Avec sa bouille adorable et ses inspirations évidentes, Tunic a immédiatement attiré l’attention dès son annonce. Il y a cinq ans, on ne savait pas encore que l’on devrait patienter autant de temps avant de pouvoir découvrir cette aventure, mais Andrew Shouldice et son équipe ont visiblement tout fait pour que notre impatience soit récompensée. Malgré une démo qui nous avait un peu laissés de marbre, Tunic est bel et bien à la hauteur des espérances, et utilise ses références avec le plus grand soin pour donner vie à une épopée aussi épique que mignonne.
Conditions de test : Nous avons terminé le jeu en une quinzaine d’heures, avec la fin de base (mais pas sans avoir essayé d’obtenir la fin secrète). Le jeu a été testé sur Xbox Series.
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ToggleL’habit ne fait pas le renard
Car oui, comment se dire que derrière ce renard adorable et cette direction artistique tout en rondeur se cache un jeu d’une exigence folle, qui vous donnera envie de briser votre manette ? On exagère (un peu seulement), mais pour bien commencer, il est important de prévenir que Tunic vous réserve un challenge que vous n’oublierez pas de sitôt, et ce malgré ce que les couleurs chatoyantes de ce monde pourraient vous faire croire.
Bien que le premier contact avec le jeu nous entraine du côté d’un univers gentillet, on se rend rapidement compte que la question de la mort a une place essentielle au sein de ces lieux, et cela se traduit aussi bien dans la trame de fond, aussi cryptique qu’elle peut l’être, que dans la difficulté du défi imposé.
Tunic se présente comme un jeu d’action et d’aventure en vue isométrique qui n’est évidemment pas sans rappeler certains épisodes de Zelda, A Link to the Past en tête, où l’on s’amuse à découper des bottins d’herbe et à casser des pots dans l’espoir d’y trouver de petits cristaux. On nous place alors aux commandes d’un petit renard – absolument adorable et doté d’animations parfaites – chargé d’une quête énigmatique, qui vagabonde à travers ces différents niveaux construits avec une structure de type metroidvania, avec des parties du monde qui se débloquent peu à peu au fur et à mesure que l’on trouve certains objets clés.
Une somme d’influences évidente
Et si tout cela parait très familier au premier abord, n’allez pas croire que ce sera une promenade de santé. Que ce soit dans ses combats très punitifs où votre barre de vie s’épuise à vue d’oeil ou dans l’exploration jonchée de secrets qui demandent un oeil de lynx, Tunic s’adresse avant tout à celles et ceux qui ont l’habitude de jouer à ce genre de jeu, et plus spécifiquement aux joueurs et joueuses qui ont la nostalgie de ces derniers.
Parlons dans un premier temps des combats, qui sont sans doute l’aspect le moins intéressant du titre puisque l’on retrouve un gameplay typique de ce que l’on peut attendre d’un Zelda-like, avec un soupçon de Souls disséminés ici et là. Et oui, on sait que la comparaison est usée jusqu’à la moelle de nos jours, mais difficile de nier l’influence des jeux de From Software ici. Entre les « feux de camp », la possibilité de récupérer son âme à l’endroit où l’on a péri, des fioles de potions qui se régénèrent aux feux, ou encore l’importance de la sacro-sainte roulade, on a pas trop de doute sur l’inspiration de l’auteur.
Dommage que ces affrontements n’aient pas droit à un peu plus de surprises que cela. Si les différents gadgets que l’on peut équiper permettent de renouveler un peu l’intérêt des derniers sur la longueur, il faut vraiment attendre d’avoir débloquer un pouvoir très spécifique à la fin du jeu pour que ce système gagne vraiment en dynamisme et en intérêt.
Exigeant, mais pas totalement injuste
Le manque de profondeur du système est contrebalancé par le challenge imposé, qui demande une minutie à toute épreuve afin de ne pas tomber sous les coups ennemis. La mort arrive vite dans Tunic, si bien que l’utilisation de l’esquive et du bouclier, ainsi que la gestion de l’endurance, sont capitales. Le jeu ne vous laisse pas enchaîner les pirouettes à l’envie, et si la jauge de votre renard tombe dans le rouge, les coups pris feront bien plus mal.
On gagne peu à peu des nouvelles armes pour faire face à cela, avec notamment de la magie, voire une arme à feu, mais le défi qui est en face de nous grandit lui aussi en puissance, avec des ennemis capables de faire baisser le niveau maximal de votre barre de santé. Il y a bien quelques objets qui nous donnent des boosts, des attaques ou des leurres, mais leur utilisation reste peu pratique à cause d’une interface limitée.
