Se faire une place dans la sphère indépendante n’est pas chose aisée, tant les sorties de jeux vidéo fleurissent ces dernières années, au milieu des divers mastodontes AAA et leurs millions de dollars de communication. Révélé il y a seulement quelques mois, Strayed Lights pourrait très bien parvenir à tirer son épingle du jeu en nous présentant son concept d’action-aventure à la sauce Souls-like, le tout avec un visuel simpliste mais magnifique rappelant d’autres productions indépendantes de ces dernières années comme Journey par exemple.
Le tout premier jeu ambitieux développé et auto-édité par le studio strasbourgeois Embers est sorti ce 25 avril sur PC, PlayStation 4, PlayStation 5, Xbox One, Xbox Series et Nintendo Switch au prix tout doux de 24,99€. Prêts à allumer le feu ?
Conditions de test : Nous avons éclairé notre lanterne durant 7h de jeu sur PlayStation 5, le temps de terminer l’aventure intégralement.
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ToggleUne lumière égarée s’éveille au matin
La simplicité. Voilà comment on pourrait décrire l’aube de l’histoire du protagoniste de Strayed Lights, mais sans y ajouter la connotation négative du terme. Vous vous éveillez, jeune lumière, étincelle de vie, au milieu d’une zone mystérieuse, le regard encore embué. Vous progressez parmi les premiers couloirs, gravissez un escalier, chutez sous un orage battant puis poursuivez votre route jusqu’à rencontrer une paroi de verre.
La dualité s’exprime alors par la présence de votre alter égo, représentant la noirceur de l’âme. Dualité que vous allez devoir affronter au fil du jeu, en filigrane d’une aventure qui ne s’encombrera pas de dialogues incessants ou inintéressants, puisqu’ils seront tout simplement absents. L’interprétation du joueur ou de la joueuse rentrant ainsi clairement en jeu, on pense à une simulation de l’esprit humain, son évolution, ses doutes, ses peurs mais aussi ses choix et ses tiraillements.
Après un tutoriel vraiment bien amené afin d’apprendre les mécaniques qui nous attendent, on se rend clairement compte que Strayed Lights prendra rapidement un virage le menant dans le registre des Souls-like dans sa prédominance à l’esquive et à la parade bien effectuées, tandis que des coups bien placés permettront de blesser vos adversaires. Une erreur et c’est la perte de vie vertigineuse qui vous attend. Heureusement, cette forte inspiration au gameplay d’un Sekiro: Shadows die twice, par exemple, s’arrêtant là, la moindre mort vous ramènera toutes jauges remplies, juste avant l’affrontement léthal.
La structure du jeu s’avère finalement plutôt simple à appréhender et facilement compréhensible. Vous allez traverser deux mondes distincts, des sortes de hub où seront réunies d’autres étincelles comme vous, innocentes ou apaisées par vos soins au fil des combats. Hubs au sein desquels vous devrez traverser trois niveaux à chaque fois, aux ambiances souvent différentes mais à la réalisation toujours magnifiquement orchestrée.
Traverser l’ensemble de ces mondes et pilonner l’intégralité des adversaires ne vous demandera pas moins de 6 à 7h de jeu, tout dépendra de votre skill en combat ou de votre envie de prendre le temps d’observer les magnifiques panoramas proposés par les strasbourgeois d’Embers. Ce qui est suffisant pour un titre de cette envergure même s’il aurait pu franchir un cran supérieur en proposant davantage de contenu annexe (nous y reviendrons). À noter malheureusement qu’en raison de sa structure linéaire et finalement très bordée, il ne faudra pas compter sur une quelconque rejouabilité (hormis pour tenter d’obtenir les trophées manquants), et qu’aucun New Game + n’est proposé avec aucun retour en arrière possible une fois le premier hub quitté.
Ajoutez à cela que chacun des niveaux disposera de sa quantité d’ennemis fixe, qui malheureusement ne réapparaîtront pas au cours d’un second passage hypothétique, et qui vous permettront de gagner des fragments de leurs âmes afin de les dépenser et acquérir de nouvelles compétences comme de la vie supplémentaire, une parade chargée, mais aussi un emplacement supplémentaire de compétence spéciale. Compétences qui seront à débloquer et à améliorer en combattant les nombreux boss qui vous attendent, et qui bénéficient d’une mise en scène tout particulièrement impressionnante.
Journey banalisée ou galvanisée ?
