Trente ans de coups et combos à rallonges, de conflits familiaux interminables où l’on balance sa némésis au cœur d’un volcan. Trente ans d’expérience acquise par des équipes qui n’ont cessé de peaufiner une recette parvenue à faire ses preuves en alliant richesse de gameplay et exploitation du lore. Et ce dès sa naissance en 1994, grande année pour les jeux de combat, suivant les pas du pionnier de la 3D Virtua Fighter, et devançant DOA, Bloody Roar ou SoulCalibur sérieux et fiers représentants du genre et d’une époque.
Pourtant, le temps file et les rivaux vont, petit à petit, disparaître du paysage, désertant un ring délaissé à la licence d’Harada. Dans ce contexte de monopole, sept ans après la sortie du précédent volet, Tekken 8 déboule enfin et doit composer avec les attentes de fans, ainsi que la responsabilité d’une 3D qu’il est le seul à porter sur ses épaules. Si les équipes pouvaient se reposer sur leurs lauriers, il n’en sera rien ici, bien au contraire. A l’écoute de leur communauté, les développeurs ont pris en compte certaines critiques émises à l’encontre de Tekken 7, sur le online comme sur le gameplay, bien décidés à surpasser un épisode vendu à plus de 10 millions d’exemplaires, record pour la franchise.
Attendu de poings fermes, Tekken 8 doit succéder à un volet ayant su tenir sur la durée, et apprivoiser un public alors même que la licence est reconnue pour sa complexité. Attendez-vous donc à du grand spectacle et des combats aussi explosifs qu’agressifs. L’agressivité étant le maître mot de cet opus, mais pas que, le soft réservant quelques surprises. Pour démarrer avec quelques notions, n’hésitez pas à visionner la vidéo explicative de TheMainManSWE disponible sur la chaîne Youtube de Bandai Namco.
Conditions de test : Nous avons joué sur PS5 pendant un peu plus de 30 heures, suffisant pour terminer l’ensemble du contenu solo. Cependant, nous n’avons pas pu profiter pleinement du online et ne nous ne pourrons pas spoiler l’histoire au-delà du chapitre 4 ni aborder les scénarios personnages.
Sommaire
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« Heihachi Mishima is dead« . Ces mots prononcés par Raven lors de la cinématique d’intro de Tekken 5 sont aujourd’hui lourds de sens. Kazuya, le fils « maudit », s’est vengé de son géniteur et se retrouve seul sur le toit du monde, aveuglé par la haine et une soif exagérée de pouvoir. Il devra être stoppé au risque de plonger le monde dans le chaos et la violence. Forcément, cette mission incombe au torturé Jin qui va devoir se préparer à vivre un combat dantesque contre son pire ennemi, avec l’espoir de se débarrasser définitivement du gêne démoniaque, les chaînes qui l’entravent depuis une vingtaine d’années.
Poursuivant l’approche du précédent volet, Tekken 8 se montre plus ambitieux narrativement avec une histoire maintenant entièrement réalisée en cinématiques. Divisée en une petite dizaine de chapitres, nous y contrôlons principalement Jin même si l’occasion de jouer plusieurs personnages se fera bel et bien. Qu’on se le dise, Bandai s’est donné les moyens de ses ambitions. En termes de rendu visuel, nous avons des scènes plutôt impressionnantes, sans parler des relents « dragonballesques », en témoigne le premier chapitre annonçant la couleur prise par ce Tekken 8.
De surcroît, le rythme soutenu de l’intrigue ne laisse pas le temps de s’ennuyer. Le seul véritable bémol reste la durée, plus courte que dans Mortal Kombat 1, l’histoire passe trop rapidement pour prendre le temps d’honorer convenablement les personnages secondaires. Or, nous aurions apprécié que le récit se pose davantage en leur compagnie, peu importe les rôles plus ou moins importants. Parce que Jin ne triomphera certainement pas seul de cet affrontement qui le dépasse et qui prend racine dans un lointain passé. La licence a au moins le mérite de rester fidèle à elle-même.
