Quand petit Toothpick lançait Ninja Gaiden sur sa Nes, petit Toothpick avait comme des millions d’autres petits gamers des étoiles dans les yeux. Les quelques secondes de cinématique d’introduction était sidérante, probablement la chose la plus excitante qu’il nous était donné de voir sur la console. Le jeu était largement à la hauteur de cette formidable intro malgré une difficulté impitoyable. The Messenger a très certainement frappé des millions de joueurs lors de son annonce avec sa promesse d’un gameplay 8/16bits façon Ninja Gaiden. Développé par les québécois que Sabotage et édité par les gens sûrs de Devolver Digital, il nous tardait d’enfin mettre les mains dessus.
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Alors que la vie suit son cours dans le village secret des ninjas, notre héros s’ennuie et manque d’action. Il va être servi car une armée de démons tombe du ciel et il se retrouve à devoir porter un parchemin enchanté au sommet d’une montagne. Notre messager traverse alors la terre entière pour mener à bien sa mission comme le facteur le plus professionnel du game, l’occasion pour nous d’en prendre plein la vue. Oui, The Messenger est beau comme un diable de pixels. Même les réfractaires au pixel-art n’auront surement pas d’autre choix que de s’incliner face aux paysages sublimes, aux sprites fins et si bien animés ou aux boss parfois gigantesques tous vraiment originaux dans le design. Et quand on pense avoir tout vu, le titre prend le joueur à contre-pied et propose une version 16 bits de l’ensemble de ses environnements (nous reviendrons sur le pourquoi plus loin). Encore plus détaillés, encore plus précis, encore plus beau. Messenger propose une profonde relecture de son univers en transfigurant sa direction artistique tout en restant cohérent.
Ainsi chaque région se traverse avec des étoiles plein les yeux, et le plaisir de la découverte ne s’arrête pas au simple aspect visuel. La moindre petite pause chez notre cher ami le boutiquier est l’occasion d’une discussion sur la région, le boss de fin de niveau et une petite histoire avec une morale. Ces dialogues sont l’occasion d’apprécier le fin travail d’écriture réalisé par les équipes de Sabotage, notamment l’humour du jeu. Là où un Aggelos se contente de jouer la carte rétro à fond (avec une très légère surcouche humoristique sous forme de clin d’œil), The Messenger est tout simplement drôle. Il est drôle parce qu’il joue aussi bien des codes du genre que de ses personnages. Et surtout, il est drôle parce que les dialogues sont vraiment bien sentis. Quand le titre adopte un ton plus solennel pour nous raconter certains morceaux de son histoire, il le fait avec beaucoup de maîtrise pour mieux contraster avec la bonne humeur ambiante, s’assurant de faire comprendre au joueur que sa quête d’apparence toute simple est porteuse de véritables enjeux. Chapeau.
Nos oreilles aussi sont gâtées avec une OST chiptunes de première saveur composée par l’excellent Rainbowdragoneyes directement sur Famitracker. L’artiste se fait plaisir en proposant ses morceaux à la fois en 8 et 16 bits. La transition se fait aussi parfaitement en musique qu’en image lors des passages entre les époques et, si on a une petite préférence pour la folie et la spontanéité de la version 8 bits de la bande-son, chaque version est parfaitement cohérente avec l’ambiance visuelle du niveau. Finalement, le seul petit regret que l’on aura sur tous ces aspects ce sont ces vilains ralentissements sur la version Switch. Certains écrans tombent carrément sous les 20 fps, et c’est franchement inacceptable. Heureusement ces ralentissements sont très rares et ne peuplent pas plus d’une petite dizaine d’écrans, mais cela reste impossible à justifier ni à excuser.
