En 2021 sortait It Takes Two, dans une époque bien particulière, post-pandémie mondiale. Hasard heureux ou véritable phénomène, le jeu s’est vu propulsé sur le devant de la scène par une très bonne réception critique et de multiples titres de jeu de l’année, y compris dans nos colonnes. Fort de ce succès mis en exergue par une qualité de production et une science du gameplay quasi inédite, Hazelight Studios, avec à sa tête l’excentrique Josef Fares, revient sur le devant de la scène cette année avec Split Fiction, son nouveau jeu de coopération aux grandes ambitions.
Souhaitant toujours conserver son indépendance et se tenir loin des DLC et autres jeux service, Hazelight Studios bénéficie toutefois ici du soutien d’Electronic Arts, le jeu étant une nouvelle fois édité par EA Originals, le label comptabilisant plus ou moins de réussites chez l’éditeur américain (Tales of Kenzera: ZAU, Immortals of Aveum etc.). Split Fiction sort ce 6 mars 2025 sur PC, Xbox Series X/S et PlayStation 5, sans mention d’une sortie sur les machines de Nintendo pour l’instant. Nous avons terminé le jeu, alors nouveau chef-d’œuvre splité signé Hazelight ou petite déception ?
Conditions de test : Nous avons parcouru l’intégralité de l’histoire principale et des histoires annexes de Split Fiction sur PlayStation 5 en s’essayant aux deux personnages en coopération locale, pour un total de dix-huit heures via une copie envoyée par l’éditeur. Bien que nous aborderons des éléments de gameplay illustrés dans nos captures d’écran, nous tairons tout détail narratif important pour vous laisser la surprise de la découverte.
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Depuis sa création en 2014, l’équipe suédoise de Hazelight Studios s’est attelée à créer des jeux avec une même colonne vertébrale résidant dans la gestion d’une coopération totale et inévitable entre deux joueurs ou joueuses, incarnant deux personnages aux destins intrinsèquement et inexorablement liés.
Dans A Way Out, le premier jeu de la galaxie Hazelight Studios (Brothers: A Tale of Two Sons étant également issu de l’esprit de Josef Fares mais dans son ancien studio – et jouable en solo), nous incarnions deux prisonniers amenés à s’évader de prison et forcés de se faire confiance, tandis qu’It Takes Two nous laissant découvrir les déboires d’un couple aux multiples problèmes de communication, entre autre, avec pour objectif l’acceptation de soi, de l’autre, la collaboration à tout instant et la résolution de problèmes bien plus profonds.
Dans Split Fiction, il sera cette fois question d’une rivalité qui va se transformer petit à petit en une belle amitié. Nous incarnons ici Zoé Foster et Mio Hudson, deux auteures en herbe ne parvenant pas à faire publier leurs productions, Mio étant surtout intéressée par l’argent à obtenir tandis que Zoé est plus attirée par se prouver des choses à elle-même et à sa famille. Ce qui en fait un duo de protagonistes un peu moins attachant sur le papier, et donc impliquant un peu moins émotionnellement le joueur comme nous vous en parlions lors de notre preview.
Quand elles reçoivent une invitation pour se rendre chez Rader Publishing une grande maison d’édition pour tester une nouvelle technologie, les deux jeunes femmes voient par là une éclaircie à l’horizon. Malheureusement, celles-ci ne découvrent que tardivement le pot aux roses avec les véritables intentions de Rader : leur dérober leurs idées pour ensuite faire prospérer sa société et sa machine d’extraction qu’il élabore depuis près de deux décennies et qui plonge les auteurs en herbe dans des simulations créées à partir de leur propre imagination.
Se retrouvant par accident dans la même simulation numérique, les deux rivales qui ne se connaissaient pas il y a encore quelques heures n’ont pas d’autre choix que d’avancer et tenter de sortir par la force de cette simulation qui donne vie à leurs idées les plus folles, qu’elles soient positives ou beaucoup plus sombres. Grâce à une alternance de niveaux tantôt en rapport avec de la Science-Fiction provenant de la tête de Mio, ou bien de la Fantasy s’il s’agit de Zoé, elles vont devoir endosser différents rôles, pouvoirs ou même morphologies étonnantes et atteindre des anomalies pour tenter de briser la simulation.