Le sérieux des enjeux et l’émotion se mêlent assez bien à l’absurde de cet univers, nos pensées allant aux irrécupérables Paul et Kuma qui n’en manquent pas une pour faire n’importe quoi. Nous retrouvons aussi deux ou trois fulgurances notables au gré des chapitres, dont une séquence introspective inspirée sur le fond et la forme, entre autres choses. Nous vous laissons le plaisir de découverte. Paradoxalement, si ce mode histoire se veut ambitieux et mieux maîtrisé que chez son aîné, les fulgurances mentionnées laissent une légère frustration. Il y avait matière à aller encore plus loin et de rallonger l’expérience, mais nous en demandons peut-être un peu trop.
Budokai Tekkenchi
Ce soin apporté à l’aspect narratif du soft, une habitude dans Tekken, s’accompagne du retour attendu des cinématiques spécifiques à chaque combattant, et toujours avec le ton que l’on connaît. Impossible d’en dire plus, mais sachez que cela fonctionne un peu comme le mode Arcade basique des anciens opus, hormis T7. A la différence que Tekken 8 embarque également ledit mode Arcade, malgré l’absence de récompense à la clé, et donc d’intérêt discutable. Ce qui est sûr par contre, c’est que l’ajout est appréciable et fait sens dans l’exploitation du lore et la caractérisation des personnages. Nous reviendrons sur ce point un peu plus tard.
Pour continuer sur le contenu solo, le constat est globalement mitigé. Pas de mode survie à l’horizon, ni de Tekken Force, bien que l’espoir d’un retour en DLC à l’avenir reste permis, croisons les doigts. En revanche, le culte Tekken Ball apparu dans Tekken 3 fait son retour et promet de bons délires entre potes, en local ou en ligne. Que dire de plus si ce n’est que c’est le genre de supplément qui fait son petit effet, de quoi varier les plaisirs. Ce qui reste de contenu va regrouper la partie goodies avec les illustrations, un récapitulatif du scénario des épisodes précédents de la licence, ainsi que la possibilité de revisionner les cinématiques de personnages préalablement débloquées.
Du déjà vu sur T7, bien que ce dernier disposait de l’ensemble des cinématiques de tous les jeux. Dommage. En revanche, le jukebox est bien là, pour le plaisir des oreilles. Les derniers opus tiraient un peu trop sur l’électro, Tekken 8 continue lui aussi mais renoue en même temps avec les compositions plus mélodieuses et singulières qui berçaient les premiers volets. L’électro reste hégémonique, cela dit, l’utilisation de sample provenant de musiques emblématiques titille intelligemment la fibre nostalgique et les instruments plus conventionnels trouvent plus aisément leur place dans l’OST, pour un meilleur résultat.
Quelques mots sur la personnalisation qui fera des heureux. Suite logique des choses, on retrouve suffisamment de choix pour habiller ses persos préférés en plus d’améliorations satisfaisantes. Il est maintenant possible, pour les accessoires, de les déplacer sur certaines parties du corps (c’est tout de même limité) et d’en changer la taille. Dans le même ordre d’idée, le jeu est plus souple dans l’expérimentation et l’assemblage de vêtements. Nous regrettons la présence de cosmétiques repris du septième épisode, bien que certains soient bienvenus. Et puis, le contenu risque de s’étoffer par la suite.
Harcèlement
Ces efforts pour que les joueurs, joueuses fassent ressortir leurs personnalités et leurs goûts au travers de la customisation vont aussi se retrouver en ligne avec notre avatar. Mode en ligne qui a lui aussi subi une refonte, particulièrement ergonomique. Lobby revu et plus accueillant avec les avatars, une habitude récente dans le Versus Fighting, mais aussi et surtout l’implémentation du rollback et du cross-plateforme. Espérons que l’on oublie vite les travers de T7 en ligne. Bandai Namco est conscient de l’importance du online et de la scène esport, de fait, le soft essaie de nous tendre la main pour se lancer.
