Bien qu’étant maintenant vieille de trente ans, la série des YS reste encore assez obscure pour nous autres joueurs occidentaux. La licence d’Action-RPG japonais n’a fait que très rarement le chemin vers l’Europe, et est souvent restée cantonnée aux consoles portables ainsi qu’à une traduction anglaise parfois rédhibitoire pour les néophytes. L’arrivée de ce huitième épisode, nommé Lacrimosa of Dana, vient bousculer tout cela en déboulant sur PlayStation 4 en plus de la version Vita, avec une sortie PC prévue dans quelques semaines. Une aubaine pour les fans mais surtout pour les nouveaux arrivants, qui peuvent profiter en bonus d’une localisation française, certes encore quelque peu maladroite, mais qui a le mérite d’exister. Ys VIII : Lacrimosa of Dana s’apprête donc à nous faire découvrir les pérégrinations du héros emblématique, Adol Christin, dans un jeu baigné du savoir-faire du studio Falcom.
Avant toute chose, il est important de préciser qu’il n’est absolument pas nécessaire d’avoir joué aux précédents opus de la série pour apprécier Lacrimosa of Dana. Si l’on retrouve toujours Adol dans le rôle du personnage principal, le scénario du jeu ne fait que de brèves allusions et clins d’œil à ses aventures passées, ce qui permet aux nouveaux venus de s’immerger pleinement dans l’aventure en elle-même.
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Nous retrouvons donc notre aventurier à la chevelure écarlate en tant que marin, à bord d’un bateau nommé le Lombardie, qui lui permet de s’offrir un voyage à faible coût avant de repartir explorer de nouvelles terres. Rempli de passagers en tout genre, le Lombardie va croiser la route de l’île déserte de Seiren, un endroit chargé de mystères et de légendes inquiétantes, qui malheureusement pour notre héros, vont s’avérer être vraies dans les premières minutes du jeu. En s’approchant un peu trop près de l’île en question, le bateau et Adol se retrouvent confrontés à une gigantesque créature marine qui réduit l’embarcation en miettes, ne laissant aucune chance aux passagers de s’échapper. Notre héros se réveille miraculeusement le matin suivant, échoué sur une plage de Seiren sans autre outil qu’une vieille épée émoussée. Fort heureusement, il n’est pas le seul à avoir survécu à l’attaque maritime, et c’est avec la volonté de retrouver tous les naufragés du bateau et de découvrir les mystères de cette île qu’Adol se lance dans une aventure qui va prendre des proportions bien plus importantes que prévu…
La particularité essentielle de cet épisode réside dans le fait que pour la première fois dans la série, Adol n’est pas le seul personnage principal. Il partage cette fois-ci l’affiche avec Dana, une jeune prêtresse en charge de veiller sur le colossal Arbre de Vie, protégeant le prospère royaume d’Eternia. Ainsi, si la première partie de cet épisode se concentre essentiellement sur le sort des naufragés et sur leurs conditions de survie, Ys VIII bascule dans un récit d’une plus grande dramaturgie dès la seconde moitié du jeu. Malheureusement, il faut bien avouer que malgré des efforts de narration, il est assez difficile d’être tenu en haleine par ce que l’on nous propose scénaristiquement parlant.
Pourtant, le pitch de départ est vraiment séduisant et suffisamment original pour avoir envie de découvrir la suite. A la recherche des passagers du Lombardie, Adol et les siens vont être confrontés à de nombreuses épreuves et énigmes qui vont rythmer leur vie de naufragés, avec en trame de fond la découverte de Seiren qui ajoute une dose de mystère véritablement sympathique. La partie concernant le personnage de Dana souffre en revanche d’un classicisme assez fréquent dans les JRPG. Cela n’empêche pas le joueur d’avoir envie de connaître le fin mot de l’histoire, mais il le fera sans doute sans aucune excitation. L’exploration de l’île finit donc par être le véritable moteur de la progression du jeu, plus que l’histoire qui nous est présentée.
