Vous avez sûrement déjà entendu parler d’une surabondance de remasters et de remakes dans l’industrie vidéoludique, si tant est que vous ne l’ayez pas vécue vous-mêmes d’ailleurs. De Resident Evil 4 à Baten Kaitos, en passant par Advance Wars, cette année 2023 est la parfaite représentation de cette mouvance qui déçoit une catégorie de joueurs, et en ravie d’autres. Ce qu’il faut dire, c’est que certains projets sont plus pertinents, qu’ils ont plus de sens. Ainsi, si à titre personnel j’ai du mal avec la Devil May Cry HD Collection, qu’on nous ressort sur toutes les générations depuis la Xbox 360, et au prix fort s’il vous plaît, je comprends aisément pourquoi de nombreux joueurs attendaient, de leur côté, Story of Seasons : A Wonderful Life.
Car il a peut-être changé de nom, pour une histoire obscure de droits, pourtant il s’agit bien du remake officiel de Harvest Moon : A Wonderful Life paru il y a 19 ans tout rond sur Gamecube en Europe. Non seulement ça ne nous rajeunit pas, mais de surcroît ces souvenirs commenceraient presque à devenir flous, noyés dans la masse de jeux similaires sortis depuis. Si vous aimez les simulations agricoles, il y a en effet de fortes chances pour que vous ayez tâté du Harvestella, du My Time at Portia, ou encore, bien évidemment, du Stardew Valley ces dernières années. Reste à savoir où se situe ce « pas si nouveau » Story of Seasons sur l’échelle de l’indispensable, et si vous devez repasser à la caisse dans le cas où vous connaissez l’original.
Conditions de test : Nous avons passé près d’une vingtaine d’heures sur le titre dans sa version Nintendo Switch. Notre partie a principalement été consommée sur TV, mais nous avons aussi passé quelques heures à jouer en mode portable, notamment sur Switch Lite. Ce test est garanti sans spoiler.
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Je ne prétends guère être un professionnel de la simulation agricole, mais il est vrai que c’est un genre que j’ai passé beaucoup de temps à expérimenter. Ainsi, je connaîs très bien la franchise Harvest Moon, et déplore ce qu’elle est devenue en perdant son développeur historique, Marvelous. Un développeur qui, depuis, s’évertue à retrouver sa gloire passée, en poursuivant sans relâche dans la même voie, avec une recette qui n’a que très peu bougé. Une démarche que je comprends parfaitement, et qui me fait très plaisir, même si certains choix me font plus de peine qu’autre chose. Ainsi, Story of Seasons : Friends of Mineral Town, remake du Harvest Moon de la GBA que j’attendais de pied ferme, m’a par exemple profondément déçu.
La faute à un manque d’ambition abominable, découlant d’une volonté assumée de transposer l’expérience originale de la manière la plus fidèle qui soit. Un parti pris logique, d’une certaine façon, qui aura finalement bien pris chez les fans de la franchise, souvent heureux de simplement retrouver (pratiquement) à l’identique cette expérience qui leur avait fait cramer tant de piles sur Game Boy Advance. Un an plus tard, Story of Seasons : Pioneers of Olive Town, bien mieux accueilli dans nos colonnes, tentait la nouveauté, avec un style visuel flambant neuf, et quelques améliorations de gameplay.
Cette année, Marvelous retente le coup du remake, avec Story of Seasons : A Wonderful Life, version améliorée du Harvest Moon de la Gamecube (ayant plus tard eu droit à sa version PS2). Histoire de jouer, là encore, sur la corde sensible des nostalgiques, avec un opus qui aura marqué de nombreux joueurs de l’époque. Voire, qui fut leur porte d’entrée dans ce genre qui, en 2004, manquait cruellement de représentants. Tout l’inverse du cadre de parution de ce remake, donc, qui débarque à une période où le marché indépendant regorge d’expériences similaires, trois mois avant la sortie d’accès anticipé du très attendu My Time at Sandrock et l’arrivée d’un Rune Factory 3 Special qui sera, à n’en point douter, très bon.
Fallait-il être ambitieux ?
D’emblée, on remarquera que l’aspect visuel de ce Story of Seasons : A Wonderful Life est très loin des standards de beauté de la Nintendo Switch. Avec sa réalisation entièrement en 3D, qu’on croirait sortie d’une époque révolue où l’engouement pour le Motion Gaming faisait vendre des Wii par cargos entiers, le titre ne flatte jamais la rétine, et manque par ailleurs un peu de charme. Même comparé à la version originale, sur Gamecube, qui avait pour elle un petit je-ne-sais-quoi qui la rendait agréable à regarder. Cela dit, il faut remettre les choses dans leur contexte : Marvelous ne développe pas de très gros jeux, et celui-ci est de loin le plus ambitieux mis en chantier depuis un moment, simplement du fait de sa caméra libre.