Cela se ressent avec le gros morceau qu’est le mode Quête Arcade qui, en gros, remplace l’ancien mode « Combat aux trésors » dans lequel on affrontait l’I.A dans des combats de rangs de plus en plus difficiles, glanant monnaies et cosmétiques au passages. La plus value ici, c’est l’enrobage esthétique. Après avoir créé son avatar, nous visitons plusieurs salles d’arcade pour combattre pléthore d’adversaires de niveaux variés. L’objectif principal étant d’accéder au fameux Tekken World Tour et de soulever le trophée de champion virtuellement. Tentative appréciable des studios de nous proposer un mode un minimum scénarisé, l’écriture et le storytelling proposés n’ont pas grand intérêt.
On sent l’hommage aux salles d’arcade et l’envie de rappeler l’importance des compétitions offline, de la communauté, du contact humain. Ce n’est pas pour rien si Tekken 8 va totalement se concentrer sur les compétitions offline pour son circuit professionnel. En outre, le Quête Arcade est aussi idéal pour se familiariser avec les bases du jeu, des tutos clairs sont là pour aider. A terme, l’avatar d’Harada pourra même être défié, l’I.A reprenant son style de jeu. Il suffit de regarder les vidéos de combat du monsieur sur YouTube puis comparer pour s’en convaincre. Il s’agit en fait d’un ghost, la mécanique phare de T8.
Sans être une réelle nouveauté, SoulCalibur et Killer Instinct usaient déjà de cette fonctionnalité, Bandai Namco va plus loin. Nous pouvons déjà confirmer que la fonctionnalité est addictive et que que l’I.A progresse à un rythme satisfaisant. De plus, après avoir engrangé suffisamment d’expérience en combat, notre ghost sera téléchargé sur les serveurs en ligne. Ainsi, joueurs, joueuses du monde entier pourront l’affronter, tandis que nous pourrons nous mesurer à celui des autres. Faut-il vraiment s’étendre sur l’intérêt et la réussite apparente de la mécanique ? Ce test s’éterniserait et, à l’instar du gameplay et de l’équilibrage, il faut du temps et des expérimentations afin de pleinement appréhender la chose.
Big Boss
Un outil pour progresser efficacement, même hors ligne, est de défier son propre ghost ou celui d’inconnus. En parlant d’apprentissage, Tekken 8 fait des efforts pour s’ouvrir aux néophytes. Quand bien même le gameplay est de plus en plus riche et la courbe de progression est démentielle, l’accessibilité n’aura jamais été aussi marquée dans la franchise. Dans les grandes lignes, nous sommes dans la continuité de Tekken 7. Pas mal de paramétrages sont permis, il y a des exemples d’enchaînement et des sessions concentrées sur la punition. Cependant, apparaissent maintenant les défis combos pour tous les personnages, en plus d’informations supplémentaires dans la liste de coups.
La franchise est connue pour ses secrets bien gardés, autant sur des mouvements que des coups, parfois très importants. En faisant le choix de la transparence, Tekken 8 prouve sa bonne volonté. Réduction des déplacements, combos moins exigeants dans l’exécution, sans pour autant devenir simples non plus, une option de touches simplifiées et un mapping de touches plus libre afin de passer outre certaines exécutions complexes… Malgré tout, c’est bien l’exécution complexe qui sera récompensée, même si, au moins, n’importe qui pourra atteindre un niveau de jeu décent. A terme, la dextérité s’affine.
Personne n’est mis de côté sur T8. Un souci de cohérence d’un point de vue équilibrage, la terreur Akuma dans le volet précédent n’en demeurait pas moins difficile à manier. A bas niveau, en ligne, vous n’en croisiez quasi jamais. Les développeur se sont aussi démenés sur le confort de jeu, des petites attentions pertinentes comme la sélection rapide ou les paramètres pour ajuster les effets de lumières du titre. Il faut dire qu’entre les auras et la myriade d’effets de particules, l’écran est assez surchargé. La sobriété d’antan manque, mais on s’en accoutume, puis la lisibilité n’en souffre pas tant.
