Etant donné que les Souls-like sont désormais légion, From Software s’est forcé à faire évoluer le genre avec brio grâce à Elden Ring. Après un tel mastodonte qui a bouleversé le milieu, il est difficile pour les studios de revenir avec des Souls-like à la formule plus traditionnelle, plus enfermée et réservant moins de surprises. Le petit studio taiwanais OverBorder Studio tente tout de même sa chance avec Thymesia, un titre qui suinte l’hommage à From Software en se voulant presque comme une synthèse de plusieurs de ces jeux. Mais comme l’histoire du jeu centrée autour de l’alchimie aime à nous le faire comprendre, gare aux mélanges non-maitrisés.
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ToggleL’alchimie, ça tourne toujours mal
Avant toute chose, loin de nous de comparer un jeu au budget aussi modeste que celui-ci à d’autres ténors du genre. Et il faut bien avoir cela en tête lorsque l’on lance Thymesia pour la première fois, car les limites financières du studio nous sont exposées très rapidement. On comprend vite qu’aucun doublage n’est de la partie, et que l’univers ne nous sera présenté que via une ou deux images fixes. Une économie de moyens que l’on pardonne, surtout dans un Souls-like, où l’on est habitué à découvrir une histoire cryptique, qui ne nous est réellement racontée que par la lecture des documents que l’on trouve dans les différents niveaux.
Thymesia nous raconte alors l’histoire de Corvus, un personnage ayant perdu la mémoire et qui va s’efforcer de progresser dans le royaume de Hermès, corrompu par une peste mystérieuse qui transforme tout le monde en monstre. Corvus est ainsi le seul espoir pour trouver un remède, s’il parvient à retrouver ses souvenirs en premier leu.
Et c’est à peu près tout ce que vous comprendrez de l’intrigue si vous ne vous adonnez pas à la lecture. Les rares cinématiques ne servent qu’à introduire les boss, votre personnage n’a pas droit à une once de dialogue, et vous ne ferez la rencontre que d’un ou deux PNJ pour vous aider à comprendre ce qu’il se passe. Si vous vous en souciez bien sûr, bien que le titre nous force un peu la main si l’on souhaite débloquer la fin « parfaite », avec un choix final qui nécessitera d’avoir compris ce qu’il se trame dans le royaume.
Mais là où d’autres titres du genre parviennent à instaurer du mystère et de l’envie de dénicher des bouts de lore, difficile de s’intéresser à l’univers de Thymesia tant il fait l’impasse sur toute forme d’originalité, en dehors de sa recherche de la fin parfaite. Les documents que l’on trouve sont également peu captivants à lire, et on mettra tout cela bien vite de côté.
Du loup au corbeau
Qu’importe, dans un Souls-like, on est avant tout là pour le gameplay, et c’est bien là que Thymesia avait une carte à jouer. Bien plus nerveux que la plupart des autres titres du genre, il pousse Corvus à être très agressif et à tout miser sur ses réflexes. En un sens, il tient là plus d’un Sekiro qu’autre chose, avec un système de parade presque similaire qui veut jouer sur le tempo. C’est d’ailleurs là que l’on voit vite le premier écueil du gameplay, loin d’être réglé comme un papier à musique comme celui de Sekiro.
Tout comme le Loup, Corvus ne peut compter que sur son épée pour se battre et effectuer des combos rapides. Mais attaquer avec cette dernière ne fera qu’infliger des dégâts superficiels à l’ennemi (représentés par une barre de vie blanche). Pour véritablement blesser vos adversaire, il faut faire diminuer leur barre de santé verte, qui s’affiche après avoir baissé la barre de vie blanche. Et pour cela, Corvus peut attaquer avec ses griffes pestiférées pour infliger des dégâts durables. S’il ne le fait pas rapidement, la barre de santé blanche remonte, et la fenêtre pour infliger des dégâts est perdue. En somme, tous les ennemis se régénèrent constamment à moins de s’attaquer à la barre de santé verte.
Sur le papier, c’est une bonne idée qui différencie Thymesia d’autres jeux du genre. Ce système pousse à constamment attaquer l’ennemi et à combiner entre les deux armes, même si on regrettera qu’il n’existe pas de « vrai » combo entre les deux (il faut attendre d’avoir terminé une attaque avec la première pour déclencher l’animation de la seconde).
Avec ses griffes, si l’on maintient l’attaque chargée, Corvus peut voler les armes de ses ennemis pour les transformer en armes pestiférées. Ces armes s’épuisent après un seul coup et ne déclenchent qu’une seule attaque spéciale, mais leur variété suffit à leur trouver un véritable intérêt.
En progressant, on peut même emmener jusqu’à deux armes de ce genre avec nous, sans besoin de les voler à l’adversaire. Leur utilisation est ainsi uniquement limitée par une jauge de peste (du mana). On regrette évidemment que chaque arme soit limitée à un seul type d’attaque et on comprend bien vite qu’il n’est pas du tout question de construire des builds ici, mais s’amuser à toutes les découvrir est sympathique.
Un timing à y laisser des plumes
Car comme on l’a précisé, Thymesia s’inspire bien plus d’un Sekiro, voire d’un Bloodborne (surtout dans son ambiance gothique) que des Souls, ce qui veut dire que la partie RPG est très peu présente. Vous pourrez gagner des niveaux en récoltant des genres d’âmes en tuant des ennemis, et en vous rendant dans les simili feux de camp pour vous reposer.
