En 2017, la quête aux graphismes réalistes et encore mieux : photo-réalistes, semble être le Graal des studios contemporains, qu’ils soient jeunes à l’élaboration de leurs premiers agencements de vertex ou des studios plus respectueux au pedigree imposant. Nous sommes encore loin de tels résultats mais les prouesses en matière de définition d’image, artistiques ainsi que techniques s’améliorent à un rythme effréné. D’après de récentes études, le terme photo-réaliste dans le cadre du jeu vidéo n’est pas encore atteignable simplement par l’absence d’une technologie nous permettant d’atteindre de tels résultats. Découvrons ensemble The Darkside Detective.
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ToggleTel le phoenix numérique renaissant de ses pixels
Mais rien n’est impossible à ce qu’il paraît, sans nul doute qu’un domaine aussi jeune que le jeu vidéo n’est qu’à ses premiers balbutiements et que c’est un art capable de toucher tout le monde sans exception en bien ou en mal. Cependant, vouloir absolument calquer la réalité sur nos écrans n’ est-il pas s’éloigner de l’essence créative par laquelle le domaine du jeu vidéo s’est fait reconnaître ? S’émancipant de toute influence graphique moderne, un studio irlandais, bâti en 2015 par 5 fervents chevaliers, souhaite rappeler les origines plus humbles du jeu vidéo tel que nous le connaissons aujourd’hui, et démontre qu’une aventure à sa plus simple expression pixelisée peut se hisser au niveau de productions plus onéreuses arborant la 3D comme unique vecteur de création ludique des temps modernes.
Le projet « The Darkside Detective » né tout simplement lors d’une Game Jam Project en novembre 2014 (8 heures de développement par Paul Conway et Christopher Colston) et attire l’attention médiatique tant il se démarquera du lot et suggère un potentiel notable. Ce qui a poussé à compléter l’équipe pour entrer en phase de production afin de livrer un produit fini de ce qui est à l’origine une petite démo du jeu imaginé en un temps record.
Les développeurs ont connu l’ère où la 2D prospérait et le terrain était propice à la créativité de nouveaux genres et visuels. Leur inspiration graphique est principalement issue de vieux jeux tels que Green Beret, Day of the Tentacle ou encore Monkey Island. Les pixels apparents étaient en vogue à cette époque et malgré l’aspect vieillot de ces références aujourd’hui, c’est toujours un réel plaisir de s’y replonger de par la maîtrise visuelle en accord avec la narration ô combien loufoque et bien souvent capillotractée !
Deux agents, une enquête
Comme le nom du jeu pourrait porter à le croire, l’histoire proposera d’enquêter sur des dossiers les plus sombres et inquiétants déposés sur notre bureau. Les ruelles de Twin Lakes City abritent d’obscurs secrets rongeant la réalité de tous les jours et existant au travers d’une dimension parallèle en décadence totalement désynchronisée des événements de la ville originelle de Twin Lakes. Sans règles ni loi, la facette cachée de Twin Lakes influe tout de même à l’insu de tous, sur la vie des habitants de l’autre côté du portail reliant les deux mondes parallèles opposés. Bien que ces propos soient inquiétants, en réalité rien de bien alarmant. Il semblerait que c’est un détail de la vie courante de tous les jours à Twin Lakes. Bien que la vérité soit omise à la population, une section spéciale des forces de l’ordre est mise en place pour canaliser les desseins les plus malicieux des forces du mal : la Darkside Division.
C’est à se demander comment les habitants de Twin Lakes ne peuvent s’interroger sur les activités hors du commun qui sévissent dans la ville. Sans doute drapés dans leur ignorance et reposent sur leurs petites vies tranquilles pour ne vouloir accepter la réalité qui les entoure, telle une épée de Damoclès prête à déclencher le pire des sorts pour les habitants. Fort heureusement, la Darkside Division est mise en place pour faire face aux situations sortant de l’ordinaire composée d’une armada de … deux spécialistes en la matière, j’ai nommé le détective McQueen et l’officier Patrick Dooley chargés d’appliquer les règles les plus ésotériques de Twin Lakes et de mener à terme les enquêtes concernant toute activité étrange accablant la ville. Ces deux agents sont, pour le meilleur comme pour le pire, la seule barrière érigée pour contrecarrer les plans diaboliques des forces obscures agissant dans l’ombre de la nuit… Oui car de jour c’est une autre équipe qui s’en chargera. Il s’agit de la Darkside Division après tout ! Jonglant entre le paranormal et l’occulte, rien n’est impossible dans ce jeu composé de « micros aventures » ou communément appelées « épisodes ».
