Annoncé durant la période de l’E3 2021 et prenant part au nouveau label d’édition Prime Matter de Koch Media renommé récemment Plaion, The Chant est une jeu d’action-aventure à la troisième personne mélangeant survie et horreur psychologique sur une île dédiée à la retraite spirituelle en plein cœur de l’Océan Pacifique.
Resté relativement discret durant la fin de son développement, le jeu sort ce 3 novembre exclusivement sur PC et consoles de nouvelle génération (PlayStation 5 et Xbox Series X|S) au prix conseillé de 39,99€. Nous avions d’ailleurs pu récemment nous entretenir avec Mike Skupa, le PDG de Brass Token, le jeune studio canadien d’une petite vingtaine de développeurs derrière The Chant (ils étaient seulement 4 au début du développement), avec à la clé de précieux renseignements sur le jeu, son développement ainsi que les projets du studio.
Avec une campagne marketing basée sur la peur et les occultes mythes présents sur cette île sectaire, The Chant peut-il être le jeu d’Halloween de cette année ? Il faut plutôt avouer que le bilan reste tout de même mitigé.
Conditions de test : Nous avons terminé l’aventure de The Chant sur PlayStation 5 pour un total de 9h de jeu.
Sommaire
ToggleDe l’Obscurité à la Gloire !
The Chant nous raconte l’Histoire de Jessica Briars, dite Jess, une jeune femme officiant dans le biomédical, profondément marquée par un drame ayant touché sa sœur dans leur adolescence. La jeune femme ne tenant plus à cause d’un rythme de vie étouffant et ne parvenant pas à tourner la page, elle se décide à répondre à l’invitation d’une vieille amie, elle aussi très fortement touchée par la disparition de la soeur de son amie, mais qui vit désormais sur l’Île de la Gloire, au nord-ouest du Pacifique.
Alors que cette retraite spirituelle est censée aider Jess à faire le point et à éliminer toute forme de culpabilité pour mieux repartir de l’avant, rien ne va se passer comme prévu quand un rituel en groupe provoque l’ouverture d’un portail entre notre dimension et l’Obscurité, renfermant des monstres et créatures affreuses qui parviennent à se nourrir des émotions négatives des habitants de l’île, jusqu’à pouvoir leur faire du mal si elles le souhaitent.
Jess, avec l’aide du gourou du groupe Tyler, et des 4 autres participants de la retraite, vont devoir unir leurs forces et leurs cristaux prismatiques afin de refermer cette passerelle dangereuse et en premier lieu, sauver leurs vies. Bien que le scénario dispose d’un postulat des plus convaincants sur le papier, il faut avouer que celui-ci constitue également la première épine dans la chaussure de The Chant.
En effet, bien que l’on ne pourra pas reprocher au jeu de rentrer tout de suite dans le vif du sujet, c’est bien ceci qui nous a gêné durant notre expérience. Le jeu ne prend pas le temps de planter son décor tout en proposant à la fois une introduction réussie bien que sous-exploitée. A l’aide de raccourcis scénaristiques pas très bienvenus, vous allez vous retrouver très (trop) rapidement en quête de votre spiritualité, à combattre des monstres et démons grâce à vos bâtons de sauge ou vos fouets incandescents, alors que vous étiez totalement novice en spiritualité, prismes et autres portails quelques heures plus tôt.
Pire, vous voilà seule à la barre pour récupérer vos nouveaux amis égarés ou subissant les méfaits de l’Obscurité, tandis que votre gourou ira se terrer pour réfléchir, gourou étant par ailleurs le petit fils de l’ancien gourou dans les années 70, ceci aura son importance. Un ensemble de raccourcis scénaristiques donc, qui nous ont sensiblement gênés et qui ont même contribué à casser l’immersion durant les premières heures de jeu.
