Considéré par beaucoup comme le successeur spirituel de Dead Space, en dépit de l’arrivée d’un remake de celui-ci dans quelques semaines, The Callisto Protocol sera parvenu à soulever une hype plutôt surprenante. Si les trois opus principaux de la série de Visceral Games et Electronic Arts sont loin de constituer des échecs commerciaux, on ne peut pas dire qu’il s’agisse pour autant de véritables cartons. Or il faut croire que le travail de Glen Schofield et ses équipes sur les deux premiers volets a tout simplement acquis un statut culte au fil du temps. Alors forcément, apprendre que le monsieur travaille à nouveau sur une expérience horrifique dans l’espace a pu en bouleverser à certains.
Or, si Glen Schofield souhaite tout le bien du monde à Dead Space Remake, en témoigne notre interview, son nouveau projet semble néanmoins décidé à frapper fort, peut-être même plus que ses précédentes productions. Désormais à la tête de Striking Distance Studios, une entreprise rattachée à Krafton, à qui l’on doit PUBG, le créatif a visiblement eu carte blanche sur son nouveau projet, qui a toujours revendiqué une utilisation abusive de l’hémoglobine, et une horreur loin d’être suggérée. Des promesses auxquelles, comme tout le monde, nous avons eu envie de croire. Mais maintenant que nous avons pu boucler le jeu, il est temps de vous livrer notre verdict.
Conditions du test : Nous avons passé environ 12 heures sur The Callisto Protocol. Il nous a fallu près de 8 heures et demie pour voir le bout de l’aventure sur Xbox Series X, puis nous avons relancé une partie le temps d’effectuer quelques démembrements supplémentaires. Ce test est garanti sans spoiler.
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Depuis l’annonce de The Callisto Protocol aux Game Awards 2020, la presse spécialisée n’a eu de cesse de le comparer à Dead Space, et nous ne sommes pas étrangers à cet état de fait. Alors évidemment, le parallèle est vite trouvé entre les deux productions. D’abord parce que monsieur Schofield est à la barre, évidemment. Mais aussi parce que son nouveau projet ne cache pas ses inspirations, et il s’agit en grande partie des mêmes que pour le jeu de 2008. Çà et là, on piochera donc dans du Alien, du Event Horizon, ou bien du The Thing. Et côté jeu vidéo, Resident Evil 4 n’est pas loin, bien entendu.
Ce ne sont pas les premières minutes passées sur le jeu qui nous ont fait penser le contraire. L’introduction est très soignée, mettant parfaitement en valeur une modélisation des personnages irréprochable et des animations réussies. Jacob Lee, le protagoniste, est accompagné de son second sur son vaisseau à destination de Callisto, une des lunes de Jupiter. Cette mission de routine va néanmoins tourner à la catastrophe lorsqu’une équipe de pirates s’introduit dans le cargo par la soute. Quelques minutes et un atterrissage forcé plus tard, Jacob se réveille à côté du cadavre de son collègue, sur le sol d’un astre très hostile.
À peine Jacob a-t-il le temps de reprendre ses esprits que vous êtes embarqué, avec la dernière survivante des pirates, par les forces de sécurité de l’unique infrastructure présente sur Callisto : Black Iron. Une prison de très haute sécurité où matons peu avenants côtoient robots humanoïdes menaçants. On vous informe rapidement qu’il ne faut plus compter sur votre liberté, puisque le directeur du complexe a décidé de vous faire prisonnier sans passer par la case procès, et alors que vous n’avez visiblement rien à vous reprocher. Mais votre séjour de plaisance dans cette cellule sombre ne sera que de courte durée.