Suivi de l’expédition
Ces ralentissements sont d’autant plus pénibles qu’ils brident la vitesse et l’agilité de notre personnage. Le messager bouge vite et bien, armé d’un vaste panel de mouvement pour arpenter le monde. S’il n’y a pas de double saut à proprement parler, le simple fait de toucher une cible (ennemi ou élément du décor) avec son katana lorsque que l’on est dans les airs permet de sauter à nouveau. Il est ainsi possible de rester dans les airs à l’infinie en se débrouillant bien. En avançant on récupérera aussi une cape pour planer sur de courtes distances ou encore un grappin pour se propulser dans les airs. Sachant que notre ninja est déjà apte à grimper et à s’accrocher sur à peu près toutes les surfaces, on finit par traverser les niveaux avec une grande rapidité d’exécution. The Messenger ne bride jamais le joueur dans ses mouvements (à l’exception de quelques rares puzzles), au contraire, il l’encourage à tout faire comme il le sent. C’est fluide dans la jointure exploration/combat et c’est hyper plaisant à jouer. Surtout avec ces contrôles hyper précis et réactifs ainsi que les hitbox parfaitement délimitées. Les speedruns promettent d’en mettre plein la vue.
Cette agilité est encore plus importante dans la deuxième moitié du jeu. J’ai déjà évoqué les changements entre 8 et 16 bits, il faut savoir qu’ils sont justifiés par un petit twist scénaristique. Sans en dire trop, le jeu passe d’action/plate-forme à un metroidvania en nous renvoyant découvrir de nouvelles zones dans les niveaux déjà terminés. L’effet est ultra efficace sur le moment (et porté par l’excellente idée de mise en scène), mais le soufflé retombe malheureusement assez vite. La seconde partie du jeu est moins maîtrisée au niveau du rythme et enchaîne assez rapidement les allers-retours frustrants. Moins de boss, moins de mise en scène et de dialogue, ces moments finissent par sentir le remplissage un peu trop fort et c’est vraiment dommage. Le titre perd un peu ce qui l’a rendu si brillant pendant les deux premières heures. Heureusement il nous réserve aussi d’excellent moment et des surprises, mais on se demande si on n’aurait pas préféré une seconde moitié plus linéaire comme la première. Quoi que peut-être qu’un simple fast travel aurait suffi à fluidifier un peu plus la progression…
Accusé de réception
Ces quelques défauts, que l’on mettra sur une volonté de vouloir trop bien faire, ne gâchent pas la fête pour autant. Nous n’avons pas encore abordé l’excellence des combats de boss par exemple. Souvent originaux dans leur character design, eux aussi nous offrent quelques dialogues savoureux à base d’humour particulièrement absurde. Si bien qu’on se sent presque mal de leur taper dessus après une petite discussion. Les affrontements sont souvent très brefs et encouragent à trouver le meilleur moyen pour faire un maximum de dégâts sans se laisser dicter un rythme par les patterns, quitte à prendre des coups. Il y a toujours des solutions alternatives à ce qui paraît être évident. Ils ont le mérite d’être très nombreux et de compenser le bestiaire plus ricrac de l’autre côté. Les ennemis tournent très vite en rond et le jeu préfère se concentrer sur une poignée d’ennemis en les réutilisant dans tout un tas de situation que d’agrandir le bestiaire.
Le level design lui est déjà plus varié, plein de bonnes idées et très habile dans le recyclage. Des mécaniques introduites dans une zone ressortiront toujours un peu plus tard sous une autre forme, jamais celle attendue. Plus on débloque d’aptitude, plus on se rend compte du nombre de possibilités laissées par le jeu au niveau de l’exploration. Les passages de 8 à 16 bits renouvellent encore un peu plus les situations et font illusion au moment de leur découverte. Il y a tant de petites idées brillantes disséminées çà et là qui nous font nous exclamer “ah ouais, ça c’est bien vu” et qui rendent l’aventure encore plus plaisante. On regrette assez rapidement la relative courte durée de l’aventure (environ 4-5 heures, 6-7 pour le 100%) ainsi que son manque de difficulté global. On mourra essentiellement dans le dernier tiers du jeu en voulant aller trop vite ou sur quelques erreurs d’inattention. Il y a tout de même quelques zones plus difficiles qui nécessitent une bonne maîtrise des différentes mécaniques de jeu (alternance grappin/saut supplémentaire/cape principalement), alors qu’aucun boss ni aucun ennemi ne posera de véritable problème au combat
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