Si l’on met de côté cette bévue introductive, il faut tout de même avouer que le lore du jeu est particulièrement creusé, expliqué à travers de très nombreux documents (certains parfois d’ailleurs mal positionnés en plein milieu d’une course-poursuite, pourquoi ?) disséminés sur l’île et que l’histoire de celle-ci, de cette organisation occulte présente depuis des siècles, de nos personnages ainsi que de l’Obscurité, donnent envie d’en savoir plus et d’atteindre la fin de l’histoire.
D’ailleurs, cette fin (ou plutôt ces fins nous y reviendrons) parvient au bout de 7h pour les plus rapides à 10h pour la première run si vous prenez le temps de fouiller chaque zone, ce qui est plutôt honnête pour ce genre d’expérience et un jeu de ce calibre budgétaire, sans toutefois proposer de New Game + ou encore la possibilité de retraverser un chapitre en question pour tenter d’inverser les choix moraux effectués ou les attributions de compétences (nous abordons ce point en détail plus loin dans notre test) ou de trouver les derniers documents oubliés.
Côté ambiance, il faut avouer que le jeu parvient à nous insuffler le sentiment d’angoisse que ressent Jess au fil de ses péripéties. Par des créatures surgissant d’un peu partout ou encore par des sortes de visions horrifiques surprenantes entre autres, le jeu ne tranche jamais dans l’excès et reste dans son côté « thriller psychologique » sans tourner au jeu d’horreur et tous les clichés associés. Cette angoisse et cette gestion de la peur fera d’ailleurs partie intégrante du gameplay, avec plus ou moins de réussite.
Hallucination collective ou percée dans l’Autre Monde ?
La grande partie du gameplay consistera à suivre des chemins plutôt tracés ou indiqués par d’autres personnages. Les chemins étant plutôt balisés, bloqués par endroits ou inaccessibles tant qu’une compétence spécifique n’est pas débloquée, The Chant parvient à maitriser sa narration et à nous forcer à affronter telle créature ou emprunter telle porte qui mènera à tel indice pour ouvrir la porte suivante, sans jamais nous frustrer.
Un cheminement des plus classiques, qui à l’époque de la multitude de mondes ouverts, a tendance à être de plus en plus rare. En plus de ces pérégrinations sur l’île vous menant dans divers endroits comme un phare, une mine désaffectée ou encore toute la forêt autour du camp de base de la Retraite, Jessica pourra utiliser divers outils pour lutter contre les créatures (mystiques ou physiques) qui se dresseront devant elle : bâton de sauge pour éloigner les insectes par exemple, fouet incandescent ou bâton de sorcière pour lutter contre les diverses créatures, tandis que des huiles essentielles, pétrole et autre sel pourront être lancés pour repousser ou retarder les ennemis.
A noter également que tout au long de votre aventure, vous devrez récupérer (d’une façon ou d’une autre) plusieurs prismes de couleur (au nombre de 6) associés au rituel sectaire en cours et vous permettant d’accéder à des poches dimensionnelles de l’Obscurité spécifiques (vos amis vous quitteront d’ailleurs par moments, possédant eux le bon prisme en vous laissant seule, plutôt que de vous accompagner pour ne pas se mettre en danger…).
D’ailleurs, ces prismes vous permettent également d’accéder à des compétences spécifiques provoquant chez vos ennemis un recul, ou alors déclenchant l’apparition de pics au sol, ou l’envoi d’un essaim pour les retarder etc.
Un ensemble plutôt convaincant, complet et cohérent, même si l’on pourra encore une fois s’étonner de la facilité avec laquelle Jess s’adapte à toutes ces nouvelles choses aussi rapidement sans poser plus de questions que cela. A noter par ailleurs que toutes ces « armes » ne sont pas illimitées, se casseront et qu’il vous faudra les recharger, en fabriquer et en trouver tout autant sur le terrain de jeu, vous forçant continuellement à looter (un peu trop peut-être) pour votre survie, surtout si vous n’améliorez pas votre inventaire rapidement.
