Projet sorti un peu de nulle part, The Diofield Chronicle semblait d’emblée destiné à une certaine catégorie de joueurs. Ceux qui étaient capables de supporter la monotonie d’un titre comme Fire Emblem : Three Houses, peut-être. Ou, en tout cas, des amateurs de RPG et de tactique, capables de se lancer dans une aventure militaire très sérieuse, ne tombant presque jamais dans le potache, ou même simplement dans la légèreté. Contrairement à beaucoup de ses pairs, il faut le dire. Maintenant que nous avons pu y toucher, et même éprouver son contenu pratiquement dans sa totalité, on peut vous l’affirmer : The Diofield Chronicle est un jeu à part, même dans le catalogue hétéroclite de Square Enix.
Ce qu’il doit peut-être au mélange des influences en provenance de ses développeurs. Parce que non content de mobiliser une équipe de chez Square Enix, entreprise de faiseurs reconnus dans le milieu, décevant rarement, le titre est en parallèle développé par Lancarse. Un studio méconnu par chez nous, au Japon aussi du reste, à qui l’on doit pourtant l’excellente série des Etrian Odyssey, en partenariat avec Atlus, ou encore le remake de Shin Megami Tensei : Strange Journey sur 3DS. Bref, deux boîtes assurément nippones, qui n’ont pas grand chose en commun sur le papier, si ce n’est leur amour du RPG. Et ça tombe bien, parce que le genre est au cœur du projet qui nous intéresse aujourd’hui.
Conditions du test : Nous avons joué un peu plus de 25h au soft dans sa version Nintendo Switch. Principalement sur TV, mais aussi en portable via une Switch Lite. Il nous a fallu évaluer notre temps de jeu nous-mêmes, car un bug (récurrent sur la machine) empêchait le chrono de s’arrêter lorsque la console était en veille.
Sommaire
ToggleConflit militaire et trame sans fioriture
Dans The Diofield Chronicle, vous incarnez Andrias Rhondarson. Jeune mercenaire à la solde d’un Lord de l’île de Diofield, qui va rapidement lui accorder les pleins pouvoirs sur son escouade. À la fois décisionnaire, recruteur et leader charismatique, ce talentueux stratège va monter sa propre équipe qu’il nommera Les Renards Bleus. Tout semblait parti pour que les missions s’enchaînent et se ressemblent, mais un conflit débuté sur le continent connaît des remous sur le territoire insulaire. Bientôt, des forces armées étrangères vont débarquer sur Diofield, décidées à s’emparer de ses pierres de jade, renfermant une magie puissante, véritables armes entre de mauvaises mains.
Si sur le papier tout semble relativement ordinaire jusque là, The Diofield Chronicle se pare néanmoins d’un sérieux qui étonne. Après une introduction assez nébuleuse, pour ne pas dire trop concise, nous laissant aux commandes de personnages dont on ne sait pratiquement rien, le titre nous décrit tour à tour un conflit armé d’une manière très factuelle et réaliste, et la vie de nos mercenaires, sans fioriture. Pas particulièrement bavard, mais ce qu’il faut pour distiller avec une justesse plaisante son histoire et le background de ses protagonistes, le soft nous narre une histoire précise, composée de faits d’armes, de cruauté militaire, ou encore de politique intérieure.
Ce sont des sujets que l’on retrouve dans d’autres jeux de stratégie sur consoles, il est vrai, tels que le récent Fire Emblem : Three Houses (et certainement le prochain Engage). Cela dit, The Diofield Chronicle ne s’embarrasse pas de personnages bruyants, d’humour potache ou encore de retournements de situation irréfléchis. Tout semble au contraire parfaitement calibré, emprunt d’un sérieux qui se retrouve jusque dans la direction artistique, d’une élégance certaine, malgré un petit manque d’âme il est vrai. Et ça surprend, puisque cela faisait depuis Tactics Ogre, et d’une certaine façon Final Fantasy Tactics, que l’on n’avait pas eu droit à une histoire aussi intéressante et premier degré dans un jeu de stratégie destiné aux consoles.
Pour ne rien gâcher, le tout se suit très bien. Le jeu est prenant, ce qu’il doit autant à sa narration, simple mais efficace, qu’à son background réfléchi et crédible, ou à sa gestion intelligente du rythme. Les missions sont courtes, ne dépassant jamais la quinzaine de minutes, tout ce qui les entoure demande un certain temps, mais pas trop non plus, et les briefings de missions, sous forme de cinématiques, ne sont jamais bien longs. Malgré tout, on pourra lui reprocher un certain hermétisme, qui risque fort d’écarter les moins patients, mais aussi les jeunes joueurs, peut-être plus enclins à apprécier une aventure légère.
Stratégie en temps réel et RPG font-ils bon ménage ?
Nous avons eu si peu d’informations et de vidéos de gameplay avant la sortie qu’on aurait été tenté de penser que The Diofield Chronicle n’était qu’un Fire Emblem à la sauce Square Enix (quelques mois seulement après Triangle Strategy, certes). Et d’une certaine façon, on retrouve effectivement beaucoup de choses qui font penser à la licence de Intelligent Systems et Nintendo. Mais rien du côté du gameplay ! Le titre est en effet axé stratégie en temps réel, et concentre son action sur une escouade très réduite, composée de quatre personnages, et quatre unités de réserve. Sa vision de la tactique est donc très différente de ce à quoi l’on est habitué. Surtout sur consoles, où le tour par tour fait loi.