Le studio n’a d’ailleurs pas beaucoup fait d’efforts pour se démarquer de ses inspirations ici, mais c’est un problème de beaucoup de jeux du genre. Ici, vous ne pourrez faire progresser que la santé, l’attaque et la jauge de peste de Corvus. A chaque niveau gagné, vous aurez aussi un point de compétence à dépenser sur plusieurs arbres pour affiner votre style de jeu. Là encore, on ne parlera pas de builds, mais plutôt de préférences dans votre style de jeu. On peut par exemple remplacer le contre par un système de parade, ou tout miser sur les compétences de nos griffes. Le jeu a la délicatesse de ne pas bloquer ces choix, puisque vous serez libre à tout moment de redistribuer vos points comme vous l’entendez.
On est donc sur du (très) light-RPG, combiné à un gameplay très rapide, pour ne pas dire bourrin. Et on ne va pas se mentir, durant un temps, cela fait illusion. Les combats sont relativement fluides, on ressent un vrai sentiment de puissance grâce à de jolis finish-moves, et pour ne rien gâcher, les animations sont plutôt propres. Il y a de belles choses à trouver dans Thymesia, mais les fans du genre vont vite déceler ce qui cloche.
Le timing des contres est dans un premier temps très hasardeux, sans parler du système d’interruption qui ne marche qu’avec une toute petite fenêtre difficile à discerner (vous risquer de vous casser les dents dessus dès le tutoriel). Cela n’est pas forcément gênant durant la première heure, jusqu’à ce que l’on se heurte au premier boss, qui risque de faire lâcher l’affaire à beaucoup de monde. La maitrise du contre est presque essentielle contre lui, mais puisque cette mécanique de gameplay est hautement imprécise, préparez-vous à pleurer des larmes de sang.
Heureusement, il suffit d’aller faire un tour dans l’arbre des compétences pour débloquer une aptitude qui va augmenter la fenêtre des contres, puis une deuxième qui est encore plus large. Tout de suite, le contre devient plus facile. Tant mieux ? Oui et non. En activant la dernière compétence, il suffit alors de bourriner le bouton de parade pour être virtuellement invincible. Un choix de game design que l’on peine à comprendre. Il aurait été mieux de proposer un contre bien réglé de base à notre sens et d’avoir fait des efforts sur l’équilibrage, même si pour certains, cela pourrait presque s’apparenter à une option « Facile » et une option « Difficile » (oui, on essaye d’y trouver une justification tant bien que mal).
Le juste milieu n’est que rarement atteint
On sait que l’équilibrage est essentiel dans un jeu de genre, et Thymesia ne brille pas du tout dans ce domaine. On roule très facilement sur la plupart des ennemis du jeu, et les rares boss – a peine plus des doigts d’une main – n’offrent pas un défi si intéressant en dehors des boss annexes, plus réussis, avec parfois un joli effort de mise en scène.
Reste alors les ennemis d’élites qui offrent un challenge un peu plus agréable. C’est sans doute lors de ces affrontements que Thymesia est le plus agréable, même si ces adversaires sont des sacs à PV avant tout. Car oui, n’attendez pas trop de tactiques venant d’eux, l’intelligence artificielle est complétement à la ramasse ici, avec, par exemple, un dernier boss qui reste bloqué dans une boucle de pattern en remplissant certaines conditions (et qui devient donc très simple à battre).
En tuant des ennemis plus forts que la moyenne, on pourra récolter des objets qui servent à améliorer nos potions, qui se rechargent à chaque « feu de camp ». Trois types de potions nous sont proposés, avec des effets différents, et un système d’ingrédients nous permet de les personnaliser en y ajoutant des effets. Rien de bien nouveau en somme, mais cela aide à nouveau à personnaliser nos préférences de jeu.
Un contenu limité et des soucis techniques qui dérangent
Dernier point essentiel du genre : le level-design. Mais là aussi, ce n’est pas folichon (oui on a 102 ans). Rien de bien notable ici, le studio s’est amusé à créer quelques niveaux labyrinthiques qui ne fonctionnent vraiment que dans le premier et le troisième biome (sur trois, en écartant le HUB), sans pour autant nous surprendre d’une quelconque façon. A vrai dire, l’absence de carte aura tôt fait de nous couper toute l’envie d’exploration (cela reste de toute façon très linéaire), d’autant plus qu’il n’y a aucune système de téléportation.
Si vous sortez du niveau, imaginons, au dernier feu de camp avant le boss, et que vous souhaitez y revenir, pas de chance, vous devrez tout retraverser. Le jeu nous invite bien à revisiter ces niveaux après avoir occis le boss de chaque zone, via un système d’objectifs secondaires qui vous amène à redécouvrir chaque biome dans une autre configuration avec un boss à la clé. Forcément, ça aide à augmenter la durée de vie, qui n’est pas le plus grand atout du jeu. On a rien contre les expériences plus courtes (à vrai dire, on adore ça ici), mais terminer un jeu du genre en une grosse après-midi laisse tout de même une sensation de trop peu.
Tout cela n’est pas vraiment aidé par le moteur du jeu, qui a bien du mal à afficher autre chose que du brouillard. On sent parfois le potentiel de certains décors, avec un HUB véritablement réussi et avec des idées clairement empruntées à Bloodborne par moments, mais la distance d’affichage est trop limitée pour en profiter. Le motion blur à outrance nous fait penser qu’il est avant tout là comme cache-misère plus que pour servir l’action.
Que dire des problèmes d’affichage de certains textures et d’autres bugs, que ce soit des freezes, des chutes de framerate, et on en passe. On n’en tiendra évidemment pas trop rigueur dans notre jugement étant donné que le titre reste fabriqué par une petite équipe, mais il est nécessaire de le souligner.
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