Après GreedFall, on ne s’attendait pas forcément à ce que le studio français Spiders aille lorgner du côté des Souls-like. Steelrising est un pari osé du studio, qui s’aventure sur un terrain qu’il ne connait pas et qui demande beaucoup de maitrise sur le système de combat, un domaine où le studio n’a pas forcément brillé sur ses dernières productions, qui avaient bien d’autres qualités. Et si le studio ne veut pas résumer entièrement son prochain titre à un Souls-like (et on le comprend tant son univers se démarque), il aurait bien tort de se priver de s’écarter de cette affiliation, car il s’impose comme l’une des meilleures pioches dans le genre, du moins pour les jeux sortis ces dernières années.
Conditions de test : Nous avons terminé Steelrising en plus d’une vingtaine d’heures, en effectuant la grande majorité des quêtes annexes, le tout sur PlayStation 5.
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ToggleLouis croix V bâton, fan d’automates
Si vous avez suivi l’actualité autour de ce titre vous connaissez sans doute déjà le pitch du jeu, mais rappelons-le encore une fois. Steelrising nous plonge en plein milieu de la Révolution française, mais pas exactement comme on la connait. Point de prise de la Bastille, pas de foule dans les rues, et surtout moins d’humains ; Steelrising nous plonge dans un Paris uchronique, où le roi Louis XVI aurait maté le début de la révolte grâce à son armée d’automates, des parfaits petits soldats impitoyables et qui ne se reposent jamais.
De notre côté, on incarne Aegis, l’automate personnel de la reine Marie-Antoinette, aussi gracieuse (du moins en comparaison aux autres automates) que dangereuse. Décidée à arrêter toute cette situation suite à la folie qui s’est emparée de son mari, la reine envoie Aegis en plein cœur de la ville pour retrouver Eugène de Vaucanson, l’ingénieur qui a mis au point cette armée et qui est visiblement le seul à pouvoir mettre fin au massacre.
Et avec un décor pareil, il aurait été dommage de ne pas s’en servir et de mettre de côté toute cette intrigue. Là où Spiders se démarque d’autres studios ayant tenté l’aventure du Souls-like, c’est dans son héritage profondément marqué par les RPG, où l’écriture prônait avant le gameplay. Spiders prend ce genre à bras le corps avec ses propres armes, et décide donc d’offrir à Steelrising une vraie histoire qui se révèle être plutôt agréable à suivre, malgré une mise en scène qui souffre des limites budgétaires du studio et qui nous présente des phases de dialogues très statiques, au point où les humains ne semblent pas plus vivants qu’Aegis.
Ah et désolé, mais pas de doublage VF ici, ce que l’on peut tout aussi bien comprendre que regretter. Mais il n’y a pas à dire, cela fait sourire de voir les personnages qui ne peuvent pas s’empêcher de lâcher un ou deux mots en français à, littéralement, chaque phrase, histoire de nous rappeler où on est. Nul doute que ce détail pourra jouer dans la balance de beaucoup de personnes, et même s’il faut rappeler qu’un doublage anglais est obligatoire (pour vendre le jeu à l’étranger) et qu’un doublage français est coûteux pour un studio et un éditeur de jeux AA, on peut se dire que c’est une sacrée occasion manquée.
Les Lumières à tous les étages
Passée cette déception, on prend plaisir à en savoir plus sur le contexte du jeu. On garde l’esprit des Souls-like avec des éléments de lore à aller chercher en fouinant dans les notes et les papiers que l’on trouve un peu partout en ville, mais Steelrising instaure une vraie narration avec des cutscenes et des personnages travaillés. Et il aurait été dommage de puiser dans une telle période de l’Histoire (même si elle est réarrangée) sans se servir des personnages majeurs de cette époque. Même si Steelrising dépeint une version alternative de la Révolution française, elle n’écarte pas pour autant toutes ses figures historiques. De Mirabeau à Lafayette en passant par Robespierre, on croise tout un tas de personnalités historiques qui sont loin de faire de la figuration.
Ces derniers seront bien souvent les instigateurs des quelques quêtes annexes du jeu, pas forcément très nombreuses, mais qui ont le mérite d’apporter un vrai plus à l’expérience. On est loin des quêtes Fedex ici, chaque quête va développer une partie de l’univers avec des personnages inédits à rencontrer, en allant parfois verser dans des pans surprenants de l’univers, qu’on vous laisse découvrir. Un boss inédit et des zones annexes seront les récompenses les plus intéressantes de ces excursions, qui vont aussi forger la fin que vous aller débloquer. Plusieurs fois au cours de quêtes annexes, Aegis sera amenée à faire des choix, qui évitent heureusement le manichéisme, ce qui contrebalance avec les antagonistes caricaturaux au possible.
