Il aurait été facile pour Team Ninja de proposer un Nioh 3 qui pourrait se reposer sur l’aura de la licence, d’autant plus avec ce Wo Long: Fallen Dynasty qui ressemble aux premiers abords à un nouveau Nioh avec une moustache qui s’ancrerait en pleine Guerre des Trois Royaumes. Un contexte souvent exploré dans notre média qui prend tout son sens lorsqu’il est adapté à la formule du Souls-like (ou Nioh-like, comme vous préférez), même si le développeur s’est senti obligé d’y ajouter une surcouche de dark fantasy avec des démons qui viennent se mesurer aux plus grands héros chinois. Pour autant, si Wo Long ne parvient pas à s’émanciper complètement de la formule traditionnelle du studio, il arrive à imposer son propre style avec des mécaniques de gameplay intelligentes qui lui permettent de ressembler à autre chose qu’un clone. Encore faut-il adhérer à la proposition.
Conditions de test : Nous avons joué plus de 30 heures sur PlayStation 5, principalement dans le mode Performances. Nous n’avons pas pu tester la partie coopération faute de monde sur les serveurs. Nous avons vu une très grande majorité du jeu (quêtes annexes y compris), jusqu’à être bloqué face à un boss récalcitrant vers la toute fin de l’aventure.
Sommaire
ToggleFallen Dynasty Warriors
En explorant la période de la guerre des Trois Royaumes en Chine, Wo Long: Fallen Dynasty est forcé d’étoffer un peu plus sa partie narrative que ses prédécesseurs spirituels, ne serait-ce que pour nous dépeindre l’immense galerie de figures historiques qui ont pris part à cet affrontement. Un effort appréciable même si l’on est plus proche d’une narration à la Dynasty Warriors qu’un Romance of the Three Kingdoms.
Dans cette période troublée, vous incarnez un soldat de milice qui s’en sort un peu mieux que ses collègues et qui va vite bénéficier de la bénédiction de plusieurs esprits pour l’aider à survivre. Le cours de la guerre va prendre une autre tournure lorsqu’un mystérieux ennemi mettra à disposition de l’Elixir pour certains camps, une substance énigmatique qui décuple les capacités physiques et qui transforme en démon quiconque en bénéficie. C’est là que vous aurez un rôle à jouer, en pourchassant ce dealer des temps anciens à travers des champs de bataille où vous croiserez des grands noms de cette époque, de Cao Cao à Liu Bei, en passant pas le terrible Lu Bu.
Une guerre pas bien solitaire
Wo Long: Fallen Dynasty se sert du contexte historique pour faire en sorte de vous coller dans les pieds d’illustres soldats et commandants presque constamment. Vous ne serez pas souvent seuls dans l’aventure puisqu’une IA vous collera aux basques afin de vous aider à faire face aux multiples défis. On peut y voir une réponse de Team Ninja aux problèmes d’accessibilité souvent pointés du doigt par les détracteurs du genre, et il est vrai qu’avoir un ou deux combattants à ses côtés permet de rendre l’expérience bien plus… osons les gros mots : facile.
Cela ne veut pas dire pour autant que l’aventure est une promenade de santé, surtout si vous n’avez pas l’expérience d’autres jeux similaires. À ce titre, le soft s’est peut-être collé une balle dans le pied avec sa dernière démo qui présente le premier boss de l’aventure et qui met en place un premier mur de difficulté assez mal paramétré. Les boss que vous rencontrerez par la suite vous apparaitront d’une facilité déconcertante en comparaison et on regrette que le tutoriel ne nous fasse pas intégrer certaines mécaniques plus en douceur, même si on est avant tout ici pour souffrir (ok ?).
Que les amateurs de challenge se rassurent, des gros pics de difficulté viendront rehausser un peu le challenge rapidement avec deux-trois boss qui hantent encore nos cauchemars (comme un certain seigneur de guerre à cheval), et où les compagnons se font rapidement trucider pour laisser place à un duel sans merci. On n’hésitera tout de même pas à les utiliser lorsque l’on sera forcé de farmer un peu pour faire monter en niveau notre personnage, d’autant plus qu’il est possible de récupérer tout l’équipement de ces illustres héros en faisant grimper un niveau d’affection qui progresse si l’on fait souvent appel à eux.
