Il est assez souvent compliqué de réaliser un test d’un film interactif, tout d’abord de par la durée du titre (de deux petites heures), mais également de son gameplay. En effet, celui de Virginia se résume assez rapidement à un simple déplacement et une pression d’un bouton unique afin « d’interagir » avec l’histoire et les personnages. Il faut donc mettre de côté nos acquis de testeur aguerris aux jeux possédant cinquante heures de jeu ou plus, et penser et juger le soft par rapport à sa véritable proposition.
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ToggleUne expérience unique… ou presque
Vous incarnez Anne Tarver, fraîchement arrivée au FBI au début des années 90. Votre première mission sera de partir à la recherche d’une personne disparue dans la petite ville de Kingdom. Vous allez rapidement faire la rencontre de Maria Halperin, qui deviendra votre partenaire. Les deux enquêtrices vont ainsi se retrouver confrontées à divers événements, tous liés à cette petite ville de Virginie. Le jeu prend le parti pris de ne raconter son histoire que par le biais de son visuel et sa musique. Vous ne trouverez aucun dialogue durant les deux petites heures de Virginia. Ce manque de dialogue par moment nuit pour la compréhension de certaines scènes, faisant partie pourtant des péripéties plus « classiques » du jeu.
Il est assez compliqué de donner un point de vue concernant le scénario de Virginia, si son plot de départ est plutôt classique, le jeu part rapidement dans des directions s’inspirant du thriller psychologique, du surréalisme ou encore de l’expérimental. Symbolismes et séquences de rêve s’entremêlent entre les scènes de l’histoire, afin de nous montrer le psychique et la psychologie des personnages principaux. On ressent ici la grosse influences de David Lynch, plus particulièrement sa série Twin Peaks. La fin du jeu partira dans tous les sens, s’inspirant autant de X-files que de la série Au delà du Réel. Si le résultat reste en demi-teinte, et le final assez téléphoné et très distant du joueur, on ne peut que féliciter Variable State pour l’ambition.
Virginia cherche à être une expérience unique pour le joueur, mais quelques soucis concernant le scénario posent problème. En dehors du manque de dialogues, c’est son manque de compréhension général qui pèche ici. Bien que ce soit voulu par les créateurs, ils ont oublié que pour perdre le joueur, il faut tout d’abord l’installer dans l’histoire. C’est ce que font avec brio les films de David Lynch par exemple : Dans Mullholland Drive, le réalisateur nous installe dans un univers, présente son duo féminin ainsi que les personnages secondaires puis nous perd totalement, par utilisation d’une narration éclatée et de symboliques ou scènes de rêveries. Dans Lost Highway, après nous avoir montré toute une histoire plutôt classique, David Lynch nous fait rentrer dans la psychique du personnage principal et nous perd en nous montrant ses différentes personnalités.
Le spectateur est donc autant acteur que simple visionneur car Lynch pousse à l’effort de compréhension, et nous laisse des repères dans l’autre sens nous permettant tout de même de suivre le fil de l’histoire. Le problème dans Virginia est donc que si tous ces ingrédients sont présents durant l’ensemble de l’aventure, ils n’arrivent pas à atteindre le but voulu. C’est un peu un comble pour un jeu en première personne de ne pas réussir à rentrer dans la peau du personnage. On se retrouve donc au final avec un résultat difficilement digeste, car cherchant à compliquer une histoire au final beaucoup trop simple.
Un manque d’interactivité flagrant
Virginia souffre également d’un autre problème majeur, c’est qu’il a oublié d’être un jeu vidéo. Le titre de Variable State nous propose seulement deux actions : effectuer un mouvement et appuyer sur un bouton. Vous devez enlever une planche ? Appuyez sur X. vous désirez ouvrir une porte ? Appuyer sur X. Vous devez crocheter une porte ? appuyez sur X ! Vous avez compris le principe.
Ainsi, on se demande si Variable State avait véritablement une volonté de créer un jeu vidéo ou s’il voulait créer un film d’animation. On peut citer par exemple Her Story, qui propose pourtant par son minimalisme de game design -simplement taper des mots clés pour voir des vidéos d’interrogatoires- de réussir à proposer une véritable expérience inoubliable, alors qu’on pourrait également considérer le titre comme d’un film interactif, étant constitué d’une suite de séquences filmées. Il est vraiment dommage que Virginia, avec toutes les bonnes intentions du monde, ne réussi pas son pari, et peine même à nous tenir en haleine, alors que le titre fait moins de deux heures.
On se retrouve ainsi avec un jeu ne sachant pas réellement comment être un jeu, et son manque d’interactivité est vraiment pénalisant pour le titre. D’autres titres dit « films interactifs » réussissent pourtant très bien à proposer du gameplay. Que ce soit avec les jeux de Telltale Games, ou les productions de David Cage. Ici, nous subissons véritablement l’histoire, et ce manque d’implication du jeu par le gameplay à pour conséquence que nous n’arrivons pas à nous impliquer dans l’histoire et donc également dans le personnage, puisque chaque action est résolue par une pression simple d’un bouton. On peut donc parler ici d’une véritable dissonance ludo-narrative, car nos actions ne reflètent pas l’histoire, et notre manque de choix dans l’histoire pénalise aussi cela.
Un exemple pouvant illustrer le propos : le jeu souffre d’un rythme de narration vraiment dissonant en comparaison à tout autres titres. Durant l’ensemble du jeu, chaque scène se trouve être découpée, comme dans un film, en plan. Habituellement dans le jeu vidéo, ce sont vos déplacements qui créent ainsi le plan. Si on se déplace avec les touches d’un clavier ou d’un stick analogique, c’est car notre œil par rapport à l’écran s’habitue aux déplacements car il arrive à faire la différence entre la réalité et le jeu. C’est pour ça par exemple que les productions en réalité virtuelle utilisent des déplacements plus saccadés pour éviter un déséquilibre du joueur, qui lui peut vivre dans le cas contraire un véritable vertige car le cerveau ne comprend pas que vous vous déplacez avec une manette et non pas vos pieds alors que l’œil donne une information en direct.
Virginia lui décide d’effectuer des « jump cut », ces coupures entre les plans ayant pour but d’accélérer le rythme. Le problème est que ces jump cut ont lieu tout le temps, et surtout à des endroits vraiment étranges. Vous êtes en train d’avancer dans un couloir, et tout d’un coup, vous vous retrouvez au bout du couloir, ou directement dans un lieu différent. Comme expliqué auparavant, votre cerveau comprend que le déplacement du stick sur la manette correspond au déplacement du personnage à l’écran. Sauf que si le jeu force un changement comme ceci sans que vous ayez agit en vrai, un déséquilibre dans la compréhension s’opère.
Un traitement artistique plutôt réussi
Il est d’autant plus dommage que le titre rate le coche sur ses aspects les plus importants car le jeu reste plutôt agréable à l’œil, rappelant l’aspect visuel d’un Firewatch par exemple. Les décors et personnages minimalistes servent pour le coup à l’histoire et permettent de donner quand même une identité à Virginia. Le visuel est couplé à une musique composée par Lyndon Holland et interprétée par l’orchestre philharmonique de Prague. La partition est digne des plus grands films des années 90 et on prend un véritable plaisir à entendre les différentes compositions qui sont en plus variées.
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