Clic un jour, clic toujours
Le point’n click de Spooky Doorway est sujet à de nombreuses idées d’enquêtes durant son développement. Plutôt que de mener une grande investigation autour de laquelle pivoterait le scénario durant des heures, les développeurs ont eu l’idée ingénieuse de présenter le jeu comme une série télévisuelle épisodique sans vrais liens entre chaque épisode mais contenant des dossiers d’enquêtes bien différents les uns des autres. A l’instar d’un X-Files, avec son Mulder et Scully, le jeu possède sa propre identité variant ainsi les possibilités de scénarios, d’environnements et d’humour omniprésent. Le tout dans un seul et unique jeu à considérer pratiquement comme la saison 1 de « The Darkside Detective » introduisant les personnages ainsi que son ambiance humoristique au grand public, sans sombrer dans la catégorie de série B ou C.
Si ce genre de jeu a disparu de nos rayons depuis désormais un bon paquet d’années, comme son style l’indique, l’utilisation de la souris pour déplacer le curseur et interagir avec l’environnement sera votre seule arme pour déjouer les plans du mal. Le point’n click humoristique a toujours tenu, à quelques détails près, à nous impliquer dans des situations exempt de bon sens et fonctionnant à partir de logiques bien tordues. Inutile de citer les piliers du genre qui ont bercés bien des joueurs durant des mois tels que Monkey’s Island ou encore les Chevaliers de Baphomet avec des énigmes demandant bien souvent de réfléchir hors de toute logique afin de comprendre les règles qui régissent l’histoire de A à Z. Revenu au goût du jour en partie à l’arrivée des titres de Telltale qui ont rétabli ce lien avec le passé, mais en 3D.
Aujourd’hui, se retrouver bloqué dans un jeu est la pire tare possible pour la progression à sa conclusion, synonyme bien souvent d’abandon, de revente ou de recherche d’une possible solution sur internet. Rien d’étonnant de rappeler que la pratique du jeu vidéo était bien plus difficile à entamer dans les années 1985 à 1998 quel que soit son style, et permettait de bien rentabiliser son argent et temps passé devant son écran. Loin de nous l’époque où un blocage d’un ou deux mois sur une énigme n’était pas la fin du monde. Cependant, le joueur de la génération « de l’immédiat » n’attendra pas plus de 20 minutes pour voir la situation se débloquer. Avouons qu’il n’est pas des plus amusant de tourner en rond autour d’une mécanique de jeu qui semble évidente à résoudre sans pour autant pouvoir comprendre ce qui manque à sa résolution au risque d’un claquage de synapses… The Darkside Detective s’adapte à notre ère proposant les mêmes ingrédients avec une recette revisitée sans affecter l’humour et les situations improbables auxquelles sera confronté notre duo de choc.
En effet, même si la matière grise sera sollicitée à la résolution des puzzles et énigmes qui sont, il faut l’avouer, d’une logique parfois abstraite mais en rien difficiles à percer leur résolution, le jeu est moins tordu en association d’objets ou d’éléments que dans les point’n click classiques. Une logique plus évidente est mise en place pour faire progresser l’intrigue facilitant avec maîtrise la fluidité des enquêtes. Les environnements sont assez riches et l’humour assez poignant pour garder l’amusement présent durant la recherche de ce qui pourrait dénouer une situation d’apparence sans issue. Le point fort du jeu sera de garder l’attention et la curiosité du joueur en éveil constant rendant les phases d’observation plaisantes, sans donner l’impression que l’univers du jeu soit figé dans l’attente de LA solution qui fera évoluer le scénario. Le don d’observation de chacun va être mis à rude épreuve et l’ouverture des chakras est recommandée pour élaborer des connexions possibles et impossibles entre les objets récoltés pour décoincer la situation. L’envie de cliquer sur tous les éléments n’aura rien d’ennuyeux, au contraire, les descriptions et pensées de Tic & Tac auront toujours cette note d’humour souvent décalée.
