Unavowed est un point-and-click avec bien des qualités à multiples niveaux. Le studio Wadjet Eye’s, plus connu pour sa série de jeux Blackwell nous offre une aventure urbaine stylisée remplie de surnaturel, d’humour et par dessus tout : de la rejouabilité. Dave Gilbert réussit, une nouvelle fois, à capturer l’attention par son savoureux scénario d’investigation et une 2D qui fourmille de vie.
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Unavowed est ce qu’on pourrait appeler une expérience à multiples strates ; assez étonnant de constater que ce point-and-click se permet une narration qui s’adapte aux choix du joueur. La recette n’est pas nouvelle, tel un Mass Effect ou encore The Walking Dead, le point-and-click ose s’approprier de cette fonctionnalité ! Dès le départ, le choix du sexe donne lieu à des embranchements de conversations différents. Ce qui introduit en vérité les deux protagonistes principaux de l’histoire. Malin! Chacun des personnages possède son propre vécu qui affecte directement la progression de l’aventure. La variation du scénario selon le sexe et les multiples choix scénaristiques permettent de replonger aisément dans cet univers si curieux. La richesse des personnages et des environnements est solide, de plus le studio se permet d’incorporer à sa recette quelques éléments de RPG, un peu à la Dragon Age (Bioware).
L’aventure est violente et surnaturelle, la thématique abordée sied à un public mature.
L’histoire prend place de nos jours dans la ville de New York au cœur d’une situation mouvementée. Au sommet d’un immeuble, la pluie battante, un exorcisme prend place : le vôtre ! Dans un premier temps immobilisé par une agent, et en face : un homme vêtu d’un long manteau incante des éclairs en notre direction. À la suite de quelques lignes de dialogue, on comprend rapidement que l’exorcisme se déroule difficilement dans la tentative d’extraire le Mal en nous. Le jeu propose de choisir, au moment où l’on retrouve petit à petit la mémoire, le vécu du personnage qui est répercuté tout au long de l’aventure. C’est à travers une série de questions (nom, sexe, travail…) que l’on définit le personnage incarné, jusqu’à présent représenté par une silhouette noire. Ainsi se déroule l’une des trois introductions, sous la houlette d’un flashback, qui explique l’origine démoniaque de notre possession.
Unavowed met l’accent sur le choix du personnage incarné pour varier le script de l’histoire.
En effet, les choix impactent le début de l’histoire, mais également l’angle d’approche des défis qui attendent d’être résolus. Ces choix vont permettre d’utiliser des compétences propres à chacun des protagonistes et l’interaction sociale s’en voit, elle aussi, chamboulée. La scène d’introduction passée, les deux exorcistes se révèlent être des agents d’une organisation secrète appelée « Unavowed ». C’est le dernier rempart contre les ténèbres, constituée d’agents aux pouvoirs surnaturels qui s’occupent principalement de toutes les activités concernant le Malin : rien que ça ! Les activités surnaturelles sont en hausse, la population de New York victime des événements et dupée par ceux-ci : incapable de discerner le menace planante. Fort heureusement, après la récente possession par le démon, le joueur peut voir les créatures venues d’autres dimensions. C’est grâce à cette compétence que le joueur se voit invité à rejoindre les rangs de Unavowed pour se débarrasser une bonne fois du démon qui nous possédait. Eh bien oui ! L’exorcisme n’a qu’à moitié marché !
Des racines et des pixels
Curieusement, une sorte de pression s’installe quand il s’agit de trancher par des choix cruciaux durant le déroulement du scénario. Unavowed surprend par son écriture et, cerise sur le gâteau, par l’émotion qui se dégage de sa narration. Les quelques rebondissements scénaristiques ne sont jamais (trop) capillotractés, au contraire, ils donnent libre cours à l’interprétation. Ce développement plus ample dans ses intentions est ce qui sépare Unavowed des expériences visuelles dont il s’inspire : les productions point-and-click des années 90. D’un point de vue technique, les visuels nous ramènent à l’époque d’une résolution limitée de 640 x 480 (l’upscale est parfait aux résolutions supérieures) très old-school. Mais comme expliqué précédemment, c’est son histoire surnaturelle qui accapare toute notre attention.
Pour pleinement apprécier l’excellente écriture, Unavowed est à refaire plus d’une fois !
En référence aux productions de Wadjet Eye’s, leur dernier jeu Unavowed s’inscrit parfaitement dans la philosophie du studio. La pâte graphique, signature de la firme, lie d’une certaine façon tous ces univers imaginés. Pour ceux qui auraient connu Gabriel Knight (Sierra), c’est le jeu d’aventure le plus similaire possible mais avec une histoire qui ne se limite pas à une idéologie unique.
