Monsieur Goichi Suda, plus connu sous le pseudonyme de Suda 51, fait figure d’OVNI dans le paysage vidéoludique. Comme Kojima ou Mikami, pour ne citer qu’eux, le bonhomme est considéré par beaucoup comme un véritable génie. Toutefois, il opère dans des domaines qui n’ont pas grand chose à voir avec ses confrères, et s’efforce depuis ses débuts à partager sa vision très personnelle du jeu vidéo. Une vision qui lui permit par ailleurs de se démarquer suffisamment pour monter son propre studio de développement, le génial Grasshopper Manufacture. À ses débuts, et pourvu de moyens largement moindres à ceux qu’il possède aujourd’hui, monsieur Suda 51 s’essayait à l’art délicat du visual novel, avec deux titres qui n’étaient, jusqu’à il y a peu, jamais parus par chez nous. Le second, The 25th Ward : The Silver Case, nous parvenait quant à lui au mois de mars dans une édition remaniée.
Replacé dans son contexte
Grasshopper Manufacture ça ne vous parle peut-être pas, malgré sa renommée au Japon. Il faut dire que, en dépit de la qualité générale très haute de ses productions, le studio ne vise clairement pas le plus large des publics. Ainsi, il est fort probable que la majeure partie des joueurs Occidentaux ne le connaissent qu’au travers de sa géniale série No More Heroes, débutée sur Wii en 2008, voire ne le connaissent pas du tout. Et c’est bien dommage, parce qu’il suffit de survoler ses quelques gros titres pour se rendre compte de tout le potentiel de ce développeur nippon, dont la patte artistique particulièrement atypique transpire au travers de chacune de ses œuvres. Killer7, Shadows of the Damned ou encore Killer is Dead, autant de jeux étranges mais tout à fait fascinants.
Il suffit de survoler ses quelques gros titres pour se rendre compte de tout le potentiel de ce développeur nippon, dont la patte artistique particulièrement atypique transpire au travers de chacune de ses œuvres.
Mais le studio, avec à sa tête le génial Suda 51, n’attendit pas ses premiers gros succès pour commencer à apposer sa marque sur ses produits. Ainsi, The Silver Case, qui paraissait en 1999 exclusivement au Japon, se dotait déjà d’une direction artistique et d’une ambiance propres aux jeux du développeur. Et cela se sent encore plus dans son remake, paru il y a quelques mois sur PC et PlayStation 4, que nous testions pour l’occasion. Une version améliorée, qui souffrait encore de quelques problèmes majeurs, notamment d’un gameplay très superficiel, mais surtout de dialogues parfois trop longuets (un comble pour un visual novel), volontairement allongés pour augmenter sa durée de vie, pas particulièrement enthousiasmante de surcroît.
On prend les mêmes
Malheureusement, l’édition de 2018 de sa suite, j’ai nommé The 25th Ward : The Silver Case, ne s’est pas émancipée de ces gros défauts. Ainsi, le titre bénéficie certes d’un contexte et d’un scénario particulièrement intrigants et captivants, mais se retrouve une nouvelle fois affublé de dialogues parfois beaucoup trop longs, et pour ne pas dire grand chose. Mais surtout, comme souvent avec ce genre de petites productions en provenance du Japon (et comme toujours avec l’éditeur Nis America), ce visual novel n’a pas été traduit depuis l’anglais. Un détail qui a toute son importance, puisqu’il est déjà très loin d’être accessible lorsque l’on connait bien la langue, et le rendra certainement incompréhensible pour tous ceux qui ne la maîtrisent pas sur le bout des doigts.
Si tant est que vous fassiez abstraction de tout ceci, le titre de Grasshopper Manufacture a tout de même de chouettes atouts dans sa manche, notamment une ambiance oppressante fort réussie, et un scénario là encore captivant, tournant autour de meurtres atroces. L’ennui, c’est que la mise en scène de ce visual novel manque cruellement de vie, avec notamment l’absence totale de doublage et des musiques très sobres en arrière-plan. Pas de quoi gâcher totalement le plaisir de la découverte, mais il faut reconnaître que cet aspect très austère ne joue pas en la faveur du titre qui cumule les petits défauts. Et pour ne rien arranger, il n’y a pas grand chose à regarder dans The 25th Ward, qui n’offre que des plans fixes (évidemment) d’une relative pauvreté…
Pour finir, le jeu est relativement long, puisqu’il vous faudra compter une bonne dizaine d’heures pour le boucler, ce qui est tout à fait honorable pour le genre. Malheureusement, ce serait presque trop long étant donné sa répétitivité et ses mécaniques de gameplay superficielles et inintéressantes. Les enquêtes laissent la très désagréable impression d’être totalement passif, la faute à une progression qui laisse peu de choix au joueur… mais surtout à des mécanismes qui font plus office de briseurs de routine qu’autre chose, et ennuient parfois beaucoup, d’autant que les explications à l’écran sont trop succinctes pour permettre d’avoir toujours une idée claire de ce qu’il faut faire.
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