Car oui, dans toutes ses mécaniques plutôt connues, The Chant incorpore également un aspect light-RPG avec des compétences à améliorer pour votre personnages allant de sa jauge de spiritualité, à sa jauge de santé ou encore de mental, débloquées grâce à vos affrontements ou votre consommations d’objets de guérison et que vous pouvez améliorer grâce à des cristaux prismatiques ramassés sur le terrain. C’est en grande partie l’attribution de ces compétences dans un des 3 arbres disponibles qui définiront la fin choisie en fonction de l’arbre majoritaire. Car oui, une des originalités du gameplay de The Chant réside dans le fait qu’en bas à gauche de votre écran se trouvent 3 jauges, chacune dédiées à ces trois aspects et sur lesquelles pour devrez agir pour garder votre personnage à flot.
Toutes ces jauges sont attribuées à une touche directionnelle (sur PlayStation), afin d’utiliser des éléments récupérés sur le terrain, comme de la lavande, du gingembre ou des « champesprits », afin de faire remonter les jauges et ainsi donc stabiliser votre héroïne. Car bon nombre de situations vous mettront à mal : Jess découvrant tout cet univers et développant une peur panique à l’encontre de ce nouveau monde qui se dresse devant elle (enfin un peu de cohérence ici), sa santé mentale se détériorera assez facilement dès qu’elle entrera dans une zone non éclairée, dans une des poches dimensionnelles liées aux cristaux que l’on doit récupérer, ou encore en présence de créatures lui rappelant étrangement des personnes connues.
A vous donc de vous mettre à l’abri hors de zones concernées par l’Obscurité dès que vous tombez en état de panique (ou à l’intérieur de cercles runiques dans ces zones), de manger un peu de lavande ou alors d’utiliser la méditation pour priver votre corps d’un peu de spiritualité pour regagner en jauge de mental, les attaques de paniques vous privent totalement de vos armes. Cet équilibre représente la pierre angulaire de votre expérience, allant même jusqu’à donc décider de la fin qui s’offrira à vous au final. Une fin est disponible par caractéristique, en fonction des compétences choisies et a minima des choix de dialogues que vous aurez fait dans l’aventure notamment (ils ne sont pas nombreux donc prenez garde en décidant de vos réponses).
Dans notre cas, nous avons d’abord expérimenté la fin liée au Mental, choix qui s’est avéré majoritaire durant notre aventure d’après le jeu, une fin qui ne nous a d’ailleurs pas tellement convaincus du fait de sa rapidité et son manque de cohérence au global. Les autres fins ont pu être aperçues également et sont vraiment différentes entre elles tout en étant toutes pas très explicites. A noter par ailleurs que le dernier combat de votre aventure vous donnera du fil à retordre et présentant une mise en scène remarquable sur bon nombre d’aspects, vous demandant d’allier toutes vos connaissances et compétences apprises jusqu’ici.
Le Chant mitigé
Cette dernière précision nous donne la possibilité d’aborder la variété du bestiaire rencontré qui est finalement plutôt conséquente, avec chaque espèce qui se verra documentée dans le codex accessible via le menu avec en prime des indices pour mieux les appréhender (uniquement accessibles via ce menu pour ne pas gêner celles et ceux qui ne voudraient pas d’aide) si tant est que vous ayez trouvé les tableaux muraux les concernant.
Mais quand bien même les créatures sont différentes et leurs approches aussi, on ne peut nier le fait que les affrontements ne sont clairement pas la plus-value apportée par The Chant. Déplacements lourds, roue des armes pas toujours lisible et un manque d’impact dans les frappes font que l’on a du mal à rentrer dans tous les affrontements. Notez tout de même qu’il vous est possible de charger des attaques en maintenant la bonne touche enfoncée, tout en consommant davantage de ressources, et qu’il sera impossible de toucher une créature qui se met à briller, nécessitant l’utilisation de pièges ou de projectiles. Mais attention, car ils pourront aussi vous soumettre à des attaques d’esprit, sortes de QTE qu’il vous faudra rapidement défaire pour ne pas vous mettre en danger.
