement la liste des défauts de Soul Hackers 2. Même la construction du premier Soul Hackers (oui, on a menti en disant qu’il ne serait pas question de comparatif) était mieux fichue, plus organique.
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