Dire que la série Star Ocean a connu des hauts et des bas serait un euphémisme. Bien que propulsée au rang des sagas de JRPG indispensables après la sortie du deuxième et du troisième épisode, la licence a mal négocié son passage sur la génération PS3/Xbox 360 avec un Star Ocean 4: The Last Hope qui n’a pas su convaincre tout le monde, tout en conservant tout de même une fanbase solide. Le point de rupture est vraiment arrivé avec Star Ocean 5: Integrity and Faithlessness, aujourd’hui considéré comme l’échec majeur de la série.
Autant dire que Star Ocean 6, autrement appelé Star Ocean: The Divine Force, a fort à faire pour pour faire oublier les errements du passé. Mais avec un studio tri-Ace mal en point avant même la sortie du jeu, cet épisode apparait aussi fauché que le studio, même si l’envie de bien faire est présente.
Conditions de test : Nous avons joué 35 heures à cet épisode, en choisissant le personnage de Raymond (nous avons rejoué le début de l’aventure avec Laeticia pour constater les changements), principalement en mode normal (Galaxie). Le test a été réalisé sur PS5 en mode performances.
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ToggleDeux points de vue, mais même problème
Dès le départ, Star Ocean: The Divine Force tente de nous rappeler les heures de gloire de la série en nous proposant de choisir notre protagoniste entre un jeune homme venu de l’espace, Raymond Laurence, et une jeune femme originaire d’une planète moins avancée technologiquement parlant, Laeticia Aucerius. Un clin d’oeil à peine voilé à Star Ocean: The Second Story donc.
Ecrasé sur une planète sous-développée suite à une attaque sur son vaisseau, le capitaine Raymond fait la rencontre de la princesse Laeticia avec qui il va se lier d’amitié. Tandis qu’il tente de trouver un moyen de quitter la planète, le blondinet au mulet va venir en aide à sa nouvelle acolyte pour stopper une guerre entre deux royaumes, jusqu’à ce que les conflits spatiaux viennent aussi s’inviter dans ce joyeux foutoir.
Choisir l’un ou l’autre de ces personnages va vous amener à avoir une perspective différente sur certaines situations, avec une histoire forçant le groupe à se séparer à plusieurs reprises afin de donner un peu de replay value au jeu, en incitant les joueurs à jouer au titre une deuxième fois pour mieux comprendre quelques événements. Mais si vous n’en n’avez pas le courage, et on vous comprend, l’intrigue se révèle être parsemée de temps morts et d’incompréhensions, bien plus que dans un Scarlet Nexus qui a récemment réussi à faire en sorte que le joueur ne se sente pas obligé de tout recommencer, malgré la présence de deux protagonistes jouables au scénario bien distinct.
Heureusement, le gros de l’intrigue reste le même et le jeu nous fait la politesse de ne pas laisser d’importants points d’interrogations sur certaines parties du récit. Toujours est-il que lorsque le groupe est séparé, il arrive que l’histoire à suivre pour Laeticia soit moins captivante que celle de Raymond, et inversement.
Un rythme d’un autre temps
On en ferait fi si toute cette épopée disposait d’une narration plus captivante. Le rythme est en dents-de-scie, avec des longs tunnels de dialogue champ-contrechamp affreusement scolaires, doublés de personnages statiques au possible. C’est long, parfois abominablement long, avec plus de 30 minutes sans combat. La mise en scène ne décolle vraiment jamais, à contrario du récit en lui-même, qui a tout d’un diesel.
Les premières heures sont fastidieuses et on a bien du mal à s’intéresser au sort de la planète Aucerius, aux conflits politiques terriblement classiques et prévisibles, jusqu’à ce que l’intrigue déplace ses enjeux dans l’espace (on parle de Star Ocean après tout). Il faut donc bien attendre la deuxième partie du jeu pour réellement se passionner – et c’est un bien grand mot – pour le sort de ces personnages, qui méritaient sans doute mieux.