Ajoutez à cela que bon nombre de séquences se rapprochent davantage du Die & Retry si vous ne faites pas comme le jeu l’a imaginé (avec quelques séquences très poussives), et vous aurez là un aspect bancal de votre expérience.
Néanmoins, toutes ces phases d’affrontements (qui pour certaines peuvent être évitées si vous le souhaitez et que vous vous mettez à courir) sont ponctuées d’énigmes et autres recherche d’objets clés qui sont pour la plupart très efficaces. Mention spéciale pour le chapitre 4 et sa séquence au phare de l’île, très bien équilibrée entre épouvante, screamers, recherches d’indices ou d’énigmes et affrontements. Bien entendu, les énigmes ne sont pas très difficiles et ne feront pas de vous le nouveau Sherlock Holmes mais il faut avouer que ces phases sont plutôt agréables.
Soulignons toutefois la qualité des combats de boss, qui se comptent (malheureusement) presque sur les doigts d’une main et qui disposent tous d’un gameplay différent, au rythme varié et aux environnements et mise en scène souvent inspirés. L’occasion ici de préciser que The Chant n’est au final pas un jeu très « facile », précisons ici dans le sens accessible à tout le monde. En effet, le jeu se veut exigent, comme nous le signifions plus haut, mais vous demandera une concentration hors pair pour réussir vos affrontements et que Jess (seule personnage jouable ici) ne finissent pas transpercée ou écrasée par une créature qui se cachait par là. Plusieurs modes de difficultés sont présents mais par contre, presque aucune option d’accessibilité comme le voudrait la norme aujourd’hui n’est à signaler.
D’ailleurs, pour encore plus d’immersion dans l’univers glauque et angoissant de The Chant, nous vous recommandons de jouer au casque afin de profiter d’un sound design tout simplement remarquable. On ressent très souvent le soin apporté par les équipes pour peaufiner leur expérience, allant jusqu’à proposer des leurres pour vous faire croire à un affrontement imminent pour au final vous le proposer quelques minutes plus tard dans un endroit inattendu.
Au rayon immersion, il nous faut également préciser et féliciter la présence d’une localisation française intégrale, allant des textes et documents aux dialogues disponibles en français et plutôt de bonne facture, là où on aurait pu croire qu’une traduction littéraire aurait été privilégiée, raison de budget. Enfin pour clore cette parenthèse immersion, sachez que la DualSense est utilisée, mais trop peu à notre goût, marquant le passage d’une dimension à une autre ou la transition gameplay/cinématique d’une vibration haptique mais n’en attendez pas plus là-dessus. A noter que le mapping de touches n’est pas encore disponible.
Enfin, abordons l’aspect technique et artistique du titre. La modélisation des personnages est plutôt convaincante bien que certaines expressions faciales laissent encore à désirer lors de certaines cinématiques. Néanmoins, le studio a pu profiter d’une motion capture pour ses 6 personnages principaux, rendant l’ensemble d’autant plus naturel. Les paysages traversés se trouvent être finalement plutôt variés même si l’ensemble très rocailleux de l’île et l’aspect « couloir » des chapitres n’aide pas au dépaysement. Heureusement, vous pourrez vous « transcender » par endroits et ainsi profiter d’un voyage rapide par zones, même si l’on regrettera l’absence d’indication de la zone visée, uniquement signalée par la couleur dominante de ses poches dimensionnelles liées aux prismes.
On pourra également reprocher quelques bugs techniques ayant engendré un redémarrage du jeu (bien que la plupart aient été patchés avec le correctif de lancement) ainsi que quelques baisses de framerates lors des changements de phases entre gameplay et cinématiques par exemple. Mais rien de bien méchant. L’ensemble respirant, comme signalé plus haut, le soin apporté aux petits détails pour que chaque section soit la plus propre et la plus travaillée possible.
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