Un best-seller de plus ?
Si vous avez déjà joué à It Takes Two, vous ne serez pas perdu par la structure de Split Fiction (que nous avions eu l’occasion d’approcher récemment), qui en reprend peu ou proue les codes d’alternance entre cinématiques, phases de jeu en écran scindé, changements de perspectives ou encore boss de milieu et de fin de niveau. À tel point que la nouvelle production de Hazelight Studios arbore une structure un peu trop scolaire, assez prévisible dans l’ensemble mais surtout un peu trop calquée sur l’enchaînement qui avait fait mouche en 2021.
Split Fiction disposant de huit chapitres majeurs dont quatre très conséquents, comptez près de quinze heures en ligne droite pour voir le bout de l’histoire, et près de deux heures de plus si vous jouez toutes les histoires annexes (nous y reviendrons) avec très peu de moments de répit pour notre bon plaisir. Une aventure d’une durée similaire à son prédécesseur donc, mais qui suffit largement pour satisfaire la plupart des publics sans ennuyer ou frustrer les autres, tout en mettant davantage en avant la narration avec des histoires fortes, poignantes et très bien écrites.
Au final, on se retrouve face à une histoire assez classique et avec même quelques raccourcis narratifs, notamment en ce qui concerne leurs questionnements sur l’existence même d’une telle simulation, sur leurs éventuelles morts répétées etc. Cela ne l’empêche pas toutefois de subir quelques longueurs narratives, davantage ressenties dans le deuxième quart de l’aventure, bien que cela se soit avéré nécessaire à l’établissement d’une relation solide entre les deux protagonistes incarnées par Elsie Bennett (Zoé) et Kaja Chan (Mio) – qui tiennent par ailleurs très bien leurs rôles, avec en prime une modélisation fine et détaillée des visages pour une meilleure lecture des émotions ressenties par nos héroïnes.
Un sentiment de longueur intégralement balayé quand l’on rentre petit à petit en profondeur dans ce qui anime les deux auteures perdues, leurs croyances personnelles sur elles-mêmes mais aussi sur les autres, tandis qu’elles dévoileront au fil du temps leurs forces mais aussi leurs fragilités, même si nous ne rentrerons pas dans le détail ici pour vous garder tout le sel de la découverte. Et alors que nous avions été moins surpris par le déroulé général de Split Fiction, le final nous a tout simplement stupéfait d’ingéniosité de narration, de créativité et de mise en scène, et a finalement levé nos quelques réticences jusqu’alors par moment présentes : Hazelight est bien de retour.
Une (nouvelle) leçon de gameplay et de level design
Une avalanche d’idées se renouvelant à une vitesse folle, voilà comment on pourrait décrire le gameplay des jeux Hazelight. Split Fiction ne fait pas exception et confirme une fois de plus la maîtrise de ce qui fait un jeu vidéo en nous proposant des tonnes de situations tout au long de l’aventure que l’on suit aux côtés de Zoé et Mio à un rythme effréné, en rabibochant ensemble plusieurs genres de jeux vidéo allant de la plateforme au tir, en passant par le jeu de rythme, les énigmes ou encore l’infiltration, le tout combiné à la présence de pouvoirs souvent uniques au sein des niveaux malgré une base alliant saut, course, grappin.
C’est simple, en l’espace de seulement quelques minutes vous incarnerez un gorille à la force décuplée, tandis que votre alter incarnera une petite fée. Puis ce sera le tour de séquences rythmées inspirées de jeux comme Mega Man ou encore Metroid, avec une vue de côté, des pistolets et grenades de zone, tandis qu’un grappin et votre lasso cybernétique vous permettront à un autre moment de rejoindre une ferme aux cochons un peu spéciaux.
