Initialement sous-titré Legend of the Seven Stars à sa sortie nord-américaine, Super Mario RPG aura mis près de vingt-huit ans à parvenir jusqu’en Europe. Et si certains curieux ont déjà pu toucher à la version Super Nintendo par différents biais, notamment l’import, reste qu’aucune traduction depuis la langue de Shakespeare n’était disponible jusqu’ici. Fermant ce jeu, pourtant doté d’un rutilant statut culte, à une grande partie des joueurs du vieux continent. Heureusement, cette année Nintendo a tenu à changer les choses.
Ainsi, si vous n’aviez pas encore eu votre dose de plomberie et de moustache saillante avec l’excellent Super Mario Wonder, qui débarquait le mois dernier sur Switch, cette semaine vous pourrez découvrir les premières aventures sous forme de RPG du célèbre ouvrier des tuyauteries. Le tout sous un format qui n’a que peu évolué, si ce n’est au niveau de ses graphismes et de sa bande sonore, bien sûr. Alors, Super Mario RPG a-t-il bien vieilli, ou le poids des années pèse-t-il un peu trop sur ses petites épaules d’étrange expérience vidéoludique ?
Conditions du test : Nous avons passé près de douze heures sur le jeu, principalement en mode TV. Ce fut suffisant pour arriver au terme de son aventure, et entamer le contenu post-game. Ce test est garanti sans spoiler.
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ToggleLa légende des sept étoiles
Avant toute chose, un petit rappel du contexte semble bienvenu. Super Mario RPG, l’original, paraît en 1996 sur une Super Nintendo sous respirateur artificiel. La PlayStation de Sony se vend déjà comme des petits pains sur le sol nippon, et la N64 prépare son arrivée dans les boutiques spécialisées du nord de l’Amérique. Ce qui explique probablement, au moins en partie, pourquoi le titre ne vit pas le jour par chez nous. La priorité de Big N, sur le marché européen, était ailleurs. Pourtant, il faut reconnaître que l’on fait face à un jeu d’une certaine envergure, autant en termes d’ambition que de moyens. C’est aussi le fruit d’un partenariat assez surprenant.
Parce que s’il est bien édité par Nintendo, comme tous les jeux estampillés Mario parus jusque-là, ce RPG en vue isométrique est néanmoins développé par une équipe de chez Square. Un studio que les amoureux du genre connaissent très bien, puisqu’il est à l’origine de la mythique franchise Final Fantasy, mais aussi de titres comme Live A Live ou Secret of Mana, de véritables œuvres cultes de la SNES. Qui mieux que Square pour développer un Mario entièrement tourné vers le jeu de rôle ? À l’époque, et malgré le talent de Enix, son concurrent de toujours (avec qui l’entreprise fusionnera quelques années plus tard), sûrement personne !
Par ailleurs, si le titre n’a pas vraiment eu de retombée sur le sol européen, la faute à un marché de l’import encore assez confidentiel et onéreux, cela n’a pas empêché aux joueurs du vieux continent de découvrir les suites spirituelles de ce Super Mario RPG. Parce que c’est sûrement ce que retiendra en priorité l’histoire autour de ce titre singulier : son héritage. Sans Super Mario RPG, pas de Paper Mario, ni de Mario & Luigi, deux excellentes franchises, qui ont même pu faire équipe le temps d’un épisode paru exclusivement sur 3DS.
Bel héritage
Ainsi, pour beaucoup de joueurs, il est vrai que l’arrivée de ce remake était surtout réjouissante car elle permettrait à tous de découvrir les prémisses d’une recette qui a nettement fait ses preuves depuis. Preuve en est, l’engouement des possesseurs de Switch à l’annonce, conjointe, du retour de Paper Mario : La Porte Millénaire. Maintenant, reste à savoir si cette curiosité suffit pour passer outre toutes des limitations qui risquent malheureusement de freiner l’appréciation générale de ce titre, pourtant excellent en 1996. Parce que le premier défaut de Super Mario RPG, dans cette cuvée 2023, c’est son manque d’ambition… tout le contraire de son modèle.
Bien sûr, l’aspect visuel a été revu, et certaines séquences sont vraiment de toute beauté. Inutile de nier que le Character Design est une franche réussite, que la profusion de couleurs fonctionne plutôt bien dans l’ensemble, et que les quelques cinématiques flattent la rétine. Malheureusement, et nous évoquions nos craintes à ce sujet dans notre preview, parue quelques jours plus tôt, le titre conserve un aspect vieillot qui risque fort de le desservir. Le développeur s’est contenté d’un lifting visuel, fût-il conséquent, et n’a pas désiré revoir en profondeur l’aspect de ses environnements. Or, beaucoup d’entre eux auraient mérité un traitement plus complet.
D’une part, parce que l’aspect de certaines zones, notamment des donjons, laisse un désagréable arrière goût de vide en bouche. Ce qui, couplé à une vue isométrique pas toujours très lisible, empêche ce Super Mario RPG de pleinement s’extirper de l’aspect daté qui lui colle à la peau. Mais c’est surtout la petite taille des zones que l’on explore (chaque passage d’un couloir à l’autre entraînant de surcroît un maigre temps de chargement), un cruel manque de détail par moments, et le fait que les combats se passent sur des plateaux d’un vide abyssal qui font tache. Et comme si cela ne suffisait pas, il faut reconnaître que l’ancien avait un certain charme, dû à son pixel apparent, qui n’a plus effet ici… un peu comme chez Advance Wars 1+2 Re-Boot Camp, plus tôt dans l’année.
