Aujourd’hui, lorsque l’on a une idée de jeu, que l’on développe en solo ou en petit comité, et que l’on veut faire connaître son bébé publiquement, la plateforme itch.io est la destination idéale. C’est ici qu’un groupe d’élèves de l’ISART Digital y a rendu jouable Symphonia, un projet construit dans le cadre de leurs études parisiennes. Long d’une trentaine de minutes, ce platformer centré sur le thème de la musique a connu son succès, de quoi donner envie à ces chers étudiants de fonder leur propre studio, appelé Sunny Peak.
Plusieurs années plus tard, un nouveau Symphonia a donc vu le jour. Très proche de ce qu’il était déjà tout en s’accordant davantage d’ambition à tous les points de vues, le titre a pu trouver le chemin de nos pupitres en marge de sa sortie le 5 décembre sur toutes les plateformes sauf la Switch, repoussée à début 2025. Et à l’issue de notre découverte, le moins que l’on puisse dire c’est que les violons sont accordés.
Conditions de test : Nous avons joué à Symphonia sur PC via Steam durant près de 8 heures, le temps de terminer l’aventure à 100% et d’essayer les modes Poursuite et Hardcore. Nous avons fait tourner le jeu sur un laptop Lenovo Legion 5 proposant la configuration suivante : processeur AMD Ryzen 5 5600H, 16 Go de mémoire DDR4 et puce graphique NVIDIA GeForce RTX 3060.
Sommaire
ToggleL’espoir au bout des doigts
La superbe cité de Symphonia n’est plus que l’ombre d’elle-même. Son peuple vit dans la discorde et la musique, si prépondérante au rayonnement de la ville, n’y résonne plus. Dans un élan d’espoir, un automate décide de faire revenir l’orchestre légendaire, à même d’insuffler de nouveau la vie à Symphonia. Il parvient alors à retrouver Philémon, le meilleur violoniste de la ville et le personnage que nous contrôlons. Notre mission est donc claire : retrouver les autres membres de l’orchestre afin de pleinement raviver la flamme de la cité.
Pour y arriver, Philémon va devoir traverser les différentes régions de Symphonia, équipé de son instrument comme seul outil. Il n’aura de toute façon pas besoin d’autre chose car l’aventure que nous vivons à ses côtés se veut pacifiste. Le titre de Sunny Peak mise à fond sur le gameplay plateforme sans avoir aucun ennemi à battre. Ainsi, grâce à son violon, et plus précisément son archet, Philémon dispose d’une certaine liberté de mouvement.
Il peut déjà s’élever dans les airs en tapant l’archet sur le sol au bon moment. Action qui, répétée tout en avançant, nous fait accélérer. Ensuite, notre prodige est en mesure de planter son archet dans des coussins de velours afin de se propulser dans la direction voulue. Puis, finalement, c’est évidemment la musique qui s’invite en permettant à Philémon d’ouvrir des portes et de déclencher des mécanismes en jouant quelques notes.
Cette palette de mouvements, assez réduite au départ, fait rapidement preuve d’une étonnante exigence à laquelle s’invitent, au choix, sensations grisantes et frustration. Des sensations amplifiées à mesure que l’on débloque en progressant quelques actions supplémentaires pour Philémon. Le mapping des touches, modifiable, précisons-le bien, et la succession de sauts et de mouvements causent assez régulièrement des nœuds aux doigts (et des bugs cérébraux). Confondre la touche pour se laisser tomber avec celle du saut, une fois cramponnée à un coussin, a pu arriver maintes fois, causant des morts assez bêtes.
Surtout que le jeu fonctionne par un système de salles où le checkpoint se situe au début de chacune d’entre elles. Le moindre contact avec un obstacle dangereux entraîne une mort, donc recommencer s’avère fréquent. Symphonia dévoile alors un visage die’n retry assez insoupçonné de prime abord, pour être honnête. Une certaine acclimatation avec le gameplay est donc nécessaire, confirmant, il est vrai, que certains passages seront moins amusants que d’autres à traverser lorsqu’ils sont davantage propices à nous faire enchaîner les morts. En revanche, une fois bien en main, cette approche intéressante du platforming, à défaut d’être révolutionnaire, procure de très bonnes sensations aux amatrices et amateurs de challenge.
