Adapté d’un livre de Stanislaw Lem publié en 1964, The Invincible, nous plonge au plus plus profond de l’univers dans une aventure intergalactique mettant en scène une équipe de chercheurs portée disparue, menée par une chercheuse qui ne sortira assurément pas indemne de cette étrange expérience. Porté sur la scène vidéoludique par le jeune studio Starward Industries et édité par 11 bit studios, les deux partenaires polonais nous proposent de découvrir cette adaptation qui se veut fidèle de l’œuvre de l’écrivain dans une aventure narrative façon walking simulator, en vue à la première personne, disponible depuis le 2 novembre exclusivement sur PC, PlayStation 5 et Xbox Series X/S.
Conditions de test : Nous nous sommes enfoncés dans les tréfonds de la planète Regis III durant environ 7h, le temps de terminer le jeu et de revivre 3 fins supplémentaires parmi celles proposées par les développeurs, le tout sur PlayStation 5.
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Dans The Invincible, vous incarnez Yasna, une jeune astrobiologiste faisant partie de l’équipe du Dragonfly. De retour d’une mission longue et éreintante, l’équipe capte une communication signalant l’arrivée du vaisseau de recherche le plus influant de la galaxie, L’Invincible, sur une planète tout proche d’eux, l’équipe décide de s’y rendre très rapidement pour entamer en amont des recherches et ainsi récolter leur heure de gloire. Malheureusement, vous vous en doutez et sans rentrer dans tous les détails scénaristiques, le jeu jouant clairement sur son contenu narratif, tout ne se passera pas comme prévu. Surtout quand toute l’équipe du Dragonfly disparait mystérieusement et que notre chercheuse se réveille, en partie amnésique et seule sur une planète désolée, Regis III, sans savoir ni où, ni pourquoi elle se trouve ici, et encore moins si quelqu’un va venir la chercher.
Rapidement, Yasna renoue le contact avec Novik, son Astrogator, resté en orbite autour de Regis III, au sein du Dragonfly. Ensemble, ils vont tenter de frayer un chemin à la jeune femme, pour rejoindre le vaisseau-mère mais aussi pour tenter de retrouver son équipage disparu, découvrir ce qu’il s’est passé, les raisons de son amnésie, la recherche d’éventuelles autres formes de vie et terminer les recherches de l’équipe sur cette planète. Dans une épopée spatiale d’environ 6 à 7h en ligne droite, Yasna va passer par divers endroits clés de Regis III, et se rendre compte que son équipe et elle n’étaient peut-être pas les seuls êtres vivants présents sur cette planète désertique quand de petits êtres robotiques semblent y avoir pris le contrôle.
Nous nous tairons sur la suite du déroulé scénaristique, The Invincible étant plutôt court et présentant quelques ressorts scénaristiques. Quelques, c’est un euphémisme et une première déception pour le titre des Polonais de Starward Industries. En effet, alors que l’histoire se suit globalement aisément et est agréable à dérouler, on ne pourra que déplorer l’absence de réel rebondissement, hormis à la fin, supérieure au reste du jeu, et demeurant au final extrêmement classique dans sa proposition. Alors que l’on serait en droit d’attendre ce moment, LE moment culminant où l’histoire s’envolerait pour nous proposer un storytelling de prestige, nous avons été déçus du peu d’envergure, du manque d’ambition du titre qui pourtant se révélait extrêmement intriguant lors de notre aperçu l’an dernier. En somme, une narration complètement mystérieuse, mais pas toujours très agréable à suivre et plutôt longuette voire ennuyante par moments et au détriment d’un rythme appréciable et de moments que l’on pourrait qualifier d’épiques.
En effet, et bien que les différentes fins nous aient permis de voir le potentiel de rejouabilité de The Invincible, le manque de challenge global, le manque d’investissement demandé par les joueurs et joueuses, pourraient assurément freiner bon nombre de spationautes de franchir le cap de plusieurs nouvelles parties. Alors qu’il semblerait que le jeu dispose de pas moins de 8 fins majeures, nous avons pu nous essayer à 4 d’entre elles, deux positives et deux négatives, avec il est vrai, une réelle conclusion différente à chaque fois, preuve en est que les choix effectués au cours de l’aventure, et surtout dans son dernier tronçon, agissent effectivement sur le déroulé des événements, événements décrits de manière originale dans une bande-dessinée se mettant automatiquement à jour et disponible à tout moment via le menu du jeu.
Le walking sim à son paroxysme
Effectivement, The Invincible se présentant finalement davantage pour un walking sim ne disant pas vraiment son nom, on retrouvera une floppée de choix, mineurs ou majeurs, qui viendront rythmer l’épopée de Yasna sur cette planète à la fois hostile et étrangement hospitalière. En quelque sorte, une formule tout compris d’un genre qui pensait nous avoir tout montré, proposant par moments des séquences de grâce, bien amenées et terriblement bien mises en scène, mais retombant la plupart du temps dans les travers d’un genre qui peine à se renouveler et surtout à demander un investissement aux joueurs et joueuses qui s’y essayent.
En d’autres termes, si vous jouez à cette adaptation du livre de Stanislaw Lem, ne vous attendez pas un gameplay exigent, affuté, ou encore effréné, rien de tout cela. Comme pourrait l’être finalement un Fort Solis pour ne citer qu’un exemple récent, vous ne serez amenés qu’à marcher, marcher, marcher, étudier divers points précis dans les décors et sur votre carte, tout en choisissant par moments des réponses pour varier votre approche. On notera cependant quelques séquences d’enquêtes (très simples) ou plutôt de pistes à suivre, tandis que des scènes à bord d’un rover apporteront un peu de variété, bien que l’on pourra pester sur le positionnement de la caméra à l’intérieur de l’habitacle, pouvant gêner la visualisation des décors et zones prochaines à visiter.