Alors bien sûr, on peut surmonter cet aspect visuel pas particulièrement engageant. On ne peut pas dire que Super Mario RPG est laid. Mais on aurait vivement apprécié qu’il soit possible, comme chez un Diablo II Resurrected, par exemple, de passer du style du remake à celui du jeu original d’une simple pression de touche. Ou, si c’était trop compliqué à mettre en place, que chaque joueur puisse choisir la version qu’il désire sur le menu principal, en lançant une nouvelle partie. Comme le permettait Atelier Marie Remake. Reste que, toujours sur le plan de la réalisation, la réorchestration des thèmes musicaux est une réussite. Dommage, là encore, qu’elle ne soit pas allée plus loin, car la plupart des morceaux tourne un peu trop en boucle, surtout en combat.
Curiosité macabre ?
Côté gameplay, heureusement, le plaisir est bien là. Les combats sont un régal, avec leur système d’action contextuelle au timing serré, autant pour taper plus fort que pour réduire les dégâts adverses. Ce n’est pas pour rien si les Paper Mario, Mario & Luigi, ou encore le récent Sea of Stars ont repris cette feature : en engageant continuellement le joueur, on l’empêche de s’ennuyer. Dommage, là encore que quelques limitations se fassent assez vite ressentir. Le nombre d’attaques spéciales, pour chacun de nos personnages, est assez réduit par exemple. Et le challenge, qu’on espérait un brin plus corsé, pointe malheureusement vers le bas à mesure que l’on avance dans l’aventure. Or, pas de mode difficile à l’horizon.
Finalement, le nombre grandissant de combats (qu’il est possible d’éviter, dans une bonne partie des cas) ne joue pas en la faveur du jeu, qui fait rapidement gonfler le niveau de nos combattants. Nous concernant, notre partie ne nous a opposé que peu de résistance. Au point que nous avons pris le pari d’esquiver la plupart des ennemis sur les trois dernières heures de jeu, dans l’espoir de souffrir un peu plus face aux plus coriaces. Pourtant, le boss final n’a posé aucun problème… Dommage, car il y avait, nous semble-t-il, un équilibre à trouver, de manière à ce que les affrontements évitent la redondance, en n’étant pas aussi nombreux, et que le jeu conserve un certain challenge, dont on regrettera l’absence.
Cela étant dit, malgré la redondance qui s’installe au bout de quelques heures, Super Mario RPG sait donner envie au joueur de découvrir ses différents adversaires. D’abord parce que les patterns d’esquives ne sont jamais les mêmes, ce qui pousse à s’adapter à chaque nouveau combat. Réussir une parade parfaite, réduisant les dégâts à zéro, est aussi particulièrement grisant. Et puis il faut reconnaître que le bestiaire est absolument lunaire, avec des tomates qui tiennent des fourchettes, des loups à têtes difformes, ou des lézards aux yeux confus… On est à des années-lumière des monstres que l’on combat habituellement chez un Mario, ce qui confère un certain attrait à l’aventure.
Attrait que l’on retrouve dans la légèreté de son écriture, avec une histoire amusante, qui ne révolutionne rien, ne brille jamais pour sa qualité, mais fait malgré tout un certain bien avec sa profusion de bons sentiments et de gags. Et si ceux-ci ne font pas toujours mouche, il est vrai, le jeu arrive malgré tout à nous arracher un petit sourire de temps à autre, ce qui demeure assez appréciable. Que dire de plus finalement ? Eh bien il reste quelques défauts, et ils pourraient bien en pousser certains à remettre en question leur désir de passer à la caisse, ou du moins au prix fort.
Des limitations certaines
Pour commencer, nous le glissions dans les conditions de test, il ne nous a pas fallu bien longtemps pour voir le bout de l’aventure. Sans se presser, il ne faudra pas plus de quinze heures pour arriver aux crédits. Nous concernant, ça nous aura même pris moins de onze heures. Certes, Super Mario RPG propose du contenu annexe, et celui-ci n’est pas toujours évident à dénicher, ce qui lui confère d’emblée un intérêt certain. Néanmoins, le jeu étant vendu au prix fort, on aurait aimé qu’il soit un peu plus consistant. Et s’il existe bien une quête à débloquer en terminant l’aventure une première fois, cela ne nous semble pas suffisant pour justifier les 50 euros que coûte ce remake.
Ensuite, nous parlions plus tôt de l’aspect daté de la vue isométrique, mais il faut aussi comprendre que, Mario oblige, elle reste à prendre en compte lors des phases de plateforme. Et entendons-nous bien, s’il était tolérable de tomber en boucle à cause d’une mauvaise compréhension de l’espace sur console 16 bits, en 2023 c’est autre chose. Alors, certes, la plateforme ne représente pas une grande partie de l’aventure, et elle est rarement punitive. Mais comprenez qu’elle intervient un peu moins ponctuellement sur la fin de l’aventure, et a des chances de vous faire pester sévèrement. Notamment à l’occasion d’une phase particulière.
Enfin, puisqu’il faut bien le soulever, l’aspect jeu de rôle de ce Super Mario RPG ne compte pas parmi les plus originaux de sa catégorie, même parmi les productions SNES. Le système d’expérience est on ne peut plus classique, idem du côté de l’équipement, et la progression des personnages n’est guère surprenante. Ce qui l’est, en revanche, c’est le fait que les Points Fleurs (qu’on assimilera au mana) soient communs à tous nos combattants sur le terrain. Une idée qui laisse un brin perplexe au début, mais finit par offrir un peu plus de profondeur aux affrontements.
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