C’est en partant du postulat qu’il n’y a pas de remède miracle contre la mort, ni contre la tristesse ou encore le deuil que Surgent Studios (mené par Abubakar Salim) a élaboré son tout premier jeu, Tales of Kenzera: ZAU. Celui-ci sort ce 23 avril sur PC, PlayStation 5, Xbox Series X/S et Nintendo Switch, au prix de 19,99€, tout en étant directement inclus dans le PlayStation Plus Extra et Premium dès sa sortie. En prenant le temps de décortiquer les étapes de la reconstruction suivant la perte d’un être cher, les équipes du jeune studio ont su transposer dans l’histoire du jeune chaman Zau les efforts colossaux que doit accomplir l’être humain pour traverser ce genre d’épreuves et en ressortir encore plus fort. Une genèse d’un projet sur lequel nous avions pu apprendre beaucoup il y a de cela quelques semaines. Suite à la perte de son père tant adoré, le jeune Zuberi se voit transporter dans le monde de Kenzera suivant les aventures inventées par son père, d’un jeune homme en proie à la mélancolie et aux doutes, dont le seul but est de tenter de ramener son cher Baba à la vie, quoi qu’il en coûte. Une épopée à travers les terres kenzariennes dont vous ne ressortirez pas forcément indemne.
Conditions de test : Nous avons arpenté les terres sacrées de Kenzera durant plus de 14h, le temps de terminer l’histoire principale et d’accomplir les objectifs annexes à 100%, décrochant le Platine sur PlayStation 5. Pour conserver le caractère très narratif de l’aventure proposée par Surgent Studios, nous vous garantissons ce test sans spoiler narratif majeur.
Sommaire
ToggleL’héritage d’un père
Aux prémices de ce projet, on retrouve son créateur principal, Abubakar Salim. Cet acteur britannique, notamment aperçu dans des séries comme Jamestown et Raised by Wolves ou prochainement dans la deuxième saison de House of The Dragon, a également prêté ses traits et sa voix à un certain Bayek dans Assassin’s Creed Origins, lui ayant permis d’obtenir une nomination aux BAFTA pour sa performance. L’homme raconte d’ailleurs une partie de son histoire dans un court-métrage disponible sur internet, que nous avions eu la chance de découvrir en avance pour la délivrance de ce test. Un hommage plein d’émotions que nous vous conseillons de regarder dès que possible.
L’homme ayant été profondément marqué par la perte subite de son père, il a souhaité dépeindre une partie de son histoire dans son premier jeu vidéo. L’histoire d’un jeune homme, Zuberi, devant vivre avec le deuil très récent d’un père aimant. Pour l’aider à traverser cette période très difficile, sa mère, nommée Mama dans le jeu, lui remet un livre, un ouvrage écrit par son Baba racontant l’histoire d’un jeune chaman en quête de sa propre identité mais aussi du Dieu de la mort, Kalunga, pour ramener à la vie son père disparu.
Aux commandes du jeune chaman d’Amandla, Zau, nous allons devoir traverser toutes les étapes de ce deuil par la libération de trois grands esprits ayant résisté au Dieu de la mort, dans l’optique d’accéder à la résurrection de notre Baba comme promis par l’esprit divin. Ce sera l’occasion pour le jeune Zau de prendre conscience de ses facultés mais aussi d’exprimer à de multiples reprises, le manque suite à la perte d’un proche et les solutions pour vivre avec, ou du moins sans. C’est en se plongeant dans cette histoire au départ mélancolique que l’on prend toute la mesure de la force émotionnelle dégagée tout au fil de l’histoire de Tales of Kenzera: ZAU. Pour cela, une seule façon : traverser les terres sacrées du royaume de Kenzera dans un méli-mélo de genres vidéoludiques extrêmement bien ficelé, constamment empreint des rites et légendes bantoues.
