Précisons que Richard de la Ruina est un coach en séduction issu du mouvement des « Pick up Artist » et du livre de Neil Strauss « The Game » pour résumer grossièrement. Une approche de la séduction controversée et souvent accusée de sexisme et de misogynie par certains détracteurs. Des accusations qui s’étendent sur ce fameux jeu donc et qui dénoncent apparemment un encouragement au harcèlement. Est-ce vraiment le cas ?
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ToggleA prendre au second degré
Super Seducer est un jeu en FMV (full motion vidéo) où le joueur est confronté à plusieurs choix de dialogues ou de comportements dans différentes situations dans le but de séduire une femme avec succès. Le genre FMV a connu son essor dans les années 80/90 avec des titres comme Dragon’s Lair ou Gabriel Knight: the beast within même s’il a rapidement disparu avec l’arrivée des graphismes plus réalistes. Sur Steam, quelques OVNI ont vu le jour mais certains ont su réinventer le genre avec brio comme Her Story par exemple. Il est vrai que l’on peut se méfier quand quelqu’un se proclame « gourou de la drague », et l’on peut rester dubitatif sur certains aspects de la séduction présentés ici. Evidemment, en ce qui concerne les conseils de drague, je précise que mon avis est, en partie, subjective. Toutefois, il est difficile de penser que des phrases toutes faites vont, à tous les coups, vous offrir les faveurs de ces dames. On peut y voir une déshumanisation de la femme dans une certaine mesure puisqu’elles deviennent des « cibles » que l’on peut manipuler avec quelques concepts de psychologie. En parcourant le jeu, on prend naturellement beaucoup de choses au second degré et on pense vraiment que c’est de cette manière qu’il faut l’aborder.
On aborde surtout Super Seducer sur un ton humoristique plutôt qu’au premier degré, c’est en tout cas le sentiment que l’on a en jouant
Le tout commence bien, si l’on peut dire, puisque le menu nous montre un défilement de photos où l’on voit Richard la Ruina en bonne compagnie lors de soirées mondaines. Il faut dire que l’homme est partout. Il joue le rôle du séducteur dans toutes les scènes, et il nous explique à tout moment pourquoi nous avons fait le bon ou le mauvais choix. Nous entrons en premier lieu dans le Story Mode avec tout un tas de situations : rencontre dans la rue, aborder deux filles en même temps, draguer une collègue de bureau… Mais, je crois que le plus drôle (ou le plus instructif, à vous de voir) reste tout de même l’épisode où Richard vous montre comment sortir de la fameuse « friendzone ». Quand on vous dit que le soft nous encourage à le prendre au second degré, ce n’est pas pour rien. Tout d’abord, il s’agit d’observer des vidéos pré-enregistrées où notre gourou se met en scène avec des actrices. Si ces dernières s’en sortent plutôt bien dans l’ensemble, le jeu d’acteur de l’homme est en revanche médiocre et voire surjoué dans les situations les plus farfelues. Au début de l’épisode de la friendzone, on peut voir Richard jouant un individu éperdument épris par son amie de longue date, il regarde des photos d’elle avec insistance et des mimiques ridicules mais hilarantes. Ou bien il suffit de le voir danser dans « Rencontre sur le dancefloor ».