Toujours est-il qu’aussi intéressantes ces quêtes puissent-elles être, elles demandent souvent des allers-retours épuisants dont on se serait bien passé. Steelrising ne dispose pas d’un monde ouvert et reste fragmenté en quartiers, auxquels on peut accéder grâce à un carrosse qui sert de taxi magique. Mais l’absence de voyage rapide au sein même des quartiers est un problème, et on aurait clairement pas dit non à une mini-map, malgré la présence d’une boussole qui permet de nous guider.
Paris à feu et à sang
Le jeu se rattrape avec un level-design particulièrement soigné, et ça, il le doit à sa ville de Paris qui offre un cadre de jeu vraiment intéressant. Même si l’on parcourt principalement la ville de nuit, Spiders a fait un très gros boulot sur les jeux de lumière. L’éclairage est à saluer et offre beaucoup de cachets à certains panoramas, venant compenser les évidentes faiblesses techniques du moteur (rappelons-le, on reste sur du AA, mais du AA qui s’en sort pas trop mal). Dommage que ces limites se ressentent aussi avec quelques bugs, jamais vraiment gênants (si ce n’est un crash lors de notre partie), mais qui peuvent casser l’immersion.
De l’immersion, Steelrising en a pourtant à revendre. Les différents quartiers de Paris sont très bien représentés et ne manquent pas de charme. Enfin, si tant est que le romantisme de l’architecture de Paris est ici forcément un peu perturbé par les dizaines de cadavres qui jonchent le sol et les automates qui recherchent leur prochaine victime.
Le jeu n’hésite pas non plus à varier ses biomes car même si l’on reste à Paris, on retrouve parfois des décors plus verdoyants ou souterrains, voire des passages à l’intérieur des bâtiments qui changent un peu la donne. On reste un peu moins séduit par une ou deux zones qui se trouvent dans le dernier tiers du jeu, mais Paris reste un élément fondamental du charme du jeu.
S’il est parfois un peu trop scolaire dans sa manière d’aborder la construction de chaque quartier, avec des tas de raccourcis à débloquer que l’on voit facilement venir, force est de constater que tout s’imbrique de manière assez organique. Sans jamais effleurer le génie de level-design des productions de From Software, Steelrising rend une copie très propre, qui se permet un peu plus de folie dès que l’on débloque les différents outils qui permettent à Aegis de prendre de la hauteur.
A l’instar d’un Sekiro, le jeu nous donne accès à un grappin qui n’est utilisable que sur certains points d’accroche. Aegis peut également débloquer une poussée en avant qui va lui permettre de sauter plus loin, de quoi ajouter de la verticalité à l’ensemble et nous obliger à mieux regarder notre environnement. Quand bien même les niveaux restent très linéaires, il y a ici un petit aspect metroidvania qui va en pousser certains à revisiter certains niveaux pour y découvrir quelques petits secrets une fois ces upgrades en poche.
Aegis en a littéralement sous le coude
Ces outils, Aegis pourra également les utiliser en plein combat, au même titre que ces armes. Steelrising fait un bel effort en ce qui concerne l’arsenal à notre disposition, en évitant le traditionnel combo épée-bouclier, les arcs etc. Spiders fait preuve d’une vraie inventivité à ce sujet pour le genre, avec plusieurs familles d’armes, comme des roues dentées, des griffes, des tonfas ou même des éventails coupants.
Un vrai bol d’air frais pour le genre, surtout que chaque arme est unique, même au sein de la même famille d’arme. Chacune d’elles possède un Spécial différent. Par exemple, on retrouve un fléau qui peut être immolé avec du feu, tandis qu’un autre qui va lancer des lames, et ce avec la même touche. Le Spécial varie à chaque fois, ce qui permet de varier les builds tout en restant sur la même famille d’arme. En revanche, toutes les armes ne se valent pas. On a par exemple beaucoup de mal avec l’utilisation de la roue dentée, aux animations particulièrement longues et ce malgré un joli moveset, tandis que le fléau nous a particulièrement séduits.