Vous vous dites que ces deux derniers exemples ne semblent pas corréler dans le même univers ? Tout ceci s’explique par la présence d’histoires annexes, expliquées en jeu comme étant des anomalies de l’univers opposé, pendant la traversée de l’univers principal en cours. Disponibles au nombre de douze, ces histoires annexes sont pour la très grande majorité positionnées sur le chemin principal et sont visibles de loin via la présence d’un décor totalement différent de celui traversé. Elles vous emmèneront pendant un petit quart d’heure dans une aventure totalement facultative mais que nous vous conseillons de ne pas manquer pour profiter au maximum de l’expérience, la totalité de celles-ci valant vraiment le coup pour diverses raisons.
Sans vous en dévoiler la teneur exhaustive, vous parcourrez une fête d’anniversaire un peu glauque, visiterez un village magique, ferez la course en snowboard, ou encore tenterez d’éviter l’implosion d’une Super-Nova. Toutes ces petites histoires bénéficiant d’une mise en image stupéfiante d’ingéniosité et dénotant vraiment avec les mini-jeux (souvent liés à de l’adversité) proposés dans It Takes Two.
Ces petites bulles de fraicheur ne restent finalement qu’une pause avant la reprise d’un enchaînement indécent de gameplay où la coopération sera constamment de mise, car même si vous pourrez par moment avancer seuls chacun de votre côté, vous devrez obligatoirement actionner à un moment un mécanisme vous forçant à évoluer ensemble. Et c’est de toute manière tout le suc des jeux du studio suédois : prouver qu’à deux, on est plus forts en toute circonstance. L’occasion de déclencher de sacrés fous rires en cas de gros ratés, ou même en cas de choix de mises en scène ou de level design particulièrement étonnants. Et que dire de la direction artistique, constamment renouvelée (surtout dans les niveaux Fantasy), et qui apporte à chaque niveau un petit quelque chose en plus, tout comme les combats de boss, souvent assez retors et très inspirés.
Nous abordions plus haut des références à des œuvres vidéoludiques bien connues du public, mais ce n’était qu’un aperçu puisque pléthore de licences iconiques se retrouveront dépeintes au travers des différents tableaux traversés (et divisés en sous-chapitres histoire de recommencer des sections précises et pourquoi pas inverser les rôles). Assassin’s Creed, Donkey Kong, SSX, y compris It Takes Two et Brothers: A Tale of Two Sons et bien d’autres encore trouveront échos dans nos souvenirs les plus enfouis pour certains mais qui sautent aux yeux quand ils se présentent à nous.
Le spectre It Takes Two
Bien que l’on soit face à deux œuvres totalement différentes dans les thèmes, situations ou même mises en images proposés, impossible de ne pas comparer Split Fiction avec le précédent jeu du studio, notamment de par l’impact médiatique qu’a eu It Takes Two il y a a seulement quatre ans, mais aussi et surtout car peu de jeux disposent d’un gameplay avec cette touche Hazelight comme nous l’a récemment rappelé Josef Fares en interview. Cette touche, proposant à chacun des personnages de disposer de compétences uniques, donnant de l’importance à chacun et leur permettant de s’épanouir manette en mains.
L’une des forces de It Takes Two à l’époque (et dans une moindre mesure A Way Out) était sans conteste la singularité de son gameplay uniquement disponible à deux joueurs et joueuses sur une aventure entière d’une durée plus longue que la simple expérience coopérative ou sous forme de mini-jeux. Une fois de plus dans Split Fiction, nous n’avez d’autre solution que de jouer à deux, que ce soit en coopération locale ou bien en ligne grâce au Pass ami, et pour la première fois y compris en cross-platform, vous permettant de jouer avec un joueur PC ou bien console à votre convenance, tant qu’au moins l’un de vous dispose d’une copie achetée.