Ne vous fiez pas à leur apparence parfois grotesque, au chara-design tout droit sorti des années 2000 et qui ferait bien d’y retourner. Les poupées de cire, en 2022, ça ne passe plus, surtout quand elles sont aussi inexpressives. Le casting de Star Ocean: The Divine Force ne vous restera probablement pas en tête, mais, chose assez rare pour un JRPG, il ne vous tapera pas sur les nerfs à longueur de temps, en dehors de l’exception de Welch (comme le plat avec du cheddar oui), personnage récurrent dans la série et plus insupportable que jamais ici.
On reste dans des clichés éculés (le meilleur ami chevalier très rigide, la soigneuse très joviale et enfantine, le vieux magicien qui cache des secrets etc.) qui sont malgré tout bien utilisés, avec quelques têtes qui ressortent plus que les autres. Raymond évite quant à lui d’être le protagoniste lambda de base que les œuvres japonaises aiment nous refourguer, bien qu’il se montre finalement un peu lisse.
D.U.M.A. casse les codes
Le système de combat met quant à lui bien moins longtemps à nous happer. Bien plus nerveux que celui du cinquième épisode, il propose de l’action frénétique qui limite toutefois vos actions avec des points d’action. Une fonctionnalité qui peut être gênante si vous ne trouvez pas le moyen d’augmenter ces derniers afin de vous laisser enchaîner les combos.
Combos que vous pourrez par ailleurs paramétrer vous-même, et ce pour tous les personnages. Trois boutons d’actions sont disponibles, avec trois coups à associer à chaque touche, sans compter la possibilité d’attribuer une attaque en maintenant l’un de ces boutons. Libre à vous de trouver les meilleurs enchaînements possibles pour faire face à toutes les situations. Il est vrai que certains personnages bénéficient plus que d’autres de cette liberté : Raymond étant un combattant à l’épée, il pourra enchaîner les attaques, ce qui sera par exemple moins le cas d’un Midas, spécialisé dans les sorts qui prennent du temps à se charger.
Même si tout le monde est jouable, à l’exception de deux personnages qui sont conditionnés au choix de votre protagoniste en début de partie, on laissera donc le soin à l’IA de s’occuper des combattants de soutien pour préférer ceux qui vont au charbon. Côté sensations, c’est plutôt réussi (on a adoré joué avec Albaird, Raymond, Laeticia et Malkya), bien que le tout manque de réglages concernant l’IA et soit extrêmement brouillon à l’écran. Un résultat causé par une surenchère d’effets et de pop-up qui surviennent au milieu de la bataille, sans parler d’une caméra qui s’emballe dès que l’on combat en vase clos et des chutes de framerate lorsque trop d’ennemis sont présents.
C’est aussi parce qu’on est souvent tenté d’utiliser le système D.U.M.A., jusqu’en en abuser puisqu’il procure un dynamisme à tout épreuve. Ce petit jetpack couteau-suisse vous permet de faire de grands dashs à travers les décors en fonçant sur votre adversaire pour couvrir de larges distances. Il permet aussi de prendre un peu de hauteur pour surprendre vos ennemis depuis les airs, dans le but d’avoir droit à quelques bonus.
Une esquive est bien présente, mais on l’utilisera finalement peu étant donné que ce robot nous donne accès à des mouvement amples, en plus de servir de bouclier en l’utilisant au moment opportun. Plus tard dans l’aventure, ce bouclier pourra même être renforcé et se dispatcher de façon continue sur une large zone, au prix de votre mobilité. C’est aussi grâce à lui que les personnages seront en mesure de déclencher des attaques ultimes. Bref, un touche-à-tout qui est réellement l’atout majeur de cet épisode, et pas seulement lorsque l’on massacre des aliens.