Unavowed est doté d’un contexte visuel fascinant et intellectuellement effervescent.
L’ampleur du scénario s’en va crescendo, l’histoire débute sur une série d’horribles meurtres à enquêter qui mènent petit à petit sur le sort de la ville. L’étau se resserre à mesure que les indices s’imbriquent révélant que des sources démoniaques tirent les ficelles. À de nombreuses reprises, la qualité d’un jeu d’aventure réside dans sa narration, à l’attachement aux personnages plus que les défis ou autres puzzles rencontrés. Pour ce dernier, Unavowed propose un bon niveau d’énigmes sans pour autant être impossibles à résoudre. Le jeu évite de repasser par les même lieux afin de résoudre les mystères, le sentiment d’être perdu sans savoir que faire n’est jamais ressenti. Par conséquent, les énigmes les plus difficiles trouvent rapidement un sens dans leur contexte s’intégrant parfaitement à l’environnement et l’histoire. C’est un point que les point-and-click ont toujours eu du mal à faire digérer : le bouc et Georges Stobbart par exemple vous évoque-t-il quelques souvenirs ? (Chevaliers de Baphomet)
La maîtrise de la parole
Comme énoncé précédemment, Unavowed a un gros potentiel de rejouabilité, d’une part pour ses nombreux embranchements scénaristiques, et d’autre part en faisant équipe avec vos compagnons. L’histoire se décline sur dix missions. Sur le départ il faut choisir obligatoirement deux membres qui nous accompagnent. L’un d’eux se doit d’être Eli ou Mandana. Cependant, il est possible d’avoir les deux dans l’équipe. Cela permet de résoudre les problèmes de manière alternative. Si par moments, la situation semble impossible à résoudre, la solution est de prêter attention aux points forts de ses coéquipiers pour avoir leurs points de vue sur la situation. En effet, le choix de vos partenaires change bien plus que les puzzles à résoudre ! Par contre une fois la mission entamée il est impossible de faire marche arrière à moins de tout recommencer… Je vous laisse découvrir les autres membres potentiels avec chacun leurs propres atouts pour résoudre les enquêtes.
Les coéquipiers interagissent entre eux pour révéler plus d’informations sur leurs personne.
Dave Gilbert réussit une nouvelle fois à rendre les très nombreuses lignes de dialogue, un vrai régal pour nourrir l’intrigue. La quantité d’informations données est impressionnante et jamais elles ne deviennent rébarbatives sur le long terme. La prouesse est accomplie de manière bien maline ! Pour commencer, la plupart des dialogues sont issus de choix réfléchis en amont avec un effet immédiat sur l’histoire. Ensuite, une fois au quartier général d’Unavowed, c’est le moment d’en apprendre plus sur les personnages, rythmant ainsi l’histoire. Et pour terminer, les dialogues sont savamment entrecoupés de « phases » d’énigmes ou autres distractions pour éviter les monologues interminables. Mais comme le travail du script est sublime : il est divertissant d’écouter les personnages bavarder en arrière-plan ! Il est tout de même conseillé de solliciter régulièrement les coéquipiers afin de glaner quelques indices de progression, mais également pour en savoir plus sur l’histoire de ces nouveaux « amis » qui partagent pratiquement le même combat. Pour finir, une fois à nouveau au quartier général, les agents n’ayant pas participé à l’enquête vous donnent leur avis l’enquête résolue.
Les scripts des prestations vocales d’Unavowed ont été écrits avec soin !
Ce qu’on retient après une immersion totale dans Unavowed c’est qu’à la fin de toute enquête nous sommes confrontés à un dilemme moral. En effet, cette interaction constante entre la vie mondaine et le surnaturel demande de prendre parti et de prendre une décision quant au sort de ces créatures venues d’un autre monde. Il n’y a pas de vraie « meilleure décision » et jamais le jeu suggère qu’il y a un bon ou mauvais choix : c’est à vous de faire la part des choses. Cependant, il est probable que des choix de dialogues disparaissent ou le contraire selon des décisions prises durant les chapitres précédant la mission actuelle. À réfléchir !
Le jeu permet de sauvegarder manuellement la progression et une sauvegarde automatique à chaque mission par défaut. Par contre impossible de couper la parole durant un dialogue ou lors d’un choix de conversation. Ce qui est dommage car pour expérimenter les multiples possibilités scénaristiques on doit penser régulièrement à faire des sauvegardes. L’expérience s’en ressent morcelée car il faut mettre une pause à l’action fréquemment, du moins autant de fois que l’on juge nécessaire.
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