Nous n’avons pas fait de faute d’orthographe. Alors que le jeu bénéficie d’une comparaison légère avec les Souls-like concernant son gameplay exigent mais reposant surtout sur votre capacité à utiliser les bonnes touches au bon moment, Strayed Lights peut se targuer de prolonger l’héritage de productions indépendantes de qualité, notamment concernant la mise en abyme de son univers et des tons de couleurs utilisés, en empruntant à des titres comme Journey pour ne citer que lui.
Avec son histoire simpliste, sans dialogues, reposant uniquement sur l’observation et les quelques tutoriels initiaux, le joueur est mis en confiance et doit progresser par lui-même. Il n’a pas le choix, aucune aide ne lui sera proposée pour comprendre pourquoi il échoue depuis 30 minutes sur le même adversaire, ou encore pour trouver la prochaine zone à explorer, heureusement repérable à une colorimétrie différente de la zone de hub. Et quelle direction artistique !
Les animations étant de toute beauté, on pourra également faire tomber sa mâchoire devant la mise en scène incroyable réservée aux combats de boss notamment, tous différents dans leur déroulement ou leur finish, sous forme d’affrontements contre des créatures dantesques à apaiser, les combats alternant toutes les compétences possibles des joueurs ainsi qu’une série de QTE pour terminer. Un festival de couleurs, d’effets volumétriques et lumineux, pour notre plus grand plaisir, un peu comme ce que semblent être les combats contre les Primordiaux dans le prochain Final Fantasy XVI.
Nous n’avons toujours pas abordé les mécaniques de gameplay de ce jeu singulier, reposant essentiellement sur deux aspects : la parade et l’esquive. Votre personnage disposant de deux facettes interchangeables à la volée en appuyant sur une touche, passant de jaune à bleu ou inversement, il vous faudra vous armer de précision, de rapidité et d’esquive pour choisir la bonne couleur lorsque l’adversaire en face de vous changera la sienne pour vous attaquer. Choisir la bonne couleur et parer au bon moment vous permettra d’enlever de l’énergie à votre adversaire et de remplir votre jauge d’énergie, mais aussi de regagner de la santé par la même occasion.
Si vous parez au bon moment mais avec la mauvaise couleur, vous ne perdez pas de dégâts mais ne gagnez ni santé ni énergie. À contrario, parer au mauvais moment ou ne pas parer du tout vous fera perdre beaucoup de santé et un peu d’estime de vous-même. Enfin, une troisième attaque ennemie sera possible (dans la majeure partie des cas), les attaques corrompues, en violet, qu’il vous faudra absolument éviter.
À vous d’alterner au bon moment, d’éviter les attaques corrompues à distance ou au contact, mais aussi de savoir enchaîner parfois très rapidement les couleurs pour remplir votre jauge d’énergie avant de la libérer en appuyant sur L2 et d’enchaîner les QTE décrits plus tôt. Parfois, les combats de boss nécessiteront plusieurs rounds séparés de plusieurs petits combats, avant une libération finale de l’être perturbé. L’ensemble des patterns utilisés est recherché, inventif, chorégraphié avec goût et très tourné sur les compétences des joueurs et joueuses, même si l’on aurait parfois aimé un semblant de visibilité supplementaire lorsque l’adversaire se rapproche un peu trop près de nous.
À noter par ailleurs que les esquives et déplacements devront être menés avec prudence, le vide ou l’eau n’étant jamais bien loin, vous poussant à réitérer les combats depuis le début, tout comme une mort précoce bien entendu. Vous pouvez aussi bloquer votre adversaire pour ne vous intéresser qu’à lui, en cas de bande (pas plus de deux en même temps rassurez-vous), tandis que des coups directs peuvent être assénés, même si cela n’est pas au coeur du gameplay et vous exposera à des ripostes risquées. Quelques combats peuvent d’ailleurs être évités puisque les machines ne s’enclencheront qu’à votre approche, même si mener vos combats à bien permettra d’améliorer vos statistiques et compétences.
En tant que flamme en devenir, vous allez grandir au fil de votre aventure, développant une course plus rapide, de nouvelles compétences allant d’une parade sans tenir compte de la couleur appropriée, ou encore des techniques d’étourdissement ou d’attaque frontale permettant d’engendrer toujours plus d’énergie et ainsi mettre terme aux combats. Précisons à nouveau que ces compétences peuvent être améliorées en combattant les boss, tantôt pour accroître leur durée ou leur périmètre d’action, tantôt pour débloquer une ultime compétence comme rajouter de la vie en les utilisant.