On respire dans l’espace
Depuis sa première présentation, Star Ocean: The Divine Force se targue d’être l’épisode le plus ouvert de la série. Sur ce point, difficile de lui donner tort, tant les zones qu’il propose sont nettement plus grandes que ce que l’on a l’habitude de voir dans la saga. C’est souvent vaste, rempli de collectibles à aller chercher pour D.U.M.A., et parcourir ces grandes étendues depuis les airs à l’aide du robot est un petit plaisir. Il n’est pas question de voler ici, mais de se propulser puis de planer grâce à lui, sans être lié par une quelconque barre d’endurance. Même dans les villages, on peut aller explorer les toits des maisons pour y dénicher quelques récompenses, et tri-Ace a bien fait attention à rendre l’exploration aussi verticale que possible dans certains donjons.
Qu’il est cependant de dommage de constater que ces zones sont souvent très vides. C’est certes très ouvert, mais à part votre envie d’améliorer D.U.M.A., vous ne trouverez souvent rien de bien passionnant à faire sur ces grandes plaines vides. On ne demandait pas non plus d’avoir des points d’intérêts qui polluent l’espace, mais force est de reconnaître que l’exploration n’est pas vraiment valorisée, ou qu’elle n’est pas indispensable. Ce n’est heureusement jamais désagréable, et le fait que les musiques de Motoi Sakuraba nous accompagnent n’y est pas vraiment étranger.
Ces étendues sauvages donnent en revanche de jolis panoramas, qui contrastent évidemment avec tout l’aspect technique du jeu, complètement à la ramasse. Difficile de jeter la pierre à tri-Ace ici, surtout à la vue de l’état de santé financier du studio, mais on a l’impression que c’est l’écueil que l’on peut reprocher à bien trop de jeux Square Enix ces derniers temps. C’est encore plus flagrant dans Star Ocean: The Divine Force, qui a pour ambition d’être un space-opera avec une vaste planète à explorer.
Sauver la galaxie attendra
Et on a bien dit une seule planète, car même lorsque l’on part en direction de l’espace, Aucerius continue à représenter près de 75% des lieux que l’on va traverser. C’est là que l’on effectuera le gros des quêtes annexes du jeu, si on en a le courage. Ne vous attendez pas à autre chose que des quêtes Fedex, comme c’est (trop) souvent le cas dans ce genre de productions. De quoi renforcer la durée de vie, qui n’avait cependant pas besoin de cela puisqu’elle est très correcte, même si on se limite à l’aventure principale (comptez une trentaine d’heures en Normal, avec des phases de farm).
On ira donc plutôt s’amuser sur l’Es’owa, le mini-jeu à mi-chemin entre les échecs et le jeu de go. Vous pourrez parcourir le monde à la recherche d’adversaires afin de gagner des récompenses, si le coeur vous en dit. Ici, le but du jeu est de placer des pions sur un damier afin d’augmenter votre puissance, pour faire baisser les points de vie de votre adversaire à chaque tour.
Chaque pion a une classe spécifique et des effets particuliers, avec quelques pions qui sont aux couleurs d’autres personnages de la série ou d’autres sagas. En encerclant un pion ennemi avec les vôtres, vous l’éliminez du plateau, ce qui est relativement facile avec un damier réduit, mais beaucoup plus complexe lorsque le niveau se corse. Un mini-jeu somme toute assez réussi, bien que l’on aurait aimé un moyen qui permettrait aux actions de s’enchaîner un peu plus vite.
On regrettera seulement que ce dernier soit bloqué derrière une interface très austère, sans doute l’un des points que l’on pardonnera le moins à cet épisode. Naviguer dans les menus est tout sauf intuitif. Le système de craft est laborieux, au mieux, tandis que le champ réservé à D.U.M.A. n’aide pas à la compréhension des capacités de ce dernier. Et on n’a pas abordé l’arbre à compétences de chaque personnage, qui a de quoi vous causer quelques migraines. Reprenant le système de Sphérier de Final Fantasy X, il vous laisse votre libre abrite dans l’augmentation des caractéristiques du personnage. La navigation dans ce dernier est malheureusement assez poussive, et surtout très longue, surtout lorsque l’on doit multiplier ça par le nombre de personnages.
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