Des surprises jusqu’en coulisses
On l’a dit, en avançant au sein des différentes régions de Symphonia, Philémon apprendra d’autres mouvements. Sans trop dire lesquels, étant donné que le jeu est assez court, retenez qu’une fois obtenus dans leur intégralité, la retraversée du jeu s’impose. En effet, aux côtés d’une composante die’n retry, le metroidvania s’invite également au tableau. Chaque première traversée d’une nouvelle région ne peut pas être terminée à 100%, la faute à des coussins inaccessibles ou des corniches inatteignables pour l’heure. Un deuil qu’il est assez facile à faire en général pour un complétionniste lâché dans un metroidvania, sauf qu’ici, on met au moins une bonne heure avant d’abandonner l’acharnement déployé pour récupérer ces deux-trois collectibles que l’on peut pourtant presque toucher du bout des doigts.
La responsabilité incombe notamment à la gestion particulière des paramètres d’accessibilité de Symphonia. Généralement, on rencontre des jeux qui proposent d’emblée des modificateurs de gameplay permettant d’assouplir (ou durcir) la difficulté. On a aussi vu l’exemple d’un Sea of Stars qui passe subtilement par l’activation de certaines reliques achetées en magasin. Là, les modificateurs se déverrouillent par la récupération de gouttes de mémoires. Le souci, c’est que ces collectibles s’obtiennent au bout de séquences plus ou moins ardues de plateforme, prenant place dans des salles cachées.
Pour faire simple, si l’on souhaite se faciliter la vie, il faut d’abord réussir les challenges les plus durs du jeu. Une exploitation assez étonnante de l’accessibilité bien que, tout de même, on puisse hériter très tôt d’un double saut. La bonne nouvelle, c’est que tout modificateur de gameplay débloqué sur un fichier de sauvegarde peut être utilisé de base sur les deux autres. Mais dans le cadre d’une première partie, la confusion se crée légèrement, au départ, entre les mouvements ajoutés en surcouche pour donner un coup de pouce et ceux que l’on est censé obtenir naturellement via la route principale. Un doute clarifié durant l’exploration du deuxième biome et l’obtention du premier « pouvoir ».
Quel que soit votre choix dans cette gestion de l’accessibilité, toujours est-il que les collectibles nécessitent ce fameux deuxième passage, une fois équipé des mouvements acquis au fil de l’histoire, pour être tous récupérés. Les pièces de notes de musique sont les plus fréquentes et, à la manière d’un Rayman Origins ou un Prince of Persia: The Lost Crown, on doit poser le pied sur une surface sécurisée pour officialiser leur acquisition. La plupart du temps, elles valident la réussite d’une exécution un peu corsée de notre part. Les collecter dans leur intégralité amènera d’ailleurs vos oreilles à vous remercier…
L’autre catégorie de collectibles s’avère un peu plus discrète et nous demandera d’observer précisément le décor pour purifier des petits éléments frappés par une sorte de corruption couleur encre. Vous vous en doutez peut-être, c’est en jouant de la musique que l’on y parvient, et la récompense obtenue est agréable puisque l’aura dessinée autour de Philémon pendant qu’il joue sera de plus en plus belle. Ou comment insister encore davantage sur la dimension artistique, l’immense force de Symphonia.
Un univers canon…
Si l’on s’est attardé en premier lieu sur ce que le titre de Sunny Peak nous livre manette en main, avec comme constat global de se révéler tout à fait satisfaisant pour les fans du genre, c’est sans aucun doute son univers qui brille le plus. Pas besoin de jouer plus de deux minutes avant d’être scotché sur place par le jeu. Quasi chaque instant est ponctué d’émerveillement. Déjà envoûtant par ses décors, absolument somptueux tout en se permettant d’être parfaitement distincts d’une région à l’autre, la musique vient ponctuer l’action d’une prestation impeccable. Enregistré au Scoring Orchestra of Paris, la bande-son se savoure tout du long, nous installant alors au premier rang de ce qui se révèle être un concert animé, avec toutes les émotions que cela implique.