Mourir, ça fout un coup au moral
Et puis, si vous souhaitez gagner à la sueur de votre front, vous pouvez vous imposer vous-même vos propres défis. Wo Long: Fallen Dynasty met en place un système de moral (rangs de Bravoure) qui est presque optionnel dans certains niveaux. Lorsque vous entrez sur un nouveau champ de bataille, vous démarrez votre parcours avec un niveau zéro de moral, qui va peu à peu augmenter en tuant des ennemis ou en plantant un peu partout votre fanion. Chaque ennemi dispose également de son propre niveau de moral. Plus celui-ci sera élevé par rapport au vôtre, plus l’ennemi sera susceptible de vous faire très mal et de rapidement briser vos défenses, tandis que sa résistance à l’interruption sera accrue.
Une mécanique parfaitement bien pensée puisqu’elle s’ancre idéalement dans ce contexte de guerre, où la notion de moral est très importante, mais aussi parce qu’elle nous oblige à prendre des risques et à explorer chaque recoin des différentes cartes, ces dernières disposant d’un level-design correct qui apporte plus d’ouverture et de verticalité que dans un Nioh (tout en restant un peu scolaire). Trouver les différents endroits pour y poser notre drapeau afin d’augmenter notre moral donne une vraie dimension à l’exploration, bien plus que des simples coffres remplis de loot. Et c’est aussi essentiel, puisqu’à chaque mort, votre niveau de moral baissera et retombera à un niveau limité, déterminé par le nombre de drapeaux que vous avez posé. Autant dire qu’il ne vaut mieux pas aller se frotter à un boss si votre moral n’est pas gonflé à bloc, puisque celui-ci brisera rapidement votre petit esprit.
Un titre qui a mangé du Loup
Pourtant, Wo Long: Fallen Dynasty nous montre régulièrement qu’il veut nous forcer à être casse-cou. Tout son système de combat repose sur l’agression et la prise de risque, comme s’il avait pleinement digéré l’héritage de Sekiro tout en y ajoutant un feeling moins mécanique. Si le titre de From Software était réglé comme un coucou-suisse, avec des allures de jeu de rythme dans la chorégraphie à retenir de certains boss, le jeu de Team Ninja est plus libre, presque plus porté sur l’improvisation en dehors de rares moments. Et ça, il le doit à sa partie RPG qui autorise bien plus de libertés qu’un Sekiro, puisque vous aurez des dizaines de types d’armes à votre disposition qui proposent chacune des mouvements d’arts martiaux spéciaux, en plus de magies à utiliser avec parcimonie.
Et puis, Wo Long ne s’embarrasse pas d’endurance, qu’il troque pour une jauge d’esprit. Cette dernière est placée sous votre barre de vie et agit comme une balance qu’il faut toujours essayer de faire basculer du bon côté. En résumé, vous serez totalement libres d’effectuer des séries de coups sans restriction, ce qui fera pencher cette jauge dans le positif (représenté par une partie bleue), mais chaque attaque puissante, chaque sorcellerie ou chaque blocage la fera redescendre dans le négatif (la partie orange).
Trouver l’équilibre parfait dans cette jauge demande donc d’être très porté sur l’attaque plutôt que sur l’attentisme habituel des jeux du genre. Ici, il ne faut pas laisser le temps à l’ennemi de respirer afin d’interrompre ses patterns et de faire monter sa jauge d’étourdissement, qui permettra, à terme, de déclencher une puissante attaque. C’est d’autant plus vrai contre les boss, même s’il faut ici jouer un peu plus avec l’esquive et sur la contre-attaque étant donné que certaines offensives adverses sont imparables (elles sont signalées par une aura rouge).
C’est d’ailleurs ici que l’on peut voir un autre héritage de Sekiro (ou plutôt de Stranger of Paradise: Final Fantasy Origins du même studio) puisque vous disposerez d’un parade « parfaite », qui permet de dévier toutes les attaques si elle est utilisée au bon moment. Cela demande un certain effort musculaire avant de pleinement s’y faire, ce qui n’est pas aidé par le fait que la touche pour effectuer cette parade est différente de la touche de parade traditionnelle, tout en étant la même que celle de l’esquive (appuyer deux fois permet d’effectuer l’esquive). Autant dire que vous allez effectuer plusieurs fois des galipettes sans le vouloir si vous avez la gâchette facile, et la mort viendra vous punir pour vous demander d’être plus précis.
La mécanique est forcément bien moins huilée que dans Sekiro, mais quand on trouve le bon tempo, Wo Long: Fallen Dynasty n’en n’est que plus jouissif. Les sensations manette en mains sont grisantes, aidées par des chorégraphies d’arts martiaux qui donnent un sacré sentiment de puissance. Effectuer un contre au bon moment sur une attaque normalement imparable de boss pour l’envoyer valser avec style nous fait croire que l’on pourrait prendre les Trois Royaumes à nous seuls.