Il est possible d’équiper deux armes à la fois et de changer à la volée, bien que l’on regrette que la passation entre les deux ne soit pas un peu plus fluide. On peut parier que la deuxième arme de beaucoup de monde sera un pistolet, qui nécessite des munitions élémentaires pour fonctionner.
Si l’on fait ce pari, c’est bien parce que les mécaniques élémentaires sont particulièrement puissantes dans le jeu. Vous pourrez bruler, électrifier, ou encore geler vos adversaires, et vous n’aurez aucune raison de vous en priver tant ces affections élémentaires font basculer les combats. La brûlure et le gel sont particulièrement redoutables, et fonctionnent même contre les boss. Cela est évidemment limité au nombre de munitions élémentaires que vous allez trouver, ou au nombre de grenades élémentaires en poches (qui sont encore plus puissantes), mais le jeu n’est pas vraiment radin de ce côté-là.
La vraie porte d’entrée pour le genre ?
Ce qui nous amène à un point qui pourra peut-être en décevoir certains : Steelrising n’est pas un jeu particulièrement difficile. Impossible de ne pas le voir comme une bonne porte d’entrée dans le genre tant il existe de nombreux outils pour faire face à l’adversité. Ce qui est sans doute une volonté assumée du studio, qui ne souhaite pas écarter une partie du public, surtout les personnes qui ont connu Spiders pour ses RPG plus accessibles. Touche RPG que l’on retrouve dans la progression d’Aegis, avec six caractéristiques à augmenter (selon le build choisi) et un système qui permet d’équiper jusqu’à quatre bonus passif.
Vous trouverez des objets pour vous aider un peu partout, en plus de potions supplémentaires que vous pourrez acheter pour une bouchée de pain. Comme tous les Souls-like, vous disposez au départ de potions limitées qui se rechargent à chaque simili feu de camp, mais vous pourrez en acheter d’autres, certes moins puissantes, en boutique. Même chose pour les munitions élémentaires et les grenades. Autant vous dire que le jeu est particulièrement généreux sur cet aspect.
Steelrising se veut être accessible, et le prouve justement avec un mode Accessibilité. Ce dernier peut être activé à tout moment dans les options et vous donne accès à des paramètres pour augmenter vos dégâts et votre résistance, afin d’adapter le défi à vos envies. Et même si, à notre opinion, la difficulté du jeu reste moindre que dans d’autres jeux du genre, on ne peut que saluer cette option, qui reste facultative. Avec ça, celles et ceux qui étaient intrigués par le titre pour son univers mais qui sont allergiques au challenge proposé par les Souls-like pourront profiter du jeu comme ils l’entendent.
Une horlogerie bien réglée
On sent que Spiders a bien compris son sujet et les critiques qui étaient adressés à ses modèles. Steelrising n’est pas un Souls-like qui se contente de répéter bêtement une formule à la mode sans se l’approprier. On retrouve toutes les bases d’un Souls, avec des attaques légères et puissantes, une esquive, des potions limitées, une barre d’endurance, mais tout est saupoudré de quelques petites touches d’originalité. Déjà, avec cette barre d’endurance qui est ici une jauge de surchauffe.
Machine oblige, Aegis ne se fatigue pas, mais son système peut s’emballer si vous effectuez trop d’actions trop vite. Si vous vous excitez un peu trop, vous tomberez en rade pendant un moment, sauf en appuyant au bon moment sur une touche pour recharger entièrement votre jauge. Mais vous ferez augmenter votre état de gel, qui, si vous abusez trop de la mécanique, va vous geler sur place et vous laisser à la merci des ennemis. Une mécanique à double tranchant qui nécessite un petit apprentissage, mais qui donne aux combats un sacré rythme.
On est jamais vraiment passif dans Steelrising, tant les combats poussent à l’agressivité. L’absence de bouton de garde (sauf pour certaines armes avec un Spécial de contre) y est pour quelque chose, et les mouvements parfois très vifs des automates y contribue aussi. Aegis doit constamment être en mouvement, et éviter d’être submergée par trop d’ennemis à la fois.
Et il n’y a pas à dire, ça marche plutôt bien. Chaque arme est unique, la variété du bestiaire est plaisante, des boss réussis (même si souvent trop faciles) et le flow général des combats procure de bonnes sensation. On attendait particulièrement le studio au tournant sur cet aspect, et c’est à notre sens une réussite. On note quand même quelques imprécisions parfois, avec des mouvements un peu flottants, et quelques problèmes de caméra souvent inhérents au genre, mais la balance penche largement plus du côté du bon que du mauvais.
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