Une grâce également symbolisée par les animations de Philémon. Main dans le dos tenant l’archet, le prodige affiche son élégance dans ses mouvements au sol ou aériens, faisant même virevolter sa queue de pie à chaque demi-tour effectué. Autre petit détail agréable, en se déplaçant, Philémon laisse derrière lui une traînée représentant les lignes de la portée composant une partition. Définitivement, le thème de la musique s’exprime jusque dans ses manifestations les plus subtiles.
Nous avons toutefois envie d’exprimer un regret, que l’on peut facilement classer au rang de chipotage, on vous le concède. À notre sens, le génie de Symphonia aurait pu atteindre un autre stade en imbriquant davantage sa musique dans la mise en scène globale. Des séquences au cours desquelles des plateformes ou des obstacles bougent ou apparaissent et disparaissent au rythme des instruments aurait donné davantage de corps à l’ADN musical du jeu. Si vous avez joué à Rayman Origins vous comprendrez. Maintenant, cela mis de côté, nous plongeons tout de même sans peine dans cet univers intrigant et complètement dépaysant.
Une gigantesque serre, des champs de cordes à perte de vue, un luxueux palais et tout un tas de petits bonshommes mécaniques à l’œuvre dépeignent la créativité artistique de cette grande cité aux premiers et aux arrières plans ne manquant pas de vie. S’en dégage un esprit qui rappelle celui d’un court-métrage d’animation fait avec amour. Une autre raison à cela concerne le mystère laissé quasi intact quant à la vie au sein de Symphonia, et ce du début jusqu’à la fin de l’aventure.
Aucun dialogue, très peu d’informations et d’interactions avec d’autres personnages, Sunny Peak fait le choix de nous laisser simplement profiter de notre traversée mélodieuse, et de confier le passé ou encore le quotidien de cette cité si attrayante à notre imagination. En comprenant tout à fait une telle décision, laquelle porte ses fruits, on reste quand même un poil déçu de ne pas avoir plus d’éléments à se mettre sous la dent.
… qui invite au rappel
Une sensation dont la courte durée du titre, atteignant les trois-quatre heures en ligne droite, viendra peut-être enfoncer le clou, frustrant une partie du public. De notre côté, nous considérons cette longueur adéquate eu égard à ce que le jeu est capable de nous offrir manette en main. Surtout qu’il est à noter que de la rejouabilité est prévue par l’équipe de développement
Premièrement, il y a la fameuse chasse aux collectibles, qui vous occupera une à deux heures de plus. Ensuite, terminer le jeu débloque le mode Poursuite. Ce mode nous invite à retraverser le jeu sauf que, cette fois, une ombre maléfique reproduit nos moindres faits et gestes, avec un délai. Une composante qui nous rappelle parmi tant d’autres Celeste ou encore, et on vous le donne en mille, Rayman Legends (oui, quand les deux derniers Rayman 2D sont des références absolues, difficile de ne pas les citer).
Ce petit stress supplémentaire nous pousse alors à aborder certaines salles d’une manière différente, ce qui nous donne un mode plutôt sympathique. Dans la même idée, un mode Hardcore est aussi disponible après avoir été suffisamment assidu dans la récupération de collectibles. Des vies limitées rechargées uniquement à des points passages relativement éloignés les uns des autres, là aussi le challenge est au rendez-vous.
Enfin, Symphonia dispose d’un chronomètre affichable pour pourquoi pas tenter de finir l’aventure en moins de deux heures, un des succès/trophées du jeu. Vu ce que permet le gameplay une fois bien maîtrisé, et en considérant le format de cette aventure, nul doute qu’une petite communauté de runners et de runneuses va pouvoir se constituer. Nous ne serions d’ailleurs pas surpris de le voir à une édition de Speedons.
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