Souldiers, c’est le premier titre de Retro Forge Games, et une tentative de faire renaître le jeu rétro 2D pixel art à l’ancienne. Edité par Dear Villagers, éditeur français basé à Montpellier qui a notamment travaillé sur The Forgotten City, le titre s’était montré sous un très bon jour durant notre preview en avril dernier. Certes il ne réinventait pas la roue, mais détenait de serieux arguments pour se faire une place sur le marché des métroidvania 2D, très en vogue ces dernières années. Alors Souldiers, ça vaut quoi finalement ?
Conditions de test : Nous avons joué à Souldiers sur PC munis d’une manette PS4. Une manette est fortement recommandée pour profiter du titre.
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ToggleC’est dans les vieux pots…
La construction de Souldiers pioche dans les meilleurs crus du genre metroidvania. Pour peu que vous ayez tâté du souls-like ou d’autres représentants du genre comme Hollow Knight ou Castlevania, vous serez très certainement en terrain connu. A coup de cartes gigantesques au level design labyrinthique, de chemins dérobés, de secrets et d’une progression volontairement floue et peu linéaire, le titre emprunte ça et là moults influences chez ses ainés, parfois avec une justesse irréprochable, souvent un peu plus maladroitement.
A force de crier son amour pour le old-school, Souldiers en perd quelque fois sa voix dans un trop plein qui peut s’avérer indigeste. On pense notamment à la pyramide, immense donjon aux mille portes fermées et à la progression souvent très laborieuse par ses plateformes mobiles qui prennent le temps d’un café pour bouger, et de ses ennemis volants dont vous devrez attendre les animations avant de pouvoir attaquer. Autant dire qu’après avoir refait 10 fois le même chemin, les nerfs lâchent tant Souldiers prend son temps pour vous faire souffrir. Non, ce pays n’est pas pour l’aventurier pressé.
Fort heureusement, ce n’est pas toujours le cas. Le plus souvent Souldiers impressionne tant il regorge de bonnes idées et de secrets. Ambitieuse, l’exploration du monde s’apparente à une résolution permanente d’un gigantesque puzzle dont les pièces sont parfois fichtrement bien cachées. En débloquant de nouvelles compétences et pouvoirs, on retourne dans un lieu exploré 10h auparavant, en s’émerveillant de voir qu’une grande portion en restait jusqu’alors inexplorée. Un frisson de gigantisme garanti et bienvenu qui frappe souvent, et très fort.
…Qu’on fait les meilleurs souls ?
Ca n’aura échappé à personne, un metroidvania avec « Soul » dans son titre ne peut cacher longtemps ses véritables intentions. Souldiers est très difficile et vous fera suer à grosses gouttes. Au moins c’est clair et vous êtes prévenus. Perclus de mécaniques propres à la classe que vous choisirez en début de partie (soldat, chasseur, ou mage), on appréhendera le jeu complètement différemment selon le rôle joué. Le soldat est doté de parades et de contres, quand le chasseur misera sur ses esquives. Il est impossible de changer de classe en cours de jeu, vous devrez donc littéralement choisir votre gameplay en début d’aventure.
Le système de combat est aussi complexe que dynamique. La roulade permettra d’éviter la grande majorité des dégâts grâce à une frame d’invincibilité, mais dispose de quelque (trop longues) secondes de recharge avant de pouvoir être relancée. La jauge d’endurance limitera vos parades, et celle de mana vos attaques spéciales. Ajoutons à cela des armes secondaires, souvent de lancé et à usage limité, ainsi que d’autres très nombreux consommables à l’utilisation pas pratique pour un sous. Et cerise sur le gâteau, des formes élémentaires différentes entre lesquelles on switche à volonté, certains ennemis étant sensibles ou résistants à certaines d’entre elles.
Une véritable profusion de mécaniques et de combinaisons de touches qui nécessiteront un long temps d’adaptation. Si bien que même dans les dernières heures, on s’emmêle encore les pinceaux en plein combat pour sélectionner et utiliser ces maudits items qu’il faudra faire défiler un à un. Des soucis d’ergonomie qui vous feront pester plus d’une fois, et seront la cause de nombreux échecs.
Pas de panique, les bastons restent plaisantes et nerveuses. On se souviendra notamment des combats de boss, tous plutôt réussis et nécessitant chacun une tactique bien particulière. Mais pour un gameplay nécessitant autant de précision, et n’ayons pas peur des mots, de réflexes surhumains par moments, on aurait apprécié un peu d’aide de la part d’une interface à l’heure actuelle vraiment brouillonne. On se retrouvera souvent en situation critique, et las de réfléchir, on se contentera d’user des mécaniques les plus basiques, le jeu étalant pourtant ses multiples et intéressantes possibilités, mais à l’usage laborieux dans la pratique.
