Historiquement, le Tactical-RPG est un genre plutôt associé aux vues de dessus et isométrique, le tout sur des damiers aux cases plus ou moins visibles. Les exemples sont extrêmement nombreux, allant de Fire Emblem à Tactics Ogre, en passant par Disgaea ou Langrisser. Ce qui découlait probablement de limitations techniques, le genre ayant pris ses marques à l’époque de la 8-Bit, a fini par représenter le cœur de son ADN. Alors évidemment, quand un jeu, voire une franchise toute entière, s’écarte de ce plan semblant pourtant acquis, on ne peut qu’être dérouté, et souvent positivement d’ailleurs. Ce fut le cas avec SteamWorld Heist.
Titre relativement passé inaperçu à l’époque de sa sortie, en 2015, il aura malgré tout gagné un véritable succès d’estime, et s’est par ailleurs exporté sur tous les supports du marché, de la 3DS à la PS4. Issu d’une série que l’on pourrait qualifier de niche, ayant flirté avec un remarquable nombre de genres vidéoludiques depuis ses débuts sous forme de Tower Defense, SteamWorld Heist était finalement dans la droite lignée des travaux précédents, et des suivants du reste : il s’agissait d’un très bon jeu, faisant exactement ce qu’on lui demandait, et vendu de surcroît une poignée d’euros. Neuf ans plus tard, alors que Headhunter semble définitivement à l’arrêt, Heist II est à nos portes.
Conditions de test : Nous avons passé environ 25h sur la version PlayStation 5 du titre, ce qui nous a permis de voir le bout de son aventure et d’entreprendre une bonne quantité du contenu annexe. Cet article est garanti sans spoiler.
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L’heure est grave ! Les Navalbots s’emparent de tous les galons d’eau viable disponibles, laissant les Vapbots sur le carreau. Un virus sévit, et il s’attache à la corruption de ce liquide convoité. Heureusement, par un concours de circonstances singulier, le Capitaine Leeway, fils d’une pirate reconnue et aimée chez les Vapbots, se retrouve à combattre pour le bien de tous. Érigé en sauveur avant même d’avoir pris les armes, cet androïde à qui il manque un bras (ce qui l’empêche de combattre par lui-même) va recruter une petite armée pour partir à l’assaut des Navalbots et récupérer tout gallon disponible. En chemin, il sera peut-être même amené à apprendre pourquoi, et par quoi, l’eau est infectée.
Comme toujours avec la franchise SteamWorld, Heist II ne brille guère par son histoire, qui pourrait se résumer en quelques phrases, et dont les bouleversements se voient venir. Néanmoins, il jouit comme ses confrères d’une galerie de personnages attachants et rigolos, d’une écriture qui fait mouche avec ses petits gags en pagaille, et d’un univers qui accroche l’œil et l’esprit. Vous aimez SteamWorld ? Alors vous allez rentrer sans aucun problème dans ce nouvel opus, qui bénéficie en plus d’une bande sonore très agréable à l’oreille, et ce de bout en bout, ainsi que d’une réalisation graphique plutôt convaincante, avec ses arrière-plans souvent très jolis. Malgré quelques fautes dans la traduction textuelle, on est rapidement happé.
La bonne nouvelle, c’est qu’il n’est nullement nécessaire d’avoir fait le premier volet, ni même de connaître de près ou de loin la franchise SteamWorld pour apprécier Heist II. Le jeu s’offre une intrigue bien à lui, dans un univers aux antipodes de celui de l’opus précédent, prenant place sur (et sous) la mer. Vous pourrez d’ailleurs vous y déplacer librement, grâce à votre sous-marin, ce qui sera autant l’occasion de découvrir de nouveaux lieux et faire avancer l’histoire, que de combattre en temps réel les vaisseaux des Navalbots, ou même de dénicher quelques secrets. On s’y attendait, mais le titre est une fois encore plutôt généreux, même si cette section de son gameplay se révèle assez basique, et ses affrontements sur l’eau brouillons.
Mais ce petit monde partiellement ouvert a le mérite d’exister, et ajoute une couche supplémentaire à un gameplay qui, sans cela, aurait pu donner l’impression de tourner un peu en rond. SteamWorld Heist II n’est pas beaucoup plus long que son prédécesseur, autrement dit il ne vous faudra guère plus de vingt-cinq heures pour en voir le bout, en prenant votre temps. Nonobstant, il propose une aventure plus fraîche, ce qu’il doit autant à son univers coloré et plus ouvert qu’à ses mécaniques de gameplay plus variées. En somme, cette suite fait ce qu’on attendait d’elle : proposer une recette similaire en l’améliorant par petites touches. Et on pourrait presque arrêter le test sur ces mots, car finalement, ils résument parfaitement nos impressions sur la totalité de l’aventure…
Manuscrit trouvé dans une bouteille
Pas de surprise en ce qui concerne la partie stratégique : SteamWorld Heist II reprend ce que faisait son prédécesseur. Ainsi, on se retrouve une nouvelle fois dans des environnements en 2D, avec une vue de côté et un défilement autant horizontal que vertical. Les affrontements se déroulent en deux temps, avec d’une part les déplacements, qui peuvent mener à se mettre à couvert derrière certains éléments de décor, et d’autre part l’utilisation d’armes ou de compétences. À ce niveau, il sera nécessaire de bien viser, en sachant qu’une bonne partie des armes disponibles permet des ricochets, pour autant de combinaisons différentes à aborder. Si la ligne droite n’est pas praticable, un moyen détourné d’atteindre votre cible est certainement envisageable.