L’île de tous les dangers
Justement, si le jeu ne déçoit pas, c’est bien grâce à cette énorme aire de jeu que représente Seiren. Très tôt dans l’aventure, Adol aura pour mission de cartographier les environs afin de sécuriser ses compagnons échoués. C’est donc tout naturellement qu’on prend plaisir à découvrir chaque zone et parcelle de l’île en question, qui est aussi agréable à visiter que dangereuse. Hormis les créatures qui y vivent et les abondantes ressources qui y poussent, la nature vous offrira de nombreux lieux et observatoires saisissants, en dépit d’une réalisation vraiment faible sur console. Il faut bien l’avouer, Ys VIII ne brille certainement pas par sa technique, et on sent clairement que le moteur du jeu ne rend pas justice à la direction artistique. Cela étant dit, la fluidité du jeu est au moins optimale puisqu’elle frôle les 60 fps, malgré quelques baisses de framerates sans grande importance ici et là.
Malgré ses tares visuelles, on se prend à contempler les paysages qu’offre cet épisode en découvrant notamment des points d’intérêt souvent agréables à voir. On se prend facilement au jeu et l’exploration complète de l’île s’effectue sans s’en rendre compte, d’autant plus qu’aucune séance de level-up ne sera nécessaire pour progresser. Bien entendu, certaines zones s’ouvriront petit à petit, parfois bloquées par des énormes pierres ou par un glissement de terrain. C’est seulement en retrouvant tous les passagers du Lombardie et en sollicitant leur aide pour déblayer le passage que vous pourrez accéder à plusieurs endroits et donjons. Notez que les divers donjons seront progressivement ouverts durant la nuit, révélant de nouveaux paysages et de nouveaux objets, le tout dans un environnement paisible dans lequel il faudra prendre garde à ne pas réveiller les créatures endormies…
Pour ne rien entraver à votre aventure, il est possible de vous téléporter grâce aux nombreux cristaux qui pullulent sur l’île, et ce à n’importe quel moment et de n’importe quel endroit. Une facilité de voyage qui est un véritable soulagement et participe grandement à la simplicité de l’exploration, ce qui plaira à tous ceux qui n’aiment pas les allers-retours souvent présents dans ce type de jeu. Cerise sur le gâteau, ces voyages instantanés ne sont pas encombrés de temps de chargement, puisqu’il faudra seulement compter deux à trois secondes avant d’arriver dans la zone souhaitée. On peut clairement dire que tout est mis en œuvre pour qu’aucun élément de l’exploration ne soit rébarbatif, et ce jusqu’au système de sauvegarde, lui aussi disponible à n’importe quel moment.
Le seul point parfois contraignant serait celui des outils d’aventures, qui permettent de s’accrocher aux lianes ou encore de marcher à travers la boue. Au début de l’aventure, Adol n’a la possibilité de s’équiper que d’un seul de ces objets, obligeant le joueur à rouvrir le menu assez fréquemment selon les obstacles qui lui font face. Heureusement, il est possible de débloquer des slots pour s’équiper de plusieurs outils à la fois, mais cette restriction n’est pas des plus judicieuses. Notez que pour parvenir à bout de l’exploration complète de l’île, il faudra compter une quarantaine d’heures environ, un peu moins en étant pressé et plutôt cinquante heures si vous voulez venir à bout de toutes les quêtes. Par ailleurs, prenez garde à bien effectuer ces dernières lorsqu’elles vous sont demandées, car elles finiront par disparaître selon l’avancement du scénario. Il serait dommage de les manquer, surtout qu’elles sont essentielles pour découvrir la véritable fin du jeu.
Explosif mais subtil
Ys VIII est donc avant tout un jeu basé sur l’exploration, mais la frénésie des combats et de l’action joue un rôle vital dans le fonctionnement de cet épisode. Comme précisé auparavant, la licence repose sur un gameplay orienté Action-RPG, et ce huitième opus met en place des affrontements rapides sans aucune coupure et temps de chargement. Adol et ses compagnons peuvent donc attaquer leurs ennemis librement, avec une fluidité de mouvement très appréciable qui participe à rendre les joutes accrocheuses, avec une cadence nerveuse qui ne faiblit jamais. Les musiques qui composent le jeu participent à cette dynamique, et les morceaux pêchus qui rythment le jeu et les combats feront hocher la tête et fredonner plus d’un joueur.