Il faut donc de la patience pour venir à bout des plus coriaces ennemis, surtout des boss, qui ont droit à une jolie mise en scène grâce à une caméra qui s’éloigne et qui devient plus dynamique. Certains boss ont droit à des hit-box qui ne sont pas parfaites, mais on se souviendra tout de même de chacun d’entre eux.
Histoire de ne pas totalement décourager les néophytes qui seraient séduits par les visuels trop « choupinous » du jeu, Tunic a la bonne idée de mettre en place des modes d’accessibilité, avec notamment un mode invincible, qui permet de se concentrer uniquement sur les énigmes. On y perd pas toute l’expérience étant donné que les combats ne sont pas la chose la plus agréable du jeu, et c’est une bonne idée pour laisser jouer les plus jeunes. On aurait aussi aimé des modes de difficulté pour éviter de choisir entre tout ou rien, mais c’est déjà bon à prendre.
Un bijou d’architecture
Pour progresser, il faudra alors partir explorer pour ramasser divers objets, qui feront augmenter votre force, vos PV, votre mana, votre endurance, etc. Et cela tombe bien, puisque l’exploration est sans doute la chose la plus gratifiante dans Tunic, déjà car l’on ne se lasse pas de découvrir ces magnifiques environnements, mais aussi parce que le jeu possède également un level-design qui relève du génie.
Si l’on a cité Zelda comme influence évidente du jeu, il faut aussi lorgner du côté de Fez pour comprendre comment Tunic a pensé son monde. Le titre joue énormément sur la notion de perspective et vous invite à aller chercher sur ce qu’il y a derrière le décor, plus que ce qui est devant vous.
On n’évite pas la frustration ici, puisque chercher la suite du chemin pendant plusieurs minutes alors que ce dernier se trouve derrière un mur où aucun indice visuel ne l’indique peut se révéler être frustrant (malgré le voyage rapide, on ne compte plus les allers-retours devant la porte de la montagne, pour celles et ceux qui savent), mais on n’échappe pas au petit moment « Eureka ! » lorsque l’on parvient enfin à comprendre comment le niveau est construit.
Le level-design est d’une richesse folle, rarement atteinte dans un titre du genre. Tout est connecté de façon logique, avec des raccourcis qui viennent se créer au fur et à mesure, ainsi qu’avec des outils qui invitent à explorer les lieux passés pour y trouver de nouveaux endroits. Tunic donne une véritable leçon à tous les metroidvania à venir, et on est sans cesse ébloui par son inventivité.
La langue de la logique
D’autant plus que comme on l’a évoqué, rien, mais alors vraiment rien n’est indiqué dans un premier temps. Le jeu ne nous prend jamais par la main, quitte à engranger de la frustration chez les moins patients. Tout ce qui peut vous aider, ce sont des bouts de manuel que vous allez récupérer un peu partout sur la carte.
Mais n’allez pas croire que même avec ces pages en poche, le jeu vous laissera lire à travers lui comme un livre ouvert, puisque tout le langage de Tunic est crypté. Les dessins seront bien là pour vous aiguiller, avec parfois quelques mots notés en français pour vous donner des indices – il faudra par exemple parfois utiliser des objets pour ensuite comprendre à quoi ils servent en retournant sur le manuel – mais tout restera sous la forme d’une énigme.
Au fur et à mesure que l’on récupère ces pages, c’est comme différents morceaux d’un puzzle qui s’assemblent, avec des indications qui donnent parfois à sourire tant la réponse que l’on cherchait depuis des heures était soit évidente, soit réalisable dès le début, sans que l’on ne le sache. De quoi nous ôter un petit « Bordel, mais c’est génial » de la bouche devant l’inventivité et les clins d’oeils auxquels on fait face.
Un ventre mou pour un endgame riche
On reste cependant sur notre faim concernant le troisième tiers de l’aventure, qui fait dans le recyclage, et qui de facto, nous passionne un peu moins à cause du manque de découverte.
Cela est rattrapé par la quête de la fin secrète, qui demande de réellement se creuser les méninges et qui offre des heures de jeu en plus pour l’accomplir, même si là encore, on est invité à parcourir les mêmes environnements. Lors de la sortie d’Elden Ring, certaines personnes invitaient à jouer avec un carnet à la main pour noter tout ce qui pourrait nous être utile dans l’aventure, mais c’est bien sur Tunic que vous aurez le plus besoin de recourir à cette pratique, comme si vous viviez une vraie aventure aux côtés du renard.
Si l’on a accroché jusqu’ici, cela se fera sans mal, et ça nous donnera une excuse pour se balader plus longuement dans ces jolis décors et pour écouter la bande-son encore un peu plus longtemps, qui offre de belles mélodies relaxantes qui contrastent parfois avec des thèmes plus sombres, plus synthétiques, qui installent une ambiance aussi inquiétante que mémorable.
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