Trouvez votre animal totem
Et si la puissance de notre lame ne suffit pas, il est possible de faire appel à un esprit dont le système est quant à lui une directe évolution de ce que l’on pouvait retrouver dans les Nioh. Votre animal totem (un tigre, un phénix, un serpent ou d’autres qu’on vous laisse découvrir) pourra être invoqué sur le champ de bataille, souvent le temps d’une attaque seulement, ou bien être infusé dans votre arme pour lui conférer certaines propriétés, comme des éléments (feu, glace, etc.).
Le titre joue aussi avec ces derniers dans un système de pierre-papier-ciseaux pour infliger plus de dégâts en effectuant des réactions élémentaires. Pas de quoi transformer l’expérience en un Genshin Impact, mais lancer un sort de glace sur un ennemi dont la lame est imprégnée de feu pourra par exemple stopper son enchantement. Dommage que la mécanique soit finalement assez peu exploitée durant 90% de l’aventure, ce qui n’encourage pas vraiment à se spécialiser dans une voie magique plutôt qu’une autre.
On dispose de cinq arbres de talents qui permettent de débloquer des sorts de plusieurs types, mais ces arbres sont liés à la manière dont vous allez faire progresser votre héros. En gagnant un niveau, vous pourrez augmenter les caractéristiques que vous souhaitez en investissant dans l’un des cinq domaines, aussi appelés des Vertus (de Feu, de Bois, d’Eau, de Terre et de Métal), qui remplacent les habituels Vitalité, Endurance, Force et compagnie. La progression est donc un peu plus floue, puisque vous ne pourrez par exemple pas débloquer de sorts de glace avancés si vous ne souhaitez pas investir vos points de niveau dans la branche d’Eau, qui fait augmenter votre discrétion (ce qui semble bien moins essentiel que la vertu de Bois par exemple, qui favorise votre vitalité). D’autant plus que la discrétion a ici peu de sens tant l’IA ennemie (ou celle des alliés) est dans un autre monde, incapable d’entendre quoi que ce soit en plus d’être totalement myope. On aurait pas dit non à un système plus clair, même si le jeu a ici voulu se démarquer de ses prédécesseurs.
Plus c’est Long…
Il est heureusement possible de rattraper ses erreurs à mi-parcours si l’on a mal compris le système ou si l’on souhaite s’orienter sur un autre build. On débloque vite l’accès à un village qui sert de HUB, avec un forgeron et un vieux maitre qui vous permettra de réattribuer vos compétences. Ce village est accessible à n’importe quel moment lorsque l’on trouve un fanion de guerre principal (en gros, un feu de camp), ce dernier donnant accès à une world map sur laquelle il est possible de déclencher des missions annexes. Ces dernières nous feront revisiter les maps des missions principales mais sous un nouveau jour, avec des zones plus resserrées et d’autres ennemis à combattre pour obtenir des récompenses et pour rendre notre personnage plus puissant en cas de blocage sur un boss trop coriace. De quoi gonfler un peu la durée de vie, même s’il est tout de même regrettable que ces quêtes se terminent très rapidement et font dans le recyclage de décors, bien que titre entende nous faire pas mal voyager.
Cette période permet à Team Ninja de proposer plusieurs biomes assez naturellement, avec une direction artistique qui fait son effet. Elle n’est pas toujours bien servie par le moteur graphique qui affiche parfois des décors avec peu de détails ou des éléments au scintillement trop prononcé, mais il y a tout de même de jolis panoramas à admirer. Le studio n’a toujours pas fait la transition vers la nouvelle génération, ce qui se voit régulièrement sans que cela vienne vraiment ternir l’expérience. Surtout en mode Performances, où l’on se réjouit avant tout d’avoir un 60 fps stable sur PS5 qui ne vacille qu’à de très rares occasion, dans des lieux clos.
Ces espaces renfermés font aussi ressortir ce qu’il y a de pire en Wo Long, et plus généralement sur tous les autres titres du genre. Car le jeu n’échappe pas à la malédiction de la caméra maudite, qui s’affole dès que l’on approche d’un mur et qui rend l’action vite incompréhensible. C’est particulièrement le cas dans ce jeu étant donné que la lisibilité de base n’est pas son point fort. Team Ninja a voulu multiplier les effets à outrance, avec des particules, des explosions et des auras dans tous les sens qui rendent l’écran bien trop chargé, si bien que l’on a parfois du mal à lire les mouvements de notre propre personnage. Autant dire que ça n’aide pas beaucoup dans la lecture des patterns ennemis, de quoi rendre l’apprentissage parfois frustrant. Une frustration qui ne parvient pas totalement à effacer le plaisir d’un contre bien placé, tant Wo Long reste efficace sur la durée avec une constance admirable.
Cet article peut contenir des liens affiliés