C’est au service de la dimension grand spectacle du soft. Outre la pyrotechnie, les arènes sont superbes et le soin apporté aux animations, nous le disions plus haut, donne de la personnalité au roster. En effet, la caractérisation passe par plusieurs éléments, l’écriture évidemment, mais aussi les visuels. La personnalité d’un perso s’exprimant physiquement par sa gestuelle, son style de combat et ses coups. Sur ce point, les graphismes et le travail sur les animations sont primordiaux, et Tekken 8 passe un cap significatif. La refonte globale du jeu sous Unreal Engine 5 fait des merveilles. L’entièreté du casting profite déjà d’un chara design convaincant, mais les animations subliment le rendu.
Asteroid City
Simple mimique ou nouveaux coups, le résultat fait sens à l’écran. La gestuelle de Steve et sa nouvelle stance empruntant à Mohamed Ali ou encore les grimaces de Law le rapprochant toujours plus du Petit Dragon, Azucena et ses pas de breakdance, etc. Tekken 8, c’est le soucis du détail avec des personnages uniques et sans doublon malgré 32 combattants. Et que seraient des combats dignes sans des arènes de qualité. Le peu de stages présents au lancement – d’autant que deux d’entres eux ne sont que des variantes – n’enlève en rien la réussite de ces derniers, visuellement au top.
A l’instar de Tekken 3 qui était une claque visuelle à sa sortie, Tekken 8 laisse une trace sur la rétine. Seule ombre au tableau, le relatif downgrade visible, en comparaison des premiers trailers époustouflants, sans doute par soucis de framerate. Et ça ne lésine d’ailleurs pas non plus sur les ralentis, peut-être un poil trop ? A chacun d’en juger. Cela étant dit, nous ne pouvons nier que ça envoie et ne laisse pas indifférent. Quid de la bagarre dans tout ça ? Un régal tout simplement. Bandai Namco n’a cessé de vouloir améliorer sa formule. Au vu du résultat aujourd’hui, tout porte à croire que nous sommes devant le gameplay le plus abouti de la saga. La pléthore d’actions possibles prend une autre dimension avec le Heat System qui modifie les propriétés de certains coups en plus de rallonger les combos aussi impressionnants que dévastateurs.
Nous gagnons en expressivité personnelle et il semble il y avoir davantage de routes de combos qu’auparavant. Par contre, le soft mise tout sur l’attaque et l’agressivité, le Heat System allant dans ce sens. Car le Heat introduit aussi le grignotage de points de vie modélisé par une seconde jauge de couleur différente. Attaquer sans relâche permettra alors de régénérer ladite jauge. La finalité étant d’empêcher les comportements passifs et défensifs. Nous n’allons pas faire un cours sur Tekken, mais disons qu’ouvrir la garde est plus aisé dans T8. La défense n’est pas éclipsée, elle prend une autre forme, misant sur les esquives, la Rage Art et les coups armors.
En effet, ces derniers absorbent les dégâts d’une attaque adverse pour punir l’excès d’agressivité. Un moyen de rappeler qu’en tant que jeu 3D les déplacements et esquives sont essentiels. La connaissance du terrain ne doit pas non plus être sous-estimée, de surcroît avec l’abandon des stages sans murs. Terminé les backdash à l’infini, maintenant les arènes sont fermées et murées, n’attendant qu’à s’effondrer pour mieux endommager la santé de l’ennemi. Enfin, sachez que vos combats seront enregistrés pour être revisionnés et apprendre de vos erreurs exposées par le jeu. Le petit plus, c’est de pouvoir carrément reprendre le combat en direct pour rejouer une situation précise.
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