Un mélange des genres étonnant…
Qualifié à renfort de communication comme un metroidvania dans l’âme, Tales of Kenzera: ZAU n’en est pas tout à fait un finalement. En se projetant dans un des points un poil décevant du titre, nous pouvons par exemple plutôt préciser que la structure jeu est tout sauf labyrinthique et propose même une approche très linéaire durant l’entièreté de son déroulement, se rapprochant davantage d’un plus classique jeu d’action-aventure-plateforme.
Vous rencontrerez de multiples paysages différents, dédiés à un grand esprit de Kenzera en particulier, mais une fois une portion achevée, il ne vous sera pas demandé d’y retourner pour compléter une nouvelle partie jusqu’alors inaccessible, hormis un rare collectable par exemple. Nous avons trouvé cela dommage et allant à l’encontre du principe même des jeux de type metroidvania, vous demandant de revenir parfois dans une zone du début du jeu pour poursuivre grâce à une nouvelle compétence. Ici, ladite compétence sera souvent débloquée suite à une phase de plateforme et de combat en début de zone pour ensuite poursuivre et parvenir jusqu’au boss final, avec des variations dans l’approche selon les zones bien entendu.
Et au demeurant, chaque zone dispose d’une structure assez identique au final, puisque vous demandant d’alterner phases de plateforme (parfois assez relevées) et phases de combat contre des vagues d’ennemis de types divers, dans des arènes fermées facilement reconnaissables par leurs structures érigées à l’intérieur, rendant l’ensemble proche d’un beat’em all finalement. À noter que pour vous aider, vous débloquerez au fil de votre aventure des compétences complémentaires, comme la Lance d’Akida vous permettant d’activer des cibles à distance ou détruire des ennemis, ou encore l’Aile de Kabili vous permettant de planer et atteindre des zones plus éloignées tandis que vous pourrez utiliser des accroches en lévitation pour vous propulser et suivre la direction voulue par celles-ci.
Un mélange des genres détonnant, qui fonctionne assurément, mais qui pourra décevoir les joueurs et joueuses qui s’attendaient à devoir plus rechercher, mener leur enquête, ou se souvenir d’un point précis jusqu’alors bloqué. Il n’en est rien, donc, dans Tales of Kenzera: ZAU, qui vous guidera tout du long via des objectifs notés à l’écran et sur une carte détaillée, dont on regrettera d’ailleurs qu’elle soit dévoilée par zone entière et non pas au fil de l’exploration. D’autant plus que l’aventure s’avère finalement assez courte et sans trop de chemins annexes à parcourir.
Un contenu solide mais inégal
Effectivement, au total, l’aventure proposée par Surgent Studios se compose de 4 actes narratifs, chacun dédié à un grand esprit de Kenzera et un dernier à l’épilogue de cette histoire. D’une durée totale d’environ 10h en ligne droite, le titre vous demandera environ 15h pour être bouclé à 100% si vous jouez en difficulté normale (un mode plus simple est proposé, rendant les affrontements plus abordables). Une épopée courte, plus ramassée qu’un Prince of Persia: The Lost Crown lui ressemblant plutôt pas mal dans sa structure globale. Une aventure plus digeste aussi, allant droit au but et ne s’éparpillant pas dans de multiples chemins annexes, et donc oubliables.
Cela constitue à la fois une force mais aussi une faiblesse pour cette nouvelle itération signée EA Originals. Effectivement, bien que l’aventure se suive avec envie et plaisir, tous les à-côtés demeurent ainsi presque anecdotiques (une cinquantaine d’objets répartis en quelques genres sont à récupérer en tout et pour tout), rendant la poursuite du jeu suite aux crédits de fin quasi-inexistante et une nouvelle partie dispensable, hormis pour le plaisir, sans New game + disponible à date.