Et si l’on arrête deux minutes de pester inutilement sur cette réalisation loin d’être abominable, bien que profondément datée, on remarque que le tout tourne très bien. Fallait-il cela pour que Story of Seasons : A Wonderful Life évite les dérives d’un Rune Factory 5 en terme de technique ? Peut-être ! Et quelque part, malgré une ambition bien moindre comparativement au jeu de Hakama, on peut dire que ce remake tient mieux la route sur l’aspect technique, ce qui lui confère d’instinct un avantage certain. Avantage qu’il ne gardera pas longtemps, au vu de la profondeur très modeste de sa proposition, c’est évident. Cela dit, l’expérience reste fidèle aux standards de la série.
Ainsi, l’histoire ne brille jamais vraiment, nous narrant la vie d’une île reculée et de ses habitants hauts en couleur, en nous laissant tracer notre propre voie à coup d’aventure amoureuse et d’esprit d’entreprise. Un mélange qui marche bien, une nouvelle fois, notamment parce que les mécaniques agricoles sont rodées, et évitent la majeure partie des pièges dans lesquels ont pu tomber les concurrents. Le gameplay ne dépayse jamais, se prenant en main presque instinctivement, et bénéficie de quelques ajouts modernes appréciables. Par exemple, le curseur représentant la case visée par notre personnage, dans nos champs, s’adaptera automatiquement lorsque l’on aura arrosé le sol sous nos pieds.
Ça n’a l’air de rien, dit comme ça, mais le confort de jeu s’en ressent. Story of Seasons : A Wonderful Life a pour lui une certaine intelligence dans la conception, mais surtout une grande simplicité. Ce qui est valable pour son niveau de difficulté, bien qu’il soit un brin illogique de réfléchir en terme de challenge dans un jeu ne proposant aucun Game Over. Mais surtout vis-à-vis de sa proposition de manière générale : le jeu Gamecube ne brillait pas pour sa profondeur, et il en va de même pour ce remake, qui en reprend trait pour trait tous les aspects. Pour le meilleur, comme pour le pire. Bien que les défauts de cet opus demeuraient à prévoir, et n’étonneront donc pas les fans.
Une vie tranquille, mais pas trop
Le principal reproche que l’on pourra faire au jeu provient de son rythme. Story of Seasons : A Wonderful Life nous invite à prendre notre temps, comme nombre de ses congénères (excepté Atomicrops, que je vous invite vivement à essayer), tout en proposant, a contrario, des saisons de seulement dix jours. Or, seulement quarante jours dans une année, c’est très court, et cela fait avancer les événements scénaristiques et autres festivals à une vitesse qui défrise, même si vous êtes du genre à prendre votre temps. D’autant que le titre base son expérience sur le fait que notre protagoniste vivra sa vie jusqu’à la vieillesse, avec des chapitres définis qui apportent leurs lots de changements obligatoires, arrivant de fait un peu trop rapidement.
Un protagoniste dont vous pourrez définir l’apparence et le sexe, quoique la création du personnage soit superficielle, mais surtout dont vous pourrez choisir l’orientation amoureuse. Ainsi, à la fin de votre première année, on vous imposera une conjointe ou un conjoint, qu’il sera néanmoins possible de rembarrer poliment si votre affect se porte plutôt sur quelqu’un d’autre. Dommage qu’à l’image de la plupart des épisodes de la série, les interactions sociales manquent souvent de logique ou de pertinence, voire que certains dialogues semblent carrément hors contexte. On sent que l’écriture n’est pas la priorité du développeur. Cela dit, là encore, les fans de la franchise ne seront pas dépaysés.
L’autre défaut majeur de cette version, c’est finalement le manque d’activités annexes. Entendons-nous bien, Story of Seasons : A Wonderful Life propose un contenu solide, et en voir le bout vous demandera plusieurs dizaines d’heures, même en vous concentrant uniquement sur l’activité agricole. Cela étant, comme l’intérêt des interactions sociales et des événements en ville est en dents de scie, et qu’en dehors il n’y a pas énormément à expérimenter, on finit par avoir l’impression de tourner un peu en rond. Un problème qui fait néanmoins défaut au genre, de manière générale, qui est souvent attaqué pour sa répétitivité notamment.
Reste que l’on se sent bien sur cette petite île colorée, aux habitants étranges mais joyeux, que l’on verra vieillir en même temps que notre protagoniste. Il est agréable de prendre le temps de s’occuper de sa ferme, dont la progression est simple à appréhender et agréable à mettre en branle. Idem pour notre famille, qu’on construit sans trop s’en rendre compte, mais à laquelle on finit par s’attacher malgré nous. Parce que finalement, à l’instar du Harvest Moon de la Gamecube, Story of Seasons : A Wonderful Life est avant toute chose un jeu attachant, doux, qui fait du bien au moral. Et en cela, au même titre que d’autres expériences imparfaites telles que Cozy Groves ou Graveyard Keeper, on ne peut que vous le recommander si vous aimez le genre.
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