Les jeux de VanillaWare ne parlent peut-être pas au plus grand nombre, mais voir un tel studio être au bord de la faillite sur chaque projet a de quoi fendre le cœur. Le succès mesuré de 13 Sentinels: Aegis Rim n’a pas changé les choses puisque le développement de Unicorn Overlord a encore failli mettre l’équipe en déroute. Et il aurait été bien dommage de ne pas voir ce projet aboutir tant VanillaWare livre ici l’un de ses meilleurs jeux, qui pose les fondations d’une licence qui peut être amenée à durer.
Conditions de test : Nous avons terminé l’aventure en 35 heures en mode Normal, avant de passer quelques heures supplémentaires pour terminer l’ensemble des missions. Le jeu a été testé sur PlayStation 5.
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ToggleLoin d’être aussi rare qu’une licorne
La première impression que nous a donné Unicorn Overlord est celle d’être l’antithèse de 13 Sentinels, ou plutôt l’envers de ce qu’était le précédent jeu de VanillaWare. Les deux titres partagent d’évidentes ressemblances tout comme des qualité communes, mais c’est dans leur plus gros point faible qu’ils s’opposent. Là où le visual novel teinté de tactical brillait tout particulièrement lorsqu’il s’agissait de nous conter un récit prenant et bourré de rebondissements malgré des phases de gameplay plus dispensables, Unicorn Overlord semble n’avoir rien à nous raconter entre les instants où l’on prend la manette avec plaisir.
Ce n’est pas tellement que le jeu ne laisse pas la place à un peu de narration : c’est plutôt que celle-ci se révèle être particulièrement plate. Unicorn Overlord reprend le schéma classique et éculé du conte de fantasy, avec un prince déchu qui va se relever et qui va bâtir sa propre armée soldat par soldat dans le but de s’opposer à un terrible empire qui a envahi tout le continent. L’histoire d’Alain, le prince en question, n’est qu’une resucée de toutes les œuvres du même genre sans subtilité aucune, dans lequel le bien triomphe du mal avec quelques twists téléphonés, et où la grandeur d’âme de notre héros sauve le monde. Ça et un anneau magique (avec l’emblème de licorne, d’où le nom du jeu), puisqu’il en fallait bien un.
Tout cela ne reste pas foncièrement déplaisant à suivre. Du moins, dans les premières heures, puisque le récit va ensuite entrer dans une certaine mécanique qui va se répéter plusieurs fois. Alain et sa troupe doivent libérer les contrées du royaume du mal qui les contrôle, ce qui va amener à un schéma narratif qui va se reproduire quatre fois d’affilée sur la trentaine d’heures, à savoir de combattre des ennemis pour les rallier à notre cause ensuite, jusqu’au boss final de la région. Chaque contrée a ses propres intrigues internes, mais rien qui ne donne pas envie de presser le bouton pour passer la cinématique en cours.
On ne se rattrapera donc qu’aux petits moments de complicités que les soldats partagent entre eux. VanillaWare propose ici un casting affolant avec des dizaines et des dizaines de personnages hauts à en couleur, dont certains ne sont pas obligatoires alors qu’ils entrent pourtant en compte dans des quêtes secondaires aussi développées que celles de l’intrigue principale. Vous pouvez même créer vos propres mercenaires si vous pensez qu’il n’y a déjà pas assez de monde.
Mieux, un système d’affinités relie tout ce casting, ce qui a une incidence aussi bien durant les combats que lors des moments de repos. Sans que cela aille aussi loin que dans un Fire Emblem avec des mariages dans tous les sens, chaque soldat peut se lier d’amitié à un autre et avoir trois scènes « d’intimité » par « couple », qui aident à mieux connaître chaque personnage et à assister à quelques moments sympathiques, même s’ils ne sont pas très bien mis en scène (ni doublés). Sachant qu’il y a, au bas mot, environ 70 personnages uniques à recruter, vous imaginez toutes les possibilités que cela engendre.
La cohésion d’équipe, c’est important
Ce vrai effort a aussi une importance lorsqu’il s’agit de prendre les armes, puisque si des unités qui sont proches l’une de l’autre combattent ensemble, elles obtiennent un boost de caractéristiques. Car Unicorn Overlord propose non pas de vous laisser contrôler chaque unité de manière individuelle (et heureusement avec 70 personnages), mais plutôt des groupes d’unités pouvant aller jusqu’à 5 personnages. La formation de chaque unité est très importante pour venir combler les faiblesses de chacun ou renforcer leurs avantages, tout comme il est primordial de faire attention à leur placement au sein du groupe.