Peu après votre incarcération, la prison connaît une situation d’urgence. En ouvrant la porte de votre cellule, vous constatez que les couloirs sont jonchés de cadavres, et que certains matons ou prisonniers se sont transformé en créatures difformes, très agressives. Et d’emblée, ça saute aux yeux. Si vous avez déjà joué à Dead Space, ou l’une de ses suites, vous avancerez en terrain connu sur The Callisto Protocol. Parce que son mapping de touches est pratiquement le même que celui du jeu de 2008, et on retrouve un HUD intradiégétique, avec la vie du protagoniste affichée dans son cou. Les changements ne sont finalement que destinés à une ergonomie rehaussée.
Mais surtout, Jacob pèse lourd. Ses déplacements sont lents, il peine un brin à tourner sur lui-même, et la caméra placée dans son dos n’offre pas une vision périphérique idéale. L’héritage de Dead Space, et plus généralement de Resident Evil 4 se fait sentir. Et sur ces points, il semble viable de comparer les aventures de Jacob Lee à celles de Isaac Clarke. C’est tout aussi flagrant concernant la structure de l’aventure, une véritable fuite en avant très linéaire qui fait immensément penser à Dead Space 2 dans son déroulé, et même dans son orientation action, d’une certaine manière. On s’attendrait presque à retrouver la même gestion de la physique.
The Warriors
Sur beaucoup d’aspects, The Callisto Protocol ressemble énormément à la licence de feu Visceral Games. D’ailleurs, en parcourant les couloirs ensanglantés de Black Iron, nous avons eu la sensation de jouer à un jeu d’un autre temps. Parce que le premier né du studio Striking Distance est résolument old school. Et c’est loin d’être une mauvaise chose, entendons-nous bien. Notamment parce que, des expériences comme celle-ci, il n’y en a pas eu des tonnes ces dix dernières années. Et le premier qui me parle de Dead Space 3, je lui fait ravaler son insolence illico !
L’aventure est donc très linéaire, et ne donne jamais vraiment l’impression de nous laisser un brin de liberté. Ce qu’on oublie assez vite, finalement, pris dans son rythme très soutenu, qui enchaîne les combats, entrecoupés de quelques séquences plus portées sur l’ambiance, et parvient à y diluer efficacement son histoire. Une histoire qui n’a pas de grandes prétentions, se révèle assez prévisible, mais jouit de personnages forts, portés par des comédiens que l’on sent investis dans le projet. En somme, nous ne sommes jamais vraiment surpris par The Callisto Protocol, et c’est peut-être son plus grand défaut.
Sa plus grosse différence avec un Dead Space 2 réside dans l’orientation corps-à-corps de ses affrontements. Parce que, comme dans un Half Life, on met un certain temps avant d’obtenir sa première arme à feu, et il va falloir compenser avec ce qui nous passe sous la main. Ici, une matraque électrique arrachée au cadavre d’un garde. Et il va falloir vous y faire, The Callisto Protocol est bien moins un shooter que ne le sont les titres qui l’ont inspiré. Il regroupe bien tout ce qui compose un TPS, mais en parallèle il met l’emphase sur le combat rapproché, privilégiant parfois aussi l’approche discrète.
Que les dingues de la gâchette se rassurent, The Callisto Protocol n’est pas dénué d’armes à feu. Cependant, il n’offre que peu de munitions au joueur, qui aura rapidement l’impression glaçante d’être en constant flux tendu. Le corps-à-corps est donc à privilégier… et les ennemis ne laissent pas vraiment le choix, puisqu’ils sont plutôt résistants aux balles, mais surtout très mobiles. Ces combats rapprochés ne permettent pas pléthore de coups différents, mais impliquent facilement le joueur grâce à leur nervosité et le challenge qu’ils imposent. Il vous est possible d’esquiver les attaques comme un Steve dans Tekken 7, la rapidité en moins, mais la moindre erreur coûte cher.
