L’amnésie et les héros de J-RPG partagent indubitablement une histoire très fournie. Devenu complètement cliché et presque risible depuis quelques années, le protagoniste vierge de tout souvenir est en effet une caricature qui n’est maintenant plus toute neuve. Cependant, l’amnésie de nos héros signifiait bien souvent la perspective d’une toute nouvelle aventure qui se profilait à l’horizon, mais que se passerait-il si le héros perdait la mémoire au pire moment de sa quête, juste devant le terrible boss final ? Voici le pitch loufoque que nous proposent Syupro-DX et Nippon Ichi dans ce The Longest Five Minutes, un RPG teinté d’une couche de visual novel, à l’inspiration 8-bits qui s’apprête à sortir sur PC, PS Vita et Nintendo Switch.
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ToggleJoue-la comme Freezer
Commencer une quête lors du combat final n’est pas monnaie courante dans les J-RPG, mais c’est pourtant ce qui semble arriver à notre héros du jour, Flash Back (oui, c’est bien son véritable nom). Alors qu’il ouvre les yeux après un long blackout, le jeune aventurier fait face au Roi-Démon en personne, la source du mal qui ronge le monde. Heureusement, il n’est pas seul face à lui, puisque Flash peut compter sur ses trois compagnons de toujours, Clover, Yuzu et Regent.
Le seul petit détail qui vient dérégler cela, c’est que Flash n’a aucune idée de qui sont ces personnes, qui est le Roi-Démon, et pourquoi il se retrouve mêlé à toute cette bataille. Notre héros n’a pas entièrement perdu la mémoire, mais il a oublié toute l’aventure qui l’a mené jusqu’ici, incluant ses attaques spéciales et les sorts qu’il pouvait connaître. Il n’aura malheureusement pas le temps de se remettre de son état de choc, puisque le Roi-Démon ne compte pas lui laisser un moment de répit. Il va falloir se battre tout en essayant de se remémorer le passé, le tout pendant les cinq minutes les plus longues du monde.
Le jeu se décompose en deux parties : le combat contre le Roi-Démon et les différents souvenirs que Flash va se remémorer.
C’est donc durant ce court laps de temps que vous devrez rejouer les souvenirs de Flash afin qu’il puisse se sortir de cette délicate situation. Vous revivrez ainsi les étapes importantes de sa quête selon les actions qui se dérouleront durant ce combat final. Autrement dit, si notre héros recouvre la plupart de ses souvenirs de manière linéaire, il arrive par moment que certains épisodes du passé resurgissent de manière moins chronologique. Il n’est donc pas rare de passer d’un souvenir durant lequel Flash débute son aventure à un autre où l’on retrouve un héros chevronné de level 50.
Quelques secondes pour tout changer
Si la majorité de votre temps de jeu sera consacrée à revivre les moments-clés de l’aventure, le combat contre le Roi-Démon a une importance capitale. Cet affrontement est différent des autres dans la mesure où il prend la forme d’un visual novel (en anglais uniquement), durant lequel il vous sera imposé d’effectuer certains choix essentiels. Ces prises de décision n’auront pas de véritables impacts sur le récit en lui-même, mais plutôt sur la façon dont vous allez le vivre. Opter pour une attaque directe ou se protéger mènera par exemple à découvrir un souvenir différent, en adéquation avec le choix effectué. Comme dans la partie RPG et comme dans tout visual novel, il est tout de même possible de perdre durant cette phase, vous obligeant alors à remonter quelques secondes auparavant pour prendre un chemin différent.
Chaque choix effectué lors du combat contre le Roi-Démon peut amener à débloquer un souvenir différent.
Si vous êtes de nature complétiste et que vous souhaitez découvrir chaque segment des souvenirs de Flash, il est possible de remonter le temps du combat final à n’importe quel moment. A l’aide du journal qui retranscrit chaque action de cet affrontement seconde par seconde, vous pourrez explorer toutes les possibilités du scénario en une seule partie. Une feature d’autant plus intéressante puisque chaque souvenir comporte ses propres quêtes annexes, qui ne peuvent s’effectuer que dans cette portion de mémoire bien précise.
C’est dans cette narration fragmentée que The Longest Five Minutes parvient à nous tenir en haleine, puisqu’il faut bien avouer que le cœur de son récit reste terriblement sommaire. Volontairement ? Certainement, puisque si le jeu n’a pas l’ambition de nous raconter une grande épopée, il s’inspire avec humour des plus grands classiques du genre. Il ne s’agit pas ici d’une caricature cynique des RPG à l’ancienne, mais plutôt d’un hommage innocent, naïf et sympathique qui rend cette aventure plus intéressante qu’espérée. Certains moments se révèlent être plus dramatiques et mélancoliques que d’autres, mais le ton de l’aventure reste globalement assez léger, toujours dans un esprit bon enfant. On notera également que même si les personnages appartiennent eux aussi aux clichés du genre, on s’attache finalement à eux assez rapidement.