L’aventure avec un grand A
Souldiers est extrêmement généreux en contenu. Au-delà d’une aventure principale bien rythmée, et qui prendra une bonne trentaine d’heures à boucler, quêtes annexes et contrats de chasse se bousculent pour vous envoyer aux quatre coins du monde régler les tracas d’autrui. Vous obtiendrez en échange des pendentifs à équiper qui augmentent certaines statistiques ainsi que de l’or afin d’améliorer votre équipement et acheter des consommables (toujours plus…).
Qu’il s’agisse de contenu principal ou annexe, Souldiers déploie une galerie de personnages tous plus attachants les uns que les autres. Forts d’un character design bien trempé et de dialogues qui font mouche, les PNJ sont une vraie réussite, certains d’entre eux bénéficiant même de beaux moments de bravoure grâce à une mise en scène très efficace. Un casting haut en couleur couplé à des environnements variés, bercés par une bande-son entêtante, qui donnent toujours au titre un gout de reviens-y.
Pour peu qu’on ait un faible pour l’heroic fantasy, et avec sa progression non linéaire (la question récurrente : « je vais où maintenant ? ») le rythme de croisière de Souldiers envoute, en alternant habilement exploration à tâtons, découverte de secrets, quêtes annexes et donjons gargantuesques. L’univers du jeu se révèle très attachant au fil des heures, et vous trouverez même une bibliothèque dans la ville principale, Hafin, sublime citadelle servant de HUB, dans laquelle vous pourrez feuilleter des ouvrages dédiés au lore. Un sens du détail et une profondeur plutôt inattendus, voire inespérés.
La stratégie de l’échec
Quel dommage cependant que toute la partie RPG du titre soit passée à la trappe. Ici pas de build à créer, ou même de spécialisation au sein des classes. Les amulettes à équiper ne feront qu’augmenter légèrement des statistiques brutes, en plus de quelques effets pratiques comme afficher les faiblesses élémentaires des ennemis. Chaque rôle dispose d’un arbre de compétences dédié, mais dont l’impact en jeu peine à se faire ressentir et ce, quelque soit la classe (et donc le gameplay) choisie en début de partie. La progression du personnage restera toujours linéaire, sans véritable sentiment de montée en puissance.
Et dieu sait qu’on en aurait besoin tant Souldiers s’avère impitoyable, parfois en usant de moyens franchement discutables. Au rang des aberrations, des salles surchargées d’ennemis, certains volants, d’autres au sol dotés d’attaques imparables qu’il faudra esquiver (esquive dotée d’un cooldown, souvenez-vous), et lorsque l’on s’aperçoit que tout ce beau monde est sensible/résistant à des éléments différents, il ne reste que nos yeux pour pleurer. Et à nos mains pétrifiées de jongler entre les items soignant le poison, la vie, tout en esquivant, parant, en évitant les pièges tout en changeant de forme élémentaire pour chaque ennemi à portée. Un véritable festival d’incompréhension.
Le vrai coupable de cette histoire est un système défensif manquant cruellement d’options. La parade par exemple, n’est pas omnidirectionnelle et nécessitera d’être orientée face à l’ennemi pour être effective. Mission impossible tant les adversaires sont nombreux, rapides, roulent derrière vous quand ils ne se téléportent pas. La jauge d’endurance ne permet que de parer 3 pauvres attaques, vous laissant alors à la merci de vos opposants. Si l’on conjointe cette âpreté à la difficulté de progression intrinsèque des donjons via leur taille et leurs pièges parfois inesquivables, on obtient un titre à l’équilibrage brinquebalant, que les développeurs vont se charger de corriger vers la fin du mois de juin via un patch. On a hâte d’en apprécier les changements.
Entre frustration et plaisir
Souldiers n’échappe pas non plus à une jolie profusion de bugs en tous genres, mineurs comme problématiques. Entre niveaux sonores qui s’emballent sans raison, soucis de performances, et progression bloquée (résolu après recharge de sauvegarde), on comprend aisément pourquoi le titre a été reporté de 2 semaines avant de sortir.
Si le sort semble s’acharner sur lui au travers de ce test, ce n’est pas sans raisons. Souldiers est aussi frustrant dans son gameplay que dans l’immense potentiel gâché par ses errances. Paré d’un pixel art rutilant aux animations d’exceptions, il est probablement le plus beau jeu de sa catégorie sorti à ce jour. Mais la beauté ne suffit pas à balayer les problèmes de gameplay. On peste, on rage, frustrés d’être si peu récompensés pour nos prises de risque et par le coté injuste des combats, ainsi qu’un sentiment de montée en puissance en berne.
Malgré tous ces défauts, vous retirerez certainement du plaisir de vos sessions de jeu. Grace à son level design malin, des mécaniques intelligentes comme le changement de forme, son monde ouvert plaisant à parcourir, Souldiers loupe le coche de peu. Il s’avère une pioche intéressante pour le joueur averti et prêt à investir beaucoup de temps et de sang froid, mais laissera peut-être épuisés les aventuriers en herbe.
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