Les premiers combats peuvent d’ailleurs se révéler un brin frustrants, le temps que le joueur intègre bien le système d’esquive et de parade, qui ne nécessite que le joystick gauche. Malheureusement, The Callisto Protocol confond souvent challenge et intransigeance. On se fait rapidement remettre à sa place par un ennemi un peu plus énervé que les autres, et la présence de plus d’un adversaire impose immédiatement une certaine tension, du moins pendant une bonne moitié de l’aventure. Après cela, c’est l’intéressant système de mutation qui prendra le relais dans la catégorie stress et difficulté. Or les checkpoints ne sont pas toujours très bien placés…
Cold Fear
Finalement, la plus grande qualité de The Callisto Protocol demeure son ambiance. Une fois embarqué, le joueur passera par plusieurs émotions, de la crainte à la peur, en passant par le soulagement. Le titre parvient parfois à être jouissif dans ses combats, qui offrent, à un certain point, des possibilités intéressantes. Corps-à-corps donc, mais aussi armes à feu avec tirs secondaires (présentes en nombre très limité), et télékinésie. On ramasse rapidement un outil permettant de soulever objets ou ennemis pour les approcher de nous, ou les projeter. Ce qui permet parfois de contenir une vague, d’autres d’éliminer instantanément une menace.
Bien sûr, on sent qu’un effort a été réalisé côté sound design, qui nous fait parvenir des bruits effrayants de toutes parts. Cela étant, on aurait aimé qu’il soit un moins timide et plus subtil, mais aussi qu’il fasse plus souvent la part belle au silence, qui peut parfois se révéler bien plus effrayant. En somme, on aurait aimé que le jeu prenne un peu plus son temps, qu’il offre plus de passages dénués d’ennemis et joue plus intelligemment avec le joueur. En l’état l’aventure est très plaisante à suivre, mais tout est scripté, comme dans un jeu de 2008. Or, chez certains, ça fonctionnera de facto moins bien que chez d’autres.
En ce qui me concerne, ayant refait Dead Space et sa suite récemment pour en parler dans nos colonnes, je ne me suis que trop rarement senti en danger en dehors des combats. Et c’est dommage, parce que j’ai l’impression que le titre est pensé pour me parler, et parler à tous ceux qui ont aimé les jeux de Visceral Games, mais qu’en restant trop conventionnel il ne parvient simplement pas à atteindre sa cible. C’est une réflexion très personnelle, j’en conviens, et quelque part j’espère sincèrement être le seul à ressentir cela. Parce que The Callisto Protocol fait du bien par où il passe, en dépit de quelques problèmes récurrents.
Parmi ces problèmes, on notera les boss très moyens, et réutilisés, mais surtout un level design d’une pauvreté parfois affligeante. Le jeu parvient à véhiculer un sentiment d’aventure en renouvelant ses décors, aidé par une réalisation visuelle très convaincante. Mais il se perd au niveau de la construction de ses niveaux. On est constamment en train d’évoluer dans des couloirs trop étriqués, voire de passer par une mince fissure dans un mur, ou de ramper dans des conduits. Or ça ne paraît peut-être pas, comme ça, mais il faut comprendre que ces phases n’ajoutent rien à l’oppressante mise en scène, sans cela très réussie, et ressemblent finalement un peu trop à des temps de chargement déguisés.
Pour finir, quelques petits détails en vrac. Pour commencer, il existe des distributeurs faisant office de magasins et d’établis pour améliorer son équipement. C’est simple, et c’est efficace, mais surtout ça évite au jeu de chercher à en faire trop niveau profondeur. Des coffres seront disséminés dans les niveaux, offrant régulièrement des objets très utiles. Là encore, c’est simple, mais ce coup-ci, on aurait préféré que ce soit un peu plus subtil, parce que dans les faits, c’est mal amené, ça sort même un peu de l’immersion. The Callisto Protocol ne propose pas de New Game +, et c’est dommage, parce qu’il n’est pas bien long et se serait bien prêté à ce type de mode. Enfin, au cours de notre partie, nous avons fait face à un crash du jeu, qui nous a forcés à le relancer.
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