Le deuxième joueur peut alors bénéficier d’un accès « gratuit » grâce au Pass ami qui fait donc son retour ici, cette singularité ayant permis à It Takes Two de se vendre à plus de vingt-trois millions d’exemplaires dans le monde (dont la moitié en Chine !) soit au moins quarante-six millions de joueurs et joueuses, une statistique colossale pour un jeu de cette trempe. Et quand on voit que Split Fiction ne sera vendu qu’à 49,99€, la nouvelle production de Hazelight pourrait une fois de plus pulvériser les records de ventes surtout après le succès d’It Takes Two tout de même sacré jeu de l’année aux Game Awards 2021.
Nous avons toutefois quelques réserves sur certaines séquences du jeu en français, où nous avons trouvé le doublage inégal en plus d’un mixage audio par moments imprécis (cinématiques très basses comparé au gameplay par exemple). Ce dernier point est toutefois à mettre en parenthèses étant donné la présence de patchs attendus au lancement. L’occasion de saluer la présence au lancement d’un doublage intégral en français porté par Emily Rault et Laetitia Lefebvre, ce qui n’était pas le cas pour It Takes Two qui ne l’avait vu apparaître qu’au bout de dix-huit longs mois (avec là aussi la présence de Laetitia Lefebvre dans le rôle de May).
Terminons enfin avec l’aspect technique de Split Fiction, tournant sous Unreal Engine 5 (et ça se voit). Split Fiction est l’occasion de démontrer, une fois de plus, qu’en plus de maîtriser de bout en bout l’aspect ludique de son expérience, les développeurs de Hazelight Studios se sont lâchés dans la mise en images de leur dernière production : effets pyrotechniques à gogo (et sans utiliser de Ray Tracing), temps de chargement extrêmement courts en cas de mort voire transparents d’une séquence à l’autre, panoramas ultra-détaillés, colorimétrie chatoyante, changement d’univers à la volée etc.
Notons que Split Fiction tourne comme un charme en 4K dynamique et 60 FPS sur PlayStation 5 (cela est également annoncé pour la console premium de Xbox contre du 1080p sur Xbox Series S), sans aucun accroc technique, bug majeur ou plantage, tandis que le jeu a été vérifié sur Steam Deck (et prend en charge les écrans larges sur PC), permettant de jouer avec ses amis sur n’importe quel support. Le studio a par ailleurs annoncé récemment dans une vidéo très drôle l’ouverture d’un Discord pour vous aider à trouver un ami pour jouer en ligne si vous êtes seul, une très bonne idée qui prouve une fois de plus la volonté de Hazelight d’embarquer le maximum de personnes sur son univers. Comptez par ailleurs près de 90 Go pour installer le jeu, donc prévoyez de la place.
Ajoutons à cela les quelques options d’accessibilité disponibles, comme les sous-titres sur fond coloré, des points de contrôle skipables pour éviter les blocages et ainsi progresser plus facilement, des modificateurs de dégâts subis ou le remappage de touches. Bref, rien de très novateur mais tout cela a la pertinence d’exister au lancement, rendant le jeu accessible et appréciable même pour des personnes plus novices. D’autant que Split Fiction n’est pas si simple que cela pour des personnes moins habituées aux jeux vidéo, tant certaines séquences se rapprocheront davantage du die and retry, toute proportions gardées. Rassurez-vous, les game over sont rares, et seulement sous prétexte que les deux personnages meurent en même temps avant que l’un n’ait eu le temps de revenir (par la présence de QTE que l’on aurait aimé plus inspirés et renouvelés sur la durée).
Quelques regrets cependant : l’absence d’un mode photo pour capturer nos plus belles séquences en plein écran plutôt qu’en écran scindé par exemple, de même que l’on aurait aimé voir se dessiner devant nous les mondes au fur et à mesure que nos protagonistes les inventent, un concept utilisé toutefois vous le verrez, mais trop peu. Nous aurions aussi quelques trophées supplémentaires liés aux combats de boss (mémorables pour la plupart) pour un sentiment d’accomplissement, les trophées présents étant par ailleurs assez bien cachés. Enfin, nous aurions apprécié vivre des séquences où les deux mondes se mêlent dans des « mondes hybrides », mais peut-être que cela a fait partie des près de « 25% de coupes » réalisées durant le développement, selon les dires de Fares ?
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