Cinq années après son annonce en 2019 et alors que l’on n’y croyait plus vraiment, voilà que Wrath : Aeon of Ruin déboule enfin. Une attente un peu longue pour le soft développé par Killpixel et édité fièrement par nul autre que 3D Realms, studio derrière les emblématiques Shadow Warrior, Prey et évidemment Duke Nukem 3D. Que ce soit dans le genre Fast-FPS dans lequel il s’inscrit mais aussi dans son ambiance et son esthétique, Wrath : Aeon of Ruin reprend une formule old school bien connue et, finalement, toujours bien peu représentée.
Pourtant les prétendants sont là, on pensera à Ion Fury ou plus récemment Prodeus, véritable hommage à cette époque en partie révolue. La différence majeure proposée par le soft de Killpixel se trouve dans le choix de bâtir des niveaux relativement grands, qu’on sera d’ailleurs libre de parcourir comme souhaité, en partie, une prouesse technique tout bonnement impossible à la fin des années 90. Ce parti pris, qui peut expliquer le temps conséquent alloué à la production du soft, va aussi orienter l’expérience vers quelque chose d’assez différents en comparaison des influences susmentionnées.
Plutôt qu’une progression linéaire dans laquelle on enchaîne les vagues d’ennemis, Aeon of Ruin va amener davantage d’exploration avec trois mondes principaux faisant office de hubs centraux depuis lesquels nous accédons aux divers niveaux regroupés en packs de cinq. Une approche qui dénote avec ce à quoi le genre nous a habitués jusqu’à maintenant, mais qui a le mérite d’être intéressante, à défaut de pleinement satisfaisante. Wrath : Aeon of Ruin c’est donc la promesse de sensations uniques lors des gunfights et d’un level design de qualité.
Condition de test : Nous avons joué sur PC via Steam pendant une grosse vingtaine d’heures, suffisant pour venir à bout de l’aventure et relancer la partie dans une autre difficulté. Précisons que nous avons majoritairement joué au clavier/souris, mais que nous avons pris le temps d’expérimenter à la manette.
Sommaire
ToggleDevil Hunters
Une âme, l’Outlander, dérive dans sa barque pour accoster à un site lugubre où attend un mystérieux individu tout de blanc vêtu, contrastant alors avec la teinte ténébreuse de l’ile des morts où notre périple débute. Quelques bribes de contexte narratif exposées par ledit monsieur, suivis d’un rapide tuto pour se familiariser avec les bases de gameplay et nous nous retrouvons dans des catacombes infestées de fragiles squelettes prêts à être occis par notre lame fraîchement récupérée.
Et puis, pistolet et fusil à pompe viendront compléter notre arsenal de début de jeu. Loin d’être reléguée au second plan pour autant, la lame servira surtout à exécuter de long sauts pour les quelques situations de plateforme exigées, en plus d’être totalement opérationnelle contre les monstres les plus imposants, la puissance de l’attaque chargée étant dévastatrice. Par soucis de munitions il sera déconseillé de se contenter du pompe même si ce dernier se veut des plus efficaces, chaque ennemi ayant plus ou moins une manière optimale d’être anéanti en fonction de l’arme.
Des tirs aussi, puisqu’un tir secondaire sera systématiquement présent pour la totalité des neuf armes à disposition. Si toutes ne valent pas le coup, au même titre que l’arsenal allant du cool, avec l’espèce de massue délirante, au plus dispensable comme le lance acide, Wrath : Aeon of Ruin tente d’en faire quelque chose, bien que le résultat n’atteigne pas la maestria d’un Doom. Ce qui est évident par contre, c’est que Killpixel a fait du bon boulot sur les gunfights. Une fois dans le feu de l’action les joutes deviennent assez jouissives, c’est fluide et les déplacements de notre personnage sont agréables, malgré une légère tendance à glisser, que le sol soit gelé ou non. Gare aux rebords.