Réponse D : Obiwan Kennobi
Dans toutes ces histoires où le but peut varier (prendre un numéro, gagner un rendez-vous, un baiser…), le chemin pour atteindre son objectif est au contraire unique. Il n’y a pas plusieurs scénarios selon nos choix et c’est un peu le problème de ce Super Seducer, ce qui renforce ce côté de mécanisation de la drague. Surtout que la majorité des choix qui nous sont proposés laissent rarement la place au challenge. En effet, on devine facilement les mauvaises réponses surtout les plus invraisemblables. De toute évidence, on sait que soulever la jupe d’une femme à la première rencontre ou de lui proposer de sortir son pénis au premier rencard ne sont pas de bonnes choses à faire, mais on les tente quand même pour observer ce bon vieux Richard se prendre des râteaux saupoudrer de claques bien placées. Lorsque l’on choisit la mauvaise réplique, le gourou nous explique tranquillement dans sa chambre, lunette sur le nez, pourquoi l’on a faux pour ensuite repartir de nouveau sur l’écran de sélection des dialogues. Certaines réponses peuvent passer même si l’on nous dit clairement que ce ne sont pas les plus optimales, malgré tout le scénario reprend tranquillement son cours. En revanche, lorsque l’on fait le bon choix, Richard la Ruina nous félicite tout en y ajoutant un complément d’informations mais nous sommes surtout surpris par l’apparition soudaine de deux mannequins en lingerie sur son lit, les regards dans le vide. Un symbole de récompense qui devient tout de même déroutant à la longue.
On peut ne pas être d’accord avec certaines approches de drague mais accuser Super Seducer de misogynie et d’encourager le harcèlement est un poil excessif
Encore une fois, certains comportements sont contestables surtout quand il s’agit d’être un peu « forceur » sur les bords comme dans le premier cas où l’on rencontre une fille dans la rue qui avance vers nous. La bonne réponse n’est pas la plus évidente puisque selon le titre, il faut avancer de front vers elle pour qu’elle s’arrête. Mise à part ces quelques choix douteux, on ne peut pas dire que le titre soit d’une misogynie infâme, et qu’il ne méritait pas forcément un retrait sur le PSN. On imagine que le contexte du mouvement « Metoo » a motivé ce choix, même si le créateur précise que le jeu a été créé bien avant ces événements. Dans tous les cas, les comportements déplacés débouchent systématiquement par un rejet pur et simple tout en précisant que ce n’est pas du tout la bonne attitude à adopter. Même si le titre ne fera pas forcément de vous des Casanova en puissance puisque ce sont souvent des conseils qui relèvent du bon sens (soyez drôle, passionné, confiant, malin, viril…), il encourage à agir en gentleman et d’être un minimum honnête dans la majorité des cas. On soupçonne quand même Super Seducer de prendre les joueurs (le public visé donc) pour des idiots en entretenant le cliché du geek asocial qui ne sait pas du tout se comporter en présence d’une personne du sexe opposé même si on prend encore une fois le tout avec humour. Pour preuve, la drague dans un parc où l’on peut choisir de donner son ID Steam au lieu de son numéro ce qui entraîne une incompréhension totale de l’interlocutrice. On observe alors un Richard qui s’emporte et qui quitte les lieux comme s’il venait d’apprendre que la jeune femme était une néo-nazi.
Une musique principale… entraînante
Selon le nombre de bonnes réponses que vous fournissez à la suite, vous obtenez un grade comme celui de « Casanova » qui vous indique que votre score est plutôt bon mais le Saint Graal est évidement celui de Super Seducer qui traduit une performance sans faute. De plus, accomplir les scénarios avec brio vous donne accès à des vidéos bonus comme des bêtisiers de tournages, des révélations et d’autres conseils de drague. Pour un peu moins de 10€, on ne peut pas décemment vous dire que le jeu en vaut la chandelle de par son intérêt et sa durée de vie tous deux limités, mais si jamais une promotion se profile, il peut être amusant de l’essayer pour la blague.
Pas de textes en français pour le pays du french lover et du french kiss
Mis à part l’image principale qui ressemble à une devanture que l’on peut voir sur des manèges pendant une foire, il faut avouer que les scénarios sont plutôt bien filmés dans l’ensemble. La musique du menu principal, qui pourrait être tiré d’un film érotique et que l’on aurait modernisé, est étrangement sympathique à l’écoute. Les autres morceaux sont moins marquants mais sont d’assez bonne qualité. Il est tout de même dommage que parmi le grand nombre de langues proposées pour les textes, le français soit malheureusement absent.
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