Parmi ces objectifs annexes, on retrouvera notamment la possibilité de récupérer des bibelots, une grosse dizaine au total, souvent situés à la fin d’épreuves d’agilité corsées et retorses pour la plupart, rajoutant un certain challenge déjà globalement assez présent dans certaines phases de combat ou de plateforme (voir plus bas). Vous trouverez également des échos, qui sont des enregistrements audio de votre Baba, narrant des spécificités de la vie ou des peuples de Kenzera.
Ajoutons à cela des baobabs servant de points de méditation pour obtenir jusqu’à 6 incréments de vie supplémentaires, tandis que les rituels d’esprits vous demanderont de survivre à trois gigantesques vagues d’ennemis pour débloquer des segments d’esprit (vos pouvoirs en quelque sorte), ou encore des emplacements pour bibelots supplémentaires.
Ces bibelots sont en fait des avantages passifs que vous pourrez utiliser en jeu, de 1 à 4 en simultané, et que vous pourrez équiper dans des établis éparpillés un peu partout sur la carte – presque même mieux répartis que les feux de camp permettant un voyage rapide, trop dispersés malheureusement – afin de varier vos approches. Dans les faits, cette fonctionnalité est très utile et permet de gagner de l’Ulogi (votre énergie en quelque sorte), ou encore d’augmenter vos impacts en combats, mais le fait est que, durant notre partie, nous avons parfois oublié de les changer ou d’en ajouter de nouveaux, sans grands changements notables.
De forêts luxuriantes en terres volcaniques, l’épopée est parfois rude mais juste
Mais ce qui fait le sel du gameplay de Tales of Kenzera: ZAU, ce sont ses fantastiques masques de chaman, un masque du Soleil et un masque de la Lune, obtenus par Zau de la part de son père. Ces masques légendaires, permettent à celui qui les porte, d’être doté de pouvoirs uniques. Le masque de la Lune permet des approches plus à distance en lançant des projectiles glacés, tandis que le masque du Soleil demande une approche beaucoup plus au contact, avec la délivrance de coups simples ou lourds si vous utilisez la touche dédiée.
Ces masques sont ainsi complémentaires et le seront tout au long de votre aventure, plus que vous ne le croyez. Il vous faudra sans arrêt valser entre les deux, telle une danse du Soleil et de la Lune, grâce à la pression d’une gâchette permettant l’échange instantané entre les deux astres. Chacun de ces masques dispose également d’attaques spéciales, obtenues au fil de l’aventure, allant de projectiles surpuissants, brûlant ou glaçant vos ennemis (en visant correctement tout en bougeant en combat) à de véritables tempêtes de braises ou glaciales tuant de nombreux ennemis au passage.
Ces attaques se rechargent spontanément avec le temps ou en accumulant de l’Ulogi, permettant à la fois le déclenchement des puissantes attaques mais aussi le rétablissement d’une jauge de vie qui descend incroyablement vite, dans les premières heures du moins, jusqu’à ce que vous trouviez suffisamment de baobabs augmentant votre jauge. Rassurez-vous, le jeu ne se cache pas derrière des mécaniques de Souls-like, mais il nous faut avouer que certaines phases nous ont donné sacrément du fil à retordre, d’autant plus que certains checkpoints sont assez mal placés.
Prenons l’exemple de la séquence incluant le troisième boss de l’aventure, suivie de sa séquence de plateforme millimétrée où la moindre erreur vous renvoie à la case départ dans d’atroces souffrances. Il nous aura fallu plus d’une soixantaine d’essais pour réussir à passer cette phase, sûrement la plus retorse du jeu, comme nous avons pu le constater auprès de divers confrères. Et ce genre de séquence n’est pas isolée puisque nous avons dû en traverser plusieurs durant notre épopée, que ce soit dans le déroulement principal mais aussi dans les contenus annexes – ces séquences suscitées de récupération de bibelots – mais aussi durant des combats de boss où perdre dans le dernier pourcent de vie de votre ennemi engendrera de réelles et bonnes frustrations.