Les feedbacks font également le travail, visuellement déjà, avec des gerbes de chairs explosant sous nos yeux. C’est appréciable de constater l’état d’une pièce après notre passage. Sans aller aussi loin qu’un Prodeus qui tâchait bien plus, Aeon of Ruin procure son petit plaisir. De surcroît avec un sound design lui aussi efficace. Outre les bruits d’ennemis pulvérisés, mention spéciale aux créatures acidifiées, la présence des cris et grognements distinctifs de chacun des démons composant le bestiaire permet d’être au fait de ce qui nous attend.
Deadly Target
Un soin précieux étant donné qu’il est important de prioriser l’ordre des cibles à éliminer pour faciliter un affrontement, et il ne sera pas rare d’être pris par surprise par une créature surgit d’on ne sait où. C’est là un point gênant du soft, la tendance qu’ont certains ennemis à apparaître de façon illogique dans notre dos, de quoi casser un peu l’immersion, alors qu’on accepte volontiers qu’une porte ou un recoin cachent un adversaire. De manière générale, tout au long de l’aventure, la disposition des monstres laisse à désirer et n’essaye aucunement d’avoir un semblant de logique.
On a l’impression que les développeurs se sont contentés de balancer le bestiaire n’importe comment, seulement pour amener de la difficulté. Un bestiaire tout de même limité au vu de la longueur de l’aventure et comptant dans ses rangs quelques immondices dispensables, parmi d’autres plus convaincants il est vrai, quand ils ne sont pas fortement inspirés par les démons de Doom, notamment. Le challenge est donc clairement au rendez-vous dans Wrath : Aeon of Ruin, mais pas toujours pour les bonnes raisons.
Ne serait ce qu’en facile et en normal vous risquez d’y laisser des os. Surtout que, malgré une jouabilité satisfaisante, notre protagoniste manque d’agilité et d’options défensives. L’absence d’un dash se fait cruellement resentir par moment. Ajoutez à cela quelques boss sacs à PV qui feront trépasser l’Outlander plus d’une fois et un système de sauvegarde sans concession. Ce sont les objets à dénicher qui seront finalement les outils défensifs. Confusion, boost de dégât, protection pare-balles, etc, il ne faudra pas s’en priver. Le studio a également opté pour deux méthodes de sauvegarde. La première passe par des sanctuaires à dénicher, en nombre très, très limité, et qui pourront également soigner.
La seconde option c’est la sauvegarde manuelle. Le hic, c’est que dans ces ténébreuses contrées, sauvegarder sa progression se mérite et n’est pas gratuit. En effet, il est impératif de récolter des items pour espérer sauver sa partie. Bien que leur nombre ne soit pas un problème, il faudra explorer les vastes maps infestées de centaines de bestioles démoniaques, comptez 40 minutes en moyenne pour voir le bout d’une seule zone, pour espérer reprendre à l’endroit souhaité. Inutile de préciser ce qu’il se passe lorsque la mort frappe après vingt minutes de jeu sans avoir enregistré sa progression.
Tripes et pixels
Heureusement, il est possible de sauvegarder à l’infini via les options, si jamais. Nous trouvons la mécanique à double tranchant. D’un côté nous sommes constamment sur nos gardes, appliqués et stratégiques, avec l’envie d’utiliser judicieusement nos sauvegardes, amenant alors une sensation d’insécurité bienvenue. Cependant, au vu des pièges, des sacs à PV, des monstres qui apparaissent à l’improviste ou qui sont capables de nous fusiller depuis une cinquantaine de mètres avant que l’on ait pu déceler leur présence, des portions de jeu peuvent rendre un peu fou.