RPG 101
Bien que l’idée de départ et l’aspect visual novel du combat final rendent l’expérience amusante, The Longest Five Minutes reste avant tout un RPG 8-bits, qui nous fait clairement remonter des décennies en arrière. On ne va bien évidemment pas juger ici l’aspect graphique du titre – qui plaira certainement aux nostalgiques, mais son gameplay qui s’articule autour de combats classiques en tour par tour. Si le jeu rend clairement hommage aux anciennes gloires du jeu, jamais il n’a l’intention d’ajouter ne serait-ce qu’une seule idée, une seule petite curiosité qui l’aurait démarqué de ses ancêtres. Cela est préjudiciable car le titre reste bloqué dans des poncifs du genre déjà éculés mille fois, avec un système de combat beaucoup trop léger pour nous captiver.
Le système de combat se révèle être sympathique mais n’évolue jamais, ce qui finit par montrer qu’il manque cruellement de profondeur.
On retrouve donc l’habituelle attaque, la possibilité de parer les mêmes magies que dans tous les J-RPG, point barre. Rien de très captivant en somme, surtout que la facilité relative de tous les combats ne fait rien pour arranger cela. On se retrouve vite à marteler le bouton d’attaque, sans esquisser ne serait-ce qu’un bout de stratégie tant nos héros semblent être bien trop forts pour leurs opposants. Même les traditionnels boss paraîtront être de la vulgaire chair à canon, même si ce sont là bien les seuls à nous faire dégainer notre magie curative.
En réalité, cette absence de difficulté provient de plusieurs facteurs assez étranges pour un J-RPG. Tout d’abord, on notera que le grind est absolument superficiel ici, puisque vos héros sont déjà assez puissants comme cela. Le niveau de nos personnages est déterminé par chaque souvenir, vous libérant ainsi de toute nécessité de level up. Comme chaque souvenir dure généralement entre cinq et trente minutes, pas la peine de vous embêter à pourfendre du démon à tout-va puisque votre niveau est déjà établi à l’avance, et bien suffisant pour combattre n’importe quel boss. Plutôt pratique en apparence, cette fausse bonne idée vient littéralement plomber tout le challenge, au point de nous désintéresser complètement de tous les combats, que l’on finira même par éviter à l’aide d’un sort bien pratique. Vous gagnerez bien des points de « ré-expérience » qui vous serviront lors du tout dernier combat, mais là encore, ne vous attendez pas à trembler des genoux devant l’ultime affrontement.
Une nostalgie un peu floue
En parlant de choses qui pourraient être intéressantes sur le papier mais que ne fonctionnent pas, la personnalisation de l’équipement de vos personnages manque cruellement d’intérêt. A chaque souvenir, vos héros seront déjà équipés avec ce qui se trouve de meilleur sur le marché, et puisque les combats ne sont déjà pas très difficiles, l’envie de dépenser tout son argent dans des épées ou des plastrons ne se fait jamais ressentir. Pire encore, puisque sachant que tout ce que vous ramasserez lors de chacun des souvenirs n’est pas conservable en dehors de ce segment bien précis, l’exploration devient complètement obsolète. On se rend très vite compte que partir à la recherche de coffres cachés ou fouiller dans des vases est finalement superficiel, et n’est présent que pour cocher les différentes cases du bon petit RPG traditionnel.
Puisque le jeu ne propose aucune réelle difficulté, fouiner dans les donjons ou grinder devient inutile, voire même une perte de temps.
« Bon », il ne l’est malheureusement pas vraiment. Entre un système de combat simpliste à souhait et des mécaniques trop automatisées, l’aspect RPG du titre peine grandement à convaincre. Ce n’est pas non plus ses divers donjons qui attiseront notre intérêt, puisque ceux-ci se révèlent être particulièrement vides et sans génie. On notera avec amusement les grands clins d’œil adressés ici à la série Pokémon, que les fans reconnaîtront en un instant, mais cela reste bien léger. On trouvera bien ici et là quelques quêtes annexes amusante, mais souvent anecdotiques et à l’arrière-goût de remplissage. Reste trois mini-jeux sympathiques mais qui là encore, souffrent d’une trop grande facilité.
Malgré tout cela, il subsiste une forme d’énergie et d’impact qui parvient à passer outre tous ces défauts. Clairement, l’aspect visual novel tire vers le haut ce RPG trop superficiel, avec un dynamisme et un entrain permis par le concept de base de The Longest Five Minutes. On parvient vraiment à ressentir une urgence durant ces longues minutes qui mettent en scène ce dernier combat, ce qui donne au titre un rythme assez effréné. Cela est certainement dû au morceau musical choisi durant toute la bataille, qui retranscrit parfaitement la tension et l’héroïsme de nos actions. L’OST est d’ailleurs plutôt réussie dans l’ensemble, même si la plupart des thèmes sont franchement oubliables en dehors de deux ou trois excellentes pistes. Finalement, The Longest Five Minutes s’en sort mieux quand il ne regarde pas dans le passé.
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