Contrairement à d’autres tactical, Unicorn Overlord vous laisse bouger vos groupes d’unités de manière assez libre, non pas via un damier/une carte divisé en cases. Cependant, le placement de vos unités au sein de chaque groupe est bien délimité par un damier de six cases. Six positions pour cinq places maximum, avec une ligne avant et une ligne arrière. Naturellement, les unités les plus fortes seront placées en avant pour protéger les soigneurs ou les archers en arrière. Tant qu’un groupe comporte encore une unité debout, elle est toujours présente sur le terrain, bien que plus fragile (et ne vous inquiétez pas, pas de mort définitive ici).
Mais les subtilités sont loin de s’arrêter là tant le jeu regorge de classes différentes. Les groupes d’ennemis ont parfois des compositions étonnantes qui vous forcent sans cesse à revoir la composition de vos propres groupes. Avant un duel, switcher un personnage sur une autre case peut drastiquement modifier l’issue du combat qui se prépare (qui est visible d’entrée de jeu, à la Fire Emblem).
Vous pouvez aussi nommer un chef parmi chaque groupe, qui va disposer d’une compétence passive unique. Par exemple, un archer désigné en tant que chef sera en mesure d’aider un autre groupe d’unités avec une volée de flèches lorsque ce dernier entrera en combat. Une unité volante désignée en tant que leader pourra voler à travers la carte, même si les autres unités du groupe sont des soldats d’infanterie.
Tout cela a l’air complexe sur le papier (et on vous encouragera à essayer la démo pour mieux comprendre), mais Unicorn Overlord dispose d’une marge de progression bien pensée, en limitant tout d’abord le nombre d’unités que vous pouvez placer dans chaque groupe. La courbe d’apprentissage est donc plutôt digeste, malgré toutes les mécaniques qui s’imposent à nous d’entrée de jeu et qui sont moins compliquées qu’elles en ont l’air. On peut donc passer ainsi des heures dans les menus à essayer de trouver les compositions les plus fortes, qui seront de toute façon mises à mal à un moment donné par un adversaire qui aura trouvé le point faible de votre groupe. Car finalement, tout repose sur un système de pierre-feuille-ciseau géant aux multiples possibilités.
Un automatisme à bien assimiler
Unicorn Overlord ne veut pas pour autant s’arrêter à cette base classique du bon tactical-RPG. Il ajoute un système de compétences bien pensé. Chaque personnage va gagner des aptitudes en progressant de niveau, qui seront lancées automatiquement lors des joutes. Il faut cependant décider en amont de l’ordre de ces capacités, de leur priorité, puisque vous aurez un nombre d’actions limité au cours d’un combat, déterminé par des points de capacités actives (des attaques ou des débuffs) et d’autres passives (des soins ou des buffs).
Pour aller plus loin, le jeu vous demande aussi de préciser dans quelles conditions ces compétences doivent être activées. Prenez par exemple le soin. Si un personnage possède une aptitude de ce genre et qu’elle est placée en tête de liste de vos priorités, il soignera un personnage au hasard. Si, en revanche, vous paramétrez ce soin pour qu’il vise l’allié avec le moins de PV, ou celui qui est à moins de 50% de sa jauge de PV, il s’exécutera. Voyez cela comme un système façon gambits de Final Fantasy XII.
On aurait tout de même aimer que le bouton « optimiser » pour arranger tout cela fonctionne de manière plus précise, car gérer les capacités d’autant de personnages se révèle être assez pesant. Ajoutez à cela tout un système d’équipement et les bonus d’affinités que nous évoquions plus tôt, et vous avez là un système bien calculé, dense, offrant une myriade d’actions possibles. Malgré tout, comme vous le voyez sur ces images, c’est parfois trop bordélique avec tous les menus qui s’accumulent et l’écran peut devenir surchargé.
Prendre soin de s’intéresser à toutes ces subtilités est malgré tout essentiel pour maximiser vos chances de remporter un combat. Dans les modes de difficulté plus élevés, c’est même vital. Le jeu reste tout de même assez accessible dans la mesure où il offre plein de petites batailles avec une carte très limitée. Certaines escarmouches ne durent ainsi que deux ou trois minutes montre en main, aidant ainsi à se focaliser sur les systèmes évoqués pour en tirer les meilleurs résultats, plutôt que de faire attention à sa base pour ne pas qu’elle tombe aux mains de l’ennemi. Il faut aussi dire que ces courtes batailles offrent un goût de reviens-y au jeu, avec le fameux syndrome du « allez, j’en lance une dernière » avant de réaliser qu’il est 3 heures du matin et qu’il serait plutôt temps d’aller dormir.