Ce positionnement vidéoludique lui permet de devenir une œuvre grand public, facile à suivre, mais au détriment des personnes voulant tout simplement jouer. Certains ou certaines pourraient qualifier The Invincible de film interactif, et on aurait bien du mal à leur donner tort. Cette sensation est également renforcée par l’absence de version française doublée, la langue de Molière étant traduite uniquement (avec quelques errances, fautes d’orthographe et non-sens oral/écrit). The Invincible est au final un jeu qui parle, qui parle beaucoup, ce qui n’est pas forcément dérangeant du fait de la qualité du jeu des acteurs et de la qualité relative des dialogues la plupart du temps, mais ne parvenant pas à doser cet équilibre dialogue/gameplay, même lors de séquences plus rythmées, proposant même parfois des phrases capitales pendant des séquences où l’œil ne peut pas forcément s’attarder surtout le bas de l’écran pour lire ce qui se dit. Ces dialogues sont d’ailleurs souvent l’occasion de philosopher sur l’Homme, ses agissements mais aussi son rapport avec les machines et l’intelligence artificielle, cruellement d’actualité.
Yasna dispose pour l’aider dans ses recherches de plusieurs outils : un détecteur permettant de scanner l’environnement en vue sonar afin d’y récolter des informations sur les éléments à étudier de plus près ou avec lesquels interagir, mais aussi une sorte de sonde permettant de repérer un périmètre et une direction pour trouver un objet ou une personne importante, tandis que des jumelles vous permettront d’étudier à distance des décors et autres structures naturelles. Malheureusement, une fois de plus, ces outils seront clairement sous-exploités et ne resteront qu’à la marge de ce qui aurait pu se faire. Rajoutez à cela le fait que Yasna s’essouffle au bout de deux secondes de sprint, embuant tout son scaphandre, et vous aurez l’impression que les développeurs n’ont clairement pas été jusqu’au bout de leurs trouvailles.
Regis est un bon… mais pas toujours
S’il est par contre un aspect sur lequel nous serons sans équivoque assez impressionnés, c’est sur le rendu graphique global de The Invincible. Les Polonais de Starward Industries signent ici pour leur premier jeu une prouesse technique, portée par l’Unreal Engine 5. Bien que l’on pourra constater un downgrade en gros plan face à une texture de pierre un peu baveuse, la qualité des éclairages, les particules de poussière et de vent, la densité de ces buissons métalliques mystérieux, les reflets sur les carlingues métalliques, la distance d’affichage lors de magnifiques panoramas, on tient là une très belle prestation du moteur graphique d’Epic Games, bien que l’on reste un tantinet déçus du traitement à très grande majorité ocre et rocailleux des environnements, comme nous le soulignions lors de notre première prise en main, à quelques exceptions près qui demeurent bienvenues en intérieur. Le tout présentera finalement un rendu très années 60, ce qui n’est pas pour nous déplaire, collant parfaitement à l’atmosphère voulue.
Il en est de même pour les quelques personnes que l’on rencontrera pendant notre aventure de huis clos spatial, satisfaisants bien que restant dans les standards actuels. La planète Regis III respire l’authenticité, la cohérence, et l’on remarque tout de suite le travail effectué sur la fabrication de cette planète désertique et rocailleuse mais aux multiples visages. Nous nous sommes surpris à interrompre notre épopée pour visualiser de longues minutes les panoramas qui s’offraient à nous, et c’est généralement bon signe. Un mode photo est par ailleurs disponible pour les plus friands de ce genre de fonctionnalité, bien que celui-ci ne soit pas des plus exemplaires.
Nous l’avons dit, The Invincible souffre d’une carence en terme de rythme, proposant rarement des moments épiques et demeurant finalement trop sage dans sa construction. Ce sentiment est malheureusement renforcé par un manque clair de lisible d’objectif à accomplir. Ces objectifs étant identifiés (par toujours) sur notre journal de bord, il nous faudra parfois le consulter pour tenter de visualiser la zone à rejoindre grâce à un ensemble de cartes qui se découvrent au fur et à mesure de notre avancée sur Regis III.
Une carte pas toujours très claire, pour laquelle il manquerait un zoom optique, et sur laquelle des indications, non traduites en français par ailleurs, nous permettront d’avancer. Cela nous permet de confirmer que le jeu est bien plus agréable à jouer sur PC, grâce à la souris qui permet de pointer plus facilement les zones voulues par The Invincible, tranchant avec le caractère imprécis des joysticks d’une manette. On salue toutefois le choix de ne porter à l’écran aucun affichage tête-haute, pour renforcer le sentiment d’immersion, le jeu se jouant exclusivement en vue à la première personne, ne voyant que le scaphandre et le micro de notre héroïne. Notre héroïne qui délivre par ailleurs une très belle performance d’acting, y compris Novik et d’autres personnages, rendant l’ensemble tout à fait crédible et surtout qualitatif une fois en jeu.
Terminons ce test par la mention de quelques bugs de textures à la marge, le jeu profitant d’une finition très très aboutie, surtout pour une première production, malgré la présence de quelques zones où le clipping et aliasing étaient présents en arrière-plan, tandis qu’un affreux bug sonore touchant notre rover nous a forcés à baisser le son du jeu pour ne pas se casser les oreilles par un bruit métallique extrêmement désagréable, qui sera très certainement patché prochainement.
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