En effet, si le détective McQueen fait preuve de professionnalisme et de sang froid face aux situations de l’étrange, son comparse jouera plus le rôle du benêt qui aborde les situations d’un angle hors de son contexte et bien souvent à côté de la plaque. Un peu le duo de Laurel et Hardy à la sauce Colombo des temps modernes en quelque sorte. Le comique de situation se crée, l’interaction des deux personnages installe une relation bien drôle entre deux esprits aux antipodes de la logique de l’analyse du monde. Impossible de résister à l’envie de cliquer sur l’officier Dooley durant les investigations pour connaître son point de vue entre chaque tableau de niveaux. Non pas que son intervention soit essentielle au déroulement de l’enquête mais son analyse fait partie également, en quelque sorte, du surnaturel.
Le format de mini-épisodes dote le jeu de certains avantages. En début de partie, deux enquêtes sur les six seront disponibles d’une durée de vie entre 40 et 50 minutes selon le talent d’observation et surtout de la jugeote dont il faudra faire preuve pour lier les indices et éléments entre eux. Ce format permet de reprendre le jeu à n’importe quel moment entre deux enquêtes et de ce fait ne demande pas de trop solliciter la RAM biologique du joueur de tout ce qui a pu se passer précédemment. Impossible également d’oublier les commandes du jeu du fait que tout se contrôle au déplacement de la souris et de son clic gauche. Le point’n clic à son expression la plus simple s’affiche à l’écran, prêt à en découdre avec les forces du mal.
Une mosaïque digitale
Le travail artistique de cette fine équipe de passionnés des jeux d’aspect rétro est à respecter au vu de la maîtrise au pixel de leur création. Rares sont ceux qui osent puiser leur création dans un domaine qui semble avoir été balayé par une technologie plus impressionnante visuellement, que l’amas de petits carrés donnant naissance à des formes reconnaissables sans vraiment en définir les contours. Suivant les traces du premier Monkey’s Island ou encore les toutes premières versions de Simon the Sorcerer, celles-ci tirant parti brillamment des pauvres résolutions d’antan, avaient marqué les esprits par l’élaboration stylisée d’un véritable dessin animé interactif. Spooky Doorway tire parti des technologies d’affichage d’aujourd’hui pour maîtriser sa mosaïque de couleurs et pousser plus loin l’ambiance graphique tout en contenant l’essence même du pixel art.
The Darkside Detective utilise à bon escient une palette de couleurs aux tonalités assez morbides dans l’ensemble ne ratant pas l’occasion d’afficher assez de détails pour rendre l’ensemble vivant ainsi que de jolis effets de lumière très difficiles à obtenir lorsque les jeux en pixel art naquirent, et cela donne une certaine profondeur de toute beauté à l’ensemble ! Dommage que les animations se limitent à quelques mouvements sommaires des personnages ou d’effets spéciaux très fins sans pour autant saturer l’écran d’horribles pixels. Un véritable coup de maître que de remettre au goût du jour un registre ayant eu du mal à se renouveler dans le temps, mis de côté à l’arrivée des premiers jeux plus élaborés en 3D.
La finesse des décors, malgré une technique d’illustration à la palette de couleurs limitée, nous laisse admiratif devant les détails facilement discernables à coups de gros pixels de couleurs juxtaposés les uns près des autres. Une ambiance maussade et malsaine s’y dégage, étouffant les quelques touches de couleurs chatoyantes se dénaturant au rythme des musiques bien glauques et inquiétantes de Ben Prunty (FTL). Fort heureusement, des touches d’humour viennent agrémenter ces illustrations bien dérangeantes non seulement sous forme de dialogues mais également par de nombreuses références à la pop culture intégrées tout au long de l’aventure et feront sourire plus d’un à les reconnaître sorties de leur contexte originel et diablement bien intégrées dans ce melting pot de culture audiovisuelle. Les artistes de Spooky Doorway savent ce qu’ils font et le délivrent d’une manière très subtile afin de délecter spécialement ceux qui sont aussi passés par les jeux des années 1990.
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