Parmi les objets à collecter également, de petites orbes seront présentes un peu partout, cachées très souvent, afin d’accroitre votre potentialité de récupération d’énergie au fil des combats. Une petite centaine de ces petites boules lumineuses sont à récupérer, alors ouvrez bien l’œil. À noter pour terminer cette analyse du gameplay, que Strayed Lights ne propose pas davantage de mouvements, ce qui est dommage, surtout concernant le saut qui demeure très faible en distance et hauteur pour apprécier son utilisation, mais aussi la non-évolution des pouvoirs liés au personnage que l’on aurait apprécié voir évoluer en apprenant des pouvoirs inédits.
On pense notamment à la parade marquée, ajoutée dans l’arsenal à un moment spécifique du jeu, là où on aurait aimé en profiter davantage surtout pour les effets incroyables qu’elle nous offrent. Ajoutons à cela que la nage est impossible dans Strayed Lights, votre personnage se noyant à la première occasion d’une trempette trop profonde ou trop longue, et que vous pourrez rencontrer par ailleurs de magnifiques petits animaux de-ci de-là, rendant l’ensemble encore plus merveilleux.
Une étincelle à un cheveu de briller de mille feux
Nous vous avons loué les qualités artistiques du titre au travers de ce test, mais abordons un point qui nous semble capital, surtout dans un jeu se targuant de se rapprocher d’expériences exigeantes comme les Souls-like, la technique mais aussi la fluidité et les performances notamment en combat. Disons-le de suite : ce point est parfaitement accompli dans Strayed Lights. Hormis un seul moment en toute fin du jeu où le moteur a connu un ralentissement notable, nous n’avons subi aucune déconvenue en combat, en cinématique ou en exploration, le tout sans bugs majeurs (quelques bugs de collision persistent tout de même). Autrement, tout est fluide et parfaitement stable, ce qui n’est pas pour nous déplaire.
Au rayon des éléments à améliorer et qui auraient vraiment pu faire du bien au titre, la quantité d’objectifs annexes. La structure de Strayed Lights étant déjà très linéaire et le bestiaire limité à une petite dizaine de machines différentes, on aurait apprécié quelques énigmes, ou collectes de collectibles pour rallonger un peu la durée de vie. Notez toutefois que le jeu dispose d’un système de collecte de pierres violettes, qu’il vous faudra trouver dans les hubs et ramener dans un lieu précis pour en tirer des souvenirs de l’Ancien-Monde sous forme d’artworks sans aucune explication supplémentaire : 12 pierres au total pour 4 images à débloquer.
Au rayon musical, il nous faut signaler que l’univers sonore est signé de la main de Austin Wintory, déjà à l’œuvre sur divers chefs-d’œuvre cinématographiques et même vidéoludiques comme Flow ou encore The Pathless, Abzû et Journey (encore lui). Nous n’avons pour autant pas retenu de thème marquant dans cette aventure, l’ensemble étant régi par une montée en puissance de la musicalité au fil de la progression dans chaque niveau, ceux-ci possédant d’ailleurs un grain musical qui leur semble unique, sans toutefois relever de la masterpiece inégalée.
Enfin, parlons brièvement de l’optimisation PlayStation 5, console testée ici, qui est tout simplement incroyable et qui pousse à son paroxysme la batterie les potentialités de votre contrôleur DualSense. Effets lumineux sur les côtés du pavé tactile fixes puis clignotants de diverses couleurs en fonction des environnements traversés, sons de tintement mécanique lors des parades réussies ou encore lors d’exclamations des boss en furie via les haut-parleurs de la manette, associés à des retours haptiques nombreux. Seules les gâchettes adaptatives sont en retrait bien que présentes aux moments opportuns.
La console démontre à l’unisson ses capacités en chargeant quasi-instantanément les niveaux en cas de mort abrupte, et ne demande pas de chargement entre les différents biomes traversés. Le retour à une safe-zone pour accréditer de nouvelles compétences, à n’importe quel moment via le pavé tactile, avant de se replonger dans la suite des niveaux via des portails en est également une preuve supplémentaire. Un exemple d’optimisation ultime pour les consoles de la génération actuelle, sans que nous ne puissions juger de tels superlatifs sur les autres plateformes où le titre est désormais rendu disponible. Bravo aux équipes !
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