Si l’on devait résumer en comparant, alors on vous dirait que The Diofield Chronicle est à la croisée des chemins entre XCOM 2 et L’Aigle de Guerre sur Game Boy Advance. Rien d’autre ne nous vient en tête, et c’est normal, puisque le projet de Square Enix et Lancarse est à part.
En combat, on contrôle donc quatre personnages, qui pourront chacun emporter un combattant de réserve, leur confiant la possibilité d’utiliser leurs capacités sur le terrain. Il nous est possible de diriger nos unités en groupe, ou de les prendre une par une, et de déterminer des routes définies par deux repères maximum à placer manuellement. Dans un premier temps, il apparaît assez fastidieux de déplacer ses soldats, d’autant que le soft nous bombarde d’informations peu digestes, avec notamment ses différentes combinaisons de touches… que nous n’avons, pour la plupart, pas sollicitées au cours de notre partie, faute d’utilité.
Le tout fonctionne assez bien, mais manque malheureusement de précision. Un coup à prendre, là encore. Une fois le concept et ses spécificités assimilés, le titre se révèle complet, et ne manque pas de challenge. Heureusement, il faut deux bonnes heures avant de commencer à rencontrer de la résistance sur le champ de bataille. Mais une fois ceci fait, la difficulté n’aura de cesse de grimper jusqu’à un point où, si vous n’avez pas pris au sérieux les préparatifs, vous ne pourrez plus progresser, sauf coup de chance. Mais nous y reviendrons.
Une certaine routine s’installe en combat, dès lors que l’on a bien pris en main le gameplay, et que l’on s’est constitué une équipe fonctionnelle. Les objectifs ne changent pas d’une mission à l’autre, à peu de choses près, autrement dit il nous est chaque fois demandé d’éliminer tous les ennemis de la map. C’est un peu dommage, car malgré un level design plutôt réussi et évolutif, ce manque de variété dans les missions et leur résolution induit une certaine redondance. On prend vite l’habitude d’un procédé type : isoler les ennemis, les éliminer, passer aux suivants. Le tout en étourdissant ceux qui chargent une attaque puissante, en réfléchissant le placement de nos unités, les attaques de dos étant plus douloureuses, et en utilisant la galerie de capacités au mieux.
Richesse et persévérance
Bien que son aspect stratégique atteigne une limite en combat, The Diofield Chronicle propose néanmoins tout un aspect gestion qui le complète, et n’est pas à prendre à la légère. Entre deux missions, nous sommes lâchés dans notre quartier général, où l’on pourra notamment parler aux différents membres de notre escouade pour en apprendre plus sur eux, gagner de l’argent, ou débloquer des quêtes annexes. C’est à nous de décider de l’évolution de ce lieu, et donc de ce que proposera le marchand, par exemple. Ou encore de mettre en place un réfectoire avec un cuisinier attitré, qui améliorera le moral des troupes, ce qui leur fera gagner plus d’expérience en combat.
C’est chaque fois un choix financier, assez onéreux de surcroît. Allez vous décider de donner de l’argent au marchand pour qu’il étoffe son magasin ? Ou encore à l’un de vos compagnons, qui se propose de récupérer du bon matériel chez des vendeurs d’armes auxquels vous n’avez pas accès ? La liberté n’est pas illimitée, mais suffisante pour que l’on se sente impliqué, et c’est très agréable. Ce qui l’est un peu moins, c’est le coût de chaque choix, et même de n’importe quel objet en magasin. On gagne assez peu d’argent en terminant une mission, et il faudra réussir les objectifs secondaires pour obtenir des ressources indispensables à l’amélioration des combattants. Or, cela demande un certain investissement.
Cela étant, bien que rien ne soit foncièrement simple dans The Diofield Chronicle, il se révèle agréablement riche, sans jamais verser dans la profusion à outrance. Il faut réfléchir à l’utilisation de ses ressources, et ainsi avoir toujours des unités équipées des meilleures pièces, tout en n’oubliant pas d’améliorer l’étal du marchand ou celui du scientifique. Ce dernier proposant notamment de développer de l’armement, qu’il faudra ensuite acheter, ou de perfectionner des compétences à utiliser sur le terrain. Il propose aussi l’amélioration d’invocations très puissantes, qui peuvent le sembler un peu trop en début de partie, mais qui se révèlent indispensables sur la durée.
Le budget accordé au développement n’était pas digne d’un triple A, c’est évident, au même titre que pour d’autres titres à venir chez Square d’ailleurs, comme Harvestella. Et cela se ressent. The Diofield Chronicle est riche, complet, et a droit à une bande-son divine, d’une douceur délectable. En contrepartie, il souffre d’une réalisation graphique datée, de quelques choix de design contestables, de rares ralentissements, ou encore d’une caméra en combat qui nécessiterait une sérieuse optimisation. Finissons d’ailleurs là-dessus, pour appuyer le fait qu’il n’est pas facile de rentrer dans son aventure, de s’en imprégner, parce que le jeu se veut assez austère. Pourtant, il a beaucoup à offrir.
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