La grande force de SteamWorld Heist II, c’est le panel de sensations qu’il sait nous faire ressentir en jeu. Il a beau fonctionner au tour par tour, nous laissant déplacer toutes nos unités avant de passer aux actions adverses, le titre se dote d’un rythme assez soutenu, et l’on ne s’ennuie jamais. Même lorsque l’on ne fait que regarder le tour ennemi. Parce qu’il sait rendre ses affrontements intéressants, et faire naître un certain stress, avec son challenge fort bien dosé. Chacun y trouvera son compte, d’ailleurs, puisque les niveaux de difficulté sont nombreux, et les options de dosage avec. À titre personnel, nous avons bouclé l’aventure en mode « expérimenté », et avons ressenti quelques pics en termes de challenge, plutôt plaisants et jamais insurmontables.
Mais surtout, le jeu est capable de nous prodiguer de vrais instants de bonheur, voire de plaisir, lorsque l’on réussit un tir groupé meurtrier, un coup critique, ou même lorsqu’une attaque envoyée un peu à l’aveugle parvient à un accomplissement inattendu et joyeux. La ligne de visée de nos combattants n’étant pas stable, il arrive en effet que l’on rate notre tir, ce qui peut évidemment se révéler frustrant (quoique entièrement de notre faute évidemment), mais débouche parfois, grâce aux ricochets, sur l’achèvement d’un ennemi plus lointain. Effet jubilatoire garanti. Si le titre ressemble beaucoup à ce que propose l’excellente franchise Valkyria Chronicles, mais sur un plan 2D, il n’a toutefois rien à lui envier côté sensations et profondeur de gameplay.
Alors que d’un autre côté, SteamWorld Heist II n’est pas bien compliqué à prendre en main. Tout nous est expliqué via de petites bulles de texte limpides. Ses mécaniques ne sont pas assez nombreuses pour nous perdre, et suffisamment malgré tout pour que les possibilités demeurent intéressantes. Il sait aussi gérer son rythme avec brio, en nous poussant régulièrement en avant via son système d’alarme faisant apparaître des ennemis exponentiellement, ou en nous confrontant à des adversaires pouvant faire gagner des bonus (notamment d’invincibilité temporaire) à leurs compères. Les situations sont assez variées et se renouvellent à mesure que l’on progresse dans l’aventure et que l’on découvre de nouveaux types d’ennemis, voire des boss.
Le Loup des mers
Reste que le jeu n’est pas avare en contenu. On y trouve plus de 150 armes différentes, selon les développeurs, ce qui représente un bel arsenal, d’autant plus que le comportement de chacune sera différent d’une autre. Autant parce qu’elles rajoutent ou enlèvent chaque fois un petit quelque chose, que parce que chaque type d’arme mène à l’obtention d’une classe particulière, avec ses capacités spécifiques. Ainsi, on ne fait pas gagner de niveaux à nos combattants, mais des niveaux de classe. Ce qui signifie que leur faire changer de type d’arme est dangereux, dans la mesure où ils repartent de zéro niveau capacités. Néanmoins les possibilités d’approche n’en sont que plus nombreuses, et il est de toute façon possible de conserver certaines desdites capacités d’une classe à l’autre sous conditions.
Les complétionistes ont du pain sur la planche, ne serait-ce que pour acquérir toutes ces armes. Mais aussi parce que les missions sont nombreuses, que leur accomplissement vous confère un certain nombre d’étoiles, et que du butin y est chaque fois dissimulé. On apprécie la rejouabilité induite par ces choix de Game Design. A fortiori dans la mesure où relancer une mission déjà réalisée permet de récolter une nouvelle fois de l’expérience, et donc d’offrir plus de chances à nos petits soldats de venir à bout des futures engeances. Un confort non négligeable quand on joue dans les modes de difficulté les plus élevés. Si l’on voulait chipoter, on évoquerait l’absence de récompense promotionnelle au challenge, façon Diablo.
Mais finalement, le seul véritable défaut que l’on trouvera à cette aventure vendue une petite trentaine d’euros, c’est son système de progression. On aurait apprécié quelque chose de moins conventionnel, mais surtout que le jeu nous pousse moins souvent à boucler toutes les missions d’une zone dans laquelle on débarque pour nous permettre de progresser dans son histoire. Rien de rédhibitoire, mieux vaut le préciser, d’autant que la sensation de redondance qui peut en découler est largement atténuée par toute la dimension nouvelle induite par l’exploration de la carte au gouvernail de notre sous-marin. Enfin, comme souvent avec la série, SteamWorld Heist II va à l’essentiel, et ce n’est finalement pas plus mal.
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