Hormis un simple bouton d’attaque, il vous sera donc possible de sauter, d’esquiver et de parer les coups de vos adversaires très simplement, même si ce système comporte plusieurs particularités. La première, c’est la possibilité d’affubler vos personnages de quatre compétences offensives, pouvant être activées via un raccourci et limitées par une jauge d’action. Pour remplir cette dernière, il vous suffira simplement d’attaquer vos opposants, pour ensuite pouvoir déchaîner vos compétences spéciales qui vous seront essentielles pour votre survie. En cas de dernier recours ou face à un ennemi plus coriace, une attaque ultime sera à votre disposition, histoire de faire un peu le ménage autour de vous. Tout ceci contribue à rendre les combats véritablement prenants et passionnants, parfois même dantesques lorsqu’il est question de boss à la taille démesurée ou encore d’ennemis à la vitesse complètement folle.
Si tout cela paraît assez bourrin au premier abord, le système de combat révèle quelques subtilités sur lesquelles on ne peut passer outre. Tout d’abord, il faut noter qu’il n’existe pas de garde active. Se faisant, pour pouvoir échapper au courroux de vos ennemis, il va vous falloir faire preuve d’un sens du timing très précis, en appuyant au bon moment sur l’une des deux tranches de la manette. Avec R1, vous pourrez donc effectuer une parade éclair, qui vous permettra non seulement d’annuler l’attaque de votre adversaire, mais aussi de bénéficier pendant un court laps de temps d’un bonus de dégâts critiques, très utile contre les ennemis esseulés ou les boss. La tranche L1 vous donnera l’occasion d‘effectuer une esquive bien souvent salvatrice, ralentissant les créatures aux alentours et accélérant la vitesse de vos coups.
L’importance d’une bonne entente
En plus de cela, le choix de votre équipe est aussi un détail qu’il ne faut pas négliger. Chaque personnage possède une affinité ou plutôt un type d’attaque qui sera particulièrement efficace contre certains ennemis. Au nombre de trois, ces dernières permettent de construire un groupe équilibré avec lequel vous pourrez faire face à n’importe quelles créatures, puisque vous pouvez switcher entre vos trois personnages à la volée d’une simple pression de touche. A titre d’exemple, Adol est un personnage plutôt polyvalent mais qui se trouve être particulièrement puissant contre les ennemis mous et visqueux, Laksha sera diablement efficace contre les créatures volantes, tandis que Sahad écrasera les monstres à carapaces avec son marteau de fortune.
Choisir le bon personnage contre le bon type d’ennemi paraît vital, d’autant plus que ces derniers pourront être assommés au fur et à mesure des coups reçus, ce qui vous donnera un précieux avantage sur le combat et l’occasion de lui asséner vos techniques les plus puissantes. Finalement, foncer dans le tas sans réfléchir semble donc être une solution peu envisageable, et il faudra privilégier vos réflexes et la stratégie avant tout.
Durant divers moments clés, le jeu vous offrira la possibilité de contrôler Dana, seule, qui devra elle aussi faire face à de nombreuses épreuves. Malgré une histoire personnelle assez peu intéressante, il faut bien avouer que manette en main, Dana est un véritable plaisir à contrôler. Bien plus rapide que les autres membres de l’équipe, elle possède aussi trois styles différents qui modifient son apparence et ses attaques, permettant de faire face à toutes les situations malgré le fait qu’elle soit seule. Hormis son style traditionnel, vous pourrez donc revêtir le pouvoir Gratika, bien plus lent mais dévastateur, ou encore s’équiper du Luminous, terriblement rapide et léger. Grâce au confort du gameplay, ces phases ont l’avantage de ne jamais être ennuyantes, et on s’attache finalement plutôt rapidement au personnage de Dana, bien plus loquace que notre héros aux cheveux rouges.
