Avec le potentiel de fun incroyable que ce sous-genre représente, le Ragdolls Game (si l’on puis l’appeler ainsi) a investi avec ferveur le milieu des streameurs et vidéastes du jeu vidéo. À défaut de rivaliser d’excellence, des titres comme Stick Fight, Fall Guys ou encore Octodad sont de véritables générateurs de rire en puissance. Ainsi, il n’est plus étonnant de voir débarquer de nouveaux représentants de ce style si particulier.
Cette année, les possesseurs de Switch et les joueurs PC ont droit à l’étrange Struggling, développé par le méconnu studio Chasing Rats Games dont c’est le premier jeu fini. C’est d’ailleurs, à l’origine, un simple projet d’étude, qui a finalement évolué en un produit plus consistant après avoir rencontré un certain succès. Reste à savoir si ce simulateur de malformations et de muscles défaillants en a assez dans le ventre pour mériter de figurer dans votre ludothèque.
Conditions du test : Nous avons terminé le jeu en un peu plus de huit heures sur Nintendo Switch et avons principalement joué en mode docké.
Se battre pour survivre
Pour comprendre le concept de ce jeu complètement déjanté, il vaut certainement mieux commencer par traduire son titre. Le terme anglais « to struggle » signifie littéralement « lutter ». Et c’est exactement ce que le développeur attend du joueur dans son soft dont tout le gameplay (et l’intérêt finalement) gravite autour de sa gestion chaotique (si ce n’est aléatoire) de la physique de la créature à contrôler. Une physique qui touche aussi les objets avec lesquels il est possible d’interagir, bien qu’ils soient assez peu nombreux.
Dans Struggling, nous incarnons une créature composée de deux cerveaux, rassemblés dans une même boite crânienne, contrôlant à grand-peine deux bras, uniques membres dont elle dispose. Jusque-là, malgré la présence de plusieurs entités que l’on ne dissociera pas vraiment tant que l’on jouera en solo, on avance en terrain connu : Octodad faisait exactement la même chose, mais en trois dimensions. Le titre de Chasing Rats Games réduit quant à lui le champ des possibles en se concentrant sur des environnements en 2D linéaires, mais se dote d’une maniabilité tout aussi intuitive.
Mais ne vous y trompez guère : cela ne signifie en aucun cas que la tâche à accomplir sera de tout repos, d’où le nom du jeu en somme. Si l’on prend la créature assez rapidement en main, chaque bras étant contrôlé par un coté de la manette (un Joy-Con par bras donc), l’environnement tout entier veut malheureusement notre mort… Et on aura beau apprendre à se servir de nos deux uniques membres, la physique est tellement étrange et difficile à apprivoiser que l’on finit par perdre la vie très régulièrement, souvent pour une petite erreur imprévisible.
Et c’est exactement là que se situe le principal défaut du jeu. Sa difficulté est terriblement mal gérée, au point que l’on meurt bien trop régulièrement. Un détail qui ne poserait aucun problème si l’acharnement finissait par récompenser le joueur, ne serait-ce qu’avec de nouveaux pouvoirs ou un scénario vaguement amusant. L’ennui c’est que Struggling fait le strict minimum : une histoire très vague (bien qu’elle ait des chances de vous faire lâcher un sourire) narrée au début de l’aventure ; et pas grand-chose à débloquer en progressant.
Il y a bien de nouveaux « pouvoirs », si l’on peut les appeler ainsi, permettant de détacher nos deux membres et de les contrôler à distance, ou encore de ralentir le temps. Des outils nécessaires pour venir à bout de certaines énigmes, pas toujours évidentes d’ailleurs. Mais en dehors de ça, le titre ne se renouvelle jamais vraiment au cours de sa campagne très linéaire, demeurant de bout en bout punitif, redondant et surtout horriblement frustrant. C’est dommage, parce qu’on sent que les développeurs sont pétris de bonnes intentions.
De bonnes intentions
À défaut d’avoir droit à un véritable scénario suivi – d’ailleurs ce n’était pas vraiment ce qu’on lui demandait, Struggling démarre avec un conte qui s’achève sur une note plutôt amusante. L’aventure débute ensuite en nous plaçant aux commandes d’une sorte d’horreur difficile à décrire, visiblement née en laboratoire et probablement destinée à y mourir. C’était sans compter sur l’intelligence de cette abomination aux deux cerveaux, qui parvient à sortir de sa cage et à se frayer un chemin entre les humains visiblement trop occupés à faire la fête pour la remarquer.
La première chose qui frappe dans ce titre étrange, avant même de poser les mains sur ses contrôles, c’est son esthétique. Rarement un jeu a eu pour ambition équivoque de susciter le dégoût chez le joueur, même le décevant Agony qui propose une visite atroce des enfers ensanglantés. Struggling a quant à lui une manière très étonnante de vouloir faire rire, et cela passe par un visuel et des situations particulièrement immondes, à commencer par l’aspect peu ragoûtant de la créature que l’on incarne. Le ton est donné dès que la cinématique d’intro se termine.
L’ennui, c’est qu’avec son mauvais goût constant, le titre de Chasing Rats Games se retrouve bloqué dans un entre-deux pas évident à assumer. Il n’est jamais foncièrement drôle, se révèle parfois gênant avec son esthétique infâme, et malheureusement aucune fulgurance dans l’écriture ou situation cocasse ne vient relever le niveau. C’est dommage, parce qu’on sent bien ce qu’ont voulu faire les développeurs : un jeu irrévérencieux qui ferait rire les amoureux de l’humour potache. Il faut croire que tout le monde n’est pas capable d’écrire du Conker’s Bad Fur Day.
D’un autre coté, le level design n’est pas mauvais, bien que très inégal. On reprochera néanmoins à Chasing Rats Games ce choix étrange de nous faire commencer par des environnements sombres et malodorants tels que des égouts et des grottes, pour finir par nous envoyer dans des lieux plus ragoûtants et colorés au bout de quatre à cinq heures de jeu. En effet, très vite, on se lasse de ces premiers décors qui tendraient à nous rappeler les plus sombres heures de la plateforme 2D, les chauve-souris en moins.
Restent des environnements en fin de jeu vraiment chouettes, et une mise en scène déjantée qui va avec. Par ailleurs, les très rares combats de boss sont on ne peut plus originaux, bien qu’un peu trop longs pour l’intérêt qu’ils représentent. Quant aux checkpoints, ils sont relativement bien placés, quoique parfois disposés de manière assez traître. Pour finir, on notera la présence d’un mode deux joueurs sur le même écran, amusant deux minutes mais rapidement irritant, à l’image de l’aventure dans sa globalité en somme… Une impression qui ne va pas en s’améliorant dès lors que l’on consacre un neurone ou deux à l’écoute de la bande-son, principalement composée des cris affreusement agaçants de notre « héros ».
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