Des moments nous faisant hurler à l’injustice, qui plus est lorsque la plateforme s’en mêle avec ses imprécisions. La fluidité et les bonnes sensations manette en mains ont le mérite d’aider à accepter ces soucis, il faut dire que le framerate n’a pas bronché lors de nos sessions. Killpixel n’a pas manqué de souligner les efforts entrepris sur ce point dans un post Steam, justifiant par la même occasion l’absence d’un mode multijoueur longtemps envisagé. Une décision que l’on comprend et accepte pleinement.
D’autant plus au vu de la maîtrise tout de même apparente dans le game design de Aeon of Ruin. En témoignent les beaux visuels rendant honneur au célèbre moteur créé par John Carmack, mais aussi le level design, crucial pour qui souhaite se montrer digne représentant du Fast FPS. Les niveaux sont grands, nous l’avons dit. Ils sont vastes, mais également bien agencé. L’apparente dimension labyrinthique qui peut initialement faire peur, sachant que nous ne possédons aucune carte des lieux, révèle en réalité un level design intelligent et organique.
Embranchements multiples, étages, sous-sols et parties aquatiques ou bien portes dérobées, raccourcis et autres murs à briser pour dévoiler un passage secret seront de la partie. Le soft n’oublie pas non plus de jouer sur la verticalité, bien que cet aspect soit finalement sous-exploité, ou maladroitement. Cependant, la maîtrise du studio, porté par ses folles ambition, se noie dans la grandeur des espaces arpentés. La quinzaine de niveaux traversés dans Wrath : Aeon of Ruin verra se succéder des moments franchement réussis, avec d’autres l’étant moins.
Aeon Nukem Forever
Souvent, c’est de la redite dans les décors et couloirs, d’autres fois c’est un côté « déjà vu ». Parce que oui, si vous avez tâté les grands noms du genre ou les quelques résurgences old school des dernières années, comme celles mentionnées au cours de ce test, vous aurez sans doute l’impression que le soft manque de personnalité, sur le fond et la forme. Même l’OST ne parvient pas à faire ressortir des musiques plus que d’autres, on se contente d’une nappe instrumentale pour poser l’ambiance.
Bien peu mémorable en comparaison des bandes-son d’un Doom ou d’un Duke Nukem. Dommage. Ce n’est pas faute de tenter de sortir du lot, que ce soit par sa liberté d’action ou le rythme moins frénétique qu’attendu et découlant de la superficie des zones de jeu. Ou encore dans sa diversité de lieux et de thématiques esthétiques. Dans Wrath : Aeon of Ruin, la noirceur des débuts laissera place à la chaleur de la lave, à la froideur de la neige puis à d’autres propositions architecturales s’éloignant un peu du style gothique omniprésent et de la colorimétrie sinistre. Les trois mondes proposés ne lésinent sur les moyens pas pour nous faire voir du pays.
Les boss ponctuant les fins de monde sauront eux aussi vous en faire voir de toutes les couleurs. Cela étant dit, quelques choix restes discutables tant ils semblent une fois de plus gonfler grossièrement la difficulté des situations. Le bestiaire influencé par les pionniers du Fast FPS renforce la sensation de parcourir un jeu faussement rafraîchissant. Pourtant, au vu du paysage vidéoludique actuel, précisément sur la scène FPS, Aeon of Ruin apporte un peu de sang frais, comme pouvait le faire un Prodeus juste avant lui, parmi d’autres.
Enfin, quelques mots sur le gameplay à la manette. Sans être une catastrophe, au contraire, et tout en étant logiquement moins précis et confortable que le combo clavier/souris, même pour un habitué de la manette, nous regrettons l’impossibilité de mapper soi-même ses touches ainsi que l’absence d’une roue pour sélectionner ses armes à la volée. En l’état, le switch s’effectue via la croix directionnelles ce qui, dans le feu de l’action, n’est franchement pas pratique du tout. Plusieurs fois nous nous sommes sentis handicapés, en mode difficile cela peut d’ailleurs devenir problématique, de surcroît avec les légères imprécisions de hitbox. A voir ce que donne Wrath : Aeon of Ruin sur console.
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