Les Robinsons contre-attaquent
Mais avant de faire danser votre épée partout sur l’île ou de découvrir l’histoire de la belle prêtresse, la construction d’un habitat va s’avérer être primordial, et c’est très rapidement que les naufragés vont mettre en place un petit village qui vous servira de HUB central. Dans ce paisible campement, il vous sera alors possible de vous reposer, d’effectuer des quêtes annexes ou d’obtenir les objets nécessaires à votre progression. En sauvant les divers personnages disséminés sur l’île, votre camp va vite s’agrandir et proposer plus de services. On passera outre les incohérences et les facilités scénaristiques pour jouir d’un véritable QG central, dans lequel vous vous sentirez comme à la maison durant toute l’aventure. On se réjouit de voir que chaque habitant a sa propre histoire et son caractère unique, si bien qu’on finit par s’attacher à certains de ces personnages pourtant bien secondaires.
Comme dans n’importe quel village traditionnel de RPG et pour votre survie avant tout, il vous faudra l’aide de plusieurs habitants essentiels comme un forgeron, un médecin ou encore un marchand. Le problème avec ce dernier, c’est que la monnaie ne sera d’aucune utilité sur une île vide de toute trace humaine comme Seiren, et c’est seulement grâce au troc et à la récolte que le commerce s’effectue. Il faudra donc bien penser à ramasser tout ce que vous trouvez dans la nature afin de vous rendre la vie plus facile, surtout lorsqu’il est question de nourriture, car aucune magie ne viendra restaurer votre santé. C’est seulement en ayant le ventre repu que vos combattants se tiendront debout lors des combats, malgré l’existence de potions en nombre très limité. Ces dernières peuvent être acquises en remplissant les très rares fioles vides en votre possession, et ce après chaque utilisation. L’économie du soin sera donc essentielle, il faut prendre garde à ne pas prendre trop de dégâts.
Car même au sein du village, on est loin d’être dans une sinécure, puisque des hordes de monstres menaceront bien souvent la tranquillité des habitants. Pour les repousser, le jeu met en place un système de tower-defense, très simpliste à l’image d’un Musou pour les connaisseurs, dans lequel vous devrez repousser les vagues d’ennemis avant qu’ils ne saccagent la barrière du village. En plus de vos personnages jouables, vous bénéficierez du support de tous les habitants, qui vous octroieront divers bonus et soins indispensables à votre victoire. Votre quête sera donc plusieurs fois interrompue afin de repousser les attaques qui menacent vos compagnons, même si elles restent souvent optionnelles.
De même, plutôt que de subir l’oppression des créatures, il vous sera possible de lancer des opérations de conquêtes afin de capturer certaines zones de l’île. Là encore, ces opérations s’articulent autour d’un style tower-defense, mais bien plus rapide puisque c’est à vous de détruire les bases ennemies, et ce dans un temps imparti. Ces phases rajoutent un petit piment à l’aventure, voire même une tension bienvenue, dans lesquelles votre rapidité d’action et de réflexe sera sollicitée à chaque instant.
Orchestre maîtrisé mais traduction brouillonne
Nous en avons déjà parlé plus tôt, mais il est important de revenir sur la localisation et sur l’ambiance sonore du titre. Pour être tout à fait honnête, il est possible que la gestion des pistes musicales puisse en déranger certains durant l’exploration, car elles sont bien souvent très rythmées, avec des riffs de guitares qui s’envolent littéralement. C’est une affaire de goût, mais au-delà de ça, nous sommes en face d’une BO magistralement composée, qui même si elle peut parfois se répéter, nous offre des morceaux de bravoure tout simplement grandioses, comme celui qui rythme l’opening du jeu.
Concernant la traduction française, même si l’on peut se réjouir d’en avoir une, elle n’est pas exempte de défauts. Des problèmes d’accord et de sujet viennent parfois piquer les yeux, et la police des textes a parfois du mal à tenir dans le cadre qui lui est accordé. Rien de bien méchant en soi, et on peut louer la volonté de traduire entièrement les textes jeu, surtout avec la possibilité de mettre les voix japonaises, mais il y a encore des efforts à faire.
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