Soyez braves
Toutes les batailles ne sont pas de cet acabit et certaines demandent parfois un peu plus d’investissement, même si l’on regrette que ces joutes ne soient que trop peu nombreuses et offrent peu de retournements de situation. Dans ces conflits plus longs, il faut bien réfléchir aux endroits de la carte vers où l’on veut diriger nos groupes d’unités, tout en prenant en compte les particularités du terrain ainsi que les dispositifs de guerre qui sont sur place.
Vous pouvez trouver des tours sur lesquels placer des chefs mages ou archers pour aider vos troupes au sol, des catapultes ou des balistes pouvant bombarder les ennemis aux alentours, etc. Il faut aussi veiller à prendre d’assaut les bases ennemies pour limiter leurs envois de troupes, tout en vous permettant d’appeler davantage de vos alliés depuis ces points spécifiques.
Cependant, même si vous avez une dizaine de troupes en réserve, vous ne pourrez pas les appeler sur le champ de bataille à l’envie. Vous serez limités ici par une jauge de bravoure. Un point de bravoure (sur les 10 maximum) vous permet d’invoquer un groupe d’unités sur le terrain à l’une de ces bases. Mais le système ne se limite pas qu’à cela. Chaque personnage aura aussi une compétence unique à déclencher sur le terrain, qui viendront elles aussi puiser dans la jauge de bravoure.
Cela peut aller de la compétence défensive avec un soin qui va remettre sur pieds les unités aux alentours, à une attaque qui va venir grignoter les PV des unités ennemis avant même d’entrer en duel. Jouer avec ces compétences peut être crucial lors d’une bataille, de quoi ajouter un peu de stratégie supplémentaire. Encore une fois, le jeu a beaucoup d’informations à nous faire digérer, ce qui peut effrayer les néophytes du genre. Mais il possède tellement d’options de confort (comme le fait de zapper les animations de combats, de changer la disposition des unités avant un duel etc.) qu’il devient tout de même très agréable, d’autant plus que toutes ces détails ne devienne cruciaux que lorsque l’on réhausse la difficulté.
Sauver le monde ne suffit pas, il faut le reconstruire
Peut-être que le fait de disposer d’un monde ouvert, ou d’une world map, aide aussi à cela dans la mesure où l’on peut davantage aller à notre rythme pour tout ingurgiter. D’autant plus que vagabonder sur cette carte ne sert pas que d’aller d’une bataille à une autre. Unicorn Overlord veut aussi nous inviter à explorer les environs afin d’y trouver de multiples ressources. Des ressources qui vont nous aider à rebâtir les villages du royaume affectés par la guerre, nous offrant ainsi des récompenses permettant d’augmenter la taille de nos groupes d’unités, ou bien de leur offrir un meilleur équipement.
Cela devient un peu rébarbatif au bout d’une trentaine d’heures de jeu, mais les déplacements sur cette carte sont si aisés que l’on se laisse facilement prendre au jeu du 100%, surtout lorsqu’il s’agit de découvrir les secrets de la map. On y rencontre aussi quelques groupes d’ennemis, qui ne vont pas nous faire entrer dans une vraie bataille, mais dans un simple duel. Pas bien passionnant et un peu superficiel, mais au moins, on en récolte quelques bonus. C’est le même système pour les affrontements en arène, un endroit dans lequel vous assistez à de simple duels là encore très succins. On notera le fait de pouvoir faire cela en ligne contre d’autres personnes, mais ce n’est tout de même pas aussi grisant que de vraies batailles.
Si l’on prend aussi du plaisir à explorer, c’est aussi pour profiter de cette patte artistique sur cette world map retro, couplée avec des saynètes plus élaborées qui permettent d’apprécier le soin accordé au chara-design et aux toiles de fond qui servent de paysages. Ici encore, VanillaWare montre tout son talent avec des arrière-plans qui sont de jolis tableaux, et des personnages très variés, avec un peu moins d’extravagance dans le design en comparaison à d’autres productions du studio. C’est terriblement beau pour peu que l’on soit sensible à la direction artistique du studio, dont la maitrise ne cesse de se renforcer de jeu en jeu.
Et que dire de cette bande-son divine ? Certes, les boucles que l’on entend lorsque l’on voyage peuvent être irritantes sur la longueur étant donné qu’elles sont trop courtes, tout comme on peut dire que l’ensemble n’est clairement pas aussi marquant que l’OST de 13 Sentinels (ce qui était difficile), mais c’est faire la fine bouche. Pas mal de thèmes nous restent encore en tête, surtout lorsque les chœurs s’en mêlent.
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