À noter également la présence d’ennemis aux boucliers spirituels, nécessitant obligatoirement de les attaquer avec la bonne « couleur » représentée sur leur costume ou la barre de vie au-dessus de leur tête, et d’enchaîner avec des attaques plus classiques dans la foulée avant que ceux-ci ne récupèrent leur bouclier au bout d’un certain temps. L’occasion parfaite pour challenger encore davantage les joueurs et joueuses qui devront encore plus miser sur l’alternance de leurs pouvoirs pour triompher. Pour vous aider, des compétences seront à allouer au sein de deux arbres dédiés aux masques, débloquant de nouveaux pouvoirs ou en améliorant d’autres, solidifiant davantage encore un gameplay déjà bien technique et parfaitement huilé.
Un passage de flambeau unique, onirique, musical et coloré
Heureusement, pour nous faire un peu « oublier » toutes ces spécificités ludiques, les développeurs de Surgent Studios ont su magnifier leurs créations artistiques, allant de décors enchanteurs, remplis de détails à l’écran, au sein de forêts denses et dangereuses de la région de Kivuli, aux terres arides et volcaniques du Mont Itshoka en passant par la ville montagneuse d’Ikakaramba, le tout en 2.5D. En aparté, ne cachons pas notre petite déception sur l’absence de réelle séquence de jeu (hormis quelques minutes) dans la ville native de Zuberi, Amani, qui aurait pu apporter une pause bienvenue dans l’aventure de Zau. Autrement, chaque zone est très fortement inspirée et indépendante artistiquement parlant, pour un festival de couleurs s’alliant parfaitement aux effets visuels entourant l’intégralité des mouvements en déplacement ou en combat de Zau.
Tout ceci ne serait finalement pas grand-chose sans la magnificence apportée par la bande originale du titre, composée par la multi-récompensée Nainita Desai. Un ensemble de musiques et bruitages inspirés des traditions musicales africaines, composé d’éléments orchestraux plus classiques associés à des instruments africains traditionnels, le tout sublimé par des chœurs qui pourront parfois vous filer quelques frissons. L’occasion de préciser ici que le jeu ne dispose pas de voix en français mais uniquement en anglais et en swahili, langue que nous avons préféré et de très loin pour plus d’immersion dans le monde Kenzera.
Un ensemble solide graphiquement et musicalement parlant, mais aussi techniquement puisque nous n’avons pas été confrontés à des bugs en particulier, si ce n’est celui permettant le déblocage du trophée Platine sur PlayStation, celui-ci ayant nécessité de rejouer une partie du dernier acte du jeu, entre le point de non-retour de l’histoire et le combat final pour le débloquer. Nous avons également connu quelques rares arrêts de notre personnage en sortant du menu, demandant de lâcher la touche de déplacement avant de la retoucher, mais cela a été réglé via le patch day one déployé quelques jours avant ce test final.
L’occasion d’aborder un des points qui fera le plus parler concernant Tales of Kenzera: ZAU : ses imprécisions. Entre des hit boxes parfois aléatoires, ses thèmes abordés de manière incomplète, la gestion de son exploration pas assez poussée, ses checkpoints erratiques vous obligeant à retraverser parfois des séquences entières nous l’avons vu, le jeu accuse un certain retard dans son exécution et montre un manque de polish qui aurait gagné à être davantage soigné.
Une œuvre malgré tout solide techniquement parlant, en tout cas en ce qui concerne la PlayStation 5, ce qui est très encourageant pour un jeune studio indépendant. Mentionnons enfin la présence de deux modes, qualité et performance (nous avons opté pour ce dernier sans hésitation tant cela nous a été utile lors de séquences ardues) et une utilisation assez sommaire de la DualSense (dommage), mais des temps de chargement quasi-instantanés, ce qui a facilité l’enchaînement de nos terribles échecs dans les parties les plus difficiles du titre, il faut le saluer.
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